Madame la ministre, eu égard à la mission de coordination et d’impulsion de votre ministère, il m’importe de souligner que les chiffres de cette mission, largement commentés et interprétés, traduisent en réalité une trajectoire de politique publique qui s’inscrit au-delà de ce seul cadre budgétaire.
Permettez-moi donc de m’y attarder pour dire d’emblée que mon impatience de voir les outre-mer entrer dans le cercle vertueux du développement et sortir de l’ornière du « mal-développement » est toujours aussi grande : elle ne faiblit pas. Nous devons prendre garde à ne pas nous habituer à des difficultés qui, année après année, changent plus de degré que de nature. Année après année en effet, les outre-mer pâtissent des ajustements des gouvernements successifs, générant une instabilité structurelle du cadre économique et fiscal. C’est le cas de la fiscalité de l’emploi, dont les seuils ont déjà été trop souvent révisés et, surtout, recentrés.
De fait, regardés isolément, les seuils d’exonération nouvellement établis correspondent bien à la répartition salariale des marchés ultramarins. Toutefois, mis en perspective, ils augurent des économies organisées essentiellement autour d’une ressource humaine peu qualifiée. Or le développement suppose de l’encadrement, donc des compétences ; concentrer les allégements sur les bas salaires revient en somme à faire intégralement supporter le coût de la qualification aux entreprises.
J’ai déjà eu l’occasion de vous alerter sur les économies d’aujourd’hui qui font les dépenses de demain. Il me semble qu’il est grand temps de mettre en place, non pas seulement un budget, mais une réelle politique publique impliquant tous les acteurs, nationaux et locaux, donnant réellement aux outre-mer les moyens de leur développement. Ce doit être une exigence soutenue, une ambition partagée et une concrétisation déclinée pour chacun des territoires.
Bien sûr, on peut noter avec satisfaction les plans de convergences et les investissements en infrastructures qu’ils apporteront dans les collectivités. Ils sont des conditions nécessaires, mais non suffisantes du développement. Peut-être me répondrez-vous par le fameux « réflexe outre-mer » que vous prônez. Permettez-moi de lui préférer la « culture des outre-mer », parce qu’il s’agit non pas seulement d’avoir le réflexe, mais plutôt de construire et de nourrir une relation qui s’inscrive dans le long terme. L’État ne devrait avoir besoin de rappel, qu’il soit extérieur ou systématique, pour penser aux outre-mer, ceux-ci devraient faire partie évidente de chacune des politiques publiques, comme ils sont partie intégrante de la République. Scientifiquement, le réflexe est une réaction automatique à un stimulus. L’emploi du terme « réflexe » signe bien l’aveu – au XXIe siècle ! – de l’absence d’une culture des outre-mer.
Du reste, quelles sont réellement les réactions dans les autres ministères ? Avant-hier soir encore, mes collègues débattaient en séance de la place de l’Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer (Odéadom) et de la politique agricole dans les outre-mer… Bref, j’aurais sincèrement aimé quitter la Haute Assemblée sur le constat heureux que ce prérequis, revendiqué depuis trop longtemps, fût, à tout le moins, dépassé. Il y va du devenir de ces onze territoires et des attentes légitimes de leurs populations. Une réponse à leur incompréhension face aux retards et leur sentiment d’être parfois secondairement considérés doit être apportée. Il est temps !
Je ne peux davantage taire mon impatience alors qu’en 2019 l’État semble seulement prendre conscience des besoins en ingénierie dans les outre-mer, notamment pour l’élaboration des dossiers de financement du logement. Nous en revenons à mon propos précédent sur le financement des emplois qualifiés…
J’aime à citer cet extrait d’une intervention du général de Gaulle…