Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 12 décembre 2019 à 10h30
Situation et rôle de l'otan et place de la france en son sein — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est utile ; nous en ressentions le besoin, notamment au sein de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Le 13 novembre dernier, j’avais d’ailleurs interpellé le Gouvernement sur les propos – excessifs et provocateurs, mais justes à bien des égards – du Président de la République, qui assurément ont secoué l’Alliance.

Dans ce contexte, le sommet des soixante-dix ans de l’OTAN, qui s’est tenu à Londres la semaine dernière, a permis de mettre sur la table les divergences qui traversent l’Alliance. Deux aspects me semblent cruciaux pour l’avenir du traité de l’Atlantique Nord et pour la défense de notre pays : d’abord, les questions que soulève actuellement le fonctionnement interne de la « machine OTAN », puis, plus largement, les raisons d’être de l’OTAN en 2019.

Le fonctionnement interne de l’OTAN soulève trois questions.

La première porte sur le partage du fardeau, mis au cœur des débats depuis la présidence Obama par les États-Unis, qui insistent sur l’importance de la participation financière de chaque État membre à notre protection collective. L’objectif annoncé et partagé est que les dépenses militaires nationales des membres de l’OTAN atteignent 2 % de leur PIB. Si les progrès sont notables, nombre d’alliés ne respectent pas cet engagement, notamment l’Allemagne, qui consacre à l’effort de défense 1, 2 % de son PIB, contre quelque 1, 8 % pour la France, l’objectif des 2 % devant être atteint en 2025.

Cette problématique de juste contribution de chacun au financement de sa défense rejoint le débat promu par la France sur la nécessité, pour les pays européens, de travailler à notre défense commune. La dimension européenne de défense doit se renforcer, en tant que pilier européen de l’OTAN, dans le cadre de l’Alliance, mais aussi, en parallèle et en pleine complémentarité, au sein même de l’Union européenne, en vue de l’émergence d’une défense européenne digne de ce nom. Il s’agit, pour beaucoup d’entre nous, d’un véritable objectif.

Ma deuxième interrogation est d’ordre stratégique : comment les vingt-neuf membres peuvent-ils agir de concert quand leurs intérêts politiques ou géostratégiques divergent ? Pour qu’il y ait alliance, il faut qu’il y ait confiance, laquelle repose sur la clarification des priorités stratégiques de certains membres. La relation militaire et diplomatique entre la Turquie et la Russie, ainsi que l’opération militaire turque contre les combattants kurdes qui ont lutté contre Daech posent réellement question. Partageons-nous encore des valeurs et des intérêts avec M. Erdogan – et c’est un ami de la Turquie qui le dit –, qui marchande son soutien au renforcement de la protection du flanc Est contre l’adoption de sa propre définition du terrorisme ?

Ma troisième question porte d’ailleurs sur la solidarité entre États membres, notamment quand l’un d’eux décide d’agir pour assurer la sécurité de tous. Ainsi en est-il des opérations françaises au Sahel. Contre la menace djihadiste qui prétend à la destruction de l’Occident et des valeurs que nous avons en partage, la France, avec 4 500 soldats déployés, est bien seule – hors quelques renforts logistiques bienvenus – sur un théâtre d’opérations grand comme l’Europe. Qu’est-ce que cela dit de la cohésion de l’Alliance ? L’Allemagne, pourtant deuxième contributrice au budget de l’OTAN, maintient sa position d’un emploi minimal de ses forces et ne participe pas aux actions militaires sur les théâtres d’opérations. Est-ce légitime dans ce contexte d’accroissement des menaces ? Les règles de solidarité et la doctrine d’emploi des forces doivent être précisées et améliorées, afin de ne pas laisser un pays membre agir seul sur un territoire pour la sécurité de tous.

Je veux appuyer le rappel fait par Richard Yung à propos du G5 Sahel, que le Président de la République a raison de réunir dans quelques jours à Pau.

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