Les sapeurs-pompiers sont en souffrance depuis de nombreuses années. Nous connaissons leurs revendications et leur colère. Néanmoins, je n'accepte pas que des sapeurs-pompiers professionnels tournent le dos aux élus comme ils l'ont fait en Indre-et-Loire, alors que nous travaillons tous ensemble pour améliorer leurs conditions de travail !
Les pompiers sont devenus les victimes collatérales des conditions sanitaires ou sociales dégradées de leur milieu d'intervention. La sécurité civile est, au fil des années, devenue le palliatif universel au recul des différents services publics. Comme le révélait déjà le rapport de 2016 dont j'ai été rapporteur avec Pierre-Yves Collombat, le secours d'urgence aux personnes a explosé au détriment des missions traditionnelles des sapeurs-pompiers telles que la lutte contre les incendies et les feux de forêt. En 1998, les sapeurs-pompiers sont intervenus 3,5 millions de fois, dont 50 % au titre du secours d'urgence aux personnes. En 2018, le nombre d'interventions est passé à 4,6 millions, dont 84 % pour les secours d'urgence aux personnes.
Cette mutation de la mission des sapeurs-pompiers est le principal vecteur de l'insécurité dont ils sont victimes pour deux raisons majeures.
La première est qu'ils ne disposent d'aucun fichier leur permettant d'identifier les personnes souffrant de pathologies psychiatriques avant une intervention. Le décès du sapeur-pompier Geoffroy Henry survenu le 4 septembre 2018, poignardé par un homme atteint de schizophrénie auquel il était venu porter secours, est emblématique.
La seconde est qu'ils effectuent des interventions qui relèvent souvent des urgences psychiatriques. C'est le brouillage des compétences entre le 15 et le 18 que nous dénonçons depuis 2016. Et les pompiers interviennent trop souvent pour gérer des individus en très grande détresse sociale ou précarité, parce qu'aucun autre service public ne souhaite prendre en charge ces personnes.
Les conséquences de ces agressions sont multiples. La première est un risque pour les futures vocations de sapeurs-pompiers, notamment volontaires. La seconde est la formation d'une véritable bulle de détresse psychologique chez les pompiers : comment supporter d'être agressé alors que l'on a choisi de consacrer sa carrière professionnelle ou son temps libre à porter secours à son prochain ?