Intervention de Christian Cambon

Réunion du 12 décembre 2019 à 10h30
Situation et rôle de l'otan et place de la france en son sein — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au côté de la chapelle du cimetière de Colleville-sur-mer, où reposent 10 000 jeunes Américains tombés pour libérer la France et l’Europe de la barbarie, on peut lire l’inscription suivante : « Leurs tombes sont le symbole éternel de leur héroïsme et de leur sacrifice à la cause commune de l’humanité. »

La relation transatlantique, qui est à la genèse de l’OTAN, est ancienne. La fraternité d’armes entre la France et les États-Unis remonte à leur indépendance, au XVIIIe siècle, fraternité jamais démentie et ô combien renouvelée au cours de la Première et de la Seconde Guerres mondiales. Mais, comme le rappelle de façon touchante et juste l’inscription que j’évoquais, notre combat commun est plus qu’un engagement militaire : c’est un combat pour des valeurs communes.

La primauté du droit sur la force ; la défense de la liberté des individus et des peuples ; le respect de la personne humaine : l’OTAN a été construite sur ces valeurs, au-delà de la solidarité totale entre les alliés si l’un d’entre eux était attaqué.

Bref, l’OTAN est autant un outil militaire qu’un concept politique, celui d’une communauté de pays ayant des visions du monde convergentes.

La France n’a pas dit autre chose lors du sommet de Londres. Certes, l’intervention du Président de la République a été particulièrement vive, mais elle était nécessaire. Ces derniers temps, l’OTAN paraissait s’être réduite à une structure logistique et comptable, où l’apport de chacun n’était mesuré qu’en termes de dépenses d’équipement, en particulier si ces dépenses permettaient d’acheter du matériel au principal contributeur, dans un partenariat qui semblait devenir toujours plus commercial.

Depuis l’effondrement du rideau de fer, l’horizon politique et géostratégique de l’OTAN s’est brouillé. Pourtant, c’est sur l’Alliance atlantique que la sécurité de l’Europe repose aujourd’hui. Mais pour qu’elle garde tout son sens, il faut qu’elle intègre les menaces d’aujourd’hui.

La première question, qui, en réalité, n’est plus pensée depuis la chute du mur de Berlin, est celle de l’architecture globale de sécurité en Europe. Pour la traiter, il faudra parler avec la Russie, avec bien sûr la fermeté nécessaire et sans naïveté, mais sans dogmatisme, comme nous le faisons au Sénat. Les Européens doivent être parties prenantes à cette architecture, qui peut d’autant moins se limiter à un dialogue entre les États-Unis et la Russie que les États-Unis n’entendent plus assumer la même part dans la défense de notre continent.

C’est pourquoi il faudra que le rôle des Européens dans leur propre défense soit au cœur des travaux du groupe de réflexion mis en place au sein de l’OTAN après le sommet de Londres. L’Alliance atlantique sera forte si elle repose sur deux piliers forts, un de chaque côté de l’Atlantique. C’est ce que nous devons faire pleinement accepter à nos amis Américains. C’est aussi ce que nous devons faire comprendre, parfois, à nos amis Européens.

Le deuxième axe de réforme de l’OTAN tient à l’analyse des menaces. Aujourd’hui, les pays européens sont menacés par le terrorisme ; la France vient une nouvelle fois de payer le prix du sang. Pour que l’Alliance soit en mesure de répondre à ce défi, il faut une analyse partagée de la menace. Il est clair que nous n’avons pas la même définition du terrorisme que nos alliés Turcs, par exemple. Le positionnement de la Turquie devra donc être clarifié sur cette question, mais aussi sur les relations avec les autres alliés, en particulier la Grèce ou Chypre. Il faudra aussi examiner, cela a été dit, les conséquences de l’acquisition de systèmes de missiles S-400 russes par la Turquie, qui soulève tout de même un problème conceptuel.

Sur tous ces sujets, il est indispensable que les pays européens avancent ensemble. Nombre de nos partenaires connaissent des évolutions rapides de leur scène politique : on vote aujourd’hui même au Royaume-Uni ; en Allemagne, l’équilibre de la coalition semble incertain ; en Italie, une nouvelle coalition est au pouvoir… À nous, Européens, de nous adapter à ces changements et de trouver les voies – sans arrogance, du côté français ! – pour avancer ensemble, pas à pas, pour construire, « brique après brique », une véritable défense européenne. Il faudra enfin prêter une écoute et une attention particulières à nos alliés Baltes, d’Europe centrale et orientale, souvent inquiets de notre volonté de rouvrir le dialogue avec la Russie.

Ce travail de refondation de l’OTAN et de réveil stratégique européen peut être salutaire s’il est une étape dans la construction d’une défense européenne renouvelée, reposant sur un pilier transatlantique et sur un pilier proprement européen, reflet de l’autonomie stratégique européenne.

Mes chers collègues, jamais le monde n’a été aussi dangereux, jamais il n’a été aussi instable. La première garantie que nos concitoyens attendent de l’État, c’est la sécurité. Soyez persuadé, monsieur le ministre, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sera à vos côtés pour travailler en ce sens. Faisons en sorte d’imaginer ensemble cette nouvelle architecture de sécurité de l’Europe, afin que nous puissions contribuer à la paix pour nous et pour nos enfants.

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