Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Permettez-moi de commencer cette intervention avec une pensée pour toutes les personnes qui travaillent et qui, au quotidien, contribuent aux recettes de notre pays, ainsi que pour les chefs d’entreprise, qui font la richesse humaine et financière de la France et pour qui, finalement, nous débattons aujourd’hui. Le contexte – un climat anxiogène – doit nous conduire à rappeler le sens de nos débats et de nos décisions.
Depuis 1946, la France s’est bâtie, rappelons-le, sur un système de gestion paritaire, qui renvoie à une pratique de régulation sociale ; il s’agit, sans doute faut-il le rappeler, d’un point d’équilibre de notre société, dont nous savons combien elle est fragile.
Mon intervention portera principalement sur le sujet de l’assurance chômage ainsi que sur le bonus-malus.
Tout d’abord, je regrette d’être obligée d’aborder les enjeux de l’assurance chômage par petites touches, tant tout est fait, finalement, pour que ce secteur de plus de 42 milliards d’euros dilués dans plusieurs missions échappe aux parlementaires. Ce grief ne s’adresse toutefois pas à vous, madame la ministre, car ce n’est pas une nouveauté.
Il nous a donc fallu aborder, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les enjeux du bonus-malus, par le PLF, le financement de Pôle emploi et des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU), et ce, rappelons-le, alors que le Parlement n’a nullement pu être associé à la dernière réforme de l’assurance chômage. Nous vous l’avons dit, madame la ministre, même si nous validons certaines des mesures proposées, il nous semble que le passage en force se paie toujours et que notre pays reste socialement fragile.
Ce passage en force se matérialise également dans le financement de Pôle emploi et dans ses effectifs supplémentaires. En effet, si le nombre d’emplois progresse de 1 000 unités sur trois ans, conformément aux annonces de l’été, nous ne pouvons que regretter un paradoxe apparent : l’augmentation affichée des emplois s’accompagne d’une baisse du financement de l’État, la subvention pour charges de service public passant de 1, 3 milliard d’euros en 2019 à 1, 2 milliard d’euros en 2020, soit une baisse de 10 %.
Lors de votre audition, madame la ministre, vous nous avez indiqué que ce montant tenait compte de la poursuite des efforts engagés par l’opérateur, mais, in fine, il faut bien considérer que, conformément à ce qu’ont dit mes collègues, ce sont les demandeurs d’emploi indemnisés qui vont compenser cette baisse. En effet, en parallèle, la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi augmentera de 10 % à 11 %, ce qui réduit d’autant les sommes disponibles pour l’indemnisation.
Nous ne pouvons que regretter la forme de ces décisions, qui, par un tour de passe-passe du Gouvernement, ont imposé aux employeurs de financer davantage Pôle emploi, tout en baissant ses propres financements.
Un mot sur le bonus-malus. Son objectif consiste à réguler le recours aux contrats courts, ce à quoi nous aspirons tous. Quant à la méthode, elle suscite forcément le débat. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi avait déjà prévu un système de modulation des contributions d’assurance chômage, permettant la mise en place de majorations applicables pour les CDDU et les CDD de moins de trois mois, mais la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 avait mis fin à cette modulation, car la surtaxation des contrats courts n’avait pas eu d’impact mesurable sur le recours à ces contrats.
Votre loi du 5 septembre 2018 précitée a réintroduit, madame la ministre, un système de bonus-malus. Nous nous sommes opposés à cette mesure, car nous considérions que les expériences de modulation n’avaient pas fonctionné. Nous jugions notamment trop flou le critère, prévu par cette loi, du nombre de fins de contrats et, de surcroît, une modulation sectorielle n’est jamais comprise, surtout quand le secteur public – hôpitaux, Ehpad – fait le choix de s’exempter de la mesure.
Je me félicite donc du vote de la commission des affaires sociales, qui a supprimé les dispositions de l’article 8 du PLFSS, relatif à ces enjeux de bonus-malus, même si je crains que mon bonheur ne soit que de courte durée…
Par conséquent, nous suivrons l’avis favorable des rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur la mission « Travail et emploi », sous réserve, bien entendu, de l’adoption des amendements que tous ont évoqués.
Cela étant, nous veillerons à l’impact du bonus-malus, de sorte que celui-ci ne soit pas, in fine, un impôt complexe à mettre en œuvre de plus. Quant à Pôle emploi, nous continuons à considérer qu’il est risqué de le rendre encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage ; dans ce pays, le paritarisme ne peut pas se contenter d’incantations ni de rencontres a posteriori ; il lui faut bien plutôt des actions.