Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 11 décembre 2019 à 15h00
Usages dangereux du protoxyde d'azote — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une situation particulière aux Hauts-de-France qui est à l’origine de ce débat. Dans notre région, les plus jeunes sont confrontés à la consommation de protoxyde d’azote dès leur plus jeune âge et dans l’espace public.

Afin d’apporter des réponses concrètes aux alertes des acteurs locaux, des élus, des agents de prévention et des professionnels de la santé, le député Ugo Bernalicis avait déposé au mois de janvier 2019 une proposition de loi pour lutter contre le protoxyde d’azote. Celle-ci fut suivie le 5 avril dernier par une proposition de loi déposée sur l’initiative de Mme Létard et signée par des sénateurs et sénatrices de groupes politiques différents, dont mon collègue Éric Bocquet.

Le rapport que l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies a publié au mois de décembre 2018 a relevé une évolution de l’usage et de la consommation du protoxyde d’azote. Jusqu’à présent, c’était uniquement dans les teknivals. Petit à petit, il a fait irruption dans l’espace public.

Dans certains cas, cette consommation a des conséquences lourdes, dont huit cas graves dans les Hauts-de-France – il s’agit de jeunes usagers âgés de 18 à 34 ans –, avec notamment des atteintes du système nerveux et de la moelle épinière. Face à une telle situation, et devant l’inaction des pouvoirs publics de santé, plusieurs municipalités ont décidé d’en interdire la vente aux mineurs, comme à la Madeleine et à Wattrelos dans le Nord, mais également à Nîmes, à Aulnay-sous-Bois ou à Pont-Sainte-Maxence.

La « drogue du pauvre », ainsi qu’on surnomme le protoxyde d’azote, concerne principalement des jeunes impliqués dans le trafic de stupéfiants, les personnes prostituées, les personnes précaires, mais aussi des collégiens et des lycéens, selon le dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues. Aussi, nous ne pouvons rester sans rien faire quand on découvre – c’est le cas à Valenciennes, à Amiens, à Arras ou à Saint-Omer – des centaines de cartouches métalliques de N2O.

Comment faire pour lutter contre l’usage dangereux du protoxyde d’azote par les mineurs ? Il est prévu dans la proposition de loi de les protéger en interdisant l’incitation et la provocation à la consommation, avec une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Le volet répressif est la principale réponse à la consommation du protoxyde d’azote par les mineurs, tandis que le volet préventif est uniquement envisagé par l’apposition d’un pictogramme indiquant l’interdiction de vente aux mineurs de moins de 18 ans sur chaque contenant incluant ce produit et avec des actions d’information et de prévention dans les établissements scolaires et l’armée. Les usagers, notamment les plus jeunes, manquent très souvent d’informations sur la dangerosité du produit. Des campagnes de prévention et d’information sur le protoxyde d’azote sont donc nécessaires pour limiter les risques.

En matière de campagne de prévention, il est fort regrettable que l’agence régionale de santé des Hauts-de-France soit demeurée absente face aux alertes des élus locaux. Il aura fallu attendre le 19 novembre 2019 pour que le Premier ministre et le ministère de la santé s’alarment dans un communiqué de presse de l’évolution de cette pratique « qui s’accompagne d’une augmentation du nombre de signalements d’effets sanitaires graves, avec atteintes du système nerveux central et de la moelle épinière » et que le Gouvernement accepte de débloquer un fonds d’urgence. Sachant qu’il y a 1, 2 million de lycéens et collégiens dans la région des Hauts-de-France, 200 000 euros, c’est 16 centimes d’euro par élève ! Un tel montant est largement insuffisant pour mener une véritable campagne de prévention sur le protoxyde d’azote.

Pour nous, ce texte démontre avant tout l’urgence qu’il y a pour le ministère de la santé à prendre des mesures visant à protéger nos enfants et nos jeunes.

Les professionnels de santé, qui rencontrent les victimes, sont les premiers à s’opposer aux mesures qui ne seraient que répressives, car elles exposent à un risque de report d’addictions vers d’autres drogues plus fortes et en aucun cas à la diminution de la consommation. Il faut donc développer une politique de prévention et de réduction des risques à l’intention du jeune public, dans une démarche globale, positive et non stigmatisante. Cela permettra de faire diminuer la consommation de protoxyde d’azote.

Pour ces raisons, nous voterons en faveur de la présente proposition de loi.

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