Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’échéance de 2050, il faudra nourrir 10 milliards de personnes dans un contexte de réchauffement climatique qui va accentuer la pression sur les terres agricoles. Seuls les pays qui auront su préserver leur agriculture de la pression foncière et des aléas climatiques seront en mesure de répondre à la demande mondiale.
La France, puissance agricole de premier plan, en est-elle seulement encore capable ? Peut-elle encore aujourd’hui assurer son indépendance alimentaire ?
Ce sont les questions que soulève cette proposition de résolution, qui vise à alerter l’exécutif « sur l’importance d’une prise en compte de la territorialisation de la production, de la transformation et de la distribution alimentaires ». Elle rappelle aussi que les autorités publiques doivent être en mesure de « garantir les conditions d’un niveau minimum de sécurité et d’approvisionnement alimentaire ». Il est en effet de la responsabilité de l’État de garantir notre souveraineté alimentaire, que le général de Gaulle qualifiait d’ailleurs d’« ardente obligation ».
Souveraineté alimentaire et autonomie stratégique militaire sont liées. Trouvez-vous d’ailleurs normal, monsieur le ministre, que l’économat des armées françaises ne s’approvisionne pas uniquement avec des produits agricoles français ? Soutien aux armées, soutien aux agriculteurs !
Ces agriculteurs, qui affrontent tellement de difficultés et qui travaillent sans relâche, ne pourront supporter très longtemps l’absence de mesures concrètes pour améliorer leur situation.
Le défi qui nous attend consiste à redonner un équilibre à la mondialisation. Pendant trop longtemps, nous n’avons pas su prendre la mesure de l’évolution de celle-ci. Nous avons appliqué des normes plutôt que de définir une stratégie, et, dans certains secteurs, comme l’agriculture, nous nous sommes retrouvés en compétition avec des concurrents qui ne respectent aucune des règles imposées ; nous avons perdu des batailles.
Le rapport de nos collègues Sophie Primas et Laurent Duplomb souligne très bien les menaces qui pèsent sur notre agriculture ; l’une d’entre elles nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de cette discussion.
Les importations de produits agricoles et alimentaires augmentent, alors qu’elles ne respectent pas nécessairement les normes de production imposées en France. Entre 8 % et 12 % des denrées alimentaires importées de pays tiers ne respectent pas les normes européennes de production. En plus de mettre en péril la sécurité sanitaire de nos concitoyens, ce phénomène autorise une concurrence déloyale au détriment de nos producteurs. Si rien n’est fait, cette tendance va s’accentuer.
Je rappelle que les notions d’autosuffisance et de sécurité alimentaires, qui tiennent aux besoins les plus fondamentaux de la personne, doivent être au cœur de toute vraie politique agricole.
Plus que d’une « stratégie de territorialisation des productions alimentaires, d’une cartographie des flux de production alimentaire et d’une préparation des populations » ou « d’une loi de sauvegarde du foncier agricole », comme le prévoit la proposition de résolution, à l’instar d’une sorte de Gosplan, nous avons besoin, me semble-t-il, d’une vraie politique agricole, d’un vrai soutien politique et d’une vraie lutte contre l’agri-bashing, pour le dire en bon français.
Le Gouvernement n’est certes pas responsable de ce dont il a hérité, mais il l’est, en revanche, de ce qu’il a ou non entrepris. Il a fait adopter la loi Égalim, qui a suscité un immense espoir chez les agriculteurs. Mais, aujourd’hui, sur le terrain, ceux-ci nous disent que, pour l’heure, cette loi n’a servi à rien et ne leur a en tout cas apporté aucun retour sur le plan financier. L’État doit agir pour que notre agriculture devienne plus compétitive. Vous avez donné à penser, monsieur le ministre, que vous aviez trouvé la solution au problème de la faiblesse des revenus agricoles : or non seulement la loi Égalim n’améliore en rien la situation sur ce point, mais elle déstabilise aussi des acteurs économiques de la filière.
Les agriculteurs ont besoin de solutions pérennes, concrètes, immédiates. Il n’y a aucune raison que l’agriculture française ne se redresse pas. Il le faut, c’est un impératif pour notre pays. Je fais partie de ces élus qui pensent que la France a une grande vocation agricole et que notre souveraineté est garantie pour autant que notre autosuffisance alimentaire soit assurée. Notre pays est capable d’atteindre cet objectif.
Cette proposition de résolution permet de mettre en débat le sujet de notre souveraineté alimentaire. C’est une bonne chose, mais les orientations proposées sont inadaptées. En conséquence, une très large majorité des membres du groupe Les Républicains voteront contre cette proposition de résolution.