Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 12 décembre 2019 à 14h30
Prévention du suicide des agriculteurs — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Oui, mes chers collègues, il est temps de nous réveiller !

Réveillons-nous face à la souffrance que connaissent nos agriculteurs depuis tant d’années, depuis trop d’années maintenant. Je sais que, tous autant que nous sommes, élus des territoires, nous connaissons la beauté et l’importance du travail de nos agriculteurs, qui, chaque jour, permettent aux Français de remplir leurs assiettes de produits de qualité.

Si la France est un pays qui a la chance d’être indépendant dans sa production agricole, autonome dans sa consommation et, surtout, reconnu à travers le monde pour la qualité de ses produits, c’est parce que des hommes et femmes d’exception exercent ce métier, parfois au prix de leur vie.

Nous avons plus que jamais le devoir de répondre à une souffrance qui conduit parfois à commettre l’irréparable, une souffrance profonde, qui touche la plupart de nos agriculteurs.

Cette souffrance puise ses causes dans de nombreux facteurs ; ce sont eux que nous devons combattre pour endiguer les maux que nous souhaitons voir disparaître.

Le suicide chez nos agriculteurs n’est pas une fatalité. S’il est des exploitations qui prospèrent, ce dont nous nous réjouissons, d’autres subissent un préjudice dont il faut reconnaître qu’il est l’héritage des erreurs politiques passées et présentes.

N’oublions pas, avant tout, que nos agriculteurs sont des chefs d’entreprise qui, en plus de gérer leur exploitation ou leur élevage au quotidien, ont également la lourde responsabilité de pérenniser leur activité et de la maintenir viable.

Or comment faire quand l’on reçoit moins du produit que l’on vend que ce qu’il a coûté à produire ? On ne fait pas, on subit ! On est obligé d’emprunter, de s’endetter en espérant des lendemains meilleurs. Ce modèle économique n’est aucunement supportable.

Les agriculteurs sont devenus des chasseurs de prime : la PAC et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), entre autres subventions, sont leurs bouées de survie.

Si seulement il n’y avait que cela ! Non, nous avons encore la folie de faire peser sur ces entreprises des charges qu’elles ne sauraient supporter : pression administrative et de contrôle, pression sanitaire et normative, pression financière et fiscale – le mal français en général. Comment ferions-nous, à la place de nos agriculteurs, pour gérer leur entreprise dans de telles conditions sans subir les conséquences physiques et psychologiques que tout cela implique ?

Comme si cela n’était encore pas suffisant, comme si notre propre modèle n’était pas déjà suffisamment contraignant et nocif pour nos agriculteurs, nous les jetons dans la broyeuse mondiale de la concurrence déloyale. Le CETA et le Mercosur sèment des doutes légitimes chez nos agriculteurs, qui finiront par subir, quoi qu’il en soit, les conséquences ravageuses de ces accords.

Je crois sérieusement, mes chers collègues, qu’il y a dans tout cela de la folie et une bonne dose d’hypocrisie ! C’est hypocrite, parce que nous faisons subir un diktat moralisateur à nos paysans, alors même que nous les livrons à la concurrence avec des pays dont les modèles agricoles sont beaucoup moins regardants en matière de normes sanitaires et écologiques.

Le climat social qui règne à l’égard de nos paysans doit également être inversé ; il y va de notre responsabilité collective. Ainsi, nous en finirons avec l’agri-bashing ambiant, qui fait constamment peser la suspicion sur les agriculteurs. Plusieurs éleveurs de mon département, victimes de divers actes, ont fait les frais de la folie véganiste et antispéciste.

Aussi, comment ne pas être dégoûté lorsque tant de pression vous accable et que, de surcroît, loin de recevoir un semblant même de compassion, l’on ne perçoit que mépris et acharnement ?

À l’époque où les consommateurs veulent bien manger, mieux manger, il faut saisir cette occasion de privilégier la consommation locale, que ce soit au travers des circuits courts ou de la grande distribution.

Surtout, attaquons-nous enfin aux racines du mal qui pousse chaque année tant de nos paysans à se donner la mort. C’est ainsi seulement que nous parviendrons réellement à éradiquer ce fléau.

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