Certes, le désintérêt américain pour l’Europe a plus d’une fois été démenti par l’histoire, et nous savons bien que l’investissement militaire des États-Unis sur notre continent n’a jamais été réduit et que leurs liens commerciaux, financiers et économiques avec l’Europe occidentale sont, à ce jour, plus forts que ceux qu’ils entretiennent avec l’Asie. Si les Américains sont en Europe, c’est aussi parce qu’ils y ont intérêt, et ce depuis longtemps. Le plan Marshall n’était pas désintéressé !
Pour autant, il serait déraisonnable de ne pas réfléchir au scénario d’une transformation de l’OTAN, a fortiori quand les États-Unis se tournent de plus en plus, depuis une quinzaine d’années, vers la zone Asie-Pacifique, avec une obsession grandissante, celle de la montée en puissance de leur nouveau grand rival : la Chine.
Enfin, et c’est le troisième élément de la crise actuelle de l’OTAN, un allié, la Turquie, prouve chaque jour qu’il se détache de l’Alliance par son évolution autoritaire intérieure, par son rapprochement avec la Russie – je pense notamment à l’achat de systèmes de défense russes S-400 – ou encore, récemment, par ses opérations dans le nord de la Syrie. L’attitude d’Ankara – d’Erdogan, pour être clair – a ainsi provoqué une crise politique de l’Alliance.
En réalité, cette dernière n’a jamais incarné une convergence des visions du monde. Au fil de l’histoire, en dehors de la zone proprement dite du traité de l’Atlantique Nord, c’est-à-dire l’Europe occidentale, la solidarité politique entre membres de l’Alliance n’a jamais été évidente. Le Proche-Orient, en particulier, a toujours été un foyer de tensions majeures : je pense à la crise de Suez, en 1956, à la guerre du Kippour, en 1973, au raid contre la Libye, en 1986, et à la guerre en Irak, en 2003. La question syrienne s’inscrit ainsi dans une longue tradition et le problème de l’avenir de l’OTAN dépasse la seule question turque.
La vérité est que les Européens ne peuvent pas rester indéfiniment spectateurs dans un monde instable et dangereux, où les États-Unis s’éloignent, où la Chine devient agressive, où la Russie demeure menaçante et, surtout, où la menace djihadiste ne cesse de grandir au sud de l’Europe.
Ce contexte instable et dangereux est, en réalité, une chance que les Européens doivent saisir pour faire avancer l’idée d’une défense européenne assurée par les Européens.
Faut-il aller vers une armée européenne ? C’est une vieille idée. C’est l’idée du Président de la République. Moi-même, je ne suis pas loin de penser que, in fine, notre objectif doit être la construction d’une défense européenne par les Européens. Ses avantages seraient multiples : elle permettrait, d’abord, de crédibiliser la défense européenne face aux menaces extérieures croissantes dont j’ai parlé.