Monsieur le sénateur, la question de la compensation financière des transferts de compétences donne lieu depuis de nombreux mois à maints débats tant sur le montant de la compensation accordée par l'État que sur l'apparition potentielle de nouvelles inégalités entre les territoires. Cette situation impose d'apporter les clarifications nécessaires. Trois points méritent d'être signalés.
Premièrement, les transferts de compétences effectués au profit des collectivités locales ont fait l'objet d'une compensation financière intégrale.
Le Gouvernement est même allé au-delà de ses obligations législatives et constitutionnelles. En effet, il a accepté pour certains transferts - et lorsque cela était plus favorable aux collectivités - de calculer le droit à compensation, non pas conformément à la loi, c'est-à-dire sur la moyenne des trois années, mais au regard des dépenses réalisées par l'État au cours de la dernière année précédant le transfert.
Au total, l'effort supplémentaire ainsi consenti par l'État s'élève à 157, 7 millions d'euros.
S'agissant du RMI, l'État a transféré avec exactitude le montant correspondant à ses propres dépenses de l'année 2003, soit près de 5 milliards d'euros. Mais, conscient des difficultés et des interrogations des collectivités locales, notamment des conseils généraux, il est allé plus loin puisqu'il a dégagé 457 millions d'euros au titre des dépenses de RMI de 2004 et doté le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion de 1, 5 milliard d'euros, tout cela venant s'ajouter au droit à compensation.
Au total, il me paraît important de noter que la dépense des départements au titre du RMI pour l'année 2005 sera compensée à hauteur de 93, 5 %. On ne peut donc accuser l'« acte II » de la décentralisation de toutes les difficultés rencontrées par certaines collectivités.
Cela me conduit à aborder un second point, en effet très important, celui de la péréquation, qui a d'ailleurs été une priorité pendant toute cette législature.
La révision de la Constitution en mars 2003 a ainsi consacré le principe de la péréquation, puis la loi du 18 janvier 2005 a prévu de consacrer chaque année, de 2005 à 2009, 120 millions d'euros supplémentaires au titre de la dotation de solidarité urbaine. Enfin, les lois de finances pour 2004 et pour 2005 ont simplifié l'architecture des dotations de l'État.
Les départements les plus pauvres ont, comme vous le savez, bénéficié de ce mouvement de solidarité puisque de 2004, année de référence puisque c'est celle de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, à 2006, la dotation de péréquation urbaine est passée de 9, 79 euros par habitant à 11, 81 euros, ce qui représente tout de même une augmentation de 21 %.
Pour les départements ruraux, la dotation de fonctionnement minimale par habitant a augmenté - M. Jean Boyer ne me contredira pas - de 32 %, passant de 17, 93 euros à 23, 59 euros.
La question de bon sens qui est posée est en réalité la suivante : faut-il faire encore plus et, surtout, faut-il prévoir un fonds de péréquation alimenté par les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui constituent la recette dynamique des conseils généraux ?
Le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que vous citez préconise la mise en place d'un « mécanisme d'écrêtement des droits de mutation à titre onéreux », ce qui m'amène à faire trois observations.
Première observation, la commission suggère non pas la création d'une taxe additionnelle mais un écrêtement dans les départements les plus riches. Cette proposition est donc sage du point de vue des prélèvements obligatoires, mais serait assez difficile à mettre en oeuvre pour les départements. On sait que tous les dispositifs de péréquation horizontale sont difficiles à créer et plus encore à faire vivre : à l'exception du FSRIF, le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, tous ceux qui ont été créés dans le passé ont été finalement supprimés.
Deuxième observation, et c'est un phénomène nouveau que vous êtes nombreux au sein de la Haute Assemblée à connaître, l'impact de l'évolution des prix de l'immobilier a été visible dans la plupart des départements français, alors qu'auparavant c'était essentiellement l'Île-de-France qui était concernée. L'évolution des DMTO département par département fait ainsi apparaître une évolution moyenne de l'ordre de 75 % depuis 2002, évolution donc assez lourde dont bénéficient, avec des pointes encore plus importantes dans certains d'entre eux, la quasi-totalité des départements. De ce fait, la péréquation du produit des DMTO est moins nécessaire.
Troisième observation, cette proposition n'a pas été vraiment expertisée à ce stade. La commission elle-même n'a pas été très précise dans ses intentions. Quel devrait être le niveau de gestion, national, régional ou interdépartemental, du fonds ? Quelles seraient ses règles de répartition ? En outre, si les critères pour déterminer quels départements peuvent être dits riches sont assez aisés à établir, ils mériteraient sans doute d'être affinés.
Si une réflexion est menée sur ce sujet, elle devra donc être particulièrement concertée.
Je conclurai en signalant que la réforme de la DGF entreprise en 2004 n'a pas fini de produire ses effets péréquateurs. La DGF pour 2007 n'a pas encore été répartie par le comité des finances locales. Mais, cette année encore, l'effort en faveur de la péréquation ne devrait pas se démentir, grâce notamment à la reconduction, que nous avons eu l'occasion d'évoquer dans le débat sur la loi de finances, du contrat de croissance et de solidarité ainsi qu'au maintien à hauteur de 2, 5 % de l'indexation de la DGF.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions qu'il me semblait utile de vous apporter.