L'article 17 du projet de loi supprime l'interdiction de créer des embryons transgéniques, ce qui permettra la création en laboratoire d'embryons génétiquement modifiés. Le ciseau génétique CRISPR-Cas9 - clustered regularly interspaced short palindromic repeats - associated protein 9 - courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées - ainsi que la technique de transfert nucléaire dite de la « fécondation in vitro (FIV) à trois parents » pourront être expérimentés sur des embryons humains, par transgenèse ; cela se réalise d'ailleurs déjà sans attendre la modification de la loi. Le législateur va-t-il réguler ou simplement régulariser cette transgression déjà anticipée par les chercheurs ? Je me suis entretenu avec certains chercheurs concernés qui ne m'ont pas caché qu'ils étaient effectivement dans une transgression de la loi en vigueur. Ces techniques de transgenèse, et en particulier celle du CRISPR-Cas9, sont au coeur du débat sur l'embryon.
Bien entendu, aujourd'hui, il n'est pas envisagé de réimplanter l'embryon ainsi modifié parce qu'il existe encore un garde-fou ; mais il va sauter bien évidemment ! La vocation du non-transfert à des fins de gestation est un prétexte rassurant pour obtenir une transgression nouvelle. Il est bien connu que, pour obtenir une transgression nouvelle, il faut mettre un barrage à la transgression immédiatement suivante, comme cela a été le cas pour la PMA. La question se pose puisqu'il est question de demander une réinterprétation de l'article 13 de la Convention d'Oviedo, seul dispositif international qui protège l'embryon humain, afin d'autoriser l'embryon génétiquement modifié. Dans ces conditions, on a beau jeu de montrer la Chine du doigt alors que l'on prend la même voie ! Jamais la recherche sur l'embryon humain n'a été autant dérégulée.
On s'est ému à juste titre du forçage des gènes du moustique pour faire des moustiques qui ne se reproduisent pas. Mais ces gènes qui ne devaient pas se transmettre se sont transmis, et on a maintenant une population de moustiques qui présente trois types de génomes modifiés différents, apparus sans que l'on comprenne pourquoi et dont l'impact sur la santé publique est absolument inconnu. Qu'en sera-t-il si l'on accepte de modifier génétiquement l'embryon humain ? Il n'est pas envisagé de réimplanter l'embryon ainsi modifié, mais il existe néanmoins un régime de recherche, voté en 2016 à la sauvette, qui le prévoit : c'est le régime de recherche biomédicale sur l'embryon pour améliorer les techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP).
Il n'est pas nécessaire d'être scientifique pour soutenir que l'embryon humain n'est pas un médicament, ni un réactif de paillasse, ni un substitut aux animaux de laboratoire, ni un être de non-droit voué à des oeuvres clandestines. S'il y a un domaine où l'activité humaine doit être responsable et solidaire, c'est bien à l'égard de la recherche, qui porte sur l'humain. « Traquer » tous les embryons humains trisomiques, comme l'a malheureusement dit un parlementaire, ou détruire des centaines d'embryons humains dans des projets de recherche ne paraît ni responsable ni solidaire. Dans des autorisations de recherches récemment délivrées par l'ABM et publiées au Journal officiel, j'ai lu qu'un programme de recherche avait l'autorisation de détruire 70 embryons par an sur cinq ans, soit 350 embryons humains détruits pour une recherche et qu'un autre avait l'autorisation de détruire 150 embryons humains par an sur cinq ans, soit 750 embryons : c'est totalement déraisonnable !
« L'éthique va de pair avec la qualité scientifique. » Ce n'est pas de moi, c'est l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui l'écrit au sujet de l'expérimentation animale. Toute une littérature a été développée autour du respect des animaux de laboratoire qui impose de réduire le nombre des animaux, de les remplacer partout où c'est possible, d'obtenir une autorisation du ministère de la recherche pour tout projet de recherche sur l'animal ainsi qu'évaluation favorable du comité d'éthique - il y a 526 comités d'éthique sur l'expérimentation animale en France. Tout cela est extrêmement encadré. Mais s'agissant de l'embryon humain : on ne réduit pas le nombre des embryons utilisés - on les augmente dans des proportions délirantes -, on ne remplace pas le modèle de l'embryon humain par un modèle animal - on considère au contraire que la recherche sur l'embryon humain est une alternative à la recherche sur l'animal : les choses sont inversées ! -, on ne demandera plus d'autorisation - une simple déclaration suffira -, etc. Toute activité humaine doit être responsable et solidaire, c'est aujourd'hui le maître mot dans tous les domaines de l'activité humaine, il n'y a pas de raison que dans le domaine de la recherche sur l'embryon, ces qualificatifs soient oubliés.