Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas une année ne passe sans que nous ne recevions des images venues d’ailleurs montrant les désastres de la faim.
La faim frappe presque toujours les pays meurtris par les conflits et les guerres. Elle en constitue bien souvent l’une des conséquences malheureuses. La faim se trouve aussi à la source de nombreuses tensions qui déchirent les sociétés et ébranlent les régimes politiques. La stabilité politique et l’émergence de régimes démocratiques sont donc incontestablement des leviers de la résilience alimentaire.
Les images que j’évoquais à l’instant nous rappellent aussi que la France a déjà conquis sa souveraineté alimentaire grâce à son agriculture, qui nourrit les Français et exporte ses denrées en Europe et dans le monde.
Tel est aujourd’hui le véritable fondement de notre résilience alimentaire. Il ne faut donc pas se tromper de combat. L’agriculture française, la première d’Europe, est aussi l’une des plus diversifiées au monde. C’est une garantie incontestable en matière de sécurité alimentaire.
Je salue l’initiative du groupe RDSE. Cette proposition de résolution, même si elle nourrit un discours trop alarmiste fondé sur un constat quasiment apocalyptique, a le mérite d’attirer notre attention sur cette problématique. C’est l’occasion de mettre en relief ce qui nous semble essentiel pour véritablement garantir notre autonomie et notre souveraineté alimentaires.
Cette problématique n’est pas nouvelle, mais elle se présente aujourd’hui sous un jour inédit, notamment en raison de l’effet combiné de la mondialisation des échanges et du dérèglement climatique. Ces deux tendances transformeront encore à l’avenir nos modes de production agricole, ainsi que nos habitudes de consommation. C’est dans ce cadre que nous devons proposer une vision ambitieuse et pragmatique de la résilience alimentaire.
Cependant, cette vision ne doit pas se développer au gré des tendances consuméristes et au mépris de notre passé, notamment de notre passé récent. Il n’y a pas si longtemps encore, tout particulièrement au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France souffrait massivement de la faim. Notre pays est parvenu à l’éradiquer ; c’était d’ailleurs un objectif fondateur de l’Union européenne, qui a pu être atteint au travers notamment de la PAC.
Or ce résultat n’a pu être obtenu que par le développement d’une agriculture robuste, modernisée, performante et celui des échanges commerciaux, notamment avec nos partenaires européens. En effet, ne l’oublions pas, l’agriculture a très rapidement constitué un pilier essentiel de la construction européenne ! Il ne s’agit pas de nier les défis auxquels notre modèle agricole devra faire face dans le futur. Il s’agit seulement de se souvenir d’où l’on vient pour bien comprendre où l’on veut aller.
Aujourd’hui, notre pays a toutes les raisons d’être fier de son agriculture. La France est le premier producteur agricole européen, devant l’Allemagne et l’Italie. Alors que notre pays affiche malheureusement, depuis plusieurs années, un déficit commercial structurel, notre industrie agroalimentaire présente, elle, un excédent structurel.
La France se trouve d’ores et déjà en situation d’autosuffisance alimentaire. Elle concourt également à l’autosuffisance de l’Europe et contribue à alimenter le marché mondial, ce qu’elle doit continuer à faire.
Certes, l’autosuffisance n’implique pas nécessairement la résilience, de même qu’autonomie ne rime pas forcément avec autarcie. Néanmoins, nous devons prendre garde à ne pas céder trop facilement au chant des sirènes qui ne jurent plus que par un « localisme » forcément réducteur.
Si nous avons conquis notre indépendance alimentaire, c’est d’abord par le développement de nos capacités de production et des échanges commerciaux avec nos partenaires européens.
Certes, l’agriculture française montre des signes de fragilité. Notre production nationale tend à stagner, notre rang dans les échanges internationaux se détériore et la place qu’occupent les importations dans notre alimentation augmente, comme l’a mis en exergue un récent débat au Sénat.
Conserver la performance de notre agriculture et son rang en Europe, là est le véritable enjeu qui doit tous nous mobiliser. Je sais, monsieur le ministre, que cela vous tient à cœur !
Alors que notre planète devrait compter 10 milliards d’êtres humains en 2050, notre capacité collective à nourrir tout ce monde est incertaine. Si notre agriculture est à la pointe en matière environnementale et figure parmi les plus durables au monde, elle peut encore réaliser d’importants progrès en termes de productivité, en misant sur l’innovation.
Dans cette optique, toutes les évolutions sociétales qui concourent à soutenir une agriculture nationale, et donc locale, vont dans le bon sens. Le développement des circuits courts ou la transition de notre agriculture participent d’une politique agricole ambitieuse. Nous ne souhaitons aucunement opposer les modèles ; au contraire, il faut les rendre complémentaires et les combiner.
La résilience alimentaire de notre pays passe avant tout par une politique agricole ambitieuse. Nous ne partageons pas la philosophie de cette proposition de résolution, même si nous en partageons les objectifs.