Intervention de Franck Riester

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Culture

Franck Riester :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, certains orateurs l’ont rappelé au cours de cette discussion générale : voilà soixante ans que le ministère de la culture existe ; soixante ans qu’il agit ; soixante ans que les ministres successifs viennent en présenter le budget dans cet hémicycle.

Depuis Malraux, l’ambition est la même : mettre la culture au centre de notre pacte social, en faire l’un des instruments privilégiés de la cohésion nationale, partout sur le territoire. En effet, la culture est ce qui nous rassemble, ce qui nous tient ensemble. Elle constitue, finalement, le ciment de notre société.

Voilà pourquoi nous devons faire en sorte que chacun puisse y avoir accès. Quels que soient son âge, sa situation et son lieu de vie, chacun doit pouvoir rencontrer les œuvres et les artistes, vivre les émotions que suscite l’art.

Telle est précisément l’ambition du budget de la culture pour 2020. L’an prochain, l’État consacrera 15 milliards d’euros aux politiques culturelles. Pour sa part, mon ministère bénéficiera de crédits budgétaires en hausse de 60 millions d’euros. La seule mission « Culture » recevra 21 millions d’euros supplémentaires : dans le contexte budgétaire actuel, marqué par la restauration des équilibres financiers, il s’agit là d’un véritable effort, qui nous impose des résultats. Or, pour obtenir des résultats, il faut établir des priorités.

Le budget que je vous présente en dénombre quatre. Il est au service de l’émancipation de tous, au service de la cohésion et de l’attractivité des territoires, au service des artistes et des créateurs et, bien entendu, au service de notre souveraineté culturelle.

La première priorité – l’émancipation des citoyennes et des citoyens – passe par la généralisation de l’éducation artistique et culturelle.

La culture, c’est nous retrouver autour de ce que nous trouvons beau. C’est partager ce qui nous plaît, au sens le plus noble du terme. Mais encore faut-il pouvoir aller au-delà de ce que nous connaissons ; découvrir ce que nous allons aimer sans même le savoir encore.

Faciliter la rencontre des plus jeunes avec les œuvres : tel est le sens de l’éducation artistique et culturelle et du label Objectif 100 % EAC. Tous les enfants et les jeunes de 3 à 18 ans doivent pouvoir en bénéficier, comme le Président de la République s’y est engagé.

Néanmoins, la rencontre avec les œuvres, comme la pratique d’une activité artistique, ne s’arrête pas à 18 ans. Elle s’étend tout au long de la vie. Chacun y a droit, quels que soient sa situation, son âge ou – j’y insiste – son lieu de vie.

C’est pour rendre ce droit effectif que sera créée, au sein du ministère de la culture, une nouvelle direction dédiée au pilotage de la politique de transmission et d’émancipation par les arts et la culture, au service de l’accès à la culture, au service de la démocratisation culturelle.

Cette émancipation pour et par la culture, nous l’encourageons aussi par le pass culture, que nous concevons, pour les jeunes, comme un instrument de liberté : liberté d’affirmer ses propres goûts, de tracer un chemin autonome vers la culture après avoir suivi le parcours d’éducation artistique et culturelle, dont certains ont parlé tout à l’heure.

À l’origine, le pass culture est une belle idée : 500 euros à 18 ans pour accéder à des offres culturelles. Cette belle idée, nous sommes en train d’en faire une réalité. Nous mettons au point une application géolocalisée qui permet à chaque jeune d’accéder à l’offre culturelle située à proximité du lieu où il vit ou, tout simplement, du lieu où il est.

En juin dernier, nous avons lancé une seconde vague d’expérimentation auprès de 150 000 jeunes. L’an prochain, 39 millions d’euros seront dédiés au pass culture, auxquels s’ajouteront 10 millions d’euros de reports de 2019 vers 2020, afin d’augmenter le nombre de jeunes éligibles – ils sont déjà plus de 35 000 –, d’ouvrir l’expérimentation à de nouveaux territoires et d’enrichir encore l’offre proposée.

Bien sûr, comme par le passé, je vous communiquerai les résultats de cette expérimentation avant de me prononcer sur la généralisation du pass. Je sais que le groupe de travail présidé par Jean-Raymond Hugonet suit l’évolution de cette politique de très près. De plus, nous mesurons constamment la mobilisation des jeunes et des acteurs culturels. Cette mobilisation est capitale : c’est grâce à elle que le pass culture deviendra un outil de valorisation de l’offre culturelle dans nos territoires.

La deuxième priorité de ce budget, c’est justement de renforcer la cohésion et l’attractivité de nos territoires. Nous les renforcerons d’abord par les services publics culturels de proximité. D’une certaine manière, il faut les conforter et les réinventer, en les adaptant aux nouvelles attentes de nos concitoyens dans un environnement marqué par l’irruption du numérique. Parmi tant d’autres initiatives, les Micro-folies sont emblématiques de cette ambition : nous allons accélérer leur déploiement pour atteindre 1 000 Micro-folies d’ici à 2022.

Une étude de l’inspection générale des affaires culturelles le démontre : dans notre pays, il n’existe pas de « déserts culturels » à proprement parler. Mais, ce qui est exact, c’est que certains territoires sont moins bien dotés en équipements culturels que d’autres : il faut donc corriger ces déséquilibres. Dans cette perspective, nous déploierons en priorité nos efforts vers les quartiers de la politique de la ville et vers les zones rurales.

Le ministère de la culture ne saurait se cantonner à la rue de Valois : d’ailleurs, cela n’a jamais été le cas. Il doit être partout, dans toutes les villes, dans tous les villages de France, en soutien à l’action des collectivités locales, des acteurs culturels, des associations et, bien sûr, des artistes.

Nos modes d’action doivent changer. Notre état d’esprit doit évoluer. En particulier, il faut déconcentrer les dispositifs de soutien déployés par le ministère. Une soixantaine d’entre eux seront concernés en 2020, dont la labellisation des centres culturels de rencontre et l’octroi des aides aux compagnies et aux festivals.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est dans nos territoires que doivent être prises les décisions, car c’est dans nos territoires que vit la culture. Je pense tout particulièrement à notre patrimoine : nombre d’entre vous l’ont rappelé au cours de la discussion. Je saisis cette occasion pour saluer votre décision de maintenir la totalité des crédits de 2019 en faveur des patrimoines, au titre du projet de loi de finances rectificative.

En 2020, près de 1 milliard d’euros seront consacrés aux politiques en faveur des patrimoines. J’ai le plaisir de vous confirmer que les moyens dédiés à l’entretien et à la restauration de nos monuments historiques augmenteront de 7 millions d’euros, pour atteindre 338 millions d’euros en crédits de paiement.

Nous soutiendrons les investissements du Centre des monuments nationaux (CMN), qui, vous le savez, est un puissant outil d’égalité entre les territoires. Nous poursuivrons la montée en puissance du fonds incitatif et partenarial (FIP) en faveur des communes à faibles ressources. Par ailleurs – je le confirme –, nous financerons un plan de sécurité incendie pour les cathédrales classées appartenant à l’État.

Pour ce qui concerne le mécénat, le Gouvernement a soutenu le relèvement du plafond d’investissement à 20 000 euros pour les PME.

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