Intervention de Geoffroy de Vries

Commission spéciale sur la bioéthique — Réunion du 10 décembre 2019 à 13h45
Auditions de M. Guillaume Drago président et de Me Geoffroy de Vries délégué général de l'institut famille et république

Geoffroy de Vries, délégué général de l'Institut Famille et République :

Merci de nous avoir conviés à la présente audition. L'Institut Famille et République est un cercle d'une centaine de juristes de toutes professions, qui travaille sur des questions relatives au droit de la famille et aux droits de l'homme. Nous intervenons ce jour sur la question de la liberté de conscience.

Notre République est fondée sur des principes constitutionnels dont font partie les libertés fondamentales. L'une de nos libertés les plus fondamentales est la liberté de pensée, ou d'opinion, qui veut que nous soyons tous libres de penser ce que nous voulons de telle ou telle question.

Cette liberté de pensée en crée d'autres : la liberté d'expression de sa pensée, la liberté de manifestation ainsi que la liberté de conscience. La liberté de conscience est la liberté de ne pas être contraint d'agir contre ses convictions intimes et fondamentales.

La liberté de conscience est en quelque sorte la petite soeur de la liberté de pensée. Elle est plus jeune, elle est moins connue, elle est sans doute aussi plus timide. Elle peine, souvent, à s'exprimer. Mais elle a toute sa part dans la grande famille des libertés fondamentales. Elle est reconnue par le Conseil constitutionnel. Elle est prévue par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Elle consiste à pouvoir objecter sa conscience personnelle pour refuser de procéder à un acte la heurtant profondément, sans être passible de sanctions.

Liberté et objection de conscience sont en réalité deux mots servant à signifier le même concept, les deux faces d'une même pièce. Cette liberté de conscience est davantage que la liberté d'opinion, car elle comporte une indéniable approche personnelle d'ordre plus fondamental et intime que la simple opinion. Elle implique un engagement de la personne tout entière, une intime conviction, une adhésion profonde, en son for intérieur, qui peut être de nature philosophique ou religieuse - mais non politique.

Ainsi, en tant que citoyen - y compris notaire, médecin ou officier d'état civil -, on peut, en son for intérieur, persister à être opposé à la déréglementation de la procréation médicalement assistée (PMA) ou à la recherche sur l'embryon, facilitées par le projet de loi, sans être concrètement confronté à un acte de ce type. Nous sommes là dans le cadre de la liberté de pensée ou d'opinion. Mais on peut aussi, in concreto, en tant que notaire ou médecin, être concerné directement par une demande de PMA pour un couple de femmes ou une femme seule sans pouvoir y renoncer légalement ; et donc être confronté à un conflit intérieur.

La liberté personnelle serait abolie si la personne concernée était contrainte d'agir contre sa conscience.

En réalité, il s'agit de concilier deux droits fondamentaux : en matière de PMA, par exemple, le droit à la PMA pour toutes les femmes, pour tous les couples - si le Parlement en décide ainsi - et le droit pour les notaires ou les médecins de pouvoir objecter leur liberté de conscience.

En tout état de cause, la PMA aura bien lieu. La reconnaissance d'une clause de conscience n'aura pas pour effet ou objet d'empêcher sa réalisation. Elle aura simplement pour effet de préserver la liberté du notaire ou du médecin en organisant son déport au profit d'un autre.

En réalité, la clause de conscience est d'inspiration républicaine. Elle ne s'oppose pas à ce que la loi permet, mais elle organise le déport de personnes qui ne peuvent adhérer à l'acte concerné. Elle permet, en somme, l'application de la loi, mais par un autre. C'est le contraire de la rébellion civique ou de la désobéissance civile. La clause de conscience est une garantie du caractère général de la loi.

Le projet de loi relatif à la bioéthique qui vous est soumis apporte des réponses très particulières à des situations très particulières et à des demandes minoritaires telles que l'extension de la PMA aux couples de femmes pour des raisons qui ne sont pas thérapeutiques, et ce en dérogeant aux principes de la filiation et de la médecine ainsi qu'au caractère général et à l'objectif de la loi.

La clause de conscience permet en réalité de rétablir le caractère général de la loi. Petite soeur de la liberté de pensée, la liberté de conscience demande à être reconnue et protégée. La liberté de conscience est à la loi de bioéthique ce que la soupape est à la marmite : un gage de fonctionnement et de sécurité.

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