Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le budget pour 2020 de la justice présente des évolutions positives. Il peut ainsi paraître surprenant que, pour la première fois au cours des dernières années, aussi bien notre commission des finances que notre commission des lois nous proposent de ne pas adopter les crédits de la mission « Justice ». C’est une première. Cette position est-elle justifiée ?
Je souhaite livrer notre analyse du budget pour 2020, exprimer certains doutes et conclure sur nos points d’attention.
Le budget pour 2020 comporte des évolutions positives que nous saluons, même si le Graal de la trajectoire fixée par la loi de programmation pour la période 2018-2022, que nous avons adoptée récemment, n’est pas atteint.
Le budget est en augmentation de 4 %, et plus de 1 500 emplois vont être créés.
L’inscription de l’intégralité du financement de l’aide juridictionnelle redonne au budget une sincérité de bon aloi.
La vacance des postes de magistrats, problème récurrent, est ramenée à un taux de 0, 9 %, ce qui est une très bonne nouvelle. Ce résultat satisfaisant n’avait certainement pas été atteint depuis très longtemps !
Pour la programmation immobilière judiciaire, 161 millions d’euros ont été inscrits en crédits de paiements, et 400 emplois seront créés au bénéfice des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).
L’application des peines, talon d’Achille de la justice, n’est plus le parent pauvre que nous avons longtemps connu. On peut en effet relever la création de 145 emplois en vue de l’ouverture à venir de places de prison, ainsi que la forte augmentation des crédits en faveur de la sécurité pénitentiaire.
Nous avons toutefois quelques doutes, que je citerai dans le désordre.
Tout d’abord, vous mettez en avant la création du parquet national antiterroriste (PNAT), madame la ministre. Pour notre part, nous ne sommes pas convaincus d’une amélioration par rapport à la compétence antérieure du parquet de Paris, et l’efficacité que celui-ci pouvait trouver dans une mobilisation rapide de magistrats en nombre.
S’agissant de la création de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice, notre groupe a peu d’appétence pour la multiplication des agences…
Les établissements pour mineurs (EPM) nous semblent connaître beaucoup de dysfonctionnements. Nous ne demandons pas leur suppression, mais, a minima, votre vigilance particulière, madame la ministre.
En conclusion, je vous présente nos points d’attention. L’année 2020 sera-t-elle l’année de la réalisation et des premiers résultats, comme vous vous plaisez à le dire ? Nous le souhaitons !
Toutefois, nous ne croyons pas que tout soit une question de budget ni que tout passe par une réforme de la justice. Nous ne pensons pas que la justice doive se complaire dans les grands principes, les grands débats de société ou les assauts intellectuels qui rivalisent de brio à l’occasion des discours de rentrée.
Notre groupe pense que la justice a besoin d’humilité et de ténacité, d’un effort du quotidien. Pour paraphraser l’image chère à nos collègues de la commission de la défense, qui ont parlé d’une loi de programmation militaire « à hauteur d’homme », nous souhaitons également une justice à hauteur d’homme.
Sans vouloir réduire le prestige attaché à votre mission, madame la garde des sceaux, nous sommes convaincus que votre ministère a besoin d’une culture du management, une culture de la gestion des ressources humaines, une culture du pilotage transversal des projets, qu’ils soient immobiliers ou informatiques.
Pour symboliser notre approche, nous pensons plus utile au fonctionnement de la justice d’avoir une chaîne pénale informatique fluide, de la plainte au jugement et à son exécution, fluide pour les policiers, les greffiers, les magistrats, les avocats, tous les auxiliaires de justice ou encore les victimes, que de débattre indéfiniment de réformes pénales. La justice est pour nous très représentative du fonctionnement en silo de notre pays.
Le budget que vous nous présentez permet des avancées, madame la garde des sceaux. Si elles étaient accompagnées d’une plus grande horizontalité de votre ministère, notre groupe y verrait une œuvre très utile.
En conclusion, et pour répondre à la question que je posais au début de mon intervention, les critiques multiples qu’ont détaillées nos collègues rapporteurs sont telles que nous ne pouvons soutenir ce budget, madame la garde des sceaux.
J’ai rappelé un certain nombre d’avancées, mais le fait qu’un budget augmente ne suffit pas à démontrer que l’effort est à la hauteur des enjeux. Je terminerai en reprenant un point cité par mon collègue Yves Détraigne : oui, le budget des juridictions judiciaires augmente, mais l’effort consenti ne permet même pas de couvrir l’érosion liée à l’inflation…
Suivant l’avis de la commission des finances et de la commission des lois, le groupe Union Centriste votera contre les crédits de la mission « Justice ».