Intervention de Bertrand Munch

Commission des affaires économiques — Réunion du 11 décembre 2019 à 9h30
Audition en application de l'article 13 de la constitution de M. Bertrand Munch candidat proposé à la fonction de directeur général de l'office national des forêts

Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts :

L'évolution du nombre d'ouvriers forestiers est à la baisse, ce qui soulève en effet la question de la présence sur les territoires. Les ouvriers font un métier qui reste dangereux, mais l'exploitation change et s'industrialise. Reste à mener un travail avec les collectivités territoriales sur la transparence des données ; ce sont là des outils éloignés de la tradition du martelage. Il nous faut cheminer pour définir ce qu'est une présence territoriale, sans laquelle l'ONF n'aurait aucun sens.

En matière de défense des forêts contre les incendies, j'ai été, il y a longtemps, sous-directeur de la prévention des risques au ministère de l'intérieur. Ce qui a été fait dans le Midi méditerranéen montre qu'il existe des solutions efficaces. C'est l'un des axes de travail qui nous attendent, sur un des sujets d'intérêt général qui a le plus d'importance. Il en va de même du rétablissement des terrains en montagne, pour lequel l'ONF est opérationnel, comme l'ont montré les récents épisodes climatiques. Il s'agit là de missions qu'il ne faut pas contester.

S'agissant de l'équilibre sylvo-cynégétique, la chasse est un usage important de la forêt ainsi qu'une source de revenus. Je ne suis pas chasseur moi-même, mais je vais me risquer à dire qu'il y a aujourd'hui trop de chevreuils qui se nourrissent de plants ou de jeunes arbres. Dans votre rapport, la chasse apparaît comme un usage important de la forêt et une source de revenus. Dans le contexte de la fragilité de la forêt, avec la régénération rendue nécessaire par les scolytes, nous avons une difficulté d'approvisionnement en jeunes plans, et l'équilibre entre arbres et gibier me semble être arrivé à une limite.

La définition des relations avec les régions relève d'un cadrage national, au sein duquel l'ONF n'est pas seul. Ces relations doivent être développées, mais sans doute pas de façon uniforme. Par exemple, en matière de forêts domaniales, les orientations adoptées avec la région d'Île-de-France conduisent à adapter la façon de conduire la forêt et à prendre en compte les usages et les perceptions, car sa vocation est d'abord paysagère. Ce n'est pas le cas, en revanche, pour le massif des Maures, les Landes, ou les Vosges, ou tout au moins pas de la même manière.

Sur les relations avec l'Europe, l'ONF se différencie d'une entreprise par le fait qu'il n'est pas autonome, mais qu'il fait partie d'un ensemble : le dialogue européen est d'abord le fait de l'exécutif et des services de l'État. Toutefois, il faudra apporter des réponses techniques au changement climatique, même si je ne crois pas que l'on puisse s'inspirer en cela de l'exemple des membres nordiques de l'Union européenne, car les logiques sont très différentes. Le rapport établi par les inspections comprend un important volet de comparaison et de mise en commun des données européennes, j'en conclus qu'il n'existe pas de modèle forestier suffisamment proche du nôtre pour être directement transposé. C'est par le travail en commun sur les réponses à la crise que l'on avancera, notamment pour les résineux.

La première mesure que je prendrai pour faire évoluer la relation entre l'État et les communes forestières concernera sans doute la transparence des données. Ce n'est pas simple. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un sujet relevant de l'open data, car, si le gestionnaire est l'ONF, les propriétaires, c'est-à-dire les collectivités territoriales, ont droit à des informations privilégiées, notamment celles qui relèvent du secret commercial. Ce problème perdure et je ne sais pas pourquoi il n'a pas été réglé ; il faut maintenant le faire. De plus, la législation évolue et nous sommes sous le coup de contraintes légales qui rendent l'open data obligatoire. Il nous revient donc de définir un niveau élevé de transparence, car tous les acteurs, associations ou citoyens l'attendent et la législation sur la transparence des données nous oblige.

En outre, il faut être prudent, car les communes sont confrontées à des situations très différentes, mais, sur les documents d'aménagement, il existe une valeur ajoutée de l'ONF. Ses agents mettent des documents à disposition et il y a une façon de procéder qui peut concourir à faciliter le dialogue, à travailler plus facilement et à faire en sorte que la part administrative ne grignote pas le temps consacré aux relations de terrain.

S'agissant de la crise sanitaire, l'ONF a joué un vrai rôle et a confirmé son utilité. Monsieur Daniel Gremillet, vous connaissez éminemment la forêt vosgienne : pouvions-nous vraiment éviter cette crise ? Je comprends qu'il faudrait prendre plus rapidement la décision de couper du bois qui a encore une valeur marchande, mais pourquoi cela ne se fait-il pas suffisamment ? C'est un travail qu'il nous faut approfondir.

L'ONF a développé des compétences en biologie, en particulier, plusieurs centaines de personnes s'en occupent, la forêt publique française est une des plus diversifiées d'Europe, avec le nombre d'essences le plus élevé. L'ONF a travaillé sur cette compétence et pourra la développer dans le futur. Ce sera ma responsabilité. S'agissant, cependant, des relations avec les nouvelles structures, je réserve ma réponse car il faudra trouver un équilibre satisfaisant.

Sur la question de l'exportation du chêne vers la Chine, le label est une avancée positive, mais il faut travailler dans la durée. Ces mesures demandent du temps pour produire leurs effets, mais le dispositif est bon : il faut persévérer et mieux structurer la filière.

Madame Anne-Catherine Loisier, il faut admettre qu'il existe des concurrences dans les diverses fonctions que l'on assigne à la forêt publique : la dimension environnementale et la mise à disposition d'espace augmentent par rapport à l'exploitation du bois, qui a fondé l'ONF.

L'ONF a évolué, comme on le constate dans la position qu'il a adoptée à l'égard des parcs naturels ou d'anciens dispositifs comme Natura 2000. Il se positionne ainsi comme l'un des premiers acteurs de la biodiversité et du développement durable, mais il importe de traiter la conséquence financière de cette mission d'intérêt général qu'il exerce indubitablement. La réponse se trouve peut-être dans l'approche patrimoniale à long terme et dans une gestion dans la durée. Ces mots peuvent sonner comme des généralités, mais il s'agit de cycles longs qui ne doivent pas subir des changements tous les ans. Nous avons besoin de stabilité et de clarté, c'est cela qu'attendent les personnels de l'ONF. Toutefois, il faut gérer les conséquences : comment doser les coupes rases, par exemple ? Comment assurer la substance et les plants pour replanter, alors que le rôle de l'ONF en relation avec les propriétaires privés est précisément de mettre à disposition les moyens de replanter ?

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