Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2020, le montant des crédits de la mission « Culture » devraient s’élever à 2, 96 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette somme ne reflète pas la totalité des crédits budgétaires affectés à la culture au sein du projet de loi de finances. Il convient en outre d’intégrer le montant de la dépense fiscale consacrée à la culture au travers de divers crédits d’impôt, que l’on évalue à 331 millions d’euros, hors mécénat.
En accord avec mon collègue rapporteur spécial Julien Bargeton, je concentrerai mon intervention sur le programme 175, qui concerne la protection des patrimoines. Celui-ci devrait être doté de 972 millions d’euros en crédits de paiement pour 2020.
L’examen de ces crédits fait apparaître une diminution de l’ordre de 5 % des subventions accordées aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés en vue de la restauration des monuments historiques.
Les crédits de paiement sont ainsi minorés de 7 millions d’euros entre la loi de finances pour 2019 et le présent projet de loi de finances. Si 5 millions d’euros de crédits viennent financer le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, 2 millions d’euros vont, en revanche, alimenter le plan de mise en sécurité des cathédrales, qui a été lancé à la suite de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Je rappelle que les cathédrales sont des monuments historiques appartenant à l’État. Aussi, un risque pesant sur l’État se trouve financé par des crédits destinés à d’autres monuments qui ne lui appartiennent pas. Une telle option traduit un réel manque d’ambition.
Cela étant, ce manque d’ambition s’inscrit dans le prolongement de la position adoptée par le Gouvernement concernant la cathédrale Notre-Dame de Paris, puisque ce plan ne donnera pas lieu à un geste budgétaire spécifique. Si la reconstruction de l’édifice est intégralement financée par le don privé, la sécurisation des cathédrales passera, quant à elle, par les collectivités territoriales et les propriétaires privés.
S’agissant de la cathédrale Notre-Dame de Paris, je m’interroge sur l’éventuelle réaffectation des fonds avancés pour les travaux de sécurisation, de déblaiement des gravois et d’enlèvement des échafaudages. Près de 40 millions d’euros auraient déjà été avancés à l’État avant le versement des premiers dons. Le projet annuel de performances pour 2020 n’indique pas la ligne de crédits sur laquelle cette somme a été prélevée ni les modalités de sa réaffectation vers d’autres projets. Je rappelle que 922 millions d’euros de promesses de dons ont été enregistrés, 67 millions d’euros ayant déjà été versés à l’État.
L’établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale vient, quant à lui, d’entrer en fonction. L’intégralité de son budget serait couverte par les dons.
Or je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous vous étiez engagé ici même au Sénat sur une participation de l’État. Vous aviez en effet indiqué que l’État devrait prendre sa part au financement de la restauration de Notre-Dame de Paris et qu’il y aurait, quoi qu’il en soit, des subventions budgétaires du ministère de la culture à l’établissement public. Quelques mois plus tard, il ne reste rien de cette volonté dans le présent projet de loi de finances.
Une telle évolution rend indispensable la recherche de financements alternatifs, qu’il s’agisse du loto du patrimoine ou de dispositifs fiscaux spécifiques.
La faiblesse des crédits budgétaires alloués à la restauration des centres-villes rend essentielle une rénovation du dispositif fiscal Malraux, qui présente l’avantage d’atteindre à la fois des objectifs de soutien au logement, de valorisation du patrimoine et de revitalisation des centres urbains. Ce dispositif représente environ 130 millions d’euros de travaux chaque année. Cette somme est à comparer aux 338 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour l’entretien et la restauration des monuments historiques.
Nous appuyons les conclusions de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection générale des finances qui vont dans ce sens. Nous invitons à proroger le mécanisme et à simplifier les conditions d’utilisation du dispositif Malraux. Sa révision est soutenue par le ministère de la culture. Elle pourrait constituer une première étape qui faciliterait sa conciliation avec le plan Action cœur de ville.
Je suis par ailleurs inquiet du mauvais signal envoyé au travers de la réforme du mécénat d’entreprise, prévue dans le présent projet de loi de finances. Cette réforme a suscité une inquiétude légitime dans le milieu associatif, mais aussi au sein des organismes culturels, dont une partie de l’activité dépend du mécénat.
Soyons clairs, le mécénat n’est pas une véritable niche fiscale. Le don vient parfois compléter, voire se substitue à l’action de l’État dans un contexte de réduction des marges de manœuvre budgétaires de celui-ci.
Le cas est particulièrement patent pour les opérateurs publics. L’État conditionne la reconduction ou une diminution minimale des subventions à des résultats sur divers critères d’ordre artistique, qualitatif, social ou sociétal, à propos de chantiers pour lesquels le soutien du mécénat est primordial. Les travaux d’ampleur menés pour le Grand Palais, la Cité du théâtre ou l’aménagement de l’Opéra Bastille s’appuient d’ailleurs sur le mécénat à la demande de l’État. Il existe donc une forme de schizophrénie de la part du Gouvernement dans le fait d’inciter les opérateurs publics à recourir au mécénat tout en limitant le plein et parfait développement de celui-ci.
Le seuil de 2 millions d’euros au-delà duquel le taux de réduction passerait de 60 à 40 % peut paraître tout à la fois contournable et fragilisant. Dans tous les cas, le signal négatif envoyé par une telle réforme est bien tangible. Celle-ci laisse en effet entendre que toute opération dont le coût est supérieur à 2 millions d’euros est assimilable à une forme d’optimisation fiscale. Elle pourrait donc brider les intentions des mécènes, qui prendraient un risque en termes d’image.
Nous savons que le Gouvernement a lancé une réflexion générale sur la philanthropie, qu’il a confiée à deux députées. Il aurait sans doute fallu attendre les conclusions de nos collègues sur les contreparties ou le régime juridique des fondations avant de procéder à un tel coup de rabot fiscal.
Cela étant, la commission des finances a proposé d’adopter les crédits de la mission « Culture ». Je voterai, pour ma part, en fonction du sort qui sera réservé à certains amendements que je soutiendrai.