Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Culture

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier :

Or, comme l’a souligné Philippe Nachbar en commission, les besoins vont bien au-delà de cette somme. Ainsi, 23 % des immeubles protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état, et près de 5 % en situation de péril. Les annonces traduisent donc plus un affichage politique qu’un réel investissement.

Je veux également souligner le paradoxe que connaît cette année le mécénat. Au fil du temps, le mécénat est devenu le mode de financement naturel des institutions culturelles et de la rénovation de nos monuments historiques. En 2020, l’État compte plus que jamais sur lui, qu’il s’agisse de la rénovation de Notre-Dame de Paris, mais aussi d’autres grands chantiers, tels que celui du château de Villers-Cotterêts, où un apport de 25 millions d’euros est attendu, soit près d’un quart du budget total du projet. L’État encourage d’ailleurs ses grands opérateurs à attirer des mécènes, ce qu’ils font avec succès.

Toutefois, par l’article 50 du PLF que nous examinerons prochainement, le Gouvernement souhaite durcir la fiscalité du mécénat, en diminuant de 60 % à 40 % la réduction d’impôt pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros. Aucune étude d’impact n’a été réalisée en amont. De plus, cette réforme intervient alors que le Premier ministre a confié à deux députées une mission visant au développement de la philanthropie française. Comment expliquer alors que le Gouvernement, au nom de la rigueur fiscale, prenne le risque de porter préjudice au mécénat ? Mon groupe soutiendra bien évidemment les initiatives revenant sur cette disposition.

Je souhaite dire également quelques mots sur l’objectif fixé par le Gouvernement d’un égal accès de 100 % des jeunes aux arts et à la culture. L’émiettement des crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle reflète les contours flous de ce projet. Les financements se concentrent surtout sur la mesure phare du pass culture, promesse de campagne, certes séduisante, du Président de la République. Cette enveloppe de 500 euros destinée aux jeunes de 18 ans, mise en place pour le moment dans 14 départements, vise à terme tous les jeunes résidant en France. Le PLF anticipe une montée en charge de ce dispositif, en augmentant les crédits qui lui sont dédiés de 34 à 39 millions d’euros. En revanche, l’action concernée diminue de plus de 4 millions d’euros.

Je partage donc l’inquiétude des rapporteurs et de nombreux collègues de la commission de la culture. Le pass culture ne saurait être le seul vecteur utilisé pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales, et son développement ne doit pas s’opérer au détriment des actions traditionnelles.

Je crains surtout que ce projet ne soit peu réaliste.

La première expérience en la matière a en effet été un échec. Le Bonus Cultura italien a donné lieu à des trafics en tout genre : reventes de livres, émissions de fausses factures, achats de produits américains ou sud-coréens, etc. Le dispositif mis en place pourra-t-il éviter ces mêmes dérives ?

L’autre écueil serait que le pass culture manque son public. Le Bonus Cultura n’a profité qu’à la moitié des jeunes, précisément ceux qui avaient déjà accès à la culture. C’est dommage !

Les premières données de l’évaluation conduite sur le pass culture sont peu encourageantes, avec un taux d’activation de seulement 52 %, et un taux d’utilisation parmi les jeunes ayant créé un compte de 68 %. C’est surtout le profil exact des bénéficiaires qu’il faudrait connaître, avant d’envisager une généralisation du dispositif à toute la France.

Par ailleurs, il me semble que cet effort important de l’État serait plus utile s’il intervenait plus en amont dans la construction du jeune. Attendre l’âge de 18 ans est en effet bien tard pour sensibiliser un enfant à la culture. Je pense que cette ouverture pourrait et devrait d’abord se faire avec les instituteurs et les professeurs, au sein de l’école de la République, qui a pour mission l’éveil intellectuel de tous les élèves, sur l’ensemble du territoire. Nous serions ainsi certains de toucher tous les publics.

Pour conclure, hormis ces réserves, mon groupe constate l’évolution positive des crédits de la mission « Culture ». Il est donc favorable à leur adoption.

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