Intervention de Frédéric Marchand

Réunion du 11 décembre 2019 à 15h00
Usages dangereux du protoxyde d'azote — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Frédéric MarchandFrédéric Marchand :

Ce constat, c’est celui que fait l’ancien maire d’Hellemmes que je suis, alerté sur ce sujet avant 2017. J’en ramasse en effet chaque semaine toujours davantage dans les rues de ma commune, ce qui témoigne de l’utilisation toujours plus importante et toujours plus inquiétante d’un gaz détourné de son usage initial pour ses propriétés euphorisantes et dont on commence à mesurer les effets ravageurs sur la santé.

Ce phénomène n’est plus ce seul particularisme local de la métropole lilloise et du département du Nord que certains ont pu évoquer. Il touche aujourd’hui nombre de grandes agglomérations françaises, mais aussi des zones moins denses, comme en attestent les témoignages de nombreux élus rencontrés dans le cadre de la préparation de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.

Preuve de sa pertinence, le texte, qui était à l’origine déposé par ma collègue Valérie Létard, et sur lequel nous avons échangé à de multiples occasions, a été cosigné par tous nos collègues nordistes et, au-delà, par un nombre important de nos collègues de tous horizons politiques et géographiques. Cela montre bien, me semble-t-il, que le sujet auquel nous sommes confrontés fait aujourd’hui débat et sens.

Nous parlons ici d’un gaz utilisé en cuisine dans les siphons à chantilly ou à l’hôpital comme anesthésiant, sauf que personne ne fait de la chantilly ou des opérations à cœur ouvert dans nos rues ! Le gaz est transféré dans des ballons de baudruche afin d’être inhalé, entraînant alors une euphorie et des rires incontrôlables, certains n’hésitant pas à utiliser plusieurs cartouches dans un seul ballon pour multiplier les effets.

Alors, me direz-vous, quel problème y a-t-il à se sentir d’humeur joyeuse, voire euphorique ?

Chef des urgences du CHRU de Lille et du SAMU, le docteur Patrick Goldstein a pointé du doigt le principal danger de ce gaz, qui « accélère le rythme cardiaque » et « peut avoir des répercussions sur le système neurologique, à savoir le cerveau et la moelle épinière ». Or ce produit se vend en toute légalité dans nombre de commerces, ne coûtant que 50 centimes l’unité, quand ce n’est pas le kit entier qui est fourni. On peut aussi le commander en grande quantité sur internet.

Les chiffres avancés par le centre d’addictovigilance de Lille ont de quoi faire froid dans le dos. À cette date, le centre est déjà saisi de huit cas graves dans la région des Hauts-de-France, dont certains sont irréversibles, et cinq autres cas sont en cours d’examen.

Cela a été souligné, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les ravages sont pires encore. Depuis plusieurs années, de nombreux décès sont dus à une consommation excessive.

Oui, il est grand temps d’en finir avec cette image de gaz hilarant ! Il faut prendre les mesures qui s’imposent pour éviter des effets dévastateurs à terme pour toute une génération. Je pense notamment aux mineurs ; ils sont sans aucun doute plus que d’autres exposés aux dangers de cette drogue.

Aujourd’hui, les maires sont en première ligne sur le sujet ; ils prennent des arrêtés interdisant la vente ou la consommation de protoxyde d’azote sur leur ressort territorial. La mesure est bonne, mais cela tient plus de la cosmétique que de l’éradication du phénomène. Il est évidemment toujours possible de se procurer du produit là où ce n’est pas interdit.

Monsieur le secrétaire d’État, prévenir des dangers ne suffit plus. Le moment est venu, je pense, de légiférer pour empêcher autant que faire se peut la propagation du phénomène, notamment chez les plus jeunes, collégiens ou lycéens, pour qui consommer du protoxyde d’azote devient un acte banal, sans aucune conséquence. Pis, chacun voit bien que cette consommation est pour les jeunes la première étape vers d’autres produits stupéfiants, considérant l’absence d’effets du protoxyde pour la santé.

Notre proposition de loi, qui, je l’espère, sera adoptée, a pour ambition de préserver autant que faire se peut les mineurs d’un produit pouvant avoir des effets graves sur la santé, ce dont la communauté médicale est plus que persuadée.

Préserver les mineurs d’un tel fléau, qui gagne du terrain, c’est le sens du texte. Il a fait l’objet d’aménagements à la suite de son passage en commission. Je veux remercier ici tous nos collègues sénateurs qui se sont investis sur ce dossier.

Pénaliser l’incitation des mineurs, mais aussi des majeurs, à consommer du protoxyde d’azote, interdire la vente aux mineurs en commerce physique ou en ligne et renforcer l’information sur la dangerosité de l’usage sont autant de mesures sur lesquelles nous ne pouvons que nous accorder pour mettre en place un arsenal permettant d’enrayer cette spirale infernale. Si nous n’y prenons pas garde, le phénomène risque de progresser encore et encore et d’avoir des conséquences catastrophiques sur la santé de celles et ceux qui sont aujourd’hui tentés par une telle expérience.

Comme cela a été indiqué par une de nos collègues en commission, notre assemblée fait œuvre utile, même si ce texte – nous en sommes toutes et tous conscients – ne saurait à lui seul permettre d’éradiquer le phénomène. C’est une première étape que nous vous invitons à franchir, mes chers collègues, en votant cette proposition de loi. Il appartiendra à nos collègues de l’Assemblée nationale de se saisir du sujet. D’ailleurs, deux propositions de loi avaient été déposées, l’une au mois de janvier et l’autre au mois de septembre de cette année, sur le sujet.

Monsieur le secrétaire d’État, vous partagez, j’en suis persuadé, la volonté manifestée sur toutes les travées de notre assemblée d’apporter une réponse opérante et simple à un problème auquel nous sommes confrontés et risquons de l’être dans nos responsabilités d’élus, de parents et de législateurs.

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