Intervention de Céline Boulay-Espéronnier

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de Céline Boulay-EspéronnierCéline Boulay-Espéronnier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’audiovisuel public et les fonds qui lui sont consacrés.

J’évoquerai d’abord le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique qui vient tout juste d’être présenté en conseil des ministres après de longs mois d’attente. En effet, si nous n’examinons pas aujourd’hui les crédits qui viendront en appui de cette réforme, on ne peut faire abstraction des enjeux qu’elle soulève.

L’essor du numérique, de nouveaux usages, la véritable explosion d’offres venues bouleverser le paysage audiovisuel au niveau mondial nous obligent en effet à définir un nouveau cadre législatif et réglementaire.

Mes chers collègues, j’estime que, au-delà de nos clivages politiques, nous partageons l’envie d’un audiovisuel fort, et au sein de celui-ci, d’un audiovisuel public qui se réinvente pour affirmer sa spécificité. Le Sénat a un rôle majeur à jouer dans cette réflexion.

Certaines pistes avancées dans le rapport d’information de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en septembre 2015 ont d’ailleurs eu les faveurs du Gouvernement. Le projet de loi définit un modèle que notre rapport qualifiait de « BBC à la française », permettant le regroupement des différentes sociétés de l’audiovisuel public et la mutualisation de leurs moyens.

À la lecture des différents chapitres de ce projet de loi, si je retrouve les grandes lignes d’une organisation modernisée, je reste perplexe quant à l’ambition de ses auteurs. Comme l’a souligné notre rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux, le problème semble être pris à l’envers : le Gouvernement définit une gouvernance, des rapprochements, des règles éparses concernant la publicité ou les rapports des acteurs en présence, mais sans déterminer au préalable ce que l’on attend du service public dans le nouveau paysage audiovisuel et ce qui justifie son existence.

Cette absence de réflexion sur les priorités est alarmante et augure mal des choix qui seront faits, notamment en matière de financement.

Car enfin, si ces objectifs ne sont pas fixés, comment les moyens pourraient-ils être définis ? Le projet de loi reste muet, et vous également, monsieur le ministre, quant aux nouvelles sources de financement qui seront mises en place, celles-ci ne devant être définies qu’en 2021 et 2022.

Ces derniers mois, la suppression de la redevance a été évoquée par le ministre des comptes publics, mais, à l’inverse, vous vous êtes prononcé par le passé pour un élargissement de son assiette. Le présent budget précède donc une reconfiguration qui demeure inconnue. Nous appelons de nos vœux de prochains éclaircissements.

Pour en revenir aux crédits consacrés à l’audiovisuel public cette année, nous constatons une baisse de 69, 2 millions d’euros, en cohérence avec la ligne définie et suivie par notre Haute Assemblée en 2018. En effet, une économie de 190 millions d’euros est demandée aux entreprises de l’audiovisuel public d’ici à 2022 au titre de la réduction des déficits publics, mais également afin de concentrer les moyens sur certains postes – je pense notamment au développement numérique.

Cette stratégie d’austérité, qui succède à une forte augmentation des moyens de 2009 à 2017, a enclenché une réorganisation des services et la mise en œuvre de diverses réformes.

Certes, on peut s’interroger sur l’opportunité de maintenir cette trajectoire, alors que le fonctionnement de l’audiovisuel public, notamment de France Télévisions, sera prochainement revu par le Gouvernement.

L’année dernière, la taxe Copé sur les télécoms a été définitivement affectée au budget de l’État au détriment de France Télévisions, alors qu’elle avait été créée pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes de l’opérateur.

Cette année, la contribution à l’audiovisuel public est diminuée de 1 euro, ce qui renforce l’impression de diète, même si la portée de cette décision est surtout symbolique. Je partage le sentiment de notre rapporteur Jean-Pierre Leleux, qui regrette cette baisse des moyens à la veille de la réforme annoncée, mais qui fait toutefois le choix difficile de ne pas s’y opposer.

Les contraintes budgétaires ont en effet permis d’enclencher des mesures nécessaires de réorganisation et d’économie. Les entreprises de l’audiovisuel public ont incontestablement progressé dans la redéfinition de leurs priorités, ce qui n’aurait pas été possible si l’inflation de leurs moyens s’était poursuivie.

L’absence de réforme des sources de financement de l’audiovisuel public nous incite à poursuivre la même trajectoire.

Pour ces raisons, notre groupe suivra l’avis de nos rapporteurs, et outre les crédits de la mission, adoptera ceux du compte spécial dédié à l’audiovisuel public.

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