Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ambiance aurait pu être plus chaleureuse pour le soixante-dixième anniversaire de l’OTAN. Le sommet de Londres s’est achevé par le départ anticipé du président Trump…
L’expression « mort cérébrale » utilisée par le président Macron visait probablement à provoquer un débat sans doute nécessaire. Voilà qui est chose faite.
La stratégie de l’Alliance a semblé, ces derniers temps, connaître quelques flottements. Les comportements de certains membres ont pu paraître équivoques. Dès le début de son mandat, Donald Trump s’est plaint de la trop faible contribution des Européens à l’effort de défense. Il a lui-même jugé l’alliance obsolète et évoqué, en privé, la possibilité d’un retrait des États-Unis. De son côté, la Turquie a provoqué l’incompréhension de ses alliés en achetant des systèmes de défense anti-aérienne S-400 à la Russie de Poutine et en menant une offensive unilatérale contre les Kurdes de Syrie, partenaires des États-Unis et de la France contre le djihadisme au Levant. Erdogan a même indiqué que la reconnaissance, par les alliés, du caractère terroriste de la milice kurde YPG constituait un préalable à toute discussion sur les plans de défense de l’OTAN.
Ces quelques dissensions ne sont pas négligeables, mais elles ne sont pas surprenantes au sein d’une organisation qui peine à réinventer sa raison d’être. L’OTAN est née à une époque où les États-Unis souhaitaient assurer la défense de l’Europe contre le péril soviétique. En soixante-dix ans, la donne a bien changé : l’Union soviétique a disparu et les États-Unis ne veulent plus assurer la défense de l’Europe. Le réveil est rude pour ceux qui ont engrangé les dividendes de la paix sans payer le prix de leur défense, car si l’Europe cesse d’être une priorité pour les États-Unis, les menaces qui pèsent sur le continent n’ont pas cessé d’exister, et de nouveaux dangers sont apparus.
Il faut se rappeler que cette alliance n’a pas la même signification que l’on soit à Paris ou à Tallinn. Nous ne faisons pas tous face aux mêmes menaces et nous ne disposons pas tous des mêmes moyens. L’OTAN représente toujours, pour de nombreux États européens, la meilleure protection de leur souveraineté.
À l’heure actuelle, l’Europe n’est pas en mesure d’assurer elle-même sa défense. Ce constat est forcément amer pour les Européens convaincus que nous sommes. Nous avons cependant tous le même objectif, celui de voir l’Europe protégée. L’OTAN a démontré ses capacités en assurant la sécurité de notre continent durant des décennies. Elle les démontre encore par les opérations et les exercices qu’elle conduit, souvent de façon très remarquable. Elle a permis de développer un haut niveau de coopération entre ses membres.
Cependant, l’Alliance doit continuer de s’adapter aux changements des réalités géopolitiques. Le dernier sommet nous a appris qu’elle avait la volonté de traiter le djihadisme comme une menace prioritaire, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il faudra que cette volonté se transforme en actes. La France est pour l’instant bien seule pour lutter au Sahel : c’est elle qui paie le prix du sang, alors qu’il s’agit non seulement de la sécurité du continent africain, mais aussi, très directement, de celle de l’Europe.
La menace djihadiste n’est pas le seul changement à prendre en compte. Nos alliés Américains poursuivent leur désengagement de l’Europe et du Moyen-Orient. Les Européens n’ont donc d’autre choix que de devenir plus autonomes, comme l’a affirmé le Président de la République dans son discours de la Sorbonne, voilà maintenant plus de deux ans.
Si une défense européenne forte n’a pas encore émergé, c’est bien davantage en raison de l’absence de volonté politique des États membres qu’en raison de l’existence de l’OTAN. Toutefois, les mentalités semblent changer. Différents projets industriels européens voient le jour et quelques États augmentent leur budget de défense. Même si les choses ne vont pas aussi vite que nous pourrions le souhaiter, elles avancent tout de même.
L’OTAN peut participer à la naissance d’une défense européenne. Cette alliance nous a déjà appris que nous pouvons travailler efficacement ensemble. Tant que les membres de l’OTAN partagent les mêmes valeurs et ont les mêmes objectifs, il ne semble pas opportun de s’isoler.
Mais quid de la Turquie ? La Turquie n’est pas Erdogan, et Erdogan ne sera pas éternellement au pouvoir. La Turquie est sans conteste une puissance régionale importante, et l’Europe a surtout besoin de parler d’égal à égal avec les puissances régionales de cette partie du monde. Pour ce faire, elle doit s’unir. Le rôle de la France dans l’OTAN doit être le même qu’au sein de l’Union : elle doit être le moteur de l’unité européenne, de sa prospérité et de sa sécurité.