Intervention de Antoine Karam

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Culture

Photo de Antoine KaramAntoine Karam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministère de la culture a célébré ses soixante ans. Comme l’a signalé, il y a quelques instants, Pierre Ouzoulias, de la première maison de la culture inaugurée en 1961 par André Malraux dans la belle ville du Havre à aujourd’hui, quel chemin parcouru ! Sans nul doute, le ministère de la culture peut être un motif de fierté. Cependant, sa tâche est encore immense.

Les défis que représentent l’accès à la culture pour toutes et tous, l’accès aux œuvres et aux artistes, mais aussi l’accès à la pratique et les conditions de son exercice, les droits d’auteur, le statut des intermittents du spectacle, le patrimoine et les archives constituent les fondements de l’action du ministère. Par son expertise, son expérience et la grande qualité de ses agents, celui-ci a un rôle prépondérant à jouer dans le rayonnement culturel de la France et de ses territoires.

Outre-mer, il existe un paradoxe surprenant : la culture, produit d’une histoire mouvementée, fondée sur les expériences douloureuses de l’esclavage et de la colonisation, est foisonnante et plurielle, mais nous constatons dans le même temps les manques d’une politique culturelle qui, trop longtemps, a traité les outre-mer en parents pauvres.

Comme le montrait en 2018 le rapport sur les zones blanches de la culture, il reste beaucoup à accomplir pour réduire les inégalités patentes qui demeurent entre les différents territoires de l’Hexagone, et entre l’Hexagone et les outre-mer. Trente-sept ans après le premier mouvement de décentralisation culturelle des lois Auroux, les chiffres révèlent un sous-équipement flagrant.

Pour les 2, 7 millions d’Ultramarins répartis dans une dizaine de territoires, nous comptons au total seulement deux conservatoires et deux scènes nationales, aucune salle de plus de 3 000 places, aucun musée d’art contemporain et un seul fonds régional d’art contemporain (FRAC) situé sur l’île de la Réunion.

Il faut le dire, longtemps le pouvoir jacobin a nié nos spécificités culturelles, craignant de nourrir des velléités indépendantistes. Néanmoins, l’inauguration en 2015 – je salue au passage mon collègue Victorin Lurel – du Mémorial ACTe est l’exemple même que les choses changent et que nos territoires peuvent être à l’avant-garde dans certains domaines.

Toutes ces missions appellent à renforcer les services déconcentrés de l’État, à associer les collectivités territoriales, à conforter les associations et à s’appuyer avec cohérence sur les groupes privés. Il faut les renforcer à travers une politique ambitieuse et ouverte à la création, une politique de soutien à toutes les actrices et à tous les acteurs de la culture.

Comme ces deux dernières années, les crédits de la mission « Culture » sont maintenus en 2020, avec une hausse de 1 % par rapport à la loi de finances pour 2019.

Le budget qui nous est présenté se veut d’abord au service de l’émancipation citoyenne. Pour cela, vous engagez, monsieur le ministre, la généralisation de l’éducation artistique et culturelle, afin d’en faire une réalité pour tous les enfants et jeunes de 3 à 18 ans. Telle est la finalité de l’Objectif 100 % éducation artistique et culturelle.

Cependant, l’EAC elle n’est pas circonscrite entre 3 et 18 ans. Aussi, la commission de la culture sera attentive aux conclusions de la mission confiée à la députée Aurore Bergé sur la politique d’émancipation artistique et culturelle pour tous les âges.

De même, ma collègue Sonia de la Provôté et moi-même présenterons dans quelques jours le fruit de notre travail sur les nouveaux territoires de la culture. Nous défendrons notamment l’urgence de combattre les inégalités territoriales – elle l’a signalé il y a quelques instants –, inégalités que j’ai décrites précédemment, au profit d’un nouveau modèle de démocratisation culturelle fondé sur la notion de droits culturels.

L’émancipation citoyenne passe également par le pass culture. Pour observer l’expérimentation à l’œuvre sur mon territoire et participer à son suivi au sein du groupe de travail présidé par Jean-Raymond Hugonet, je peux témoigner de l’investissement des services déconcentrés de l’État et des effets déjà bénéfiques de ce dispositif.

En 2019, une nouvelle étape a été franchie avec la poursuite de l’expérimentation et le lancement de la société du pass culture. L’an prochain, 10 millions d’euros supplémentaires, soit un total de près de 40 millions d’euros, nous permettront d’accroître le nombre de jeunes éligibles et d’ouvrir l’expérimentation à de nouveaux territoires.

Cela étant, les résultats de la première expérimentation montrent que 52 % des jeunes auraient activé leur compte. Peut-être pourrez-vous nous dire, monsieur le ministre, les moyens que votre ministère entend mettre en œuvre pour que les jeunes aient une meilleure connaissance du dispositif lors des expérimentations à venir.

Les crédits alloués au programme « Création » sont, eux aussi, en augmentation. Le spectacle vivant se trouve ainsi renforcé à travers, entre autres, les grands opérateurs, importants vecteurs culturels irriguant le territoire ; en cela, ils sont des acteurs essentiels qui participent à la transmission des savoirs au plus grand nombre.

Je salue l’initiative des Micro-folies, opportunités formidables de diffusion de la culture. En outre-mer, ce dispositif a été lancé avec succès, le 16 novembre dernier, en Guadeloupe, avec l’inauguration des deux premières Micro-folies, dont une itinérante sur l’ensemble du territoire.

Enfin, les crédits du programme 175, « Patrimoines », de la mission « Culture » progressent de 6, 8 %. Les 970 millions d’euros du programme sont, pour une large part, dévolus à l’entretien et à la restauration des monuments historiques et du patrimoine monumental, avec quelques chantiers particulièrement importants, comme le Grand Palais à Paris ou le château de Villers-Cotterêts. Ce château, méconnu de la plupart des Français, fait partie des hauts lieux de l’histoire de France. Il accueillera un projet francophone unique au monde, la cité internationale de la langue française, auquel nous adhérons tous – je suppose – sur ces travées.

Par ailleurs, l’année 2019 a été marquée par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le fonds dédié à la mise en œuvre du plan de sécurisation des cathédrales, doté de 2 millions d’euros, doit financer des audits qui nous permettront de nous assurer qu’une telle catastrophe ne frappe jamais l’une des 87 cathédrales classées appartenant à l’État.

Si ces chantiers sont évidemment indispensables, nous sommes heureux de constater que le budget alloué aux patrimoines de moindre ampleur est lui aussi en augmentation. Il est nécessaire d’envoyer, à l’adresse des collectivités, un signal pour montrer que l’État réinvestit dans ce patrimoine, qui est tout aussi important. Nous savons toutefois que les chantiers, en ce domaine, sont multiples et pratiquement inépuisables ; c’est pourquoi l’effort devra être prolongé.

Pour conclure, le budget de la présente mission progresse ; il va dans le sens d’une meilleure prise en compte de tous les territoires et privilégie les structures souples, qui s’adressent en priorité aux plus jeunes de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, mon groupe votera les crédits de la mission « Culture ».

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