Intervention de Gérard Poadja

Réunion du 5 décembre 2019 à 10h30
Loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Photo de Gérard PoadjaGérard Poadja :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail des rapporteurs sur cette mission. Je pense en particulier à mes collègues centristes Nassimah Dindar et Nuihau Laurey.

L’examen des crédits de la mission « Outre-mer » est un rendez-vous annuel qui nous permet à nous, parlementaires ultramarins, de nous prononcer sur la concrétisation budgétaire des engagements politiques du Gouvernement dans les outre-mer, à commencer par le Livre bleu des outre-mer et la Trajectoire 5.0. Il permet aussi d’actionner les leviers financiers et fiscaux pour faire face à des problèmes conjoncturels.

Nous en avons tous conscience, l’effort de l’État pour les outre-mer ne se réduit pas à cette mission, qui ne représente en réalité que 10 % de l’effort total de l’État.

Ce qui m’interpelle dans le budget des outre-mer, ce n’est pas tant le montant total des crédits budgétaires ; ce sont les contours des dispositifs fiscaux, des aides directes et des subventions économiques, sociales, d’équipements que ces crédits permettent de financer.

Ces dispositifs sont-ils toujours adaptés aux besoins de chacun de nos territoires ? Fonctionnent-ils ? Pour le service militaire adapté, je réponds « oui », et je salue le recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 en 2020, ainsi que la création d’une nouvelle compagnie à Bourail en Nouvelle-Calédonie. C’est un dispositif essentiel pour l’intégration de nos jeunes en décrochage scolaire et pour notre territoire en général.

Je salue également l’augmentation de 10 millions d’euros de la dotation relative au prêt de développement outre-mer, afin de l’étendre aux entreprises situées dans les collectivités du Pacifique.

En dépit de ces efforts budgétaires, ce sont les règles de fonctionnement des dispositifs qu’il faut revoir, afin de les rendre plus efficaces pour nos populations, nos entreprises et nos territoires.

Avec mes collègues, j’ai déposé plusieurs amendements visant à revoir certains dispositifs pour les rendre opérationnels.

Dans un contexte économique fortement dégradé, les aides et les dépenses fiscales pour les entreprises ultramarines sont indispensables. Or, non seulement leur montant a diminué sensiblement, mais les différences de régimes entre les territoires, les doctrines sévères des services fiscaux dans l’interprétation des règles et la longueur des procédures d’agrément découragent les investisseurs.

J’ai donc déposé un amendement sur les articles non rattachés afin que vous puissiez déléguer votre avis au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, madame la ministre

En effet, il faut plus de deux ans aujourd’hui pour que vos services et ceux de Bercy instruisent un dossier d’investissement défiscalisé dans le Pacifique, contre quelques mois dans les DOM. C’est décourageant, aussi bien pour les acteurs du développement économique que pour les entreprises.

Les investisseurs ne vont plus en Calédonie. La défiscalisation est au point mort, même si quelques grosses opérations, comme l’achat en 2017 de quatre avions Airbus par Aircalin, permettent d’afficher un niveau élevé de défiscalisation. Les délais de traitement des dossiers par votre administration ne suivent pas. Il faut y remédier !

De même, il faut compenser la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) en France par un crédit d’impôt, comme cela existe dans les DOM, pour ne pas plomber l’intérêt des entreprises métropolitaines à investir dans les entreprises des territoires du Pacifique, fiscalement autonomes.

Vous le savez, avec l’incertitude sur l’avenir institutionnel de notre archipel, les investisseurs se font rares. Les banques ne prêtent pas, les acteurs économiques n’investissent pas et mettent leurs économies à l’abri. Alors, si vous ne les encouragez pas, que reste-t-il ?

Il y a une vraie réflexion à mener par votre ministère et par Bercy sur ce sujet, afin de rendre claires, lisibles et stables les aides fiscales pour tous les outre-mer.

Pour les aides aux ménages, ce qui est en question, ce n’est pas l’enveloppe budgétaire globale ; ce sont les conditions d’attribution, et notamment les plafonds des revenus, qui ne sont pas adaptés à la vie chère sur certains territoires comme la Calédonie.

Cette année, 600 étudiants étaient exclus des bourses sur critères sociaux, donc de la prise en charge à 100 % d’un billet d’avion pour leurs études, alors que leurs familles n’ont qu’un faible reste à vivre. L’incidence budgétaire d’une telle évolution sera minime, mais cela va changer la vie des étudiants.

À l’Assemblée nationale, vous avez d’ailleurs assoupli les conditions pour bénéficier de la continuité funéraire et élargi la continuité territoriale à la mobilité au sein d’un même bassin géographique. Cela va dans le bon sens, celui de l’écoute des besoins des Ultramarins. Mais pourquoi ne pas commencer par appliquer la continuité territoriale aux liaisons inter-îles dans les archipels ? Pourquoi la restreindre à la mobilité régionale pour la formation professionnelle ? C’est ce que je propose dans l’amendement que j’ai déposé sur ce volet de la mission, pour répondre à une attente forte des habitants.

En dehors des contours de dispositifs à améliorer, il y a enfin les zones grises qui demeurent quand on parle des outre-mer, notamment des collectivités à statut particulier.

Les collectivités du Pacifique sont exclues à tort de certains dispositifs : des dispositifs fiscaux, mais aussi des fonds, comme le fonds vert ou le fonds de prévention des risques naturels. C’est le sens de deux amendements que je défendrai également.

Madame la ministre, j’espère que vous saurez entendre les appels pour les outre-mer que je formule aujourd’hui à l’occasion de l’examen des crédits de cette mission. Je vous remercie du soutien que vous apporterez à nos territoires.

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