Vos amendements, messieurs les rapporteurs, visent à supprimer les éléments de réforme de l’aide juridictionnelle adoptés par l’Assemblée nationale lors de la première lecture de ce projet de loi de finances.
Je dois vous avouer que je suis un peu gênée par l’un des arguments que vous avez avancés, à savoir celui qui a trait à l’absence d’étude d’impact.
Cet article, comme vous l’avez souligné vous-même, est d’origine parlementaire. Le dépôt de l’amendement dont il est issu faisait suite au rapport élaboré par Mme Moutchou et M. Gosselin, députés. Cet amendement a été adopté par l’Assemblée nationale d’une manière complètement transpartisane. Or les amendements parlementaires, comme vous le savez, ne nécessitent pas d’études d’impact. À suivre votre raisonnement, en invoquant cette irrégularité, vous semblez considérer que les parlementaires ne peuvent pas prendre l’initiative de réformes ambitieuses à la suite d’un véritable rapport qui, au fond, sert en lui-même d’étude d’impact. Cette démonstration m’étonne donc quelque peu.
Au demeurant, l’incidence financière de cet article sera relativement faible. Son objet est de fixer le bénéfice de l’aide juridictionnelle en se fondant – vous l’avez rappelé – sur le revenu fiscal de référence. Cela ne devrait pas modifier sensiblement le périmètre actuel des bénéficiaires de cette aide. En outre, cet article comporte des mesures d’économie.
Je ne partage pas non plus, monsieur le rapporteur spécial, un autre des arguments qui ont été avancés, selon lequel les plafonds devraient être fixés dans la loi. Les plafonds d’admission à de très nombreuses aides sociales sont d’ores et déjà fixés par le pouvoir réglementaire. C’est le cas des aides au logement, du revenu de solidarité active, et de bien d’autres encore. Le pouvoir réglementaire peut donc fixer le montant des plafonds de ressources ouvrant droit à certaines aides, dès lors que la loi en fixe le cadre.
De ce point de vue, l’article adopté par l’Assemblée nationale fixe clairement l’objectif et les limites de ces plafonds, ainsi que les correctifs à prendre en compte dans l’octroi de l’aide juridictionnelle.
Enfin, s’agissant du dernier point que vous avez évoqué, à savoir la nécessité de maintenir un bureau d’aide juridictionnelle au sein de chaque tribunal judiciaire et de faire figurer cette obligation dans la loi, il faut savoir que, dans la réalité actuelle, un très grand nombre de bureaux d’aide juridictionnelle sont gérés par une ou deux personnes. Dès lors, garantir la continuité du service, la qualité du traitement des demandes et la durée de leur instruction s’avère extrêmement difficile dans de nombreuses juridictions.
Dans ce contexte, il n’apparaît pas anormal que le législateur octroie au pouvoir réglementaire la capacité de mieux organiser les circuits d’instruction des demandes d’aide juridictionnelle. Cela permettrait d’éviter des situations dans lesquelles l’absence d’un agent peut mettre en péril le bon fonctionnement d’une juridiction. Contrairement à ce que vous semblez redouter, cette disposition, tout comme celle qui porte sur les critères de ressource, ouvre la perspective d’un octroi beaucoup plus rapide et sécurisé de l’aide juridictionnelle, ce qui permettra de répondre bien mieux qu’aujourd’hui à l’urgence en matière pénale.
Cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus de contact de proximité pour le justiciable. J’ai eu l’occasion de vous répondre à ce sujet en clôture de la discussion générale : le service d’accueil unique du justiciable présent dans chaque juridiction sera ce contact ; il pourra évidemment recevoir les dossiers et répondre aux questions qui seront formulées.
Grâce à un système informatique national performant, comme celui que nous voulons créer, système qui pourra contrôler automatiquement le revenu fiscal de référence, l’instruction de la demande d’aide juridictionnelle pourra être organisée d’une manière différente de celle qui se pratique aujourd’hui. Nous travaillons d’ailleurs actuellement avec six juridictions pilotes pour définir la meilleure organisation.
Pour toutes ces raisons, je regrette que vous n’approuviez pas ces dispositions, qui vont selon moi rendre le dispositif d’aide juridictionnelle plus efficace et performant. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.