Intervention de Corinne Feret

Réunion du 6 décembre 2019 à 9h30
Loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et emploi » du PLF pour 2020.

Je ne peux entamer mon intervention sans évoquer la mobilisation massive d’hier, partout en France, la grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites du Gouvernement, et, plus globalement, destinée à dire « non » aux inégalités qui déchirent le pacte social, à dire « non » – je l’ai entendu – à la dégradation des services publics, à cette déshumanisation, à la dévitalisation de nos territoires. Plus de 1 million de Français ont manifesté pour exprimer leur désaccord et leur mécontentement ; entendez-les, madame la ministre !

De même, je ne peux aborder la discussion sur cette mission sans parler de l’assurance chômage. Alors que l’enjeu de la sécurisation des parcours professionnels n’a jamais été aussi important, votre réforme, dont la première phase est entrée en vigueur le 1er novembre dernier, prévoit ni plus ni moins qu’une économie de 4, 5 milliards d’euros, dans les trois années à venir, sur le dos des chômeurs.

Ainsi, 1, 3 million de demandeurs d’emploi seront financièrement touchés ; la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés qui travaillent ne seront plus du tout indemnisés ou le seront moins ; c’est ça la réalité ! Votre parti pris est clair : vous supposez que la baisse des allocations incitera les bénéficiaires à trouver plus rapidement un travail. Un tel raisonnement laisse entendre que les chômeurs seraient responsables de leur situation ; cela n’est pas acceptable.

Madame la ministre, les allocations ne sont pas des libéralités consenties par le prince ; ce sont des cotisations et des droits réels créés par le travail. Les partenaires sociaux, les associations de lutte contre la pauvreté vous l’ont dit : cette réforme est injuste et brutale ; elle abîme notamment ce qui fut un grand progrès social : les droits rechargeables.

Ne l’oublions pas, un chômeur sur deux n’est déjà pas indemnisé, 2, 6 millions de chômeurs touchent moins de 860 euros par mois et 60 % des chômeurs ne vont pas au bout de leurs droits. Voilà qui devrait vous inciter à renoncer à cette réforme ou alors à l’assumer pour ce qu’elle est : une réforme financière, dont vous attendez des milliards d’économies, au détriment des plus fragiles de nos concitoyens.

Abordons à présent ce projet de budget.

Je souhaite commencer mon intervention par l’article 79. Après la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), après la décision de ne plus indexer les retraites sur le coût de la vie, le Gouvernement comptait s’attaquer de nouveau, je le souligne, aux personnes âgées, en remettant en cause, cette fois, l’exonération de charges sociales dont bénéficient les plus de 70 ans employant une aide à domicile.

Vous avez finalement renoncé à cette mesure censée pénaliser près de 800 000 bénéficiaires, et l’article 79 du projet de loi de finances pour 2020 qui la prévoyait a été supprimé. Face à l’émoi suscité par une décision injuste, prise sans concertation, constatant une fois de plus que votre méthode n’était pas la bonne – le Premier ministre l’avait d’ailleurs lui-même reconnu –, vous avez été contrainte de reculer.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit de diminuer de près de 137 millions d’euros la subvention pour charges de service public attribuée à Pôle emploi. Cette réduction s’ajoute à deux précédentes baisses – 50 millions d’euros en 2018 et presque 85 millions d’euros en 2019 –, ce qui traduit le désengagement progressif de l’État dans le financement de Pôle emploi. Cet établissement deviendra encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage, et ce contre l’avis des partenaires sociaux, puisque la contribution de l’Unédic, portée à 11 % de ses ressources, augmente de 1 point.

Vous prétendez ainsi renforcer l’accompagnement des chômeurs, dont, je le répète, vous diminuez les allocations, mais force est de constater que ce sont les chômeurs eux-mêmes, au travers d’une nouvelle ponction dans les caisses de l’Unédic, qui paieront leur propre accompagnement ! Il n’appartient pas à l’Unédic, je le rappelle, de financer des politiques distinctes de sa mission première : l’indemnisation des chômeurs.

Vous nous annoncez une augmentation des effectifs de Pôle emploi, mais celle-ci ne sera pas de nature à compenser les baisses, très fortes, enregistrées au cours des dernières années. C’est oublier aussi que cette hausse a surtout vocation à renforcer l’accompagnement des entreprises et non celui des demandeurs d’emploi, notamment des plus éloignés du marché du travail.

J’en viens maintenant au plan d’investissement dans les compétences, lequel traduirait, selon le Gouvernement, « à la fois la volonté de miser sur les qualifications, de démontrer que tout n’est pas joué à la fin de la scolarité, de ne laisser personne au bord de la route et de transformer le système de formation pour soutenir la compétitivité des entreprises ». Dès lors, la diminution de 120 millions d’euros des crédits du PIC constitue un bien mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme une priorité, elle se révèle constituer la variable d’ajustement du Gouvernement. C’est difficilement compréhensible.

Après les PIC, parlons des parcours emploi compétences (PEC). Si ce dispositif constitue un outil intéressant pour la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, la stabilisation des crédits qui lui sont alloués en 2020 ne compense évidemment pas la baisse très importante – une division par presque 5 – des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années. La réalité est que ces emplois manquent notamment dans les services scolaires et périscolaires, dans l’aide aux personnes dépendantes – les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – ou, tout aussi cruellement, dans le milieu associatif. Les conséquences en sont dramatiques dans nos territoires.

Les résultats, somme toute modestes, des PEC, dont les crédits ont été sous-consommés en 2018, soulignent l’inadaptation de ce dispositif à une large partie des publics précédemment concernés par les contrats aidés, ainsi qu’à de très nombreuses associations employeurs. J’y reviendrai tout à l’heure, en présentant un amendement tendant à la création d’un nouveau dispositif pour des emplois d’utilité citoyenne.

Que dire de la disparition, dans le PLF pour 2020, comme l’an passé, de la contribution de l’État au budget de fonctionnement des maisons de l’emploi et de la formation ? Elle mettra inexorablement ces structures en difficulté. Je crains que seules quelques collectivités territoriales ne soient en mesure de conserver leur maison de l’emploi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion