Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous voici réunis pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». Comme chaque année, il nous faut répondre à de grandes attentes dans nos territoires, à la hauteur des enjeux auxquels ils font face.
Avec 2, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2, 4 milliards d’euros en crédits de paiement, c’est un budget équilibré qui nous est présenté par le Gouvernement.
Il faut le rappeler, le budget total alloué aux outre-mer, à la hausse en 2020, s’élève, tous ministères confondus, à 26, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 26 milliards d’euros en crédits de paiement.
Dans le détail, la mission « Outre-mer » bénéficie d’un budget résolument tourné vers l’emploi, car elle favorise la formation professionnelle et l’apprentissage et prolonge les engagements en matière de développement économique : exonérations de charges sociales, renforcement des zones franches d’activité, aides à la création d’entreprise.
Vous le savez, madame la ministre, le Sénat s’est fortement engagé depuis un an aux côtés des socioprofessionnels dans la réforme des exonérations de cotisations sociales. Dans le PLFSS 2020, nous avons, là encore, modifié les paramètres du dispositif.
Pour autant, nous devons reconnaître l’effort consenti par le Gouvernement, estimé à 36 millions d’euros, dans la clause de revoyure. De même, chers collègues, reconnaissons, chiffres du chômage à l’appui, l’intérêt d’une telle mesure pour nos territoires et nos entreprises.
On ne le dit peut-être pas suffisamment, mais, dans les secteurs renforcés, zéro charge jusqu’à deux SMIC, c’est en définitive 80 % des salaires qui seront entièrement exonérés de charges patronales.
Certains souhaiteraient que le dispositif permette le retour au pays de nos jeunes diplômés. Il peut y contribuer. Cependant, ne perdons pas de vue notre priorité commune : lutter contre le chômage.
En ce domaine, la tendance à la baisse qui se poursuit en 2019, sauf à Mayotte, semble nous dire que nous sommes sur la bonne voie. En Guyane, de 22 % en 2017, le taux de chômage est passé à 19 % un an plus tard.
Évidemment, personne ici ne peut s’en satisfaire. Nous pouvons et nous devons faire mieux.
Dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (Cnépéom), la députée Cécile Rilhac et moi-même avons remis un rapport d’évaluation sur la formation continue. Je veux insister sur l’une de ses recommandations : lutter contre l’illettrisme. Il s’agit désormais d’une priorité absolue, tant pour les jeunes que pour les adultes ; c’est une condition nécessaire à l’insertion économique et sociale. Nous devons nous y engager pleinement.
En cette matière, le SMA joue déjà un rôle fondamental. Aussi, l’on ne peut que se réjouir de voir l’encadrement développé pour améliorer et individualiser le suivi des stagiaires. Ainsi, 127 ETP supplémentaires seront recrutés durant le quinquennat, dont 35 en 2020. Là encore, nous préconisons un renforcement du SMA, au travers d’un meilleur accompagnement des jeunes filles et d’une coopération accrue avec les acteurs de la mobilité.
Plus globalement, madame la ministre, j’attire votre attention sur la nécessité d’évaluer les politiques publiques que nous déployons outre-mer, en particulier dans le domaine de l’emploi. La Cnépéom a le mérite d’exister, mais nous savons tous ici que les moyens dont elle dispose restent limités.
Ce budget comporte également le programme 123, « Conditions de vie outre-mer ». Je le dis sans détour : la loi pour l’égalité réelle outre-mer, qui avait éveillé de grands espoirs, a suscité de grandes déceptions au regard de l’objectif. Elle n’a fait que poser le juste constat d’un écart de développement particulièrement important entre l’Hexagone et l’outre-mer, sur la base de nombreux indicateurs, comme le PIB par habitant ou l’indice de développement humain.
Cette déception n’est d’ailleurs pas étrangère aux mouvements sociaux qui ont secoué certains de nos territoires ces deux dernières années. En Guyane, les manifestants, scandant tous en cœur : « la fusée décolle, mais la Guyane reste au sol », ont voulu faire savoir à l’État, mais aussi à toute la France qu’il ne pouvait y avoir sur un même territoire opulence et puissance, d’un côté, sentiment d’abandon et de soumission, de l’autre.
Pour ces raisons, un soutien fort et déterminé de l’État est indispensable aux collectivités territoriales d’outre-mer.
Les contrats de convergence et de transformation signés au mois de juillet dernier, dont les crédits augmentent de 5 %, joueront à leur mesure leur rôle.
Le FEI, qui est préservé à 110 millions d’euros, y contribue également en restant au service de projets du quotidien : un complexe aquatique, un stade, une opération d’assainissement ou d’électrification.
Soutenir les territoires, c’est aussi mieux accompagner nos collectivités territoriales. Il faut le dire, en révisant les critères de péréquation, ce budget reconnaît pour la première fois l’iniquité de traitement entre les collectivités locales d’outre-mer et celles de l’Hexagone. Cela se traduira à terme par une augmentation de 85 millions d’euros en faveur des outre-mer d’ici à cinq ans.
Dans le prolongement, il conviendra de tirer les enseignements de la mission de nos collègues Georges Patient et Jean-René Cazeneuve sur les finances locales.
En outre, dans le même esprit, notre groupe sera naturellement favorable à l’amendement de coordination du Gouvernement tendant à rétablir le prélèvement sur recettes relatif à la compensation des recettes d’octroi de mer au profit de la collectivité territoriale de Guyane. Il s’agit là d’une mesure indispensable à la bonne conduite des finances de la collectivité.
La question du logement méritera par ailleurs une attention toute particulière. En dépit de besoins criants, les crédits alloués sont malheureusement en baisse chaque année depuis 2014. Si nous convenons tous de leur insuffisance, ils restent fondés sur les capacités d’engagement constatées dans les territoires ces deux dernières années.
Cela étant dit, notre priorité est d’inverser la tendance.
À cet égard, le rétablissement de l’aide à l’accession à la propriété et à la rénovation de l’habitat est un signal positif. De même, avec 18 millions d’euros supplémentaires en 2020, les crédits des sociétés immobilières d’outre-mer (Sidom) sont au rendez-vous. C’est une bonne chose.
Pour rappel, l’État s’est engagé, à l’issue de la conférence du logement outre-mer, à maintenir les autorisations d’engagement de la ligne budgétaire unique au-delà de 200 millions d’euros annuels en 2020, 2021 et 2022. En parallèle, plusieurs actions de soutien à l’ingénierie seront mises en place dès 2020 pour répondre à la sous-consommation des crédits.
Une plateforme d’appui aux collectivités devrait d’abord voir le jour en Guyane. Des crédits de la ligne budgétaire unique seront aussi destinés à l’aide au montage de projets. Enfin, l’Agence française de développement (AFD) continuera sa mission d’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage à Mayotte et à Saint-Martin.
Bien entendu, cela ne suffira pas. En matière de logement, de nombreuses opérations ont pris du retard, trop de retard. Face à ces urgences, il faudra que chacun assume ses responsabilités. Cela concerne, certes, l’État, mais aussi, comme toujours, les élus locaux.
Vous l’aurez compris, notre groupe votera ces crédits, en conscience, et animé de l’exigence que nous fassions toujours plus pour nos territoires et nos concitoyens.