Intervention de Noëlle Rauscent

Réunion du 12 décembre 2019 à 14h30
Prévention du suicide des agriculteurs — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Noëlle RauscentNoëlle Rauscent :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes invités aujourd’hui à nous prononcer, non sans émotion, sur une proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs.

Nous avons tous en tête ce chiffre terrible : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France.

Je voudrais en premier lieu remercier notre collègue, Henri Cabanel, d’avoir porté cette proposition de loi, qui nous permet aujourd’hui d’aborder ce sujet si délicat au sein de notre hémicycle.

Pendant des années, cette détresse des agriculteurs a été occultée, comme un tabou dans notre société. Il a fallu attendre 2011 pour que l’État, avec la MSA, s’engage sur cette question. La caisse centrale de la mutualité sociale agricole a été chargée par Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture, de mettre en œuvre un programme national d’actions, afin de recueillir des données chiffrées sur la réalité du suicide chez les exploitants et les salariés agricoles.

Répondre aux alertes, accompagner, orienter et suivre ces personnes en détresse : tels sont les axes qu’il faut suivre aujourd’hui. Toutefois, il est impossible de prétendre traiter cette problématique sans avoir une bonne connaissance des différentes dynamiques qui mènent un individu à des pensées noires et qui le poussent in fine à passer à l’acte.

Certes, nous pouvons présumer que ces drames sont intimement liés à la situation financière du défunt. En effet, on observe une proportion bien plus grande de suicides d’agriculteurs dans les filières les moins rémunératrices ou durant les périodes où les prix de vente de ces mêmes filières sont les plus bas. Je pense tout particulièrement aux éleveurs bovins laitiers et allaitants.

Cependant, il est très réducteur de réduire le problème des suicides aux seules difficultés financières. Le sujet est complexe ; méfions-nous des raccourcis.

Les agriculteurs font face aux risques économiques de leur métier, au surendettement, mais aussi aux aléas de la vie, comme la solitude ou la maladie. La pression exercée sur eux est aussi un facteur à prendre en considération. Nous ne le répéterons jamais assez : il faut que l’agri-bashing cesse !

Cette proposition de loi entend apporter une solution de prévention pour éviter ces suicides. Elle vise à améliorer le système de détection des personnes en situation de fragilité dans le monde agricole, en instaurant un repérage ciblé des personnes à risque en fonction de leur niveau d’endettement ou de leurs difficultés financières et en plaçant les établissements bancaires au cœur du dispositif d’alerte. Ces derniers sont en effet les premiers au courant de ces situations.

Sensibiliser les banques sur cette question en les obligeant à repérer les difficultés d’un client agriculteur et à l’orienter vers un accompagnement social et psychologique est une mesure de bon sens. Elle rejoint l’action menée par le Gouvernement dans la prévention du risque psychosocial et de l’épuisement professionnel ; monsieur le ministre, je connais votre engagement en la matière.

L’instauration d’une visite médicale annuelle pour les agriculteurs avec un médecin du travail est également une bonne chose. Elle doit faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux concernés.

Nous savons que ces drames ont des causes multiples. Toutefois, ne nous leurrons pas : si nous nous préoccupons aujourd’hui de la dimension financière, bien qu’elle ne doive pas être dissociée du reste, c’est parce que l’augmentation de la rémunération de nos agriculteurs les plus en difficulté doit leur permettre de vivre dignement de leur activité, améliorant ainsi significativement leur situation au regard du risque dont nous débattons aujourd’hui.

En vérité, mes chers collègues, aucune loi ne permettra de résoudre, une fois pour toutes, le problème du suicide en général, et celui des agriculteurs en particulier.

C’est pour cette raison que je rejoins l’avis de Mme le rapporteur : nous devons prendre le temps de mieux étudier et de comprendre ce phénomène – j’irai plus loin, ce désastre – dans toute sa complexité, d’explorer l’ensemble des pistes et d’apporter, autant que possible, des idées permettant d’améliorer la prévention.

Le groupe La République En Marche votera donc la motion de renvoi à la commission, et je participerai au groupe de travail qui va être créé par la commission des affaires économiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion