Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je me concentrerai sur le financement de l’audiovisuel public.
Ce matin, monsieur le ministre, vous avez présenté en conseil des ministres votre réforme, que vous nommez « projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère du numérique ». Je vous ai, ce matin aussi, tweeté ce conseil : « Profitez-en pour dire au Président de la République, au Premier ministre et à Gérald Darmanin qu’il ne peut y avoir de “souveraineté culturelle à l’ère du numérique” en baissant les moyens de l’audiovisuel public comme aujourd’hui, alors qu’il faut les augmenter… »
Nous sommes dans le sujet : 70 millions d’euros en moins pour nos six sociétés, après 35 millions d’euros de baisse en 2019 et 39 millions d’euros en 2018. En tout, 141, 48 millions ont été amputés en trois ans ! Vous savez que, en termes réels, c’est-à-dire constants, c’est bien pire, puisque le coût de la masse salariale et des produits augmentent avec le coût de la vie, ce qui ajoute à la baisse des dizaines de millions d’euros supplémentaires. Une baisse encore aggravée par la demande, faite par votre prédécesseur, que les sociétés investissent 150 millions d’euros pris sur leurs fonds propres, chaque année de 2018 à 2022, pour la révolution numérique.
Dans ces conditions, à l’heure de la gigantesque révolution technologique mondiale, de la concurrence féroce des plateformes américaines sans foi ni loi et de l’intervention massive d’États comme la Chine et la Russie pour mettre en coupe réglée le marché de l’audiovisuel à l’échelle planétaire, comment voulez-vous assurer une quelconque souveraineté culturelle en baissant les moyens destinés à faire face ? Si, parfois, on peut faire bien avec peu de moyens, dans le domaine des médias et à l’heure du numérique, pour l’instant, on ne peut pas, avec moins, faire qualitativement bien.
Le non-sens est désolant : une baisse budgétaire préalable à l’élaboration d’une réforme qui a l’ambition de redessiner notre paysage audiovisuel. En d’autres termes, on soumet l’ambition culturelle à un impératif budgétaire, au lieu d’inverser la démarche : soumettre la nécessité budgétaire à l’ambition culturelle et politique.
À ce non-sens le Gouvernement en ajoute un autre, révoltant, en baissant de 1 euro la contribution citoyenne à l’audiovisuel. Ces 25 millions d’euros auraient pourtant été bienvenus pour alléger les contraintes de salariés méritants qui ont déjà consenti de grands efforts pour transformer leurs entreprises et mener un travail de qualité reconnu par les auditeurs, comme à Radio France.
Je vous rappelle les faits : depuis 2012, France Télévisions a perdu 1 000 emplois à temps plein. En 2020, elle doit en perdre 900 supplémentaires… Au total, le groupe aura perdu en dix ans 1 920 emplois, soit 20 % de ses effectifs. Quant à Radio France, elle a perdu 70 postes par an entre 2016 et 2018, et le plan actuellement contesté par les grévistes prévoit 299 suppressions de plus d’ici à 2022.
Pourquoi donc se priver de ces 25 millions d’euros ? Parce que, dites-vous, la redevance a rapporté plus, et que cet argent non prévu vient en surplus de la trajectoire budgétaire de baisse, arbitrairement décidée dans les bureaux de Bercy… Quel dogmatisme ! Quel enfermement idéologique !
D’autant que, à l’heure où l’on ne cesse de nous montrer en exemple l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, pour nous vanter tantôt le sérieux de gestion, tantôt les bienfaits du libéralisme, et même le rayonnement de leur audiovisuel, avec notamment la BBC, il est bon de rappeler que notre redevance est déjà l’une des plus faibles d’Europe : nos voisins allemands paient 210 euros et les Britanniques 175 euros, là où vous ramenez la contribution française à 138 euros, après avoir bloqué l’année dernière son indexation sur l’augmentation du coût de la vie, pourtant acquise depuis 2010, quelles que soient les majorités en place.
Je ne suis pas d’accord avec le rapport de mon collègue Leleux : ce ne sont pas les réductions budgétaires qui ont permis à l’audiovisuel public de se réformer, et les réductions de budget ne touchent pas uniquement les hauts salaires ; elles touchent, désormais, les programmes et les chaînes et entraînent une réduction de périmètre, avec la disparition de France Ô, qu’aucune politique de visibilité ne viendra compenser !