Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 décembre 2019 à 13h35
Institutions européennes — Débat préalable au conseil européen des 12 et 13 décembre 2019 en présence de mme amélie de montchalin secrétaire d'état auprès du ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée des affaires européennes

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Le prochain Conseil européen va ouvrir une nouvelle ère, et la Commission européenne est enfin en fonction depuis dimanche dernier. Nous tenons à saluer le choix du commissaire Thierry Breton, et l'importance du portefeuille qui lui a été confié.

Ce sera également le premier Conseil européen du nouveau président, Charles Michel, qui a exprimé le souhait de montrer la valeur ajoutée de l'Europe, ce qui est en soi un signe positif, mais aussi très ambitieux. L'Union européenne a une réelle valeur ajoutée, nous le savons, mais elle a beaucoup de mal à la faire reconnaître. Ses défaillances sont bien plus souvent médiatisées que ses succès.

Mais dans un contexte de changement de dirigeants, les problématiques européennes restent les mêmes. Le Brexit, dont le spectre semble s'être éloigné, reste bien présent, ses conséquences réelles et sa mise en oeuvre sont simplement reportées aux élections du 12 décembre prochain et à la nouvelle date butoir de février 2020. Espérons que cela ne bloque pas nos discussions en cours sur notre avenir commun, et que les 27 puissent s'unir.

L'ordre du jour n'évolue pas beaucoup. Bien sûr, le cadre financier pluriannuel est central. La présidence finlandaise vient de communiquer le périmètre de la négociation et a dévoilé quelques chiffres. Le pourcentage du revenu national brut de l'Union européenne proposé est de 1,07 %, ce qui constitue un point de friction. Nous déplorons la baisse importante des budgets de la politique de cohésion, de 12 %, et de la politique agricole commune, de 13 %.

Concernant l'agriculture, son budget représenterait un tiers du budget global, à savoir quelque 346 milliards d'euros. Au mois de novembre dernier, notre ministre de l'agriculture a expliqué vouloir atteindre le montant de 390 milliards d'euros ; il manque donc 40 milliards d'euros. La promesse de Didier Guillaume sera-t-elle tenue ?

En octobre, les parlementaires français et les députés français au Parlement européen ont affirmé la nécessité de préserver le budget de la PAC en euros constants. L'agriculture européenne est en crise. Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d'État, que votre objectif reste le même et que la volonté de garder un budget de la PAC à la hauteur de nos besoins et de nos ambitions sera votre leitmotiv durant les négociations ?

Alors que la COP 25 s'est ouverte à Madrid cette semaine, cela n'est pas qu'un geste fort. C'est aussi un symbole. L'Union européenne envisage une stratégie de long terme dans le domaine climatique, avec, notamment, la neutralité carbone à l'horizon de 2050. Cela n'est pourtant pas souhaité par tous les États membres, et l'Union européenne doit également se mettre d'accord pour le début de l'année prochaine sur une communication concernant la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Tous les secteurs devront être impliqués et actifs afin d'atteindre cet objectif. Il ne faut pas oublier que la transition est également source d'emplois et de développement nécessaires à nos territoires.

Pour que cette transition soit efficace, juste et équitable, elle doit passer aussi, surtout en France, par le secteur agricole. Les distorsions de concurrence intra et extra-européennes pénalisent nos agriculteurs. Des pays comme la Chine et la Russie n'ont pas les mêmes règles ni les mêmes coûts de production des produits agricoles. Pire encore, cela est vrai à l'intérieur de l'Union européenne avec des pays comme la Bulgarie ou la Pologne. Notre secteur agricole est à la pointe dans de nombreux domaines. Il doit rester compétitif. Nous devons impérativement relever le défi d'une réglementation plus coordonnée au sein de l'Union européenne. Il y va de la crédibilité de l'Europe. Nous devons favoriser une alimentation basée sur des produits de proximité, afin de réduire les gaz à effet de serre provenant du transport des marchandises, du conditionnement des aliments et du traitement des déchets.

D'autres sujets européens sont venus sur le devant de la scène ces dernières semaines. Je veux parler de la question de l'élargissement. La proposition de réforme du processus faite par la France est intéressante et nécessaire. Nous souhaitons que les discussions soient productives et réalistes. Nous espérons que des réponses substantielles seront apportées à la Macédoine du Nord et à l'Albanie, dont nous devrons saluer les efforts lors du sommet de Zagreb en mai prochain.

L'OTAN a dépassé l'âge de la retraite en fêtant ses 70 ans d'existence dans un contexte de crise. L'opération militaire de la Turquie dans le nord de la Syrie et l'achat de matériel russe par ce même État sont en contradiction flagrante avec la stratégie de l'OTAN. Cependant, l'OTAN ne réagit pas. Madame la secrétaire d'État, à quand une véritable stratégie de la défense et de la sécurité européenne alliée à une industrie de défense commune ? L'Union européenne est à la croisée des chemins. Elle amorce une nouvelle ère institutionnelle, budgétaire et politique. Elle doit faire face à des problématiques nouvelles considérables. Nous devons l'aider à aller dans le bon sens, dans l'intérêt de nos concitoyens.

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