Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 6 décembre 2019 à 9h30
Loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme à l’accoutumée, l’examen annuel des crédits de la mission « Travail et emploi » est l’occasion pour moi d’évoquer la situation des maisons de l’emploi et de la formation. J’ai choisi de concentrer mon propos, dans un premier temps, sur la question des missions locales et des maisons de l’emploi, dont je connais l’action, notamment sur mon territoire de l’Aisne, depuis 1995.

Alors que la dotation s’élevait encore à 11, 5 millions d’euros en 2018, l’engagement de l’État dans les maisons de l’emploi et de la formation a été divisé par deux, pour tomber à 5 millions d’euros en 2019. La volonté des pouvoirs publics étant de supprimer totalement l’investissement dans ces structures, ce sont par conséquent les collectivités qui les soutiennent financièrement, à bout de bras, avec le concours du Fonds social européen.

Amorcer la suppression des maisons de l’emploi est une véritable erreur politique de la part du Gouvernement, alors même que le Président de la République a annoncé son engagement de multiplier par cinq l’accompagnement des jeunes dans le plan Pauvreté.

La disparition, en 2017, des contrats aidés, qui constituaient un véritable coup de pouce pour l’insertion professionnelle des jeunes et des populations précaires, ainsi que la suppression, annoncée pour l’année 2019, de 800 postes à Pôle emploi sont d’autres éléments qui contredisent totalement cette promesse gouvernementale. En outre, elles n’augurent rien de bon pour la lutte contre le chômage de longue durée et la difficulté d’insertion des jeunes et des personnes handicapées sur le marché du travail.

Pour reprendre l’expression utilisée dans un article de l’édition du journal Le Monde parue hier, c’est un véritable et « vaste plan social » contre les publics précaires et fragiles que le Gouvernement s’attelle à mettre en œuvre depuis deux ans.

Sous couvert de remédier à d’hypothétiques pratiques abusives, le ministère a divisé sa contribution financière dans les contrats aidés par deux. Enfin, en réduisant leur durée maximale de dix-huit à huit mois et de 35 à 20 heures hebdomadaires, vous avez confirmé, madame la ministre, que vous alimentiez vous-même la précarité que vous prétendez tant combattre, en y envoyant obstinément tout un segment démuni de la population.

Vous avez justifié, avec cette même philosophie, la baisse des dotations des maisons de l’emploi et de la formation, invoquant la baisse du taux de chômage, passé sous la barre des 9 % au quatrième trimestre de 2018, et la reprise par Pôle emploi de leurs activités. Vous omettez toutefois de préciser, délibérément ou non, que le taux de chômage est en hausse constante chez les catégories B et C et que Pôle emploi ne saurait assurer le même accompagnement des publics jeunes que celui que fournissent les maisons de l’emploi et de la formation (MEF).

Les MEF ont prouvé à maintes reprises leur rôle déterminant dans l’exercice d’un service public de proximité permettant l’accompagnement vers l’emploi et l’insertion des publics vulnérables. Leur assise de proximité les dote d’une capacité à identifier des publics invisibles, condamnés à rester hors des radars d’une aussi grande structure que Pôle emploi, à savoir les jeunes de 16 à 18 ans en situation de rupture de contrat d’apprentissage ou d’échec dans celui-ci, les 26 à 30 ans bénéficiaires du RSA, les moins de 26 ans sans qualification, sans solution d’apprentissage ou avec une solution inadaptée à leurs compétences et leurs aspirations, voire les jeunes frappés d’illettrisme.

Les maisons de l’emploi et de la formation occupent une place de premier choix, indispensable dans le tissage de réseaux, grâce à leurs moyens de mobilisation et de concertation, mais aussi à leur capacité à concourir au développement de projets locaux. Ainsi, 60 % des jeunes passés par ces structures sortent avec une qualification ou un emploi et 72 % signent un CDI après dix-huit mois de contrat. Leur efficacité n’est plus à prouver.

Je me dois de rappeler la situation particulièrement alarmante du département de l’Aisne, qui cumule un taux de pauvreté supérieur de 4 points à la moyenne nationale, un taux de chômage supérieur à 13 % et un taux de scolarisation des 18-24 ans de seulement 36 %, contre 52 % au niveau national.

La maison de l’emploi et de la formation de Laon, qui a été créée en 2007, travaille depuis deux ans en concertation avec un large panel d’acteurs institutionnels et un réseau de soixante entreprises intégratrices prêtes à accueillir des étudiants en alternance pour mettre en place une école de la seconde chance. Or toutes les démarches engagées pour défendre ce projet se heurtent au silence de l’État. Aucune réponse positive n’a été donnée à l’appel à projets lancé par la Direccte, alors même que notre nouveau préfet vient de s’engager à faire de la lutte contre l’illettrisme la première de ses priorités. Je viens d’ailleurs de vous adresser un courrier à ce sujet, madame la ministre, pour obtenir des réponses.

Pourquoi l’État ne prend-il pas davantage en compte le travail de terrain et fuit-il le dialogue sur le sujet ?

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