Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 12 décembre 2019 à 14h30
Prévention du suicide des agriculteurs — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier Henri Cabanel d’avoir eu le courage de présenter cette proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs.

Monsieur le ministre, vous reconnaissez cette réalité. Il faut pourtant savoir qu’elle touche des hommes et des femmes qui ont aujourd’hui un niveau de formation exceptionnel et qui sont passionnés par leur métier, mais qui ne peuvent plus en vivre.

Je vous ai entendu dire, monsieur le ministre, que le revenu n’est pas nécessairement le premier élément explicatif. Pour ma part, il me semble que c’est l’élément premier. D’autres facteurs s’y ajoutent, bien sûr, mais le niveau des revenus est absolument déterminant pour expliquer ce choix de la fin de la vie.

Je l’évoquais la semaine dernière, c’est un drame, d’autant que le niveau de formation de nos agriculteurs est élevé. Malgré ce niveau de formation, un tiers des agriculteurs français a un revenu au-dessous de 500 euros par mois, et quelquefois pas de revenu du tout ; un autre tiers touche environ 1 000 euros, et le dernier tiers est légèrement au-dessus. Vous vous doutez bien que, avec des revenus de ce niveau, les agriculteurs n’ont pas de perspective.

Aujourd’hui, les agriculteurs ont besoin d’espérer. Vous évoquez, monsieur le ministre, les négociations qui ont lieu actuellement dans le cadre de la loi Égalim. Je compte sur vous pour donner de l’espoir et établir des prix de vente qui prennent en compte les coûts de production, mais aussi le besoin d’un niveau de revenu décent pour les agriculteurs de notre pays.

Pour ce qui concerne les procédures à mettre en place, je vous entends dire qu’elles existent dans soixante-quinze départements. Mais c’est un mouvement récent, monsieur le ministre. Il se trouve que j’ai une expérience professionnelle en agriculture de plus de quarante-deux ans et que je siège au Parlement depuis plusieurs décennies, et c’est la première fois que nous parlons du suicide en agriculture.

Tout à l’heure, Henri Cabanel évoquait le film Au nom de la terre. Les événements que celui-ci retrace remontent aux années 1998-1999. Or j’ai siégé dans des commissions d’agriculteurs en difficulté, et il n’y avait pas un suicide par jour ; les cas étaient exceptionnels, comme vous avez pu le voir dans ce film.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, il faut prendre en compte cette problématique, profondément humaine, que nous n’avons pas connue dans les décennies passées. La première des solutions consiste à redonner de l’espoir aux agriculteurs en ce qui concerne leurs revenus.

En termes de procédures, monsieur le ministre, c’est aux services de l’État de prendre l’initiative, en premier lieu les directions départementales de la protection des populations, qui comprennent les services vétérinaires – on sait que les problèmes sanitaires aggravent la situation, en particulier dans les élevages. Certes, les caisses de la mutualité sociale agricole, les coopératives, les banques et les organismes qui assurent la comptabilité des exploitations, entre autres, doivent être sensibilisés, mais il revient aux services de l’État d’être au cœur du dispositif pour donner une réponse rapide.

Je le redis, les organismes qui assurent la comptabilité des exploitations ont leur rôle à jouer : quand une personne n’a pas de revenu depuis plusieurs années, on peut se douter que les problèmes sont importants, au-delà du seul endettement. C’est dans ces situations que l’agriculteur perd espoir.

Monsieur le ministre, j’ai entendu les conclusions de notre rapporteur, qui nous propose d’adopter une motion de renvoi à la commission. C’est un sujet délicat, mais il faut réagir très vite pour faire face à ces situations. Nous comptons sur vous !

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