Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 11 décembre 2019 à 15h00
Usages dangereux du protoxyde d'azote — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous voici réunis pour évoquer et tenter de contenir une pratique qui s’étend chez les jeunes Français de tous les milieux, alors qu’elle sévit et fait des ravages depuis de nombreuses années, voire des décennies, dans d’autres pays.

Le protoxyde d’azote, connu depuis les années 1800, est utilisé en cuisine dans les siphons et en médecine pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques. Jusque-là, il n’y a rien à reprocher à ce gaz, qui remplit parfaitement ces deux fonctions.

Malheureusement, certaines personnes en recherche de sensations fortes l’ont détourné de son usage traditionnel pour en obtenir des effets psychoactifs, que l’on peut comparer à ceux des drogues ou de l’alcool. Ce détournement pose plusieurs problèmes, qui appellent la mobilisation des pouvoirs publics et justifient la discussion de ce jour.

D’une part, ce gaz vient s’ajouter à la longue liste des produits provoquant des addictions, lesquelles touchent trop de Français et engendrent trop de situations personnelles et familiales désastreuses. On constate en effet chez certains consommateurs réguliers les symptômes classiques de l’addiction.

D’autre part, comme je l’ai déjà dit, le protoxyde d’azote produit des effets comparables à ceux des drogues et affecte la santé de ses consommateurs. Dans un premier temps, il provoque distorsions visuelle et auditive, dissociation, désinhibition, voire vertiges ; dans un second temps, une phase de déclin, avec anxiété, voire panique. En cas de consommation chronique, il provoque les symptômes de l’addiction, mais aussi des atteintes de la moelle épinière, de l’anémie, des troubles neurologiques, sans compter les effets à court terme de l’inhalation : brûlures et asphyxie. Bref, ce sujet est fort inquiétant.

Dès lors, il ne semble plus du tout justifié de parler de gaz « hilarant », tant les conséquences sur la vie de nos jeunes peuvent être durables et désastreuses. Nous déplorons déjà en France plusieurs cas graves, ayant entraîné des séquelles irréversibles, ainsi que des décès.

Les élus municipaux sont démunis face à ce nouveau phénomène, notamment dans les Hauts-de-France, où onze personnes, peut-être plus, ont déjà déclaré des troubles neurologiques graves dus à ce gaz. Face à cela, les municipalités ne peuvent que prendre des arrêtés qui ne résolvent rien.

L’incapacité des pouvoirs publics à lutter contre cette consommation croissante est notamment liée à la facilité d’accès des jeunes au protoxyde d’azote. Cela a été rappelé : n’importe qui peut en acheter à moindre coût dans le commerce, sous la forme de cartouches destinées aux siphons. Sa consommation est rapide et ne laisse aucune trace, contrairement aux joints dont l’odeur peut alerter les parents…

Ce qui explique surtout le succès de ce gaz, c’est la méconnaissance totale qui perdure sur les effets délétères du protoxyde d’azote sur la santé. Alors qu’ils sont bien connus dans d’autres pays, où des morts sont à déplorer, alors que les pouvoirs publics sont alertés depuis plusieurs années, le grand public chez nous demeure encore ignorant des dangers de ce gaz sur la santé de leurs enfants. Les communiqués de presse ne suffisent plus, l’État doit engager une grande campagne de communication pour informer les Français des risques qu’ils encourent. Sur ce point, je déplore la baisse du budget de la Mildeca, car la lutte contre les conduites addictives, notamment par une communication ciblée, doit être au cœur de nos politiques de santé publique.

Le premier objectif de cette proposition de loi est d’alerter. Il est salutaire de parler de ce sujet aujourd’hui dans cet hémicycle. On a déjà vu les premiers effets de notre discussion dans les médias ces derniers jours : le sujet est officiellement mis sur la table.

Au-delà, mon groupe salue les dispositions de cette proposition de loi. Il faut en effet limiter le premier contact des jeunes avec le protoxyde d’azote. L’interdiction de vente aux mineurs ne réglera pas le problème d’un coup de baguette magique, mais elle sera utile si elle est accompagnée de mesures de prévention.

Le délit d’incitation d’un mineur à l’usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs permettra par ailleurs de lutter contre les phénomènes de mode potentiellement dangereux auxquels les jeunes pourraient être exposés aujourd’hui et à l’avenir. Sur le même modèle que la provocation d’un mineur à la consommation excessive d’alcool, toute personne incitant à l’usage de ce gaz encourra 15 000 euros d’amende, ce qui devrait, espérons-le, en décourager certains.

Enfin, je l’ai dit, il est essentiel de renforcer la prévention, par l’information et la communication, au sein des établissements scolaires, sur les risques des conduites addictives en général et pas seulement sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé. Si ces conséquences sont bien réelles et dramatiques, l’addiction elle-même, sous toutes ses formes, doit être appréhendée comme un enjeu de santé publique.

On le sait, l’imagination est sans limites lorsqu’il s’agit d’inventer de nouvelles drogues. À cet égard, l’élargissement de ces dispositions, à l’article 2, à tous les produits de consommation courante nous évitera d’avoir à adapter la mesure aux nouvelles addictions qui pourraient apparaître dans les prochaines années.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, qui salue l’initiative de Valérie Létard, ainsi que le travail de la rapporteure, Jocelyne Guidez, apportera son total soutien à cette proposition de loi.

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