Je dirai quelques mots sur l’article 50, vu le nombre considérable d’amendements dont les dispositions vont peu ou prou dans le même sens. Certains sont identiques entre eux, d’ailleurs, et ils seront satisfaits si l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission des finances est adopté.
Le Gouvernement a proposé une rationalisation du dispositif fiscal en faveur du mécénat d’entreprise qui apparaît, lorsqu’on l’étudie de près, particulièrement inopportune. Concrètement, il s’agit d’un petit coup de rabot à l’impact budgétaire relativement limité – 80 millions d’euros, nous dit-on, peut-être 100 millions d’euros, et soixante-dix-huit entreprises concernées.
Je peux faire ici le pari que, en définitive, pour des raisons que je pourrai vous expliquer dans un instant, l’économie ne sera pas au rendez-vous. Elle sera quoiqu’il arrive très limitée et, surtout, elle sera imperceptible.
Ce qui est certain, en revanche, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous allez déstabiliser le secteur du mécénat. Nous nous plaignons souvent, les uns et les autres, dans cet hémicycle, de l’instabilité fiscale ; or, en la matière, nous avions la chance de disposer d’une loi de consensus qui a maintenant quelques années, qui porte le nom de Jean-Jacques Aillagon et qui a survécu à plusieurs alternances politiques. Pour une fois qu’un dispositif était stabilisé, je pense qu’il méritait d’être maintenu !
Or que fait le Gouvernement via l’article 50 ? Il rabote l’avantage fiscal au-delà de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires, en le faisant passer de 60 % à 40 %.
Ce dispositif pourra évidemment être contourné, puisque le chiffre d’affaires visé n’est pas le chiffre d’affaires consolidé au niveau du groupe, ce qui ne va pas sans hypocrisie. Les plus grands groupes pourront ainsi continuer à bénéficier de cette réduction d’impôt sur autant de filiales qu’elles le veulent. En revanche, cette réforme atteindra un certain nombre d’entreprises qui ne sont pas filialisées.
Ce qui est certain, c’est que cette mesure va directement pénaliser le secteur associatif et celui de la générosité. Surtout, on laisse entendre que toute opération supérieure à 2 millions d’euros serait assimilable à une forme d’optimisation fiscale et n’aurait rien à voir avec la générosité.
Par ailleurs, les entreprises peuvent continuer à déduire sous une autre forme. Si l’avantage fiscal tombe à 40 % et si, en même temps, l’impôt sur les sociétés baisse, quel intérêt peut avoir une entreprise à orienter ses efforts vers le mécénat, alors même qu’une déduction de charges dans le cadre d’une opération de publicité ou de parrainage rapporte à peu près autant ? Le caractère désintéressé risque, en définitive, de disparaître.
Vous avez en outre complexifié le dispositif – si je m’étends un peu longuement sur le sujet, monsieur le président, c’est tout simplement pour pouvoir aller plus vite par la suite.
La distinction entre les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté ou qui contribuent à favoriser leur logement, d’une part, et, d’autre part, les autres dons ne va pas sans créer quelques problèmes.
Quant à l’introduction par le Gouvernement d’un plafond de rémunération pour le mécénat de compétence, égal à trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale, elle risque, elle aussi, de poser un certain nombre de difficultés, par exemple pour les officiers sapeurs-pompiers volontaires dont les employeurs recourent à cette forme de mécénat.
Vous le voyez, mes chers collègues, le champ de cette mesure est très large, du secteur social à la culture en passant par le sport et la recherche médicale ; le nombre d’associations et de fondations qui risquent d’être atteintes par ce rabotage du plafond est considérable.
Pour être tout à fait complet, j’ajouterai que quelque chose, néanmoins, va dans le bon sens : c’est la majoration du plafond alternatif de 10 000 à 20 000 euros, adoptée par l’Assemblée nationale. Pendant des années, j’avais proposé d’instaurer un plafond à 10 000 euros ; ce fut chose faite l’an dernier. Le plafond de 20 000 euros va favoriser l’engagement des petites entreprises, notamment dans le mécénat local.
Je citerai également, au titre des bonnes mesures, l’intégration des formations musicales de Radio France parmi les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à réduction d’impôt. Malheureusement, le message global reste toutefois brouillé par ces tentatives de rogner le mécénat.
Le risque inhérent à l’instabilité, c’est que l’on met le doigt dans l’engrenage : vous y reviendrez peut-être, dans un an, pour nous dire qu’il faut passer de 2 millions à 1 million d’euros, de 60 % à 50 %, etc. Nous bénéficiions, en France, d’un dispositif consensuel ; c’est une erreur politique d’y toucher – c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, cette réforme a fait débat au sein de votre propre majorité à l’Assemblée nationale.
J’en profite pour présenter l’amendement n° II-833 rectifié, adopté par la commission des finances ; il vise à supprimer les dispositions afférentes au taux différencié, 60 % ou 40 %, et au mécénat de compétence, mais à conserver les deux apports positifs que j’ai évoqués : le plafond de 20 000 euros et l’ouverture à Radio France du bénéfice du mécénat.
Je précise que la commission de la culture a adopté un amendement identique à celui de la commission des finances, leurs analyses respectives se rejoignant.
L’adoption de ces deux amendements satisferait pleinement les amendements identiques n° II-51 rectifié bis et II-396 rectifié bis, les amendements n° II-581 rectifié bis et II-53 rectifié bis, les amendements identiques n° II-783 rectifié et II-1002, les amendements n° II-1169 rectifié, II-1016 rectifié ter, II-337 rectifié bis et II-1170 rectifié, les amendements identiques n° II-637 rectifié bis et II-947 rectifié, enfin les amendements n° II-433 rectifié ter, II-432 rectifié ter, II-487 rectifié, II-146 rectifié bis, II-748 rectifié et II-959 rectifié, dont je demanderai le retrait.
Il me semble que le Sénat, dans sa quasi-unanimité, souhaite aller dans le même sens.