Intervention de Jacqueline Eustache-Brinio

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Justice

Photo de Jacqueline Eustache-BrinioJacqueline Eustache-Brinio :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’examen de cette mission « Justice » doit nous amener à nous pencher, à la lumière des problématiques auxquelles la France fait face aujourd’hui, sur la question centrale de la protection judiciaire de la jeunesse.

Alors que les phénomènes de délinquance deviennent de plus en plus précoces chez certains jeunes, notre pays doit assurer une protection judiciaire de la jeunesse efficace et dotée des moyens de ses ambitions.

Pour 2020, le Gouvernement propose d’augmenter de 2 % les crédits du programme 182, « Protection judiciaire de la jeunesse », soit 18 millions d’euros, dont 8 millions d’euros de masse salariale. Ce projet de loi de finances pour 2020 prévoit la création de 70 équivalents temps plein d’éducateurs supplémentaires. Selon la protection judiciaire de la jeunesse, ces nouveaux postes seront essentiellement consacrés à la prise en charge éducative en milieu ouvert, dont les effectifs actuels sont gravement insuffisants, notamment pour permettre une prise en charge socio-éducative efficace, afin de repérer au plus vite les mineurs en risque de réitération, de décrochage scolaire ou de rupture familiale et de travailler avec leur famille.

Néanmoins, un problème de taille demeure, celui de la qualification et de l’expérience des éducateurs. Malgré les efforts affichés en termes de recrutement d’éducateurs, il ne suffit pas de créer des postes supplémentaires. En effet, tout comme la problématique existe au niveau de l’éducation nationale pour les enseignants débutants nommés dans les quartiers les plus difficiles, il est nécessaire et crucial de mener une réflexion sur l’expérience des éducateurs, lesquels doivent être suffisamment armés pour encadrer les jeunes qui leur sont confiés. Une formation solide et complète permet d’éviter un turnover excessif dans les équipes et de mettre en difficulté des éducateurs au tout début de leur carrière, que ce soit en milieu ouvert ou dans les centres éducatifs.

Quant aux centres éducatifs fermés (CEF), un programme de création de 20 établissements supplémentaires a été lancé en 2018 pour la mandature, s’ajoutant aux 52 centres existants. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit ainsi 4, 3 millions d’euros en crédits de paiement pour la création de 5 nouveaux centres. Par ailleurs, une aide à l’investissement de 2, 3 millions d’euros permettra de lancer la construction de 5 nouveaux centres concernant le secteur associatif habilité.

Le développement de ce type de structures apparaît aujourd’hui nécessaire, dans un premier temps, pour fournir à la justice une alternative à l’incarcération des mineurs multirécidivistes ou ayant commis des faits d’une particulière gravité. En effet, développer des alternatives à la prison pour les jeunes délinquants permet de croire et d’espérer que ces jeunes ne connaîtront jamais la prison.

Certes, les crédits immobiliers concernant les CEF sont clairement intégrés dans le PLF pour 2020, mais l’encadrement des jeunes qui y sont accueillis est loin d’être satisfaisant, soit par le manque de postes, soit par le nombre de postes vacants, ce qui peut nous interroger.

Une autre question doit vous interpeller, madame la ministre : les deux tiers des jeunes placés en centres éducatifs fermés avaient auparavant été suivis par les services de la protection de l’enfance. Une telle proportion conduit à se poser des questions sur l’efficacité de la prise en charge socio-éducative de ces mineurs, souvent victimes de carences éducatives et familiales ou livrés à eux-mêmes.

Face à une délinquance de plus en plus précoce, il me semble urgent de mettre autour de la table tous les acteurs de la protection de l’enfance pour la rendre plus efficace, sans jamais oublier, même si ce n’est pas facile, que les familles de ces jeunes ne doivent pas être exclues de cette problématique.

Il conviendra donc de traiter avec beaucoup d’attention cette question au cours des états généraux de l’hébergement, qui visent à réfléchir aux solutions à apporter à la situation critique dans les foyers collectifs, les foyers de jeunes travailleurs et les centres éducatifs renforcés.

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