Commission des affaires économiques

Réunion du 11 décembre 2019 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ONF
  • bois
  • climatique
  • crise
  • dialogue
  • forestière
  • forêt
  • relation
  • évolution

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous entendons ce matin, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Bertrand Munch, aujourd'hui préfet en service détaché et directeur de l'information légale et administrative, dont le Président de la République propose la nomination aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts (ONF).

Je rappelle que cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, l'État ne pourrait pas proposer cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, mais nous ne dépouillerons les résultats qu'à l'issue de votre audition par nos collègues députés, qui débutera cet après-midi à 15 heures. Les délégations de vote n'étant pas autorisées, j'invite chacun d'entre vous à rester jusqu'à la fin de l'audition pour participer au scrutin.

Monsieur le préfet, notre commission doit exprimer un avis sur l'adéquation entre un candidat et un poste. En l'occurrence, il s'agit de relever deux défis considérables.

Le premier est d'affronter les difficultés récurrentes de l'ONF. Je rappelle que cet établissement public industriel et commercial (ÉPIC) est né en 1964 avec la mission de redresser notre balance commerciale déficitaire en sciages résineux et avec l'objectif de financer la gestion des forêts publiques par les recettes tirées des ventes de bois. Or ce modèle n'a fonctionné que pendant deux ans, au plus fort de la crise pétrolière de 1974. Depuis les années 1980, malgré des efforts considérables, l'ONF est devenu structurellement déficitaire, avec des recettes de vente de bois qui stagnent, en dépit d'une exploitation plus intensive de la forêt publique, et de sévères compressions d'effectifs qui n'ont pas suffi à maîtriser une masse salariale gonflée par des facteurs exogènes. Il en résulte un cumul de tensions financières, économiques, sociales et territoriales, avec une gestion « multifonctionnelle » de la forêt qui, dans les faits, s'apparente parfois à une gestion des conflits d'objectifs.

Quelle stratégie de rééquilibrage proposez-vous pour résoudre la quadrature du cercle face à la tutelle de Bercy, qui souhaite des économies de fonctionnement et une trajectoire de désendettement, face aux 8 500 agents de l'ONF, qui évoluent dans un climat social peu propice à l'efficacité de l'établissement, face aux 11 000 communes forestières, qui souhaitent plus de présence sur le terrain, plus de transparence des coûts et plus de concertation et face à la filière bois et ses 420 000 emplois, qui s'inquiète de son approvisionnement en matière première et des résistances sociétales aux coupes de bois ?

Quelle est votre vision du statut de l'ONF ? Faut-il, selon vous, que l'ONF change de statut ou de modèle ? Que comprenez-vous des intentions du Gouvernement et des scénarios d'évolution envisagés dans les volumineux rapports d'inspection sur cet établissement ?

Le second défi porte sur le rôle de locomotive que doit jouer l'ONF pour permettre l'adaptation de l'ensemble de notre forêt. Les attaques d'insectes, qui dévastent certaines essences résineuses et menacent aussi les feuillus, sont le révélateur d'un affaiblissement global de nos peuplements forestiers qu'il faut très vite adapter aux nouvelles conditions climatiques. Face à ce risque de catastrophe forestière, tout le monde s'accorde à peu près sur la nécessité de procéder à la replantation, mais personne ne sait exactement quelles essences replanter. Comment, selon vous, l'ONF peut-il répondre aux acteurs de la forêt, qui vont se tourner vers vous pour avoir des points de repère et des soutiens ?

Par ailleurs, les insectes ne tiennent pas compte des distinctions entre forêts publiques et privées. C'est pourquoi le moment nous paraît propice pour mettre en oeuvre notre préconisation de décloisonnement et pour raisonner par massif. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Enfin, nous souhaiterions éclaircir un mystère : alors que le Gouvernement a annoncé un plan de 16 millions d'euros sur trois ans pour la replantation, en prenant beaucoup de précautions juridiques pour ne pas contrarier les règles européennes, l'Allemagne prévoit de mobiliser 800 millions d'euros au total. Comment expliquez-vous ce décalage ?

Monsieur Bertrand Munch, je vous cède sans plus tarder la parole, puis mes collègues vous poseront directement leurs questions, chacun pour un temps de parole de deux minutes.

Debut de section - Permalien
Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

J'ai effectivement l'honneur de vous soumettre ma candidature à la direction générale de l'Office national des forêts. Cette candidature repose sur une expérience, mais aussi une motivation et elle emporte un projet pour l'établissement.

Je ne suis pas un professionnel de la forêt ; pour autant, les expériences que j'ai connues dans les différents postes qui m'ont été confiés me permettent d'essayer de vous convaincre qu'elles peuvent constituer une base de départ pour répondre aux défis notamment internes qui se posent à l'ONF et assurer son pilotage.

Premier élément : issu du métier préfectoral, je suis convaincu de la dimension et de l'importance des territoires, du travail - et non pas seulement du dialogue - à mener avec les élus et les acteurs locaux. Je suis profondément imprégné de ces nécessités depuis mon entrée dans la fonction publique, ce qui est important dans le contexte de l'ONF.

J'ai commencé en 1985 ma carrière préfectorale au lendemain des lois de décentralisation qui ont changé non seulement le contexte, mais aussi l'état d'esprit sur le terrain. Là aussi, l'ONF doit prendre en considération ces évolutions de fond.

Deuxième élément : l'interministériel. L'ONF est profondément intégré - certains diraient « ballotté » - dans le dialogue interministériel : non seulement Bercy, madame la présidente, mais aussi le ministère de l'agriculture et le ministère de la transition écologique et solidaire. De même, l'ONF, depuis 1964, est traditionnellement à l'écoute des services de la présidence de la République et de Matignon. En tant que directeur financier du ministère de l'intérieur, puis en tant que secrétaire général de la préfecture de Paris, j'ai eu l'occasion de traiter des dossiers requérant de la persévérance pour obtenir des réponses.

La difficulté à équilibrer le budget est une question centrale pour l'établissement public. Dans plusieurs de mes postes, j'ai pu travailler sur les questions d'organisation, de logistique et de modernisation. Comme directeur de l'information légale et administrative, qui est ma responsabilité actuelle, je crois avoir agi en faveur d'une meilleure gestion avec des résultats mesurables. En tout cas, je suis convaincu qu'il n'est pas possible de transposer des recettes toutes faites ou des prescriptions d'économies, d'une structure à une autre ; chacune a sa vie propre et ses logiques propres.

J'ai également assumé la responsabilité des ressources humaines et du dialogue social dans plusieurs postes. Certes, ces organisations étaient plus petites que l'ONF et ses 8 500 fonctionnaires et salariés. J'ai la conviction qu'un projet ne peut pas aboutir « contre » les membres d'une organisation. Au poste que j'occupe aujourd'hui, nous avons vraiment travaillé avec les organisations syndicales, dont la tradition est forte dans la presse parisienne. Je pratique aujourd'hui quotidiennement la mixité - je ne parle pas simplement de coexistence - entre des salariés de droit privé et des fonctionnaires. Cet aspect est important s'agissant de l'ONF.

Enfin, mon parcours est marqué par l'appartenance au service public et cette sensibilité me paraît très importante pour l'avenir de l'Office. Je comprends le service public aujourd'hui comme une formidable exigence de la part des citoyens et en termes d'adaptation. C'est aussi la nécessité de rendre un service meilleur et moins cher - cela s'impose à toutes les structures publiques, qu'elles soient étatiques ou locales.

Ces éléments me permettent de penser que ma candidature est recevable, mais mon ambition n'est pas seulement d'animer un opérateur de l'État : elle est d'abord d'oeuvrer dans et pour la forêt publique. Je ne peux pas prétendre rivaliser avec la passion que les agents de l'ONF manifestent dans le travail quotidien : je souhaite leur dire mon respect pour cette vocation, qui est une chance pour l'Office et pour la forêt. Mon incompétence technique, qui est certaine, sera palliée par les cadres de haut niveau qui animent cette maison. Je signale cependant que ma vie privée fait une bonne place à la forêt, à l'arbre et au bois et je réfute ceux qui mettraient en doute a priori cette profonde motivation. Comment d'ailleurs, sans passion, relever les défis auxquels est confronté l'ONF ?

De ces défis, je vais maintenant vous parler avec une certaine prudence puisque je ne suis pas encore directeur général. Le contexte, les enjeux, les axes d'ores et déjà fixés me paraissent effectivement suffisants pour aborder devant vous les principales thématiques, celles que vous avez citées dans votre propos introductif, madame la présidente.

Un certain nombre d'éléments de cadrage actuels n'existaient pas il y a encore un an : le rapport conjoint des inspections que vous avez évoqué et la communication gouvernementale du 27 juin. Il existe d'autres contributions comme le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », le résultat à venir de la mission que le Premier ministre a confiée à la députée Anne-Laure Cattelot et la préparation de la contractualisation 2021-2026 ; sur ce point, les six premiers mois de l'année 2020 seront consacrés à discuter et à formuler le projet de l'Office.

Ce projet s'articule autour de quatre points : le retour à la confiance par le dialogue social ; l'amélioration du modèle économique ; la refonte des relations avec les partenaires et spécialement avec les collectivités forestières ainsi que le rôle que peut jouer l'ONF dans la réponse au changement climatique et aux attentes environnementales.

Ma priorité immédiate sera de restaurer la confiance des agents de l'ONF dans leur avenir et dans celui de l'Office. Leur engagement et leurs compétences sont reconnus par tous, et je serai fier de les rejoindre, si vous ne vous y opposez pas.

La concertation doit être rétablie dans la durée. Jean-Marie Aurand, le directeur général par intérim, et l'équipe de direction ont travaillé en ce sens et restauré les conditions préalables à un dialogue qui était effectivement rompu. Je rejoins les déclarations faites par l'intersyndicale pour dire que le respect mutuel et la clarté sont les conditions d'un travail efficace. Des évolutions fortes sont en cours et la lucidité conduit à les accepter pour travailler à leur mise en oeuvre dans des conditions satisfaisantes pour tous.

Je m'inscris dans l'augmentation du nombre des salariés de droit privé et je constate qu'une évolution à la baisse des effectifs est à nouveau prévue par le projet de loi de finances pour 2020, avec une diminution du plafond d'emploi de 51 postes. Cette évolution est inscrite dans les documents triennaux, sous réserve de vos votes à venir sur les prochains budgets. Pour moi, il est nécessaire de travailler aux garanties à assurer aux fonctionnaires de l'établissement, mais aussi aux ouvriers forestiers, dont le métier évolue considérablement.

Mon second objectif est l'amélioration du modèle économique. Le budget pour 2020 récemment adopté par l'établissement enregistre un déficit de l'ordre de 50 millions d'euros. Le rapport des inspections indique des pistes d'économies internes, comme la rationalisation des fonctions support. Certaines de ces économies impliquent dans un premier temps des efforts en matière d'investissements, notamment l'amélioration et la refonte des systèmes d'information. Mais la maîtrise des coûts n'est pas seulement un sujet interne. Le niveau du compte d'affectation spéciale « CAS Pensions », le niveau des taxes foncières sur le domaine forestier - avec la fin de l'exonération dont bénéficiait l'ONF en Guyane - ont des conséquences financières importantes, qui doivent être traitées dans le cadre du projet de contrat 2021-2026.

Ce modèle économique mérite d'être clarifié. Le Gouvernement a posé le principe de la création d'une filiale pour les activités concurrentielles de travaux et de services. Plus encore que d'autres réformes, cette mesure ne peut être traitée dans une perspective uniquement comptable. L'enjeu est d'abord celui des ressources humaines, mais, là aussi, des voies ont été tracées.

L'expérience a montré par ailleurs que le retour à l'équilibre ne viendra pas principalement d'une augmentation du produit des ventes de bois. La logique profonde de l'ONF, en tant qu'EPIC, est d'exploiter et de vendre le bois dans les meilleures conditions de transparence. Cela vaut pour les forêts domaniales et territoriales. Pour autant, la crise sanitaire actuelle ne fait que renforcer une nécessaire prudence sur les prévisions de recettes.

Enfin, et pour ne les aborder que sous leur aspect financier qui est un peu réducteur, les activités d'intérêt général ne sont pas correctement financées. Je pense, en particulier, à la contrepartie des aménités environnementales.

Ces enjeux internes sont considérables et nécessitent un vrai travail, même si les 8 500 agents de l'ONF agissent sur le terrain, comme on l'a vu ces dernières semaines.

J'en viens aux enjeux externes. Le premier concerne l'amélioration du travail avec les partenaires, en premier lieu les collectivités forestières. Un certain nombre de sujets font l'objet de débats, mais je note que l'État a maintenu le versement compensateur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

La relation avec les collectivités territoriales implique un dialogue quotidien de terrain, qui peut être clarifié. Je pense notamment à la transparence sur les coûts et les produits de l'exploitation du bois dans les forêts communales et territoriales ainsi qu'à la manière d'élaborer les documents d'aménagement.

Le dialogue peut et doit évoluer tant entre la direction de l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières qu'entre forestiers et élus. L'immense majorité des collectivités reconnaît l'utilité du régime forestier et l'utilité de l'ONF, qui est le mieux à même de mutualiser les compétences et les moyens. Mais il est indispensable d'intégrer définitivement le fait que les collectivités sont propriétaires de leurs forêts. Le poids des ventes de l'ONF à l'aval de la filière bois - qui représente 440 000 emplois - est à lui seul un motif pour approfondir le travail avec la profession.

Dans un passé récent, des progrès certes limités, mais réels, ont été enregistrés, avec, par exemple, la création par l'ONF de la filiale bois énergie. S'agissant des relations entre l'Office et l'industrie de transformation, je serai prudent, madame la présidente, pour deux raisons : d'une part, je n'ai pas rencontré les professionnels de la filière, n'étant pas directeur général de l'ONF ; d'autre part, la responsabilité première du dialogue avec la filière, de sa structuration, relève en premier lieu des services du ministère de l'agriculture.

Il en va de même pour les relations entre la forêt publique et la forêt privée. Compte tenu de la complexité des sujets à régler s'agissant de la forêt publique, il n'y aura pas de tentation « invasive » vers la forêt privée et, plus précisément, vers les organismes qui la représentent. Pour autant, le travail en commun est indispensable et plus que jamais nécessaire. Vous avez évoqué la gestion par massif et, en tout état de cause, la prise en compte du changement climatique affecte de la même manière les parcelles privées et les parcelles publiques. Qui d'autre que l'ONF, structure nationale, peut apporter les solutions à mettre en oeuvre au regard du changement climatique, la forêt privée étant caractérisée par la multitude des propriétaires ? Là encore, le ministère de l'agriculture a un rôle de coordination à jouer. Je n'énoncerai pas a priori ce que sont les attentes des propriétaires forestiers : c'est à eux de les exprimer. Une intervention volontariste de l'ONF n'est pas nécessairement la solution pour régler les problèmes auxquels sont confrontés aujourd'hui les propriétaires forestiers, souvent de nature diverse.

Ces objectifs de partenariat me semblent non seulement compatibles, mais même plus accessibles qu'avant grâce à la réforme de la gouvernance de l'ONF que l'État a annoncée le 27 juin. Mon premier objectif externe est donc le dialogue avec les partenaires, au premier rang desquels les collectivités forestières. Le second, plus ambitieux, est de renforcer le rôle de l'ONF dans la réponse au changement climatique et aux attentes environnementales.

Ce changement profond est double. Un des facteurs objectifs, c'est le changement climatique, qui bouleverse durablement les conditions de vie de la forêt, publique ou privée.

L'évaluation du risque pour notre forêt et plus encore les réponses techniques et de gestion ne sont pas aujourd'hui stabilisées. L'ONF a déjà travaillé sur ces sujets et peut avoir l'ambition d'être un lieu central de recherche de solutions avec le patrimoine dont il a la responsabilité, mais aussi de mise à disposition de ces solutions au bénéfice de la forêt privée. Je ne vous préciserai pas ce matin les solutions techniques pour la replantation, le choix des essences, les résineux - avec, en particulier les attaques de scolytes contre les épicéas - ou encore la stratégie adéquate pour s'adapter au déplacement des lignes climatiques.

L'ONF a donc un vrai rôle à jouer, nouveau pour lui, mais qui apparaissait déjà en filigrane lorsque les forêts ont été attaquées par les pluies acides. Les défis d'aujourd'hui ont une autre dimension.

Le changement est aussi un changement de société, ne serait-ce qu'en raison de l'évolution de nos concitoyens - riverains des forêts et urbains - dans leur représentation de la forêt, spécialement de la forêt publique. Une ambition pour la forêt est possible, comme elle l'a été pour le littoral ou la montagne. Je crois comprendre que l'intention du chef de l'État et du Gouvernement, dans les mois qui viennent, est de formuler une ambition pour la forêt. Cette ambition ne peut se construire qu'en fonction des attentes actuelles de nos concitoyens. L'ONF s'étant structuré en fonction des attentes des années 1960 et 1970, une adaptation est nécessaire. Cela peut expliquer pour partie la difficulté sur certains points - je pense aux coupes rases - du dialogue entre ceux qui détiennent le savoir technique et ceux qui vivent la forêt par des usages plus ou moins réguliers. Ces changements prennent des dimensions supplémentaires dans nos outre-mer, et pas seulement en Guyane. Au début de mon propos, j'ai évoqué les questions de financement soulevées par ces évolutions.

Sur un autre plan, l'ONF prend toute sa part actuellement à la crise des scolytes. Il est le mieux à même de mobiliser les moyens d'expertise, d'assurer une fonction de conseil et aussi de participer à la régulation du marché par nombre d'actions très concrètes.

Pourquoi la République française mobilise-t-elle 16 millions d'euros tandis que notre voisin allemand mobilise 800 millions d'euros ? Je ne répondrai pas, madame la présidente, à cette question. Cette comparaison doit être faite avec prudence. Ces deux chiffres ont une force symbolique évidente et il est évident que ces 16 millions d'euros ne suffiront pas pour régler les problèmes financiers engendrés par la crise. Cependant, il faut rappeler que nos voisins allemands ont une approche de la forêt différente de la nôtre, qu'il s'agisse de son mode d'exploitation, de sa composition beaucoup plus résineuse ou de la répartition des rôles entre l'État fédéral, les Länder et les autres collectivités. Je souligne également que le bouleversement des conditions d'évolution de nos forêts va au-delà des questions financières.

Pour conclure, je dirai que, pour moi, pour les acteurs et pour nos concitoyens, l'ONF incarne toujours la forêt publique. De ce fait, cette exigence d'adaptation est plus forte que jamais.

Les agents de l'ONF apportent leur passion et leur compétence, et le Gouvernement vient de réaffirmer le principe de l'existence de cet établissement - cela n'allait pas de soi - ainsi que les axes d'une évolution importante. Les attentes des partenaires sont fortes et le changement climatique va bouleverser ce qui apparaît à certains comme un statu quo.

Face à de tels enjeux, je n'affirme que ma volonté de dialogue, l'ambition de la persévérance et ma foi dans l'avenir de la forêt publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci monsieur le préfet. Pour la première question, je donne la parole à la présidente du groupe d'études « forêt et filière bois », Mme Anne-Catherine Loisier.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

La situation de l'ONF est dégradée depuis longtemps et plus encore, dans les années récentes, pour l'ensemble d'une filière dont l'Office est une « locomotive », avec une concentration de savoirs, de connaissances et de culture forestière. Face aux difficultés actuelles, personne n'a de solution miracle, mais ces milliers de professionnels issus du public comme du privé, détiennent une foule de solutions qu'il faut dès à présent mettre en oeuvre et expérimenter. C'est maintenant qu'il faut agir pour reconstituer notre forêt et alimenter la filière, avec ses 400 000 emplois.

Ma question est simple : au-delà de la gestion et du cadrage social et budgétaire, quelle est votre vision du rôle que doit jouer l'ONF demain pour répondre aux enjeux de société, au croisement des besoins en matériaux bois et des attentes des citoyens ? Comment concilier ces enjeux avec la défiance qui persiste au sein de l'ONF ?

Il faut sans doute une nouvelle fondation de l'ONF, à travers de nouveaux rapports sur le terrain avec l'ensemble des élus et des associations, pour arriver à un pacte social autour de la forêt ainsi que par un renforcement des partenariats avec le secteur privé. Comment refonder ce nouveau pacte, qui est la seule porte de sortie de cette situation de défiance afin de tourner toute la filière vers l'avenir, comme l'ont compris nos voisins forestiers, qui investissent massivement dans la forêt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

L'ONF est une belle entreprise, qui exerce des responsabilités colossales dans les territoires, mais qui suscite des doutes. Comment comptez-vous rassurer les communes sur sa stratégie à l'égard des ressources forestières que leurs territoires recèlent ? De plus, aujourd'hui, nous assistons à une évolution du positionnement des régions, dont la responsabilité forestière augmente. Comment imaginez-vous les relations avec les collectivités régionales ?

Vous avez également évoqué l'évolution climatique : quels axes stratégiques - et pas seulement techniques - comptez-vous privilégier à ce sujet, en lien avec le marché ?

J'ai par ailleurs noté que vous n'aviez pas évoqué l'équilibre sylvo-cynégétique. Comment l'appréhendez-vous ?

La forêt est affaire de temps long. Aujourd'hui, on coupe plus que l'on ne reboise, alors même que la forêt française continue de croître. Comment comptez-vous intéresser les communes à l'investissement et les propriétaires au reboisement ?

S'agissant de l'aspect sanitaire, la crise des scolytes donne lieu à des situations absurdes, dans lesquelles on paye pour transporter des « cadavres », c'est-à-dire des bois morts : si l'on avait une politique sanitaire offensive, on pourrait transporter des bois vivants. Malheureusement, aucune politique de ce type n'a été mise en oeuvre, alors que l'on aurait pu éviter cette crise en coupant les arbres de manière à éviter la contamination des parcelles voisines.

Enfin, en ce qui concerne la dimension européenne, comment imaginez-vous travailler pour que la France forestière puisse concurrencer avec les autres régions forestières d'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Vous présentez votre candidature pour relever un gros challenge, après une période d'intérim, et alors que votre prédécesseur a été congédié. Je rappelle que quinze personnes pressenties ont décliné ce poste ; vous avez parlé de passion, mais j'aurais aimé sentir chez vous l'enthousiasme nécessaire à relever ce défi.

Rappelons le contexte : l'ONF est en déficit structurel chronique, malgré les restructurations, en raison de la baisse constante de la valeur du bois commercialisé. Il se trouve donc en situation de très grave crise, en particulier pour des raisons climatiques. Il manque plusieurs dizaines de millions d'euros en 2019, alors même que nous ne sommes qu'au début de cette crise climatique. Face à cette perte de recettes et à la nécessité d'investir pour sauver cette entreprise patrimoniale, quelle est votre vision de l'avenir et des négociations indispensables ? Avez-vous l'enthousiasme nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Ma première question concerne la refonte des relations avec les communes forestières. Quelle sera votre première mesure en ce sens ? Trouvez-vous normal que les communes ne puissent pas disposer de l'ensemble des données concernant leurs forêts communales ? Que pensez-vous de la définition actuelle du régime forestier ? Faut-il, selon vous, l'élargir en zone de montagne, voire au niveau national au vu des urgences auxquelles la forêt française est confrontée ?

Quelles relations envisagez-vous de nouer avec le tout nouvel Office français de la biodiversité (OFB), alors que de nombreux personnels de l'ONF travaillent presqu'exclusivement sur cette dimension ? Quelles synergies budgétaires envisagez-vous pour valoriser la connaissance en matière de biodiversité forestière de l'ONF en prenant en compte les remontées du terrain ?

Je signale enfin que de plus en plus d'élus s'agacent d'être soumis à la taxe à l'hectare de 2 euros, notamment dans les départements où la topographie empêche de dresser un plan de gestion ou d'entretenir activement la forêt, comme c'est souvent le cas dans les Alpes-Maritimes. Envisagez-vous de faire évoluer cette redevance pour en réserver le paiement aux seules communes dont les surfaces boisées font l'objet de sylviculture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Notre collègue Anne-Catherine Loisier, dans son rapport, recommandait de prendre en compte les spécificités propres de chaque territoire en intégrant dans sa sphère de réflexion les collectivités territoriales et les élus locaux. Pouvez-vous indiquer comment vous concevez, à l'échelle locale, une gestion diversifiée en accordant plus d'importance aux collectivités territoriales pour un encadrement nouveau de la forêt française ? Quelles relations envisagez-vous avec la Fédération nationale des communes forestières et les propriétaires privés ? Quelle sera votre première mesure en ce sens ?

Par ailleurs, qu'en est-il de l'agence de travaux de l'ONF et du projet de filiale transport ?

Enfin, comment comptez-vous inscrire le sylvo-pastoralisme dans la future stratégie de l'ONF, en particulier dans les nouvelles conventions de pâturage dans les forêts domaniales et communales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Aujourd'hui, 25 à 30 % des grumes de chênes issus de nos forêts sont exportés en dehors de l'Union européenne, en particulier vers la Chine. Cette situation nuit aux scieries françaises, dont on déplore la fermeture de trente établissements par an. En 2015, le label « Transformation UE » a été créé, fixant des conditions particulières aux acheteurs. Selon vous, cette mesure va-t-elle permettre de reconcentrer la transformation dans l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noëlle Rauscent

Les finances de l'ONF ne vont pas bien, de quels outils disposez-vous pour redresser la barre ? À défaut, de quels dispositifs souhaitez-vous que le Gouvernement vous équipe ?

S'agissant des territoires ultramarins, la forêt guyanaise, notamment, coûte cher et rapporte peu. Quelles actions envisagez-vous pour rétablir l'équilibre et mettre en valeur le bois des forêts d'outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

L'évolution du climat représente un danger pour la forêt : comment l'anticiper et préserver notre patrimoine ? L'État doit être au rendez-vous de ce défi, tout comme le sont nos voisins européens. Selon vous, faut-il mettre en place une nouvelle politique forestière, et laquelle ?

Quelle réforme vous semble prioritaire et quelle place comptez-vous laisser à la concertation ?

Enfin, les personnels de l'ONF espèrent le retour d'un dialogue social apaisé et fondé sur la confiance. Seront-ils associés à la conduite de l'établissement ? Sous quelle forme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Hier, durant la manifestation interprofessionnelle contre la réforme des retraites, des salariés de l'ONF m'ont interpellé : ils sont très inquiets du climat social qui règne dans l'institution. Quelle est la feuille de route que vous a confiée le Président de la République ? J'espère que ce n'est pas celle qui a conduit à bloquer le pays aujourd'hui sans répondre à aucune revendication !

Depuis dix ans, l'ONF est en restructuration et les personnels en paient le prix. Comme partout, les salaires sont bloqués. Qu'en est-il aujourd'hui de la formation, en particulier sur le site de Velaine-en-Haye, qui nous coûte 400 000 euros par an ? Va-t-il rouvrir ? Si la qualité d'EPIC était remise en cause, quel statut conserveraient ces personnels ? J'espère, en tout état de cause, que nous ne connaîtrons pas le même climat social que celui qui a amené votre prédécesseur à partir !

S'agissant de la forêt guyanaise, la lutte contre l'orpaillage illégal exige une action diplomatique forte en direction du Surinam et du Brésil, car nos militaires de l'opération Harpie ne peuvent pas en venir à bout seuls. Quelle est votre vision de ce problème ? Comment protéger la forêt ? On évoque une réforme du code minier ; mais celle-ci est attendue depuis un siècle ! Quel est votre avis sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Les ressources de l'ONF et son équilibre financier sont tributaires de la vente du bois, de son volume et de ses prix. Quelles évolutions de ce modèle économique peut-on attendre ? Les crises qui sont devant nous nécessitent un appui de l'ONF et risquent d'entraîner une importante baisse de recettes. Dans mon département, 5 000 hectares de forêt de résineux ont été touchés et les prix ont été divisés par quatre ou cinq.

La problématique climatique et géographique de la forêt nécessite une approche locale et régionale, quelle est votre stratégie sur ce plan ? Comment appréhendez-vous le rôle émergent des régions et de la Fédération nationale des communes forestières ? Comment comptez-vous adosser la stratégie de l'ONF à la régionalisation et aux enjeux régionaux et territoriaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Bertrand

Alors que l'Australie est ravagée par de gigantesques incendies, quelle politique contre les feux comptez-vous mettre en place dans l'Hexagone, mais aussi en outre-mer, particulièrement en Amazonie ? Dans la forêt méditerranéenne, les incendies constituent le fléau principal, contre lequel le département des Bouches-du-Rhône a créé les forestiers-sapeurs. Quelle sera votre politique à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Dans votre propos liminaire, vous avez dit ne rien connaître au monde du bois et de la forêt. Où allez-vous prendre votre feuille de route : à Bercy ou auprès des professionnels du bois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Nous constatons que, dans les territoires ruraux, les ouvriers forestiers disparaissent alors que l'administration de l'Office dans les villes se renforce. Dès lors, les personnels sont déconnectés des territoires. Pourrez-vous faire marche arrière afin de rationaliser les sites administratifs et de remettre des ouvriers dans les territoires ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

Si vous le permettez, je commencerai par répondre aux questions qui concernent la gestion de l'ONF, le dialogue social et le rétablissement de la confiance. S'agissant du dialogue social et de la relation avec les syndicats, je postule que, dans une situation de crise où ceux-ci attendent qu'on donne un contenu au dialogue, j'affirme qu'il est possible de construire un avenir de l'ONF en passant par sa refondation. Aujourd'hui, je dirige des équipes composées de personnels à très grande tradition syndicale et qui exercent des métiers en forte évolution. Dans mes fonctions actuelles, je mène donc un dialogue social sur des métiers dont l'avenir même n'est pas assuré. Or nous avons construit un projet à l'échelle de notre entreprise et nous avons obtenu des résultats. Telle est également ma volonté vis-à-vis de l'ONF et cela sera facilité par le fait qu'aujourd'hui, les attentes sont très fortes pour faire évoluer notre forêt.

Nous allons rencontrer les syndicats, et je ne peux pas postuler l'entente avec des partenaires que, par définition, je n'ai pas encore rencontrés, mais il y a une restauration du travail et du dialogue. L'ensemble des structures de concertation avaient été interrompues ; il fallait les réactiver. Ensuite, il faut trouver un chemin en gardant à l'esprit que cogestion n'est pas concertation et que concertation n'est pas codécision. D'une manière générale, décréter des décisions sans concertation préalable avec les partenaires n'est pas une bonne méthode.

S'agissant de la motivation et de la compétence technique, ma candidature a fait l'objet de longues discussions, le choix a été lent à se dessiner, j'ai fait preuve de persévérance. Certes, tout cela doit se prouver sur le terrain ; ces notions sont peut-être vagues,...

Debut de section - Permalien
Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

mais, dans une administration, le dialogue avec les partenaires syndicaux change les choses.

Concernant l'équilibre financier, je suis prudent quant à la possibilité de revenir en arrière sur la taxe à l'hectare. Celle-ci a été fixée d'abord à 4 euros, puis à 2 euros ; le processus me semble aujourd'hui stabilisé. La vocation de l'ONF est de mettre en oeuvre une mutualisation, et en matière de relations financières avec les collectivités territoriales, rentrer dans un débat forêt par forêt, en zone de montagne ou en zone urbaine, conduirait à des modulations et à une complexité qui ne paraissent pas opportunes. Les rapports entre l'ONF et les collectivités territoriales sont déterminés par le cadre réglementaire et législatif et il faut donc rester prudent. La stabilité du versement compensateur en offre un exemple. Je me dois donc de faire preuve de circonspection quant à la modification des équilibres, car les tentations sont fortes, mais les relations financières globales entre l'État et les collectivités territoriales marquent le point de stabilité.

On ne peut plus tabler, comme le prévoyait le contrat d'objectifs qui s'achèvera en 2020, sur une augmentation des recettes tirées de la vente de bois pour régler le problème ; il faut donc trouver d'autres réponses. Vous qualifiez l'ONF d'entreprise, c'est vrai, mais il s'agit également d'un établissement public. Cela soulève donc la question des prestations de service. Il faut les aborder sous leur aspect financier et analyser les prestations concurrentielles pour déterminer si elles sont rentables ou non.

Le Gouvernement a choisi de créer une filiale intégrée à l'Office dédiée à ces questions, dont l'agence de travaux, qui pose un problème de maturité, car elle n'a pas trouvé son rythme de rentabilité, ni consolidé un niveau de chiffre d'affaires satisfaisant. Il faut donc l'intégrer dans la démarche d'ensemble d'une filiale qui travaille sur l'ensemble des prestations.

En outre, se pose la question des missions d'intérêt général au sens précis du terme, c'est-à-dire la restauration des terrains montagne, la défense contre les incendies, voire des évolutions telles que la création d'un parc naturel en forêt de feuillus, comme cela a été le cas il y a peu. Ces actions doivent s'accompagner de compensations financières. Il est cohérent que certaines actions débouchent sur des financements, mais sur d'autres, la question reste ouverte : on a ainsi pu évoquer la compensation des aménités environnementales, notamment le stockage du carbone. Le sujet est sur la table.

Au sein de l'Office, des économies peuvent encore être réalisées. Vous avez évoqué la rationalisation des fonctions administratives, mais ce n'est pas suffisant, car ce n'est pas en opérant des coupes sombres que l'on restaurera l'équilibre.

Certains sujets précis doivent être traités pour que nous nous rapprochions d'un équilibre : le niveau du compte d'affectation spéciale « Pensions », les charges salariales ou la taxe foncière, pas seulement en Guyane. Il n'est pas si fréquent que le budget de l'ONF soit voté en déséquilibre et cela pose la question des ressources à trouver !

Debut de section - Permalien
Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts

L'évolution du nombre d'ouvriers forestiers est à la baisse, ce qui soulève en effet la question de la présence sur les territoires. Les ouvriers font un métier qui reste dangereux, mais l'exploitation change et s'industrialise. Reste à mener un travail avec les collectivités territoriales sur la transparence des données ; ce sont là des outils éloignés de la tradition du martelage. Il nous faut cheminer pour définir ce qu'est une présence territoriale, sans laquelle l'ONF n'aurait aucun sens.

En matière de défense des forêts contre les incendies, j'ai été, il y a longtemps, sous-directeur de la prévention des risques au ministère de l'intérieur. Ce qui a été fait dans le Midi méditerranéen montre qu'il existe des solutions efficaces. C'est l'un des axes de travail qui nous attendent, sur un des sujets d'intérêt général qui a le plus d'importance. Il en va de même du rétablissement des terrains en montagne, pour lequel l'ONF est opérationnel, comme l'ont montré les récents épisodes climatiques. Il s'agit là de missions qu'il ne faut pas contester.

S'agissant de l'équilibre sylvo-cynégétique, la chasse est un usage important de la forêt ainsi qu'une source de revenus. Je ne suis pas chasseur moi-même, mais je vais me risquer à dire qu'il y a aujourd'hui trop de chevreuils qui se nourrissent de plants ou de jeunes arbres. Dans votre rapport, la chasse apparaît comme un usage important de la forêt et une source de revenus. Dans le contexte de la fragilité de la forêt, avec la régénération rendue nécessaire par les scolytes, nous avons une difficulté d'approvisionnement en jeunes plans, et l'équilibre entre arbres et gibier me semble être arrivé à une limite.

La définition des relations avec les régions relève d'un cadrage national, au sein duquel l'ONF n'est pas seul. Ces relations doivent être développées, mais sans doute pas de façon uniforme. Par exemple, en matière de forêts domaniales, les orientations adoptées avec la région d'Île-de-France conduisent à adapter la façon de conduire la forêt et à prendre en compte les usages et les perceptions, car sa vocation est d'abord paysagère. Ce n'est pas le cas, en revanche, pour le massif des Maures, les Landes, ou les Vosges, ou tout au moins pas de la même manière.

Sur les relations avec l'Europe, l'ONF se différencie d'une entreprise par le fait qu'il n'est pas autonome, mais qu'il fait partie d'un ensemble : le dialogue européen est d'abord le fait de l'exécutif et des services de l'État. Toutefois, il faudra apporter des réponses techniques au changement climatique, même si je ne crois pas que l'on puisse s'inspirer en cela de l'exemple des membres nordiques de l'Union européenne, car les logiques sont très différentes. Le rapport établi par les inspections comprend un important volet de comparaison et de mise en commun des données européennes, j'en conclus qu'il n'existe pas de modèle forestier suffisamment proche du nôtre pour être directement transposé. C'est par le travail en commun sur les réponses à la crise que l'on avancera, notamment pour les résineux.

La première mesure que je prendrai pour faire évoluer la relation entre l'État et les communes forestières concernera sans doute la transparence des données. Ce n'est pas simple. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un sujet relevant de l'open data, car, si le gestionnaire est l'ONF, les propriétaires, c'est-à-dire les collectivités territoriales, ont droit à des informations privilégiées, notamment celles qui relèvent du secret commercial. Ce problème perdure et je ne sais pas pourquoi il n'a pas été réglé ; il faut maintenant le faire. De plus, la législation évolue et nous sommes sous le coup de contraintes légales qui rendent l'open data obligatoire. Il nous revient donc de définir un niveau élevé de transparence, car tous les acteurs, associations ou citoyens l'attendent et la législation sur la transparence des données nous oblige.

En outre, il faut être prudent, car les communes sont confrontées à des situations très différentes, mais, sur les documents d'aménagement, il existe une valeur ajoutée de l'ONF. Ses agents mettent des documents à disposition et il y a une façon de procéder qui peut concourir à faciliter le dialogue, à travailler plus facilement et à faire en sorte que la part administrative ne grignote pas le temps consacré aux relations de terrain.

S'agissant de la crise sanitaire, l'ONF a joué un vrai rôle et a confirmé son utilité. Monsieur Daniel Gremillet, vous connaissez éminemment la forêt vosgienne : pouvions-nous vraiment éviter cette crise ? Je comprends qu'il faudrait prendre plus rapidement la décision de couper du bois qui a encore une valeur marchande, mais pourquoi cela ne se fait-il pas suffisamment ? C'est un travail qu'il nous faut approfondir.

L'ONF a développé des compétences en biologie, en particulier, plusieurs centaines de personnes s'en occupent, la forêt publique française est une des plus diversifiées d'Europe, avec le nombre d'essences le plus élevé. L'ONF a travaillé sur cette compétence et pourra la développer dans le futur. Ce sera ma responsabilité. S'agissant, cependant, des relations avec les nouvelles structures, je réserve ma réponse car il faudra trouver un équilibre satisfaisant.

Sur la question de l'exportation du chêne vers la Chine, le label est une avancée positive, mais il faut travailler dans la durée. Ces mesures demandent du temps pour produire leurs effets, mais le dispositif est bon : il faut persévérer et mieux structurer la filière.

Madame Anne-Catherine Loisier, il faut admettre qu'il existe des concurrences dans les diverses fonctions que l'on assigne à la forêt publique : la dimension environnementale et la mise à disposition d'espace augmentent par rapport à l'exploitation du bois, qui a fondé l'ONF.

L'ONF a évolué, comme on le constate dans la position qu'il a adoptée à l'égard des parcs naturels ou d'anciens dispositifs comme Natura 2000. Il se positionne ainsi comme l'un des premiers acteurs de la biodiversité et du développement durable, mais il importe de traiter la conséquence financière de cette mission d'intérêt général qu'il exerce indubitablement. La réponse se trouve peut-être dans l'approche patrimoniale à long terme et dans une gestion dans la durée. Ces mots peuvent sonner comme des généralités, mais il s'agit de cycles longs qui ne doivent pas subir des changements tous les ans. Nous avons besoin de stabilité et de clarté, c'est cela qu'attendent les personnels de l'ONF. Toutefois, il faut gérer les conséquences : comment doser les coupes rases, par exemple ? Comment assurer la substance et les plants pour replanter, alors que le rôle de l'ONF en relation avec les propriétaires privés est précisément de mettre à disposition les moyens de replanter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci, monsieur.

Nous avons procédé à l'audition de M. Bertrand Munch, candidat proposé à la fonction de directeur général de l'Office national des forêts. Nous allons désormais procéder au vote.

Le vote se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat, et les délégations de vote ne sont pas autorisées, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote.

Le dépouillement se déroulera aujourd'hui à 16 heures, de manière simultanée avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mes chers collègues, il nous reste à désigner un rapporteur sur la proposition de loi n° 159 (2019-2020) visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Ce texte, issu de l'Assemblée nationale, fait suite à une proposition de loi que j'avais moi-même déposée ; je vous propose donc d'en être le rapporteur. Le texte ne concerne que l'Île-de-France et vise à transposer une disposition transitoire.

La commission désigne Mme Sophie Primas rapporteur sur la proposition de loi n° 159 (2019-2020) visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Sous réserve de l'avis de la conférence des présidents, je vous propose de traiter ce texte selon la procédure de la législation en commission.

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous allons procéder au dépouillement du scrutin, après celui de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur la proposition de nomination de M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.

Voici le résultat du scrutin :

- nombre de votants : 32

- pour : 3

- contre : 26

- blancs : 3

La commission donne un avis défavorable à la nomination de M. Bertrand Munch aux fonctions de directeur général de l'Office national des forêts.

La réunion est close à 11 h 10.