Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2015, on compte plus d’un suicide par jour chez les agriculteurs.
Les chiffres sont alarmants, et la réalité est encore plus sinistre. C’est pourquoi je tiens à saluer et à remercier le groupe RDSE, en particulier notre collègue Henri Cabanel, qui a mis ce sujet dramatique et bouleversant au cœur de l’agenda de notre assemblée des territoires.
Comme l’a si bien rappelé Mme le rapporteur en commission la semaine dernière, ce sujet révèle « la manifestation la plus flagrante de la détresse du monde agricole ». Force est de constater que ce fléau qui touche nos territoires ruraux est malheureusement plus présent dans le monde agricole que dans d’autres secteurs d’activité.
Les causes de ce phénomène dramatique sont multiples : difficultés financières, drames personnels, maladie, isolement social et territorial, surcharge de travail, agri-bashing, aléas climatiques, manque de visibilité sur l’avenir.
Ces situations irrémédiables sont le plus souvent le fruit d’une accumulation de difficultés et de la concordance de drames personnels de toute nature, même si le contexte économique est sans doute déterminant. Ce phénomène touche toutes les tranches d’âge, les jeunes comme les moins jeunes, tous les métiers du secteur, les salariés et les exploitants.
Les chiffres sont clairs, ils parlent d’eux-mêmes et sont glaçants : la MSA relève 605 décès par suicide par an dans le milieu agricole, exploitants et salariés confondus, parmi lesquels 274 avaient plus de 65 ans ; quatre sur cinq sont des hommes.
Ce chiffre explose chez les agriculteurs les plus modestes : les bénéficiaires de la couverture maladie universelle sont particulièrement touchés. De plus, deux activités sont particulièrement concernées : les éleveurs bovins et les producteurs laitiers. En France, les agriculteurs ont un risque de suicide plus élevé de 12 % comparé au reste de la population.
Pour agir efficacement contre ce fléau dramatique, il faut au préalable en avoir une meilleure connaissance statistique – M. le ministre et Mme le rapporteur en ont parlé – et identifier précisément ses causes. Malheureusement, une loi ne permettra sans doute pas à elle seule de résoudre ces situations tellement diverses.
De multiples leviers doivent donc être actionnés, afin de proposer une solution concrète et complète aux agriculteurs de notre pays. Je pense d’ailleurs que les actions les plus efficaces à mettre en place relèvent du terrain. Il est néanmoins impératif que ces initiatives fassent l’objet de davantage de visibilité : force est de constater que, aujourd’hui, les dispositifs locaux sont encore trop mal connus, ce qui est dommageable pour leur efficacité.
Dans mon département, la Meuse, la chambre d’agriculture a mis en place un numéro vert départemental. Ce dispositif permet une orientation vers des personnes formées et des entités compétentes en fonction des besoins, qu’ils soient économiques, de santé ou autres. Le travail d’accompagnement se fait ensuite en coopération avec les acteurs en présence – la chambre d’agriculture, la MSA, l’État, les banques, etc. Il a d’ailleurs été constaté que la formation et l’écoute sont primordiales dans l’identification des situations problématiques.
Dans le département de la Corrèze de mon collègue Daniel Chasseing, la MSA et l’agence régionale de santé ont instauré des processus similaires dès les années 2000. Un guichet unique a été créé en 2018 ; il est accompagné d’initiatives qui ont prouvé leur efficacité : aide financière au soutien psychologique, aide pour la comptabilité ou encore aide au répit.
Néanmoins, force est de constater que les signaux d’alerte se déclenchent souvent trop tard. La détection est certes complexe, et des pistes d’amélioration du dispositif d’accompagnement sont à trouver. Aussi, il est nécessaire d’identifier, d’une part, les initiatives locales efficaces et, d’autre part, les secteurs en besoin.
Je crois que la coordination et la formation des acteurs sont indispensables pour anticiper et identifier les signes précurseurs. À mon sens, une adaptation territoriale est donc un axe de réflexion à approfondir.
L’aide doit être plus globale et inclure des volets financier, économique, social et technique, ainsi qu’un accompagnement plus individualisé. Il faut remettre de l’humain dans un dispositif qui, souvent, est trop impersonnel.
En résumé, il est nécessaire d’anticiper les risques et de coordonner les acteurs. Le groupe Les Indépendants tient à saluer les réflexions engagées sur ce sujet. Il s’associera à la recherche de solutions adaptées et efficaces pour combattre ce fléau.
Nous devons tous nous mobiliser ! Je remercie de nouveau le groupe RDSE, Henri Cabanel et Mme le rapporteur Françoise Férat.