Intervention de Annick Girardin

Réunion du 5 décembre 2019 à 10h30
Loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Annick Girardin :

Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions et vos amendements soulignent vos principales préoccupations pour l’année à venir. Je pense que nos orientations répondent à vos préoccupations, nous aurons l’occasion d’en parler lors de la discussion des amendements.

Ce projet de budget nous donne la capacité de faire encore mieux dans chacun des domaines prioritaires que sont l’emploi, la mobilité, le logement, l’éducation, les infrastructures de base. Je serai amenée à l’expliciter.

Le ministère des outre-mer disposera en 2020, à périmètre constant, hors exonérations de charges, de 2, 6 milliards d’euros en AE et de 2, 5 milliards d’euros en CP. Madame Benbassa, je vous rappelle qu’en 2019 le budget des outre-mer a augmenté de 20 % ; nous maintenons cet effort. C’est un engagement du Président de la République.

Je tiens à dire ici, comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale : ne nous faites pas de faux procès ! Ne me dites pas que je suis hors-sol sur les problématiques des outre-mer. C’est faux ! Je ne suis pas dans l’observation, je suis dans l’action.

Monsieur Lurel, si vous n’utilisez pas les chiffres de 2019 et de 2020 – je répète que le budget a bien augmenté de 20 % l’an dernier et nous continuons dans cette voie -, c’est peut-être parce que ces chiffres ne viennent pas étayer votre discours, quand bien même nous pouvons nous rejoindre sur plusieurs points.

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République, le 8 juillet 2019, rue Oudinot – vous étiez nombreux à être présents –, le ministère des outre-mer conserve l’intégralité de ses moyens d’action en AE, pour concrétiser le Livre bleu des outre-mer, mais aussi enclencher la Trajectoire 5.0. Le document de politique transversale témoigne également, vous l’avez dit, d’une préservation de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer, soit 22 milliards d’euros au total, auxquels il convient d’ajouter une dépense fiscale de 4, 5 millions d’euros.

Madame Conconne, la baisse que connaît le programme 123 traduit un choix du Gouvernement opéré en accord avec le gouvernement polynésien, puisque 90 millions d’euros de dotation à la Polynésie française passent désormais par un autre dispositif budgétaire, pour devenir un prélèvement sur recettes et garantir une somme constante à la Polynésie. C’est le souhait qui a été formulé et que j’ai mis en œuvre.

Le document de politique transversale montre que l’effort à l’égard des outre-mer est maintenu. Plutôt que de parler d’effort, nous pourrions très certainement nous mettre d’accord pour parler d’investissement et affirmer que l’investissement de l’État en outre-mer est de 22 milliards d’euros.

Par ailleurs, les outre-mer bénéficient de 25 % des fonds structurels européens, soit 7 milliards d’euros, en prenant en compte le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Poséi).

Nous avons donc des moyens. Nous avons également des projets, puisque nous engageons les crédits. Reste à se donner les moyens, collectivement, de concrétiser pleinement nos opérations dans les territoires. Les citoyens ne veulent pas entendre parler de projets, ils veulent en voir les réalisations – et cela se comprend ! Nous devons, ensemble, être bien plus efficients. Les citoyens nous demandent d’être plus performants : il nous faut l’être !

Oui, les crédits de paiement sont en baisse de 100 millions d’euros – 34 millions d’euros sont liés aux prévisions de l’Acoss sur les exonérations de charges, madame Malet.

Cependant, il n’y a aucun problème de disponibilité de crédits. C’est même l’inverse. L’État paie bien, même beaucoup plus vite que dans le passé : les retards de paiement se chiffraient alors parfois à 40 millions d’euros. L’an dernier, à la fin de l’exercice, seuls 20 millions d’euros n’avaient pas été payés.

Pour concrétiser nos projets, nous devons surtout apporter un certain nombre de réponses sur le terrain. C’est la raison d’être des plateformes mises en place à Mayotte et en Guyane : neuf cadres supplémentaires viendront ainsi renforcer l’ingénierie locale au service des territoires. Je ne dis pas que les compétences n’existent pas localement, mais elles ne sont pas mises à la disposition des collectivités.

C’est pourquoi j’ai souhaité que les crédits de soutien de l’Agence française de développement passent de 3 à 7 millions d’euros : les collectivités pourront ainsi s’appuyer sur des compétences d’ingénierie supplémentaires pour mener à bien leurs projets.

Je félicite le sénateur Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve pour leur travail et je salue la belle unanimité du Sénat sur ce point. Le travail parlementaire a permis d’enrichir le dispositif proposé par le Gouvernement, en intégrant Mayotte au mode de calcul et en adaptant les critères de répartition pour prendre en compte les charges de centralité de l’enjeu scolaire ainsi que les poches de pauvreté. La solidarité nationale abondera ainsi dès 2020 de 18, 7 millions d’euros les budgets locaux pour que les collectivités soient mieux accompagnées.

On doit aussi réfléchir au meilleur moyen de parvenir, conformément à la volonté du Président de la République, à une péréquation intercommunale, qui devrait atteindre 85 millions d’euros en 2024.

Certes, on peut juger que cette reconnaissance est tardive, mais elle arrive enfin, et c’est grâce à ce gouvernement. Encore une fois, je tiens à remercier les parlementaires qui travaillent sur ce sujet.

Oui, monsieur Lurel, j’ai l’habitude de reconnaître les difficultés qui peuvent se poser, et l’État a en effet sa part de responsabilité dans la sous-consommation des crédits de paiement outre-mer. Nous devons être au rendez-vous !

J’étais en Guyane la semaine dernière. Dès mon arrivée, j’ai tenu à réunir l’ensemble des chefs de service du territoire pour leur adresser un message clair : l’État doit accompagner les projets, et non les censurer. Informer les collectivités et les porteurs de projets, les aider à trouver les financements, c’est le rôle de l’État, et il doit le faire encore mieux qu’aujourd’hui.

Madame Malet, vous avez raison, j’ai demandé qu’une mission se penche sur la sous-consommation des crédits de paiement au ministère des outre-mer et je veux associer les parlementaires à cette mission. Nous nous rencontrerons dans les jours qui viennent pour aborder tous ces sujets.

L’année 2020 sera le premier exercice plein de mise en œuvre des contrats de convergence et de transformation signés avec sept ministres, le Premier ministre et le Président de la République au mois de juillet dernier. L’enveloppe consacrée à ces contrats est en augmentation de 7 %, ce qui témoigne d’une priorité accordée aux projets des territoires.

Au-delà de cet appui aux territoires, mes priorités structurantes et celles de mon ministère pour 2020 restent l’emploi et le quotidien des Ultramarins, avec un accent particulier sur la mobilité et le logement.

L’emploi, c’est le « zéro exclusion » de la Trajectoire 5.0, c’est la dignité des citoyens, le véritable levier pour lutter contre la vie chère. Nous sommes d’accord sur ce point, monsieur Magras.

Nous avons profondément réformé le dispositif d’exonération des cotisations sociales en 2019. Nous sommes allés encore plus loin cette année, en votant la clause de revoyure, comme je m’y étais engagée au Sénat. Ce sont 38 millions d’euros supplémentaires qui permettront d’exonérer totalement jusqu’à 2 SMIC les salaires des secteurs prioritaires pour nos territoires – tourisme, agrotransformation, innovation… Aujourd’hui, 80 % des salaires sont totalement exonérés de charges patronales dans les territoires d’outre-mer.

Cela s’ajoute à la prolongation de la défiscalisation jusqu’en 2025 – je le rappelle à M. Poadja –, à la création de zones franches d’activités de nouvelle génération, qui bénéficieront d’abattements d’impôt sur les sociétés (IS) renforcés, au déploiement d’outils d’aide au financement des entreprises – amélioration du dispositif Avance +, élargissement du prêt de développement outre-mer avec Bpifrance, soutien au microcrédit – et à l’augmentation des crédits de l’aide au fret.

Nous nous sommes engagés dans le processus de renotification à Bruxelles des différentiels d’octroi de mer. Je crois en effet au développement de filières de production locales, et nous devons les soutenir.

Aujourd’hui, une entreprise qui s’installe outre-mer bénéficie des meilleures conditions pour naître, grandir, investir et embaucher en France. Il ne suffit pas de faire des annonces et de mettre les outils à la disposition des entreprises ; il faut également créer une dynamique plus forte dans les territoires, avec l’aide des collectivités.

Ces efforts conjugués commencent à payer. Sur douze mois, 11 400 emplois ont été créés dans les DOM, soit une croissance de 3, 5 %. Dans le même temps, on constate une baisse significative de 2, 3 % du nombre de chômeurs outre-mer, soit 8 158 demandeurs d’emploi de moins, le niveau le plus bas atteint depuis le mois de février 2014. Bien sûr, rien n’est gagné, mais la tendance semble bonne, et il faut prolonger ensemble cet élan, notamment en tenant des discours plus positifs.

Monsieur Poadja, vous avez évoqué vos craintes sur la baisse de l’IS. Mon collègue Gérald Darmanin a pris l’engagement de rouvrir ce dossier dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 si le Gouvernement constate une baisse des investissements.

L’insertion, c’est aussi le service militaire adapté (SMA), avec un renforcement considérable de l’encadrement pour améliorer et individualiser le suivi des stagiaires. Nous créerons 127 équivalents temps plein sur le quinquennat, 35 en 2020, principalement destinés à la nouvelle compagnie qui va s’installer en Nouvelle-Calédonie, à Bourail, conformément à l’annonce du Premier ministre.

À la suite des rencontres que j’ai faites avant-hier, lors des Assises de l’économie de la mer, à Montpellier, je souhaite également mener une réflexion sur la « maritimisation » des formations du SMA. Les entreprises du secteur maritime ont besoin de main-d’œuvre formée – je pense à l’entreprise Zéphyr & Borée, qui, à compter de 2022, transportera les éléments de la fusée Ariane au moyen d’un navire hybride à voiles et à moteur. Ils ont besoin de quarante jeunes guyanais. Les jeunes sont au rendez-vous, mais il faut que nous puissions les former. Le SMA doit aussi relever ce défi, en plus de faire venir des jeunes en métropole pour les former. Nous en reparlerons avec les parlementaires de Guyane très rapidement. Des projets de cette nature sont aussi à soutenir dans les autres territoires d’outre-mer.

L’emploi reste donc le meilleur moyen de changer le quotidien des Ultramarins et d’améliorer leurs conditions de vie. Ce n’est pas le seul enjeu, bien sûr, mais c’est une priorité du Gouvernement.

C’est aussi la raison d’être du fonds exceptionnel d’investissement, dont les crédits ont été intégralement préservés : 110 millions d’euros seront ainsi affectés au service de projets du quotidien – des stades, des électrifications, des aménagements portuaires ou encore des rénovations d’éléments du patrimoine… –, selon les choix des collectivités.

J’ai aussi souhaité que ces projets s’inscrivent dans la Trajectoire 5.0. En 2019, 70 % des projets financés par le Fonds européen d’investissement (FEI) répondaient à cette Trajectoire 5.0. Ce taux sera porté à 100 % en 2020.

Nous maintenons également 90 millions d’euros pour soutenir les constructions scolaires dans les territoires d’outre-mer, en plus de l’effort du ministère de l’éducation nationale. Oui, monsieur Karam, être accueilli dans de bonnes conditions à l’école, cela change la vie des enfants et celle des parents. En la matière, chacun ici le comprendra, deux territoires seront prioritaires : Mayotte et la Guyane.

Je viens de poser la première pierre d’un lycée à Maripasoula, en Guyane, avec vous, monsieur Patient, et d’annoncer la réalisation de la route qui désenclavera cette partie du territoire. J’ai vu et senti à quel point l’État était attendu sur la question des infrastructures du quotidien. Pour que chacun ait droit à la mobilité, j’ai pris l’engagement de mettre le projet en route dès le mois de janvier prochain. Depuis deux jours, je peux vous dire que tout le monde s’active dans le territoire.

La deuxième priorité du Gouvernement porte sur le logement. Nous y reviendrons dans le cadre de la discussion des amendements. La ligne budgétaire unique a été calibrée par rapport aux projets à venir dans les quinze prochains mois. Elle s’élève, pour 2020, à 215 millions d’euros, sans compter le produit de la cession des parts de l’État au sein des sociétés immobilières d’outre-mer, les Sidom. Vous m’avez interpellée sur ce point, madame Conconne : la vente des parts de Sidom aura lieu le 23 décembre prochain, elle rapportera 37 millions d’euros au total, qui seront versés en deux fois au budget des outre-mer. En 2020, 18, 5 millions d’euros seront donc attribués, mais – je vais être très honnête – ils ne figurent pas pour l’heure dans ce projet de loi de finances.

La ligne budgétaire unique n’est au demeurant pas le seul moyen mis à la disposition du logement dans les territoires d’outre-mer. Je rappelle que la défiscalisation dans le secteur du logement social outre-mer représente plus de 230 millions d’euros. Nous allons plus loin cette année, en élargissant la défiscalisation, d’une part, à la réhabilitation du parc social dans les quartiers de la politique de la ville, au-delà des zones ANRU – l’amendement a été adopté à l’Assemblée nationale –, d’autre part, aux opérations de démolition-reconstruction du parc social, sans limites de zonage. L’amendement a été déposé au Sénat et je compte donc sur votre vote positif dans quelques jours, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce sont ainsi 12 millions d’euros d’aides fiscales supplémentaires qui viendront alimenter la dynamique en faveur du logement.

Ce budget est aussi marqué par le retour indispensable dans les territoires d’outre-mer de l’APL accession. Je veux ici remercier tous ceux qui ont participé à ce projet, la suppression de ce dispositif étant sans doute partiellement responsable d’une moindre dynamique dans les territoires d’outre-mer.

Ces mesures font partie intégrante du plan logement outre-mer 2019-2022, que je viens de signer avec Julien Denormandie. Madame Malet, je tiens à vous remercier de votre forte implication dans le travail de concertation qui a été mené. Ce plan comprend 73 mesures précises, avec un calendrier de déploiement détaillé sur les trois prochaines années pour faire jouer tous les leviers, qu’ils soient financiers, réglementaires et opérationnels, en faveur du logement outre-mer.

Coconstruit avec les collectivités, ce plan sera décliné en fonction des spécificités et des problématiques de chaque territoire. Il comprend aussi, hors budget du ministère des outre-mer, l’engagement fort d’Action Logement de flécher une enveloppe de 1, 5 milliard d’euros dans son plan d’investissement volontaire outre-mer. Action Logement lancera un appel à manifestation d’intérêt dans chaque département ultramarin dans les toutes prochaines semaines.

Si l’on additionne ces crédits aux moyens mobilisés par CDC Habitat pour consolider les Sidom, nous disposerons, durant les trois prochaines années, d’une conjonction de moyens financiers très significatifs pour soutenir la politique du logement outre-mer et, bien évidemment, le secteur du BTP.

Autre politique du quotidien pour les Ultramarins : la mobilité. Ce sujet, largement abordé dans vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, a aussi fait l’objet d’une grande discussion à l’Assemblée nationale.

Monsieur Poadja, la mobilité est l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Ils l’ont notamment exprimée à travers les Assises des outre-mer, qui se sont tenues dans tous les territoires. Je ferai une réponse globale sur ces amendements, qui ont trait à la continuité intérieure, à l’aide au retour ou encore aux conditions d’éligibilité.

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