Intervention de Cédric Bourillet

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 11 décembre 2019 à 16h30
Audition de M. Cédric Bourillet directeur général de la prévention des risques dgpr au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire :

Notre mission s'appuie sur des hommes et des femmes qui travaillent principalement pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), mais aussi pour les directions départementales de la protection des populations (DDPP), qui disposent d'inspecteurs remarquables agissant sur les installations classées agricoles et les installations de transformation agroalimentaire.

Nous nous appuyons sur des unités départementales (UD), qui comprennent des profils plutôt généralistes, et sur quelques experts plus pointus au niveau régional, interrégional, voire national, qui interviennent en appui des équipes départementales.

Notre premier métier est la réduction du risque à la source. C'est aussi notre priorité, et nous disposons pour cela de plusieurs outils.

Tout d'abord, selon un modèle assez unique en Europe, des arrêtés ministériels de prescriptions de règles de sécurité s'imposant à différents secteurs sont pris pour mettre en oeuvre la directive Seveso au niveau national. Ensuite, localement, sur la base des documents remis par les exploitants, nous proposons aux préfets des mesures pour compléter ce socle minimal national. Par ailleurs, notamment pour les sites Seveso, nous remettons une étude de dangers assez systémique, qui vise à faire le point sur la démarche de réduction du risque à la source et à identifier tous les risques résiduels. Ce document sert aussi à maîtriser l'urbanisation afin que, lorsqu'un nouveau site s'installe ou subit une modification substantielle, des dispositions soient prises pour éviter que les villes se rapprochent du site, ce qui était le cas auparavant.

Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), créés par la loi du 30 juillet 2003 à la suite de l'accident d'AZF, portent sur les bâtiments déjà implantés autour des sites Seveso seuil haut.

Le système de gestion de la sécurité comprend tout ce que l'exploitant doit faire pour gérer les modifications du site, sa maintenance et la formation des équipes. L'exploitant doit aussi être capable de déclencher des plans d'urgence interne, appelés plans d'opération interne (POI), pour faire face à des situations répertoriées.

Au besoin, l'étude de dangers va aussi servir à élaborer le plan particulier d'intervention (PPI), plan d'urgence externe préparé par le préfet lorsque le support de la puissance publique s'avère nécessaire pour gérer un incident ou un accident. L'étude de dangers, qui couvre un large spectre, est donc un document très important dans les relations entre l'administration et les exploitants d'installations à risques.

Nous avons par ailleurs une démarche complète d'analyse des retours d'expérience. Le Barpi est une entité unique en Europe, et quasiment unique dans le monde, avec seulement un équivalent aux États-Unis. Ce bureau recense tous les incidents et accidents qui ont eu lieu en France, en Europe et dans le monde. Sa base de données répertorie 46 000 accidents et incidents et nous permet d'améliorer constamment l'information et la sensibilisation des industriels et de nos équipes d'inspection.

Celles-ci sont majoritairement composées d'agents techniques, dont l'expertise et la compétence sont très largement reconnues. Nous essayons de travailler sur les compétences individuelles et collectives. Chaque inspecteur qui prend ses fonctions suit une formation initiale d'un an, sans compter tout le dispositif de formation continue. Tous les deux ans, une réunion est par ailleurs organisée entre les inspecteurs en charge des risques accidentels et le Barpi, qui leur communique les informations et nouveautés utiles pour améliorer leur pratique.

Nous disposons donc d'une véritable « chaîne de l'inspection », pilotée depuis le niveau national par la DGPR pour les installations classées et les sites Seveso. Le ministre de la transition écologique et solidaire en constitue le dernier maillon et définit chaque année dans une circulaire des priorités nationales.

Monsieur le président, vous m'avez interrogé sur l'analyse que nous faisons du rapport du Barpi sur l'accidentologie en 2018. Il faut distinguer l'ensemble des événements recensés, qui sont effectivement en hausse, et la réalité de l'accidentologie. Depuis quelques années, nous incitons très fortement les exploitants à partager un maximum d'informations avec l'administration, en dehors même de toute inspection. Cela contribue clairement à l'augmentation des recensements.

Nous suivons en revanche avec beaucoup d'attention un indicateur dont l'assiette est comparable d'une année sur l'autre, celui des notifications d'accidents auprès de la Commission européenne au titre de la directive Seveso, lesquelles relèvent de critères fixes depuis plusieurs années. Cet indicateur est stable depuis 2016, avec six ou sept accidents notifiés par an. L'Allemagne notifie deux à quatre fois plus d'accidents, alors qu'elle n'a pas quatre fois plus d'établissements Seveso.

Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment que la réglementation en matière de sécurité industrielle ait été assouplie. Elle a plutôt été renforcée, notamment en matière de séismes, de vieillissement des installations, qui nécessite d'adapter la maintenance, ou de liquides inflammables.

De même, les PPRT, qui à l'origine concernaient exclusivement l'extérieur du site, comprennent désormais une nouvelle phase de réduction du risque à la source. Les exploitants ont dû investir plusieurs centaines de millions d'euros pour se mettre en conformité. On a souvent cité les sphères de GPL que nous avons fait retirer entre les bâtiments de Lubrizol et les stockages d'acide chlorhydrique.

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