Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Culture

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits dédiés à la culture dans le PLF pour 2020 doivent contribuer à faire vivre une politique culturelle ambitieuse pour notre pays, mais ils restent sous le seuil symbolique de 1 % du budget global.

La mission « Culture » est difficilement lisible, en raison de la nouvelle répartition des crédits au sein des programmes, comme l’ont souligné certains rapporteurs. Ce fait ne suffit pas à dissimuler un risque réel : voir le financement public perdre du terrain face au financement privé, phénomène qui s’accentue dans le PLF pour 2020. De plus, certaines actions s’appuient davantage sur les financements décentralisés des collectivités territoriales.

Je note un autre point frappant : des lignes budgétaires n’ont pas été totalement consommées en 2019. C’est le cas pour l’expérimentation du pass culture, j’y reviendrai.

En bref, le budget de la culture est cette année encore contrasté. Si une baisse de 3, 36 % des autorisations d’engagement de la mission est prévue, les crédits de paiement connaissent une légère hausse de 2, 93 à 2, 95 milliards d’euros. Ces chiffres traduisent une relative stabilité, qui cache des situations contrastées.

Les principaux axes de ce budget sont le soutien à l’emploi culturel, le développement de l’expérimentation du pass culture et la poursuite de grands travaux – Versailles, le Grand Palais, ou encore Villers-Cotterêts –, dotés de 30 millions d’euros, issus du programme d’investissements d’avenir et des crédits destinés aux monuments historiques, pour les grands projets.

Les faibles moyens alloués à la restauration des centres-villes dans le cadre du plan Action cœur de ville, soit seulement 8, 9 millions d’euros pour 880 sites patrimoniaux remarquables répertoriés, traduisent un manque d’ambition, unanimement regretté au sein du groupe RDSE, beaucoup restant une fois de plus à la charge des communes.

En outre, à la suite du dramatique incendie de Notre-Dame de Paris, de savants jeux d’écriture font passer des crédits prévus pour les subventions destinées aux collectivités territoriales vers le financement de la sécurisation des cathédrales, pour un montant de 2 millions d’euros, affectant injustement les collectivités.

En 2019, je faisais déjà part de mon scepticisme face au loto du patrimoine. Pour cette deuxième édition, étant donné son succès auprès de la population, cette opération devrait rapporter des gains prévisionnels estimés à 25 millions d’euros au moins. Je suis cependant perplexe : seulement 10 % des mises des contributeurs sont reversées à la Fondation du patrimoine, puisque sur un ticket de 15 euros seulement 1, 52 euro est reversé. La Fondation n’a recueilli que 20 des 200 millions d’euros investis par les Français en 2019. Ce faible retour sur investissement laisse dubitatif.

Ce type d’initiative laisse croire que l’on peut se satisfaire d’opérations ponctuelles pour mener des actions d’entretien du patrimoine, qui fait la richesse de notre pays. La multiplication d’opérations de cette nature ne peut se substituer à l’action publique sans avoir de conséquences à long terme. Pour atteindre le but visé, il aurait été plus efficace d’encourager nos concitoyens à effectuer des dons directement auprès des associations de gestion du patrimoine. Cette question reste entière, et je garde un avis personnel à ce sujet.

J’en viens au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », dédié notamment aux politiques transversales d’éducation artistique et culturelle, dont les crédits de paiement progressent, à périmètre constant, s’établissant à 1, 17 milliard d’euros en 2020. Ce programme englobe le déploiement, à l’horizon 2022, d’un millier de Micro-folies, mini-musées numériques de proximité, pour 3 millions d’euros. Ces structures sont censées faciliter l’accès de tous aux grandes œuvres de notre patrimoine. Toutefois, leurs coûts de fonctionnement et de maintenance seront, encore, à la charge des collectivités locales.

L’effort consacré à l’expérimentation du pass culture, en hausse de 35 %, atteignant 39 millions d’euros, semble se faire au détriment des crédits pour l’éducation artistique et culturelle qui, hors pass culture, sont en baisse, comme l’a relevé la rapporteure pour avis.

À plein régime, ce dispositif mobilisera 400 millions d’euros ; c’est autant d’argent public qui doit être utilisé à bon escient, et pas seulement dans l’intérêt économique des prestataires culturels. Permettra-t-il d’atteindre l’objectif affiché de pérenniser à long terme l’appétence culturelle de nos jeunes et leur accès à la culture ?

Nous aimerions disposer d’un bilan scientifique plus précis de l’incidence réelle de cet effort financier sur la réduction des barrières sociales et territoriales d’accès à la culture.

Présidente du groupe d’études Arts de la scène, arts de la rue et festivals en région, j’évoquerai encore deux points.

Tout d’abord, les problèmes de sécurisation des festivals n’ont pas disparu, au contraire, et les coûts ont augmenté depuis la publication de la circulaire Collomb.

Cette question nécessitera sans aucun doute une évaluation dans le cadre du nouveau fonds d’intervention pour la sécurité des manifestations culturelles et la sécurité des sites de presse, créé par le décret du 18 mars 2019. Monsieur le ministre, des précisions sur la consommation des crédits de ce fonds depuis sa mise en place seraient effectivement bienvenues, pour procéder à un état des lieux budgétaire.

En outre, je rappelle mon attachement à la pérennisation des crédits d’impôt dans le secteur culturel, car ils sont bénéfiques à la diversité et à la création d’emplois.

Enfin, je partage les craintes de la rapporteure pour avis, Sylvie Robert, sur le retard de publication du décret fixant la composition du Centre national de la musique, sur les moyens et la gouvernance de ce dernier. Je ne m’étendrai pas, faute de temps, sur la mise à l’écart de Catherine Ruggeri.

En conclusion, nous sommes favorables à la stabilisation du budget de la culture dans le PLF pour 2020, et malgré les quelques réserves exposées, que nous espérons voir lever par de plus amples précisions de votre part, monsieur le ministre, le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Culture ».

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