Peu importe, il aura lieu de toute façon.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas partir du Sahel : ce serait le chaos, et ce serait renier tout le travail utile et important pour ces pays et pour notre sécurité que nous accomplissons depuis 2013. Pour autant, à l’évidence, on ne peut pas continuer comme si de rien n’était. En matière à la fois de sécurité et de développement, chacun doit prendre ses responsabilités. C’est dans l’intérêt même des pays concernés. Je suis de ceux qui ont bien connu le Mali avant la guerre, qui ont eu part à des actions de coopération décentralisée, qui ont lié des amitiés tant avec des gens du peuple qu’avec les dirigeants successifs. Pour l’heure, nous sommes trop seuls.
Enfin, les documents de planification de l’OTAN s’appuient sur un concept stratégique datant de 2010, qui n’a pas été récrit en 2019. La réforme des directives politiques globales n’est pas allée assez loin pour permettre d’adapter l’Alliance au XXIe siècle. De ce fait, on peut aujourd’hui s’interroger sur les raisons d’être de l’OTAN, surtout lorsque le Président américain remet en cause l’article 5 du traité de l’OTAN, fondement du pacte d’assistance mutuelle de l’Alliance, posant le principe de la défense collective d’un allié attaqué. Quel sens donner à l’Alliance si son principe fondateur est mis en doute par son membre le plus influent, sinon, désormais, le plus impliqué ?
Le communiqué final du sommet de l’OTAN de Londres a rappelé de manière très ferme la validité de l’article 5, ce qui a permis d’affirmer, au terme d’un dialogue exigeant et franc, le souhait d’une Alliance forte et toujours actuelle.
Nous le constatons tous les jours, les menaces ne portent plus uniquement sur notre continent : le champ d’action géographique, au-delà de l’Afrique, s’étend au Sud, mais aussi vers le Pacifique et le Moyen-Orient. L’Alliance doit s’interroger sur sa raison d’être : si celle-ci est de protéger l’Atlantique Nord, elle ne doit pas, pour autant, hésiter à agir aussi en dehors de sa zone de prédilection. Si l’OTAN est défaillante au regard de cette nécessité absolue d’agir quand il le faut en dehors de nos frontières, alors sa raison d’être est sérieusement remise en question et son concept stratégique est sérieusement éculé.
En conclusion, ce débat nous amène à nous interroger sur la triple actualité de l’OTAN et de la France : l’« électrochoc » administré par le Président de la République le mois dernier, les divergences clairement affichées par les membres de l’Alliance lors du sommet de Londres et la présence militaire française au Sahel.
L’OTAN ne me paraît légitime que si elle inscrit son action dans un contexte plus large, une vision à 360 degrés, comme le réclame la France. Vous l’avez dit à plusieurs reprises, monsieur le ministre, il faut prendre en compte les enjeux qui dépassent le strict cadre « atlantique » et seconder les alliés qui agissent, souvent seuls, sur des théâtres d’opérations extérieurs dont dépend la sécurité de tous.
Les questions légitimes sur le fonctionnement de l’Alliance et sur ses raisons d’être que se posent ses membres ne doivent pas nous paralyser : elles doivent au contraire être une force motrice pour redynamiser notre traité, pour lui redonner tout son sens dans un monde qui n’est plus celui de la guerre froide. Cela ne sera possible que si les États membres discutent entre eux, réaffirment leur position, notamment envers la Turquie, car les alliances ont toujours autant à craindre de l’intérieur que de l’extérieur. C’est à ce prix que nous éviterons la dislocation de la plus grande alliance militaire de défense commune que le monde ait jamais connue et que nous pourrons espérer prolonger la plus longue période de paix que l’Europe ait vécue, pour laquelle ses soldats se sont battus, se battent et meurent aujourd’hui encore.