Intervention de Marie-Pierre Monier

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Culture

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Si cette année les crédits du programme 175 affichent une légère hausse en crédits de paiement – nous nous en réjouissons –, soulignons cependant que ce programme est « gonflé » de 63 millions d’euros supplémentaires provenant du programme 224. Hors transfert, le programme est en réalité en baisse de 1 % en crédits de paiement hors inflation. Ce budget, comme le soulignent les associations de protection du patrimoine, manque d’un certain élan, pourtant nécessaire pour concrétiser l’ambition que nous avons pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine dans tous les territoires.

Le budget alloué à l’entretien et à la restauration des monuments historiques s’élève à 338 millions d’euros en crédits de paiement. Si les crédits destinés aux monuments historiques, hors grands projets, sont en légère hausse, atteignant 300 millions d’euros, ils restent insuffisants au regard des besoins de restauration.

En effet, le Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques estime, depuis déjà plus de dix ans, qu’un engagement de 400 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement est nécessaire pour permettre la restauration et l’entretien des monuments historiques. Le compte n’y est pas !

Le compte n’y est pas non plus pour les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui n’ont pas toujours les moyens d’aider les propriétaires à entretenir leur patrimoine.

Beaucoup de collectivités et de propriétaires privés ont pourtant cruellement besoin d’assistance à la maîtrise d’ouvrage (AMO). Nous pensons d’ailleurs qu’un meilleur fonctionnement de l’AMO – la situation est très inégale selon les régions – permettrait sans doute d’améliorer la consommation des crédits chaque année.

Il convient aussi, de la part du Gouvernement, de maintenir une certaine cohérence : on ne peut pas d’un côté afficher la protection du patrimoine comme un enjeu politique majeur en matière de culture, et d’un autre remettre en cause 25 millions d’euros de crédits en sa faveur dans le cadre du PLFR de 2019. Le Sénat – c’est tout à son honneur – a fort heureusement rétabli ces crédits.

Concernant le loto du patrimoine, en adoptant, contre l’avis du Gouvernement, l’exonération des contributions à l’État, comme l’année dernière, le Sénat a une nouvelle fois été le gardien de la protection du patrimoine. Notre position est constante : l’État n’a pas à récupérer de nouvelles recettes sur ce loto. La totalité de l’enveloppe doit revenir au patrimoine, et non à Bercy. Par ailleurs, cette opération devrait être pérennisée, au-delà de 2020, même si, rappelons-le, ce type d’action doit avoir pour vocation de compléter et non de remplacer les subventions publiques.

Il en va de même pour le mécénat. Le durcissement de la fiscalité que vous envisagez, monsieur le ministre, aura évidemment des répercussions sur le financement du patrimoine ; il risque de casser une dynamique positive en sa faveur. Mon groupe a déposé un amendement, afin que le dispositif incitatif fiscal dont bénéficie grandement notre patrimoine ne soit pas modifié. J’espère que le Sénat aura la sagesse de l’adopter.

Je ne peux parler de patrimoine sans évoquer le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris. Aucune ligne budgétaire n’est prévue.

Le Gouvernement compte donc bien faire financer l’intégralité du chantier, y compris les coûts de fonctionnement de l’établissement public, par les donateurs privés, ce qui est pour le moins contradictoire avec vos propositions de réforme du mécénat, vous en conviendrez ! Voilà qui laisse un goût amer, face au désengagement de l’État vis-à-vis d’un chantier patrimonial emblématique.

Concernant l’archéologie préventive, si les crédits de cette action sont reconduits à l’identique, cette stagnation des moyens, sur trois exercices budgétaires, limite les marges de manœuvre de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) sur les missions de diagnostic, de recherche et de valorisation, qui sont en déficit chaque année dès l’automne. Une revalorisation aurait été bienvenue.

Enfin, je dirai quelques mots du petit patrimoine rural, lequel est vital pour le rayonnement et le dynamisme de nos territoires.

Je me réjouis de l’augmentation de 5 millions d’euros du fonds incitatif et partenarial pour la restauration des monuments historiques des petites communes à faibles ressources. Mais cette hausse est financée par un redéploiement de crédits initialement dédiés à des opérations de restauration des monuments historiques dans les territoires, ce qui ne nous paraît pas opportun. L’amendement déposé par Vincent Éblé, au nom de la commission des finances, vise précisément à compenser ce manque à gagner.

Pour conclure, nous ne nous opposerons pas à un budget globalement en hausse, même s’il s’agit, au moins en partie, d’une progression en trompe-l’œil. Mais nous examinerons avec vigilance les suites qui y seront données dans les prochains exercices budgétaires !

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