Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 6 décembre 2019 à 9h30
Loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » est marquée, cette année encore, par des moyens insuffisants ; en effet, la très légère hausse de ses crédits ne suffit pas à compenser les baisses drastiques des dernières années, des baisses de dépenses qui s’inscrivent dans l’objectif de réduction générale des dépenses publiques.

Cela dit, les conséquences de cette politique sont lourdes, affectant directement la vie de femmes et d’hommes qui travaillent ou qui recherchent péniblement du travail. Ces personnes demandent simplement à vivre dignement du fruit de leur travail et à bénéficier d’une protection sociale de qualité. Or comment répondre à cette légitime aspiration quand c’est sur elles que pèsent vos réformes, dont l’objectif affiché serait de leur faire gagner du pouvoir d’achat ou de simplifier leurs démarches ?

La réalité est tout autre. Votre réforme de l’assurance chômage est, sur ce point, emblématique. La régression des droits des demandeuses et demandeurs d’emploi vous permettra de dégager 4, 5 milliards d’euros d’économies, mais à quel prix ? Plus de 1 million de personnes sont frappées de plein fouet par votre réforme ; 850 000 chômeurs verront leurs indemnités baisser de 20 % et 200 000 autres seront privés de toute indemnité.

De son côté, Pôle emploi subit depuis deux ans des baisses sévères de budget – 50 millions d’euros d’économies en 2018 et 85 millions en 2019 –, et vous maintenez ce cap, avec 137 millions d’euros de subventions en moins pour 2020, dans le cadre du programme 102. Vous soulignez crânement une augmentation des effectifs de Pôle emploi de l’ordre de 1 000 emplois, mais c’est compter sans la suppression de 800 emplois au cours des deux dernières années. Nous ne sommes pas non plus dupes en ce qui concerne votre tour de passe-passe consistant à faire financer une partie de cette augmentation d’effectifs par l’Unédic, dont la contribution pour Pôle emploi augmente. En somme, ce sont les chômeuses et chômeurs qui financent eux-mêmes cette mesure…

De même, votre argument consistant à dire que la très légère baisse du chômage justifierait la baisse des subventions pour Pôle emploi est tout bonnement fallacieux. D’abord, la baisse du chômage dont vous vous targuez n’efface pas le taux encore trop important de chômage – le nombre d’inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues, dépasse 6 millions. Ensuite, le nombre de chômeurs de longue durée, quant à lui, continue de progresser. Si l’on veut un meilleur accompagnement des demandeuses et demandeurs d’emploi, il faut nécessairement augmenter les moyens du service public de l’emploi, non les réduire.

Du côté de l’inspection du travail, c’est encore une véritable hécatombe ! Cette inspection traverse une lourde crise depuis maintenant de nombreuses années. Vous faites le choix non pas de soulager les inspectrices et inspecteurs du travail, mais de réduire toujours plus leurs effectifs et, plus globalement, les moyens de fonctionnement de l’administration du travail. Le programme 155 voit ainsi ses crédits baisser, en 2020, de 20 millions d’euros, soit de 2, 96 %.

Vous avez annoncé cette année encore un objectif de diminution de 2, 5 % par an des effectifs, d’ici à 2022, sachant que 2 000 départs à la retraite sont prévus pour la même période contre seulement 1 000 recrutements. Ainsi, 15 % des sections seront supprimées. À côté de cela, vous demandez aux inspectrices et inspecteurs du travail de multiplier les contrôles en matière de détachement des travailleurs étrangers, en fixant des objectifs chiffrés. La pression est telle sur les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) que certaines directrices et certains directeurs de région vont jusqu’à demander aux agents de suspendre le reste de leur activité tant que les chiffres ne sont pas atteints.

En ce qui concerne votre politique d’accompagnement vers et dans l’emploi, on observe, comme le souligne le rapporteur spécial, une baisse de 200 millions d’euros pour les parcours emploi compétences, qui relèvent du programme 102, avec des difficultés persistantes pour le secteur associatif, ainsi qu’une diminution de la moitié des contrats aidés depuis le début de ce quinquennat.

Et je ne parle pas des effets néfastes de votre réforme de la formation professionnelle dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Pacte », que le groupe CRCE a combattue. En remplaçant le congé individuel de formation (CIF) par un compte monétarisé, vous avez dégradé le droit des salariés à la formation tout au long de leur vie professionnelle.

Nous regrettons également le désengagement progressif de l’État dans les maisons de l’emploi. À cet égard, l’amendement des rapporteurs tendant à augmenter ces crédits de 5 millions d’euros supplémentaires ne saurait nous satisfaire, puisque cette somme viendrait en déduction des crédits du programme 103.

En cette période de vœux, mon groupe aurait souhaité pouvoir enfin trouver, madame la ministre, un souffle de justice et d’égalité dans cette mission, dont les crédits pourraient enfin satisfaire les exigences d’un service public de l’emploi et d’une politique de formation professionnelle de qualité. Il n’en est rien ; au contraire, ces crédits dégraderont encore les conditions de travail et de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Les solutions sont pourtant simples ; mais elles sont contraires, madame la ministre à votre logique politique, celle qui consiste à toujours favoriser les détenteurs du capital au travers d’exonérations de cotisations sociales, qui dépassent 66 milliards d’euros. Si vous cherchez des moyens, allez les prendre là où ils sont ; c’est le coût du capital qui mine notre économie et qui déséquilibre les comptes sociaux, non le pseudo-coût du travail, car le travail est une richesse.

Le groupe CRCE votera contre les crédits de la mission « Travail et emploi », s’inscrivant en contradiction avec la précédente intervention.

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