Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol

Réunion du 11 décembre 2019 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous accueillons aujourd'hui MM. Bernard Doroszczuk, président, et Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Autorité administrative indépendante depuis 2006, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) poursuit trois missions : elle contribue à l'élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décrets et d'arrêtés ministériels ou en prenant des décisions réglementaires à caractère technique ; elle veille au respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations ou activités qu'elle contrôle ; elle participe à l'information du public, y compris en cas de situation d'urgence.

Pour sa part, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) conduit des missions d'expertise et de recherche dans tous les domaines touchant aux activités liées au nucléaire : la sûreté nucléaire, la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles, la protection de l'homme et de l'environnement contre les rayonnements ionisants, la protection et le contrôle des matières nucléaires et la protection des installations nucléaires et des transports de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance.

Au cours de nos auditions, plusieurs intervenants, face aux défaillances du système de prévention des risques industriels et au manque d'information des élus et des populations face aux conduites à tenir en cas d'accident, ont pris pour exemple la sécurité nucléaire : selon eux, certaines pratiques ou règles appliquées en matière de sûreté nucléaire et d'information du public pourraient servir d'exemple pour les établissements industriels classés Seveso.

Certains observateurs sont même allés jusqu'à suggérer la création d'une sorte d'ASN Seveso, ou bien de vous confier cette mission. Nous attendons que vous nous indiquiez en quoi vos méthodes, tant en matière de protection que d'information des populations, pourraient être transposées à un secteur qui présente des risques différents de votre mission première et concerne un nombre beaucoup plus élevé d'établissements.

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment. Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Bernard Doroszczuk, Olivier Gupta et Jean-Christophe Niel prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Je m'efforcerai, dans mon propos liminaire, d'identifier les différences qui existent avec l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), notamment s'agissant des missions ou des relations avec le public.

L'Autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative indépendante (AAI), créée en 2006 avec, pour objectif, la protection des populations et de l'environnement. Elle exerce cinq missions principales : réglementer, autoriser, contrôler, informer le public et assister les pouvoirs publics en situation d'urgence.

La mission visant à réglementer est une mission que nous exerçons de concert avec le ministère de la transition écologique et solidaire : en effet, les textes généraux relatifs à la sûreté nucléaire relèvent de la responsabilité du ministère, après avis de l'ASN ; les textes techniques généraux sont de la responsabilité de l'Autorité de sûreté nucléaire, tout comme les dispositions spécifiques à chacune des installations.

La mission de contrôle est essentiellement réalisée par onze divisions territoriales de l'ASN qui disposent d'inspecteurs sur le terrain, ce qui est une particularité pour une autorité administrative indépendante. À ma connaissance, aucune autre AAI ne dispose de ressources sur le terrain pour réaliser des contrôles. Ces contrôles s'exercent suivant une approche graduée et proportionnée en fonction des enjeux. Les sites présentant les enjeux les plus importants font l'objet de contrôles plus fréquents et plus détaillés. Je crois qu'il en va de même pour l'inspection des installations classées.

Cette mission de contrôle peut déboucher sur des sanctions qui sont prononcées directement par l'ASN. C'est une différence avec l'inspection des installations classées dont les sanctions sont administratives et relèvent du préfet.

En matière d'information, outre les consultations publiques, que nous réalisons dans le cadre des décisions que nous sommes amenés à prendre, et la communication institutionnelle de l'ASN, nous avons deux partenaires importants, spécifiques au secteur nucléaire : les commissions locales d'information (CLI) et l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli), avec lesquelles nous entretenons des relations extrêmement étroites et qui permettent de renforcer l'information et la transparence au niveau local autour de la situation des installations nucléaires. Cette animation nationale assurée par l'Anccli n'existe pas de manière équivalente en ce qui concerne les commissions de suivi de site (CSS) pour les installations classées Seveso. Nous avons aussi des relations étroites avec le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui a été créé en même temps que l'ASN et qui joue un rôle d'animation et de garant en ce qui concerne l'information et la transparence vis-à-vis du public. Ce haut comité peut prendre des initiatives en matière de concertation et d'information, comme il l'a fait dans le dossier relatif à la poursuite d'exploitation des réacteurs de 900 mégawatts, à l'occasion de leur quatrième réexamen. Cette structure n'a pas d'équivalent pour les ICPE.

Chaque année, en tant qu'autorité indépendante, l'ASN rend compte de l'état de la sûreté et de la protection devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opesct) - c'est aussi une spécificité de l'Autorité de sûreté nucléaire - et, évidemment, elle est à la disposition des commissions parlementaires qui peuvent la solliciter, ou lui demander des avis ou des études.

L'appui aux pouvoirs publics en situation de crise s'exerce au niveau préfectoral, mais aussi au niveau national, à travers le centre interministériel de crise, et s'appuie sur un système d'astreinte interne à l'ASN et un centre de crise dédié, installé à notre siège de Montrouge. L'ASN participe de manière régulière à des exercices de crise qui constituent aussi une occasion de simuler une pression médiatique, y compris à travers les réseaux sociaux.

Pour l'ensemble de ses missions, l'ASN bénéficie de l'appui technique et de l'expertise de l'IRSN.

Les activités de l'ASN couvrent les installations nucléaires de base, le nucléaire diffus, notamment dans le domaine de la santé et le transport de matières radioactives. Au 31 décembre 2018, on comptait 126 installations nucléaires de base, ce qui est beaucoup moins que le nombre d'installations Seveso seuil haut par exemple. Les installations nucléaires de base se caractérisent par l'importance des enjeux, notamment les effets d'échelle, car un accident nucléaire pourrait avoir des impacts sur des distances considérables, concerner des centaines de milliers de personnes. De même, la durée de vie des déchets à haute activité et à vie longue se compte en centaines de milliers d'années. Les solutions à mettre en place pour les gérer doivent donc être adaptées à cette échelle. Ces effets d'échelle soulèvent évidemment des questions de sûreté, de confiance dans le contrôle, des questions d'éthique, mais aussi d'information du public. Environ trois millions de personnes, 1 500 communes et plus de 2 800 établissements scolaires sont inclus dans les périmètres des plans particuliers d'intervention (PPI) mis en place à l'initiative des préfets, qui ont été étendus récemment de 10 à 20 kilomètres, et sont donc concernés par l'information régulière sur les risques nucléaires. Cela suppose une infrastructure d'information régulière du public et des élus très importante.

Notre activité se distingue aussi en raison de l'existence d'une composante internationale, avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui définit des règles que les autorités de sûreté doivent respecter, notamment en matière de culture de sûreté. Nous sommes aussi régulièrement évalués par nos pairs, nos homologues à l'étranger, et cela permet d'identifier les bonnes pratiques.

Comme pour les installations classées, le premier responsable de la sûreté reste l'exploitant. Il est responsable pour les opérations qu'il réalise ou celle qu'il sous- traite.

L'ASN dispose de 516 agents, dont 318 sont des inspecteurs, aussi bien de la sûreté, de la radioprotection que du travail, car nous sommes aussi compétents pour l'inspection du travail dans les centrales nucléaires d'EDF, ce qui constitue une autre spécificité et une autre différence avec l'inspection des ICPE. Nous considérons qu'il s'agit d'un atout qui permet une approche intégrée de la protection à la fois des travailleurs et des citoyens. Nous réalisons 1 800 inspections par an, avec des durées variables en fonction des enjeux. Nos inspections font l'objet de lettres de suite qui expliquent l'ensemble des constats qui ont été faits et qui sont systématiquement rendues publiques, ce qui n'est pas le cas pour l'inspection des installations classées.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

L'IRSN est l'organisme public d'expertise du risque radiologique et nucléaire sous toutes ses formes : nous intervenons dans les domaines de la sûreté nucléaire pour prévenir les accidents de la sécurité nucléaire, pour lutter contre les actes de malveillance, ou de la protection contre les rayonnements ionisants. Nous publions des avis que nous remettons à un grand nombre d'autorités, au premier rang desquelles l'ASN, et qui sont publics. Outre l'expertise, notre second métier est celui de la recherche : il s'agit d'une recherche finalisée pour disposer de la meilleure expertise possible. L'IRSN compte 1 800 personnes. En 2001, comme pour les agences sanitaires, le choix a été fait de séparer la décision de l'expertise, en séparant les autorités qui prennent les décisions, qui sont gestionnaires du risque, et l'IRSN, qui est l'évaluateur du risque.

J'en viens maintenant à l'expertise en cas de crise. Dans ce cas, nous apportons un appui aux autorités : à l'Autorité de sûreté nucléaire, à l'Autorité de sûreté nucléaire défense, aux ministères de la santé ou du travail, ou aux préfets à l'échelon territorial. Nous disposons d'un centre technique de crise qui regroupe des moyens de communication avec les autres acteurs, ainsi que des moyens de calcul permettant de calculer la thermohydraulique accidentelle, dans le cas des accidents de réacteurs, d'évaluer les rejets ou la dispersion dans différents milieux, etc. Il rassemble entre 25 et 30 personnes. Ces moyens sont complétés par des moyens mobiles que nous pouvons projeter sur place à la demande des autorités : dix véhicules permettant de mesurer la contamination des personnes et dix véhicules permettant de mesurer la contamination de l'environnement. Ce système est complété par un réseau de mesure du rayonnement ambiant, le réseau Téléray, constitué de 440 balises, dont les données sont consultables en temps réel sur téléphone portable par le biais d'une application. L'IRSN participe aussi, en cas de crise, à la commission interministérielle de crise. Nous nous appuyons sur les données météo ou les données qui nous sont transmises par l'exploitant volontairement. Il existe aussi un système de connexion automatique pour les réacteurs EDF ou le réacteur à haut flux de Grenoble, destiné à la recherche : l'IRSN est directement destinataire, sans intermédiaire, des informations relatives, par exemple, à la pression, la température, etc. À la suite de l'accident de Fukushima, l'ASN a demandé aux opérateurs d'étendre ce dispositif de connexion automatique permettant d'avoir accès à l'information directement. En cas de crise, nous appliquons la méthode dite « 3P-3D » : « D » pour diagnostic, « P » pour pronostic. Notre rôle consiste à d'abord comprendre ce qui se passe dans l'installation, c'est le diagnostic, puis à anticiper ce qui va se passer, c'est le pronostic, afin, évidemment, de prendre les bonnes décisions. Le chiffre « 3 » provient du principe de sûreté des installations nucléaires qui repose sur trois barrières. Ainsi, entre le combustible nucléaire et l'environnement, on trouve trois barrières dans un réacteur : la gaine du combustible, la cuve du réacteur et l'enceinte de confinement. Cette méthode, qui a été reprise par l'AIEA, structure notre dialogue et nos discussions techniques avec les opérateurs. Nous travaillons en interaction très forte avec les opérateurs. Les autorités nous demandent de leur fournir des recommandations sur les actions à engager et sur les délais puisque les accidents dont on parle pour les réacteurs n'ont pas forcément d'effets immédiats, contrairement à un incendie ou une explosion dans une ICPE. Nous entretenons aussi un dispositif d'alerte : l'IRSN a des équipes d'astreinte, avec 32 personnes susceptibles en permanence de rejoindre le centre de crise en moins d'une heure. Ces experts appartiennent à un vivier de 400 experts qualifiés, qui ont suivi une formation et ont participé à des exercices de crise. Comme l'a précisé le président de l'ASN, nous effectuons un certain nombre d'exercices de ce type tous les ans : 12 à 15 par an, en ce qui concerne l'IRSN. On essaie de progresser en tirant les leçons des incidents ou des exercices. Notre centre de crise a ainsi tiré les enseignements de l'accident de Fukushima. Nous faisons aussi de la recherche sur les situations de crise et sur les aspects techniques : nous avons, par exemple, développé des modèles de modélisation inverse, qui permettent de remonter à la source de la contamination à partir de la contamination constatée et de la météo. C'est ainsi qu'en 2017 nous avons pu identifier l'origine de la contamination au ruthénium 106 qui avait été constatée en Europe. Nous avons aussi développé des méthodes de mesure rapide de l'uranium. Notre recherche concerne aussi les dimensions humaines et organisationnelles de la gestion de crise : la préparation à la crise, la gestion post-accidentelle, les interactions entre experts et décideurs, le retour des personnes évacuées, etc.

Il faut souligner l'importance de l'implication des parties prenantes et des populations. L'IRSN réalise tous les ans un baromètre sur la perception des risques et de la sécurité par les Français : 80 % des Français plébiscitent les structures pluralistes. L'IRSN a, comme l'ASN, des relations proches avec les CLI et l'Anccli, avec laquelle nous avons développé un simulateur intitulé « outil de sensibilisation aux problématiques post-accidentelles à destination des acteurs locaux » (OPAL) pour appréhender les accidents.

En ce qui concerne l'accident de l'usine Lubrizol, nous avons eu une action limitée en raison de la présence de sources d'eau. L'IRSN gère la base de données des sources radioactives en France. Au moment de l'accident, nous avons constaté la présence de huit sources radioactives de césium 137 sur ce site ; nous avons informé l'ASN, la préfecture, le service d'incendie et de secours qui nous a indiqué très rapidement que ces sources n'étaient pas concernées par l'événement. Une des 440 balises du réseau Téléray se trouvait située dans le panache et nous avons pu constater l'absence de variation du bruit de fond. Ces données ont été confirmées par nos calculs. Cet événement, bien que de nature chimique, devra être porteur d'enseignements, y compris dans le domaine du nucléaire, et nous participerons avec les autres acteurs au retour d'expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Dans quelle mesure peut-on transposer vos méthodes aux installations classées et aux établissements Seveso ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

J'ai peut-être mal interprété votre question, il m'avait semblé que vous souhaitiez une comparaison sur la mobilisation des publics, des populations, le développement d'une culture de sécurité et d'information. C'est pourquoi j'ai essayé de souligner les différences entre le nucléaire et les installations classées.

Pour les ICPE, il existe des CSS, nous avons des CLI. La principale différence est que ces dernières possèdent une structure d'animation nationale, l'Anccli, qui apporte un soutien méthodologique et permet un partage d'expériences. L'homogénéité d'action en matière d'information du public et de transparence est donc plus importante dans les CLI que dans les CSS. Les commissions locales d'information sont créées à l'initiative des conseils départementaux et sont présidées par les élus, tandis que les CSS sont créées à l'initiative des préfets. Nous associons régulièrement les membres des CLI à nos travaux : par exemple, nous leur proposons d'être observateurs lors des inspections que nous réalisons, ce qui permet de renforcer la connaissance des risques et de développer une culture de sécurité commune. Nos lettres de suite, qui sont publiques, peuvent servir de base à des interpellations des exploitants lors des réunions des CLI. Il existe donc une dynamique plus forte pour le secteur nucléaire qu'en matière d'installations classées.

En matière d'information, nous avons une relation particulière avec les CLI et nous les associons à un certain nombre de consultations ou de dialogues techniques que nous mettons en place lorsque nous sommes amenés à faire évoluer des prescriptions techniques sur des installations particulières. Les relations avec les CLI et l'Anccli sont donc étroites. Nous avons évoqué les exercices de crise que nous réalisons, avec l'IRSN, en liaison avec les pouvoirs publics. Nous pouvons y associer les membres des CLI pour observer la manière avec laquelle les services de l'État gèrent les crises. Tous les cinq ans, nous réalisons des campagnes de distribution de comprimés d'iode. On associe, là encore, les élus et les CLI. C'est un moment privilégié pour diffuser l'information auprès des populations concernées, soit trois millions de personnes. Évidemment cet outil de communication n'existe pas pour les ICPE, car les risques diffèrent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Serait-il possible ou souhaitable d'élargir ces dispositifs aux installations Seveso seuil haut ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Le rôle des CLI en matière d'information du public pourrait servir de modèle aux CSS : la publicité des comptes rendus d'inspection des installations classées permettrait aux membres des CSS et aux riverains d'interpeller l'exploitant.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Il pourrait donc être opportun de créer une autorité indépendante chargée de définir les prescriptions applicables aux ICPE et de contrôler leur respect, comme le fait l'ASN ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Ce n'est pas ce que j'ai dit. L'ASN a été créée pour garantir l'indépendance du contrôle de la sûreté nucléaire par rapport au gouvernement, aux exploitants et aux associations de protection de l'environnement. Cette indépendance est un principe reconnu au niveau international et des règles prévoient l'indépendance des autorités chargées de la politique énergétique. En France, cette indépendance était d'autant plus nécessaire que, à la différence des ICPE, les exploitants du nucléaire les plus importants sont tous étroitement liés à l'État. La situation est différente pour les ICPE, car les exploitants sont nombreux et majoritairement privés. C'est un élément à intégrer dans la réflexion sur la création d'une éventuelle autorité indépendante chargée des risques industriels.

Les missions de l'ASN sont clairement définies, elles sont centrées sur la sûreté nucléaire et le contrôle de la radioprotection. Il y a donc une unicité d'action, nous sommes la seule autorité qui intervient dans la totalité du domaine ; nous avons une chaîne courte de responsabilités et nous sommes régulièrement évalués par nos pairs. Ces principes devraient être ceux d'une éventuelle autorité indépendante des installations classées. Mais, de ce fait, cela pose un problème, car on ne pourrait pas limiter le champ d'intervention de cette autorité aux seules installations Seveso. Il ne faudrait pas, en effet, créer d'effets de seuils : les entreprises risqueraient alors de changer d'autorité de contrôle au gré de leur développement, selon qu'elles sont classées Seveso ou ne le sont plus. Ce n'est pas souhaitable. À mon avis, il faudrait couvrir la totalité des ICPE, ce qui représente un nombre considérable d'établissements, avec des situations très diverses. C'est pourquoi il serait complexe de créer une autorité indépendante pour les installations classées.

Les points de différence, que j'ai cités dans mon propos liminaire, pourraient, à l'inverse, constituer des pistes de travail pour améliorer l'information et la mobilisation des CSS, développer un modèle intégré de l'inspection. On pourrait peut-être créer une haute autorité pour la transparence et l'information sur la sécurité des sites industriels. On peut donc s'inspirer de certains mécanismes à l'oeuvre en matière de sûreté nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

La sous-traitance est impliquée dans 8 % des accidents des ICPE. Quel regard portez-vous sur la sous-traitance ? Est-elle, selon vous, à l'origine de risques supplémentaires ?

Vous appelez aussi de vos voeux une culture de la sécurité industrielle. Comment avancer sur ce sujet ? Quelles actions les exploitants d'établissements Seveso doivent-ils mettre en oeuvre ou de pour développer une telle culture ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Le recours à la sous-traitance est fréquent dans l'industrie nucléaire. De nombreuses activités requièrent des compétences rares et l'exploitant n'a pas toujours les moyens d'entretenir la compétence en interne. Le recours à la sous-traitance concerne aussi bien les opérations de construction des centrales, que leur exploitation ou leur maintenance. Le recours à la sous-traitance peut aussi concerner des opérations plus courantes, qui pourraient être réalisées par l'exploitant, mais qu'il a décidé de sous-traiter pour des raisons de politique industrielle. En tout cas, le recours à un sous-traitant ne dispense nullement l'exploitant de sa responsabilité : il doit contrôler et avoir les moyens de contrôler. Nous vérifions qu'il dispose des capacités techniques pour pouvoir évaluer, qualifier et surveiller les sous-traitants ; c'est un point essentiel. Nous n'avons pas identifié de lien entre un incident qui serait survenu sur une centrale nucléaire et le fait que l'activité soit réalisée par un sous-traitant. En ce qui concerne les incidents déclarés par les exploitants, la proportion d'événements qui impliquent des sous-traitants est plus élevée que ceux qui impliquent l'exploitant, mais cela semble assez naturel, car les activités qui sont confiées aux sous-traitants sont plus complexes, en général en arrêt de tranche, dans le bâtiment réacteur, dans des conditions particulières. L'exploitant et les sous-traitants n'effectuent pas les mêmes tâches. Les règles relatives à la maîtrise de la sous-traitance nucléaire présentent des spécificités qui relèvent de dispositions réglementaires adoptées en 2016. L'ASN a la possibilité de contrôler les sous-traitants, c'est-à-dire d'aller sur le site d'intervention et de prescrire des mesures qui concernent tous les opérateurs, l'exploitant comme les sous-traitants, et qui peuvent s'appliquer aussi bien sur le site nucléaire qu'en dehors. On peut aller ainsi chez les sous-traitants pour contrôler. La réglementation interdit à l'exploitant de sous-traiter l'exploitation et elle limite le nombre de sous- traitants à trois pour éviter la dilution de la chaîne de sous-traitance. Ces dispositions pourraient très bien être reprises dans le cas de l'inspection des installations classées.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Je voudrais savoir ce que la filière nucléaire peut apporter à la filière industrielle et inversement. On relève trois points communs : les potentiels de danger, les démarches fondées sur le progrès continu et le fait que la catastrophe reste possible. Existe-t-il un plafond de verre en matière de sécurité ?

Le nombre d'accidents sur les sites industriels classés a augmenté de 34 % entre 2016 et 2018. Avez-vous des éléments d'explication ou des hypothèses sur les causes de cette hausse ? Si le nombre d'inspecteurs ICPE semble constant, le nombre de visites sur les sites classés est en baisse de 40 %. Voyez-vous un lien de cause à effet ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Les fondamentaux sont en effet les mêmes pour les installations classées et la sûreté nucléaire : la responsabilité première de l'exploitant, la recherche de la réduction du risque à la source, le suivi des événements pour qu'ils deviennent source de progrès, et, enfin, l'évaluation ou l'inspection selon une approche graduée en fonction des enjeux. Je n'ai pas d'éléments pour me prononcer sur l'augmentation des incidents dans les ICPE. En revanche, je peux vous donner des informations sur les événements qui concernent la sûreté nucléaire. Nous n'avons pas observé, au cours des six dernières années, d'évolution significative du nombre d'événements, même si l'on constate une légère hausse des événements classés au plus bas niveau de l'échelle internationale de classement des événements en matière nucléaire, l'échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (INES) de l'AIEA, qui comprend huit niveaux et qui n'a pas d'équivalent dans les domaines des ICPE.

On observe une légère augmentation du nombre d'écarts de niveau zéro au cours des trois dernières années. Si cette évolution soulève des interrogations, elle semble néanmoins positive. Je ne sais pas si elle est liée à une croissance des écarts ou à une meilleure détection et à une meilleure déclaration des événements.

En matière de culture de sûreté, il ne faut pas trop stigmatiser le nombre, l'idée étant plutôt de mettre les exploitants dans une logique d'amélioration continue. Cette démarche est favorable lorsque nous avons des éléments que nous pouvons exploiter pour améliorer la sûreté.

Debut de section - Permalien
Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Il existe un système de regards croisés assez naturel entre les deux secteurs. En effet, l'ASN et l'inspection des installations classées puisent dans le même vivier d'inspecteurs - essentiellement le corps des ingénieurs de l'industrie et des mines (IIM), qui forme le gros des troupes dans l'un et l'autre cas -, ce qui permet naturellement de croiser les approches.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Vos exposés respectifs laissent penser que nous aurions tout intérêt à nous inspirer de ce qui est mis en place dans le secteur du nucléaire pour les installations classées.

Les membres de la commission locale d'information (CLI) de Paluel-Penly, dont je fais partie, apprécient les possibilités qui leur sont offertes de participer à des réunions et à des visites et d'y recevoir des explications. Il n'existe rien de tel dans les ICPE. De même, aucune campagne d'information, de prévention ou de sensibilisation n'est prévue dans ces installations. Quel regard portez-vous sur cette carence de communication, particulièrement anxiogène pour les habitants d'autant que les dispositifs d'amélioration des moyens de communication ne sont pas vérifiés ?

Pourriez-vous nous indiquer ce qui est mis en place dans les pays voisins pour les installations classées ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Il faut rester modeste. Il n'est pas question de mettre en avant le contrôle des installations nucléaires comme étant un modèle absolu. Si nous faisions face à une crise de grande ampleur, la réponse ne serait pas parfaite.

En matière de communication, plusieurs défaillances et insatisfactions ont été relevées. La seule manière d'améliorer ce point est, selon moi, de s'entraîner. En effet, une telle situation de communication ne s'improvise pas si un entraînement spécifique n'a pas été réalisé auparavant, et si nous n'avons pas trouvé de tiers de confiance, distincts de l'exploitant, de l'autorité publique et des experts institutionnels, susceptibles de participer à ce relais d'information. Les CLI peuvent constituer à cet égard des relais d'information utiles. Il faut entretenir ces tiers de confiance pour qu'ils puissent, le moment venu, en situation de crise, jouer un rôle actif dans la délivrance de l'information.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Une nécessaire modestie s'impose effectivement par rapport à notre modèle.

Les CLI ont un rôle important à jouer dans la communication à déployer auprès des populations locales en situation de crise. L'IRSN, comme l'ASN, a d'ailleurs une interaction forte avec elles sur l'ensemble des sujets ayant trait à la sûreté nucléaire. Il s'agit d'expliquer les modalités d'organisation des démarches de sûreté, d'intervenir sur les incidents, et d'évoquer tous les éléments liés à la gestion de crise. J'ai évoqué précédemment le simulateur d'accident simplifié OPAL développé par l'IRSN en relation avec l'Anccli, et qui a été proposé aux CLI - charge à eux ensuite de décider ou non de se l'approprier. Cet outil est une façon de développer une culture du risque et de radioprotection. L'idée est d'incarner ce que pourrait être un accident, même si nous faisons tout pour l'empêcher.

À la suite de l'accident de Fukushima, l'IRSN a constaté que les Japonais avaient acheté des dosimètres sans attendre les directives officielles. En lien avec l'Institut français des formateurs risques majeurs et protection de l'environnement (IFFO-RME), dépendant de l'Éducation nationale, le fabrication laboratory (Fab lab) de l'université Pierre et Marie Curie et l'association Planète Sciences, qui promeut la science auprès des jeunes, l'IRSN a développé un outil de mesure de radioactivité en kit. À l'aide de cet appareil et d'un téléphone portable, il est possible d'effectuer une mesure de radioactivité. Cette mesure est ensuite envoyée sur un site internet et peut être partagée.

En temps de paix, l'idée est de contribuer à la culture de la radioprotection, notamment auprès des jeunes. Un professeur de physique peut ainsi se servir du site pour organiser une activité sur ce sujet. La question qui reste à traiter est de savoir comment intégrer ces mesures en situation de crise. Cela fait partie des actions sur lesquelles nous échangeons avec plusieurs CLI, des échanges qui me semblent pouvoir contribuer à la sensibilisation et à la préparation à la crise.

Par ailleurs, une crise comporte toujours deux parties : d'abord la crise aiguë puis, une fois l'installation revenue à un état raisonnablement sûr, la phase post-accidentelle impliquant la gestion d'un environnement contaminé. Or toutes les études montrent, à travers notamment l'exemple des dialogues organisés à Fukushima avec la population, que la gestion de cette dernière phase nécessite une implication très forte des parties prenantes. Une coconstruction est nécessaire entre autorités, experts et populations.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Pourriez-vous nous indiquer le prix de l'outil de mesure que vous avez mentionné ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Sur le site de l'IRSN, cet outil coûte environ 100 euros.

Debut de section - Permalien
Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Je voudrais souligner l'intérêt de ce que l'on appelle la « pression médiatique simulée » lors des exercices de crise. Au cours de ces exercices, des journalistes jouent le rôle qu'auraient de vrais journalistes pendant l'accident, ce qui permet de s'entraîner à répondre à des questions très basiques, mais potentiellement déstabilisantes en l'absence d'entraînement. L'idée est que nous puissions apporter autant que possible les réponses attendues par le public. Cela me semble extrêmement important.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Je souhaiterais souligner plusieurs caractéristiques du système d'expertise nucléaire qui participent de sa singularité et peuvent réduire son potentiel d'adaptation à d'autres structures.

L'IRSN a ses propres experts, et fait très peu appel à des experts extérieurs, même si les échanges avec l'extérieur sont nombreux par ailleurs, le fonctionnement en vase clos devant être évité. Pour construire une expertise à la demande de l'ASN, par exemple, ce sont les propres experts de l'IRSN qui sont mobilisés.

Il s'agit en outre d'une expertise collective. L'IRSN exerce deux métiers. Il rassemble des spécialistes en matière d'incendie, de thermo-hydraulique, de facteurs humains et joue également un rôle d'ensemblier. L'élaboration d'une expertise ne requiert pas seulement le recueil et le regroupement de l'avis de plusieurs experts spécialisés, elle nécessite aussi une mise en perspective. Cela rejoint d'ailleurs l'approche graduée qu'évoquait plus haut le président de l'ASN.

Autre caractéristique importante : l'IRSN a la connaissance de toutes les installations nucléaires, depuis le début. Il s'agit là d'une différence essentielle avec le système d'expertise applicable aux installations classées, qui implique le recours à de nombreuses tierces expertises. A contrario l'IRSN est destinataire de toute l'information et de toute l'histoire relatives à la sûreté nucléaire des installations, du fait de la centralisation du système. À titre personnel, je pense que cet état de fait est plutôt positif. En effet, la sûreté se construit dans un historique potentiellement assez long.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

En cas de crise radiologique, quelles actions concrètes les cellules de crise décident-elles de mener à l'égard des populations ? Qui décide des examens médicaux qu'elles doivent suivre ? Qu'en est-il de la formation des médecins et des hôpitaux sur ce sujet ?

Par ailleurs, comment expliquez-vous les quelques dérives survenues à Flamanville ?

Enfin, comment la communication s'organise-t-elle entre vos deux organismes ? Est-elle complémentaire, indépendante ou hiérarchisée entre les deux ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

La gestion de crise est extrêmement codifiée au niveau national selon l'échelle de la crise. Si la crise est locale, le préfet prend la main. Lorsque la crise dépasse ce cadre, la cellule interministérielle de crise agit, en liaison avec le Premier ministre et le Président de la République.

Nous jouons ces scénarios douze à treize fois par an au niveau local, et une fois tous les trois ans au niveau national.

La conduite à suivre en cas d'accident nucléaire est codifiée dans le plan d'organisation de la réponse de sécurité civile (Orsec) adapté à la situation de crise radiologique. Une série de consignes et d'actions est prévue dans ce plan, qui est à la main du préfet dès que l'accident se produit en fonction de la probabilité de rejets et du temps dans lequel ces rejets s'opéreront. En cas de probabilité forte et de rejets rapides, le préfet agit en phase réflexe. Il est en quelque sorte en pilotage automatique, et les décisions de mise à l'abri ou d'évacuation sont prises immédiatement. S'il dispose de davantage de temps avant le rejet, il adapte la démarche en fonction de plusieurs critères, des conseils qui lui sont apportés par l'ASN et l'IRSN et des mesures pouvant être réalisées dans l'environnement en cas de rejet. Tout cela est donc très codifié. Et c'est cette phase que nous jouons à chaque exercice de crise.

Comme l'a souligné Jean-Christophe Niel, des améliorations peuvent être apportées à ces exercices. Ainsi, la population y est peu associée. Ce n'est pas une spécificité française, car cela se fait peu dans le monde. Mais, à ma connaissance, les Japonais jouent les accidents avec la population et le Gouvernement, selon des scénarios établis, ce qui n'est pas le cas en France. Un effort ciblé est donc à mener pour que la population puisse s'entraîner, ce qui permet également de diffuser de l'information sur le risque nucléaire.

De plus, dans les exercices, nous nous arrêtons souvent une fois l'installation revenue dans un état sûr. Nous simulons très peu la phase post-accidentelle. Or nous avons pu mesurer son importance lors de l'incendie de l'usine Lubrizol. Les conditions d'éloignement de la population, de consommation des denrées agricoles autoproduites, de commercialisation des produits de l'élevage et de l'agriculture ont été compliquées.

Il existe une doctrine en ce qui concerne la sûreté nucléaire. L'ASN a d'ailleurs été chargée par le Premier ministre de proposer des évolutions de cette doctrine, ce que nous avons fait à l'automne. Il me semble qu'il faudrait jouer cette doctrine, y compris avec le déploiement des moyens de mesure mobiles. Nous pouvons donc encore améliorer le dispositif de gestion accidentelle.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

S'agissant de l'aspect strictement médical, le rôle de l'IRSN serait, en liaison avec les pompiers, de mesurer le degré d'exposition à la radioactivité, à raison d'environ 2 500 personnes par jour. Ensuite, en fonction du résultat de la mesure, les médecins de l'ARS orienteraient les personnes vers des hôpitaux de référence définis par la Direction générale de la santé (DGS).

Nous pouvons effectivement nous entraîner davantage sur la phase post-accidentelle, car nous le faisons peu. Et il s'agit d'un domaine sur lequel la coconstruction avec les populations est essentielle. Au Japon, en situation réelle, le retour de certaines personnes dans les communautés a été rendu possible par un travail mené en commun avec elles.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

L'accident de Lubrizol est un peu nouveau sur le plan industriel par rapport à des précédents, comme celui de l'usine AZF. Le trait commun entre cet incendie et les crises pour lesquelles vous vous préparez, ce sont des impacts à long terme sur l'environnement et la santé. Sur ce point, nous avons des enseignements à tirer.

Au vu des problèmes de communication qui se sont manifestés, et à l'aune de la présence nouvelle des réseaux sociaux, pourriez-vous approfondir la question de vos simulations de pression médiatique ?

Vous avez indiqué également vous appuyer sur des données issues de l'exploitant. Or une circulaire empêche l'État de connaître le contenu des installations classées en raison des dispositions du plan Vigipirate. Comment pouvons-nous répondre à la menace terroriste tout en ayant connaissance de ce contenu ? De nombreuses difficultés se sont présentées à Lubrizol et dans l'entreprise voisine pour obtenir des informations sur le contenu des fûts.

Enfin, vous semble-t-il possible d'effectuer des modélisations afin de mieux anticiper les résultats de certains cocktails de molécules ?

Debut de section - Permalien
Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Lors des exercices, des journalistes jouent leur propre rôle en situation de crise. Ils appellent le centre d'urgence de l'ASN pour poser des questions ou prendre un point de situation, ce qui entraîne le personnel à répondre aux médias à partir d'une information incomplète, qui évolue en permanence.

Nous avons également une activité sur les réseaux sociaux, alimentée par des interactions simulées avec des journalistes. Cela permet de couvrir l'ensemble des moyens de communication qui seraient utilisés réellement en situation de crise - à une ampleur moindre, probablement. En effet, en situation réelle, cela se ferait à une tout autre échelle. Mais cet entraînement est essentiel pour éviter de se retrouver démunis.

Nous évoquions les différences entre le nucléaire et les risques chimiques s'agissant des modalités de gestion des situations d'urgence. Si la radioactivité se mesure à l'aide d'appareils, il n'en va pas si simplement pour les produits chimiques, qui sont nombreux et que l'on ne peut quantifier aussi aisément.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

En situation de crise, l'IRSN dispose d'un centre technique de crise (CTC) et interagit avec l'opérateur. Sur des réacteurs d'EDF, par exemple, nous n'avons aucune difficulté pour accéder aux données. Nous avons aussi une ligne directe qui nous donne accès automatiquement à certaines données. En situation de crise, l'accès aux données n'est donc pas un problème.

S'agissant de la modélisation, les radioéléments sont nombreux, mais ils le sont moins que les produits chimiques.

Enfin, et cela souligne de nouveau l'importance de la recherche, la phase post-accidentelle est liée aux effets chroniques, et ces derniers sont compliqués par l'effet cocktail. L'IRSN est impliqué actuellement, avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), dans des recherches sur les effets cocktails, ce que l'on appelle « l'exposome », c'est-à-dire le stress induit par des stresseurs variés, radioéléments ou produits chimiques, sur la vie entière. À des niveaux où le risque n'est pas aigu, il entre en compétition avec d'autres risques, et la manière dont nous en appréhendons les conséquences constitue un travail de recherche important en appui de la gestion du risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous avons eu le sentiment, au cours de nos auditions, qu'une forme de laxisme prévalait s'agissant du temps séparant les contrôles effectués sur les installations Seveso et les actions qui en découlent. Lorsqu'il se passe des mois voire des années entre un constat et une mise en demeure, cela semble beaucoup.

Dans le domaine des installations nucléaires, existe-t-il des règles ou des protocoles conduisant à des réactions plus strictes si des problèmes sont constatés ?

Je rappelle que 39 contrôles ont été effectués à l'usine Lubrizol, et que les mises en demeure n'ont été effectuées qu'à l'issue des événements qui nous réunissent aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Les actions de contrôle de l'ASN peuvent conduire à des mises en demeure puis à des sanctions qui peuvent être des consignations ou des exécutions de travaux d'office. Un nouveau dispositif d'amende sera en outre mis en place début 2020. Et la décision ultime de l'ASN est celle de l'arrêt de l'installation. Nous disposons donc de toute une palette d'actions possibles, qui doit encore s'enrichir, à même d'inciter l'exploitant à évoluer.

Faute d'éléments de comparaison, je ne dirais pas que les choses se règlent plus rapidement que dans les installations classées. À chaque fois nous prenons en compte les enjeux dans nos décisions. Il n'est pas question d'engager des dispositifs de coercition lourds lorsque l'enjeu est relativement limité. En revanche, en cas d'écart important en matière de sûreté, nous n'hésitons pas à procéder à des mises en demeure ou à des consignations. Cela a été le cas notamment pour un exploitant nucléaire de la région parisienne, CIS Bio International, qui présentait un problème de protection incendie de longue date. Après mise en demeure, nous avons imposé les travaux de remise à niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Un écart aussi grand que celui qui a séparé les 39 inspections réalisées sur le site de Lubrizol des mises en demeure effectuées postérieurement à l'événement vous paraît-il possible dans le domaine du nucléaire ou avez-vous des protocoles plus stricts en la matière ?

Debut de section - Permalien
Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

L'ASN dispose d'un délai de deux mois pour adresser la lettre de suite à l'exploitant après l'inspection.

Par ailleurs, il faut se méfier des effets d'a posteriori. Une fois qu'un accident est survenu, nous sommes tentés d'y relier tous les événements antérieurs, alors que les enjeux pouvaient paraître moins importants auparavant. Une prudence est de mise sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Lorsque nous mentionnons l'information post-accident ou la prévention, les représentants de l'usine Lubrizol évoquent souvent en réponse le stress que cela pourrait installer dans la population, comme si l'information était synonyme de danger. Or vous avez démontré qu'il était possible de faire circuler l'information facilement. C'est une culture du risque que vous maîtrisez. La peur des exploitants de sites Seveso à cet égard vous semble-t-elle légitime ?

Debut de section - Permalien
Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Vous abordez un sujet redoutable et extrêmement compliqué, celui de la culture de sécurité des populations. Il s'agit d'une question fondamentale.

Cette culture n'est jamais acquise. Pour qu'elle puisse s'améliorer, il faut à mon sens jouer la transparence. Sans la transparence, nous n'avons pas de confiance, et ne pouvons donc pas développer de culture de sécurité dans la population. C'est pour cela que j'ai insisté sur le rôle des CLI, en tant que tiers de confiance au contact de la population. C'est aussi pour cette raison que j'ai insisté sur les exercices de crise et sur l'implication des populations dans ces exercices.

J'insiste également, pour le cas spécifique du nucléaire, sur l'importance des campagnes de distribution des comprimés d'iode. Mais il est intéressant de noter que, si les enquêtes que nous réalisons à l'issue de ces campagnes mesurent une meilleure connaissance des risques dans la population, elles montrent aussi que cette information se perd avec le temps. Les campagnes ont lieu tous les cinq ans, et dans l'intervalle les personnes oublient ce qu'elles ont appris. Ainsi, à la question « quelle conduite auriez-vous en cas d'accident nucléaire si vos enfants étaient à l'école ? », 90 % de la population française répond qu'elle irait les chercher, alors que la consigne est précisément de ne pas le faire. Nous avons donc un effort considérable à faire en matière de sécurité. Cela repose sur la clarté, l'information et l'association des tiers de confiance.

Debut de section - Permalien
Olivier Gupta, directeur général de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

S'agissant de la crainte associée à la publication des documents, ce n'est qu'au début des années 2000 que l'ASN s'est mise à publier toutes ses lettres de suite d'inspections. Auparavant, nous avions des réactions de crainte chez les industriels, mais aussi chez nos propres inspecteurs. Or aujourd'hui, personne n'imagine que ces lettres ne soient pas publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Votre communication est claire et a été plutôt bien perçue. La décision d'étendre de 10 à 20 kilomètres le rayon du PPI a été considérée comme rassurante. Mais il aurait peut-être fallu l'accompagner d'un exercice associant la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La difficulté pour appliquer ces méthodes aux sites Seveso est que ces derniers sont beaucoup plus nombreux que les installations nucléaires et concernent une population plus importante. Cela ne relève pas de l'impossible, mais cela ne se joue pas à la même échelle. Il faut en être conscient.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

J'ai été maire d'une commune proche de la centrale de Golfech. Vos services ont toujours fait de la prévention. Cette prévention peut d'ailleurs conférer un sentiment de sécurité susceptible parfois de faire oublier ou négliger la possibilité du risque. C'est pourquoi la transparence est nécessaire. Plus la transparence est grande, plus la population est rassurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Merci beaucoup.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues, nous accueillons M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire.

Monsieur Bourillet, nous avons souhaité procéder à votre audition, non pas au démarrage de nos travaux, mais après avoir entendu plus de soixante personnes, de sorte de disposer d'une vision plus précise.

L'incendie de l'usine Lubrizol, même s'il constitue un accident unique par son ampleur, n'est pas un cas isolé. À l'heure où je vous parle, il semblerait qu'un accident d'une ampleur comparable se soit produit dans une usine chimique à Barcelone.

En France, des accidents ont lieu chaque année sur des sites industriels, même s'ils sont le plus souvent moins importants. Le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) a d'ailleurs relevé une augmentation très sensible des accidents industriels au cours des dernières années. En 2018, 1 112 accidents et incidents ont été recensés sur les installations classées, avec une augmentation de 25 % des accidents sur les sites Seveso.

Comment expliquez-vous cette augmentation sensible du nombre d'accidents ? La réglementation a-t-elle été trop assouplie ? Les contrôles sont-ils moins stricts en raison d'un manque de personnel ?

Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, vous demander de prêter serment, monsieur Bourillet. Je rappelle que tout témoignage mensonger devant une commission d'enquête parlementaire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Cédric Bourillet prête serment.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Notre mission s'appuie sur des hommes et des femmes qui travaillent principalement pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), mais aussi pour les directions départementales de la protection des populations (DDPP), qui disposent d'inspecteurs remarquables agissant sur les installations classées agricoles et les installations de transformation agroalimentaire.

Nous nous appuyons sur des unités départementales (UD), qui comprennent des profils plutôt généralistes, et sur quelques experts plus pointus au niveau régional, interrégional, voire national, qui interviennent en appui des équipes départementales.

Notre premier métier est la réduction du risque à la source. C'est aussi notre priorité, et nous disposons pour cela de plusieurs outils.

Tout d'abord, selon un modèle assez unique en Europe, des arrêtés ministériels de prescriptions de règles de sécurité s'imposant à différents secteurs sont pris pour mettre en oeuvre la directive Seveso au niveau national. Ensuite, localement, sur la base des documents remis par les exploitants, nous proposons aux préfets des mesures pour compléter ce socle minimal national. Par ailleurs, notamment pour les sites Seveso, nous remettons une étude de dangers assez systémique, qui vise à faire le point sur la démarche de réduction du risque à la source et à identifier tous les risques résiduels. Ce document sert aussi à maîtriser l'urbanisation afin que, lorsqu'un nouveau site s'installe ou subit une modification substantielle, des dispositions soient prises pour éviter que les villes se rapprochent du site, ce qui était le cas auparavant.

Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), créés par la loi du 30 juillet 2003 à la suite de l'accident d'AZF, portent sur les bâtiments déjà implantés autour des sites Seveso seuil haut.

Le système de gestion de la sécurité comprend tout ce que l'exploitant doit faire pour gérer les modifications du site, sa maintenance et la formation des équipes. L'exploitant doit aussi être capable de déclencher des plans d'urgence interne, appelés plans d'opération interne (POI), pour faire face à des situations répertoriées.

Au besoin, l'étude de dangers va aussi servir à élaborer le plan particulier d'intervention (PPI), plan d'urgence externe préparé par le préfet lorsque le support de la puissance publique s'avère nécessaire pour gérer un incident ou un accident. L'étude de dangers, qui couvre un large spectre, est donc un document très important dans les relations entre l'administration et les exploitants d'installations à risques.

Nous avons par ailleurs une démarche complète d'analyse des retours d'expérience. Le Barpi est une entité unique en Europe, et quasiment unique dans le monde, avec seulement un équivalent aux États-Unis. Ce bureau recense tous les incidents et accidents qui ont eu lieu en France, en Europe et dans le monde. Sa base de données répertorie 46 000 accidents et incidents et nous permet d'améliorer constamment l'information et la sensibilisation des industriels et de nos équipes d'inspection.

Celles-ci sont majoritairement composées d'agents techniques, dont l'expertise et la compétence sont très largement reconnues. Nous essayons de travailler sur les compétences individuelles et collectives. Chaque inspecteur qui prend ses fonctions suit une formation initiale d'un an, sans compter tout le dispositif de formation continue. Tous les deux ans, une réunion est par ailleurs organisée entre les inspecteurs en charge des risques accidentels et le Barpi, qui leur communique les informations et nouveautés utiles pour améliorer leur pratique.

Nous disposons donc d'une véritable « chaîne de l'inspection », pilotée depuis le niveau national par la DGPR pour les installations classées et les sites Seveso. Le ministre de la transition écologique et solidaire en constitue le dernier maillon et définit chaque année dans une circulaire des priorités nationales.

Monsieur le président, vous m'avez interrogé sur l'analyse que nous faisons du rapport du Barpi sur l'accidentologie en 2018. Il faut distinguer l'ensemble des événements recensés, qui sont effectivement en hausse, et la réalité de l'accidentologie. Depuis quelques années, nous incitons très fortement les exploitants à partager un maximum d'informations avec l'administration, en dehors même de toute inspection. Cela contribue clairement à l'augmentation des recensements.

Nous suivons en revanche avec beaucoup d'attention un indicateur dont l'assiette est comparable d'une année sur l'autre, celui des notifications d'accidents auprès de la Commission européenne au titre de la directive Seveso, lesquelles relèvent de critères fixes depuis plusieurs années. Cet indicateur est stable depuis 2016, avec six ou sept accidents notifiés par an. L'Allemagne notifie deux à quatre fois plus d'accidents, alors qu'elle n'a pas quatre fois plus d'établissements Seveso.

Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment que la réglementation en matière de sécurité industrielle ait été assouplie. Elle a plutôt été renforcée, notamment en matière de séismes, de vieillissement des installations, qui nécessite d'adapter la maintenance, ou de liquides inflammables.

De même, les PPRT, qui à l'origine concernaient exclusivement l'extérieur du site, comprennent désormais une nouvelle phase de réduction du risque à la source. Les exploitants ont dû investir plusieurs centaines de millions d'euros pour se mettre en conformité. On a souvent cité les sphères de GPL que nous avons fait retirer entre les bâtiments de Lubrizol et les stockages d'acide chlorhydrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Votre point de vue sur un durcissement de la réglementation va à l'encontre de nombreux propos que nous avons entendus jusqu'à présent. Nous en reparlerons certainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Ce ne sont pas 2 200 tonnes de produits stockées dans l'usine Lubrizol qui ont brûlé, mais le double, puisqu'il faut ajouter 12 700 fûts entreposés dans les locaux de Normandie Logistique. L'inspection était-elle informée de ce stockage de 4 157 tonnes de produits dans des entrepôts non conformes ?

Vous parlez de durcissement des procédures en matière de sécurité industrielle. Ne pensez-vous pas, au contraire, que l'introduction du régime d'enregistrement, qui a été accompagnée de nombreuses mesures de simplification, a eu pour conséquence une réduction importante des contraintes pour les industriels, moins de surveillance et plus d'accidents technologiques ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Sur le niveau d'information dont disposait la Dreal sur les produits stockés, je ne sais pas vous répondre en détail, car ce type de données ne remonte pas quotidiennement au niveau national : quelque 18 000 inspections sont menées chaque année, avec des milliers de dossiers échangés.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Peut-être pouvez-vous interroger le préfet...

Ce qui compte pour nous, c'est la nature du produit stocké et les dangers qu'il représente, plus que l'identité de l'expéditeur ou du propriétaire. Une même usine, d'ailleurs, peut manier à la fois des produits dangereux et qui nécessitent des conditionnements pour leur transport et leur stockage, et des produits qui ne présentent pas de dangerosité particulière. L'origine du produit n'est pas une information suffisante pour déterminer les précautions de sécurité à prendre.

J'ai parlé d'un assouplissement, mais les règles de sécurité, elles, se sont durcies, devenant plus exigeantes que la moyenne européenne. L'enregistrement est une procédure, c'est-à-dire une des formalités administratives nécessaires dans les relations entre le pétitionnaire et le préfet. Il s'agit d'une procédure d'autorisation simplifiée : les pièces à fournir sont moins nombreuses et la procédure est plus courte. Pour une autorisation normale, on vise un délai d'instruction de neuf ou dix mois ; pour la procédure d'enregistrement, c'est plutôt cinq à sept mois. La règle qui a toujours été suivie en matière d'enregistrement est que, si une installation était précédemment soumise à autorisation, nous ne revenons pas en arrière sur les prescriptions applicables : si la procédure a changé, il n'y a pas de régression environnementale. C'était l'engagement moral et politique qui avait été pris lors de la création de l'enregistrement. Puis, la loi biodiversité du 8 août 2016 a inscrit dans la loi le principe de non-régression des actes réglementaires : chacun de nos décrets est soumis au Conseil d'État, qui vérifie systématiquement l'absence de régression environnementale. Nous appliquons aux installations soumises à enregistrement les mêmes règles de contrôle qu'à celles qui sont soumises à autorisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Vous dites que ce qui vous intéresse est de connaître ce qu'il y a dans les fûts. Nous sommes au XXIe siècle : comment se fait-il qu'il n'existe pas un registre électronique crypté, mis à jour en temps réel, répertoriant le contenu et la situation de chaque fût ? Cela permettrait aux pompiers d'arriver équipés en conséquence et aux services de la préfecture de savoir exactement ce qu'il en est. Est-ce une question naïve ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Pas du tout ! L'administration peut à tout moment demander à l'exploitant de lui rendre compte de la nature et de la quantité des produits stockés sur son site. Ce principe est quasiment explicite dans la réglementation. Les retours d'expérience donnent à penser que cela rassurera beaucoup de gens de le rendre totalement explicite. En fait, à chaque fois que l'administration a fait des demandes, elle a obtenu les informations qu'elle réclamait.

Pour autant, au moment où l'on a demandé ces informations à Lubrizol et Normandie Logistique, en pleine nuit, alors qu'ils étaient en train de gérer l'incendie, de déplacer les fûts, ces entreprises n'étaient pas forcément en capacité de nous indiquer la quantité exacte contenue dans chacun des fûts. En pratique, leur capacité à donner cette information très rapidement en situation accidentelle s'est révélée insuffisante. Cela ne signifie pas que les pompiers n'étaient pas équipés puisque, dans l'étude de danger, on identifie les scénarios d'action majeure. Les scénarios de toxicité des accidents figurent dans l'étude de danger, avec des scénarios-enveloppes en fonction de la toxicité possible des produits. On connaît donc les cercles de toxicité tels qu'ils ont été modélisés.

Quelles sont les pistes d'amélioration ? Cet accident, d'abord, nous donne envie de progresser. Je partage votre prudence : les informations doivent être cryptées. Il y a aujourd'hui 500 000 installations classées, dont certaines stockent plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de substances différentes, qui basculent en permanence de réservoirs en entrepôts, puis vers des zones de préparation pour l'expédition, etc. Cela fait une masse d'informations considérable, surtout s'il faut dire, heure par heure, où se trouve chaque substance, ce qui représenterait aussi un coût administratif non négligeable pour l'entreprise. Et il n'est pas sûr que l'on sache mobiliser la bonne information en pleine nuit en cas d'accident. En fait, il faut trouver une solution pragmatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Le décret du 21 novembre 2019 instaure un nouveau dispositif, qui s'appelle « plateforme industrielle ». Pourriez-vous nous préciser ses objectifs et ses principales dispositions ? Y aura-t-il un impact sur la politique de prévention des risques technologiques ? Est-ce un allégement ou un durcissement pour les exploitants des établissements concernés ? Un progrès en matière de maîtrise des risques industriels ? L'idée de créer pour les sites Seveso une autorité indépendante, comme l'Autorité de sûreté nucléaire, vous semble-t-elle bonne ? Enfin, quels enseignements tirez-vous de l'incendie du site de Lubrizol ? Quelles évolutions faut-il apporter au cadre juridique ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Les plateformes résultent d'un décret d'application de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Pour mieux gérer le fonctionnement collectif. Aujourd'hui, il y a plusieurs plateformes sur un territoire qui, il y a quelques dizaines d'années, était un grand site exploité par une grande entreprise. Les différents exploitants qui se partagent le site ont en commun des utilités - de l'eau, de la chaleur -, mais aussi des tuyaux et des produits. Sur Google Earth ou quand on entre sur le site, on a l'impression d'avoir une seule grande usine. En fait, il y a plusieurs exploitants. L'idée était de créer des outils collectifs pour gérer ces sites comme une seule plateforme, et non comme une succession d'exploitants autonomes les uns des autres. Cela permet aux préfets d'avoir des plans d'urgence communs à l'ensemble des exploitants sur la plateforme, ainsi qu'un PPRT commun. Le préfet peut aussi prescrire aux exploitants des études communes, par exemple sur les émissions à l'extérieur ou sur les rejets dans l'eau. Bref, cela permet au préfet de disposer d'une approche globale et de conduire les exploitants à adopter des outils globaux. Cela n'aboutit pas forcément à accroître le nombre de règles pour les exploitants.

Une autorité indépendante pour les ICPE ? Cela soulève plusieurs difficultés. Notre fonctionnement est organisé autour de la chaîne de l'inspection, avec des unités départementales généralistes et des pôles d'expertise au niveau régional, voire international, qui apportent un éclairage ponctuel, le tout complété par des pôles spécialisés sur les risques accidentels, les émissions de substances dangereuses, les rejets dans l'eau, etc. Si l'on coupe le système en deux avec les Seveso d'un côté, et le reste de l'autre, à effectif constant, je ne sais plus faire... De plus, le risque technologique et accidentel ne se limite pas aux sites Seveso. Certains sites sont juste en dessous du seuil Seveso : c'est une stratégie courante pour les industriels, pour renforcer l'acceptabilité auprès des riverains et diminuer le nombre d'obligations. Et il y a des canalisations, des sites dangereux comme les silos et les entrepôts...

Depuis 1976, il y un interlocuteur unique pour les installations classées, l'inspecteur des installations classées, qui regarde l'ensemble des problématiques d'un site. Cette approche globale est vertueuse, car il peut y avoir des interactions. Par exemple, un accident récent à la station d'épuration d'Achères a mis en jeu des substances dangereuses, car, pour bien traiter l'eau, on a besoin de produits... Il faut donc une vision d'ensemble. Casser cette approche transversale réduirait la compétence et la qualité de l'action publique. Il existe aujourd'hui un continuum sous l'autorité du préfet entre l'autorisation, les prescriptions, les mesures de prévention des risques et les prescriptions de moyens disponibles pour agir en cas d'accident, et aussi, ensuite, pour la gestion de crise. Cela donne une unité et une fluidité d'action que nous n'aurions pas avec deux interlocuteurs.

Il y a plusieurs différences avec l'Autorité de sûreté nucléaire. D'abord, l'essentiel des exploitants - EDF, le CEA, Orano - font une place à l'État dans leur gouvernance. Puis, le nombre de sites est limité et les évolutions ne sont pas très fréquentes. Dans le domaine des installations classées, on enregistre presque 1 400 nouvelles installations ou extensions par an. S'il fallait coordonner en permanence deux autorités, organiser des exercices communs, la fluidité en souffrirait. Sur Lubrizol, j'ai lu que l'intervention des services de la Dreal a été extraordinaire, et que les pompiers ont joué un rôle très important : c'est qu'il y avait eu de nombreux exercices communs et que les équipes se connaissaient bien.

Difficile de tirer des enseignements à ce stade, alors que les causes ne sont pas connues...

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous disiez que cela vous avait donné envie de progresser... Nous attendons des propositions.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

L'enquête administrative n'est pas terminée, pas plus que les travaux des deux assemblées parlementaires. Une première piste est de développer la capacité à accéder plus vite, en situation de crise, c'est-à-dire lorsque l'exploitant est lui-même quelque peu démuni, et occupé à autre chose, à la liste complète des produits et des quantités - et la capacité à la mettre à disposition du public sous une forme intelligible. Il entre aussi dans notre rôle d'établir des règles de sécurité sur le stockage de liquides inflammables. Nous devrons envisager des évolutions, notamment sur les quantités d'émulseurs. En l'occurrence, il n'y en avait pas assez et la Dreal a été extrêmement réactive et efficace, dès 3 heures du matin, pour en obtenir ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Bonfanti-Dossat

Effectivement, les autres industriels ont apporté une aide importante en matière de logistique. L'exploitant souhaite renforcer cette aide mutuelle par des procédures formalisées. Pouvez-vous répondre à cette demande ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Ce sont des choses que l'on peut prescrire. En tout cas, on a eu besoin de plus de mousse le jour de l'accident. La Dreal a su où en trouver sur d'autres sites, mais, dans d'autres situations plus difficiles, notamment si les sites voisins avaient été plus éloignés, il y aurait eu un problème. Des coopérations entre exploitants sont envisageables, pourvu qu'elles soient fiables. De toute façon, les exploitants devront avoir un plus grand volume de mousse disponible sur chaque site.

Sur les contenants, nous devons aller encore plus loin dans les mesures susceptibles de ralentir la propagation du feu et de faciliter l'intervention des pompiers. L'enquête administrative en cours collectera auprès des pompiers leur retour d'expérience sur leurs principales difficultés dans la lutte contre le feu. Il faudra sans doute faire évoluer l'arrêté ministériel sur le stockage de liquides inflammables.

Sur la capacité à mener des analyses et à disposer de leurs résultats très vite après le début du sinistre, il y a à la fois un progrès constaté et un progrès qui reste à faire. Pour Lubrizol, la puissance publique a eu beaucoup de mal à obtenir des analyses rapides et fiables sur la nature des produits chimiques et leur concentration. Beaucoup de progrès ont été faits, toutefois. Un dispositif a été monté par le ministère par une circulaire de 2014, suite à un accident concernant Lubrizol, déjà : le réseau d'intervenants en situation post-accidentelle (RIPA). Ce réseau concerne des bureaux d'études privés, avec lesquels les exploitants des sites Seveso seuil haut doivent contractualiser, et qui doivent être prêts à intervenir pour faire des mesures et donner l'information. Cela a bien fonctionné : le bureau Veritas est venu et a fait des mesures. Si les mesures ont été faites dans les premières heures du sinistre et aux bons endroits, leur temps de développement et le niveau de précision des résultats ont été un peu décevants. Il faudra progresser sur ce volet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Hier, le conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) a donné un avis favorable à la réouverture de deux unités de mélange au sein de Lubrizol, et un arrêté préfectoral devrait être signé prochainement en ce sens. Émotion des élus, émotion des populations riveraines, même si les uns et les autres sont bien conscients des enjeux économiques, en particulier en matière d'emploi. Cette reprise partielle ne présente-t-elle vraiment aucun danger, alors que l'origine de l'incendie n'est toujours pas connue ? Et l'évacuation des fûts se poursuit, beaucoup plus lentement que prévu. Ne serait-il pas plus prudent que l'État attende le résultat de l'audit de sûreté confié à un cabinet extérieur ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Je ne saurais répondre précisément à votre question car les documents pertinents ne sont pas remontés au niveau national. La législation des installations classées ne fait pas de place à l'équilibre entre conséquences économiques et environnementales : le préfet ne rend pas un avis d'opportunité fondé sur une analyse bénéfices-risques dans laquelle l'économie et l'emploi auraient une place. L'article L. 511-1 du code de l'environnement définit les conditions dans lesquelles les installations classées doivent être exploitées et l'article suivant définit les conditions dans lesquelles le préfet peut autoriser, ou non, une exploitation complète ou partielle. Les critères que le préfet peut prendre en compte sont soumis à la justice administrative, en cas d'écart. Ils ne comprennent pas le bénéfice économique. Il ne s'agit que de maîtrise des dangers et inconvénients. La Dreal a remis un rapport et rendu un avis favorable sur les quelques unités appelées à redémarrer. J'ai toute confiance en la capacité de cette structure à appliquer le code de l'environnement et les règles de nos référentiels professionnels. J'anticipe, comme vous, que le préfet signera prochainement l'arrêté d'autorisation de réouverture partielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

Alors que l'évacuation et le traitement des fûts se poursuivent beaucoup plus lentement que prévu, ce qui semble montrer que ce n'est pas aussi simple que ce qui avait été annoncé...

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Je ne saurais vous répondre précisément, faute d'informations. Je comprends que l'unité qui traite les fûts est à une extrémité du site - la partie qui a brûlé représente 15 % de la surface du site - et que les unités dont l'activité va reprendre sont situées à un endroit différent. Je pense que le préfet a regardé les choses de près, avec l'appui technique de la Dreal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Vous nous disiez qu'il était compliqué de connaître la nature et la quantité des produits à un instant donné. Les industriels, eux, nous disent que, dans ce type de fabrication de production, ils savent exactement, à la seconde près, ce qui passe dans leurs tuyaux et ce qui va dans les fûts de stockage. Je suis donc étonné par votre réponse. La question a été posée le jour de l'incendie et le lendemain. Pour avoir des réponses, on a attendu plusieurs jours. Pourquoi ce délai ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Je relève la même contradiction que vous. Je pense qu'il n'y a pas de difficultés insurmontables. Nous avons demandé aux exploitants, tout au moins aux gros exploitants, qui ont des systèmes d'information, des systèmes de suivi logistique et des systèmes d'exploitation, de transformer les informations dont ils disposent en une information exploitable par l'administration, quasiment en temps réel. Leur information est organisée pour la production ; ce qui nous intéresse, ce sont les risques associés aux substances.

Dans le cas de Lubrizol, je pense qu'ils ont rapidement réussi, dans un premier temps, à collecter l'information logistique, mais que sa transformation en information utilisable a pris plus de temps.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Plusieurs jours, en tout cas. Nous devons donc nous organiser mieux, à l'avance, pour qu'on puisse accéder facilement, le jour de l'accident, aux informations nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Seul le stockage a été impacté par l'incendie. La production, les bureaux, la logistique fonctionnaient normalement.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

L'usine a été complètement évacuée à cause des fumées... Nous avons plusieurs semaines de travail devant nous, mais ce n'est pas insurmontable.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Les délais de réaction de la part des services qui contrôlent Lubrizol sont tout de même étonnants. Dans la mise en demeure du mois de novembre, sont clairement visées des prescriptions réglementaires qui dataient de 2014, voire de 2010. Comment peut-il y avoir un tel délai entre le moment où l'on signale des problèmes, celui où l'on fait une mise en demeure, et celui où les prescriptions sont appliquées ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Je ne saurais vous répondre de façon très détaillée sur l'arrêté de mise en demeure en question. Nos référentiels professionnels prévoient que, suite à l'inspection, si l'on constate des non-conformités qui appellent une mise en demeure et que les prescriptions ne sont pas respectées, des sanctions administratives peuvent être appliquées, allant jusqu'à la suspension. On ne fixe pas d'objectif de taux de mise en demeure à l'issue d'une inspection. L'an dernier, sur 18 000 inspections, il y a eu 2 116 mises en demeure et 828 procès-verbaux.

Lorsque des prescriptions s'appliquent à un exploitant, c'est celui-ci qui est le premier responsable de leur application. L'administration n'est pas une sorte de co-exploitant, ou de vérificateur permanent. Il est important que les exploitants se sentent en responsabilité et ne voient pas l'administration comme une espèce de filet de sécurité qui, de toute façon, vérifiera chaque point sur les sites.

Lors des inspections, un certain nombre de thèmes sont regardés. Si des écarts sont constatés, ils sont relevés. Mais tout n'est pas regardé de façon exhaustive. Il peut donc très bien arriver que ce soit à l'occasion d'une inspection ultérieure que l'on constate un défaut de conformité datant de quelques années. Mais il n'y a pas d'hésitation particulière à apporter des suites à des non-conformités.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Certes, la mise en demeure n'est pas une fin en soi. Mais, quand on relève des problèmes ou des manquements, l'exploitant devrait être tenu de se mettre en règle dans un délai raisonnable. Or cet exemple montre que cinq ou dix ans peuvent s'écouler... Et cela ne vous étonne pas !

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Si une non-conformité constatée en 2014 n'a pas été corrigée en 2019, il y a un véritable écart avec notre référentiel professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

C'est ce que laisse penser la lecture de l'arrêté de mise en demeure du 8 novembre.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Alors il y a un vrai écart. Si l'inspection a été menée quelques jours avant, en novembre 2019, fin octobre 2019, et que la mise en demeure survient dans les jours qui suivent, cela correspond à notre référentiel professionnel. Cela n'empêche pas que l'inspection de 2019 ait vérifié des prescriptions applicables depuis 2014 ou 2010. Il y a un délai maximal pour se remettre en conformité : à l'issue de ce délai, si ce n'est pas fait, des sanctions administratives sont prononcées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

On annonce une augmentation de 50 % des contrôles de terrain. Cela annonce-t-il des recrutements supplémentaires ?

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

En juillet, nous avons fixé des orientations stratégiques. L'une des plus importantes était d'augmenter de 50 % le nombre de contrôles. Cela découle de plusieurs constats. Dans les documents, on peut nous raconter beaucoup de choses, mais c'est sur le terrain qu'on voit la réalité des choses. C'est là, aussi, qu'on peut faire des exercices, tester les exploitants, parfois de façon inopinée. C'est très précieux. Or, le nombre d'inspections avait baissé ces dernières années. La hausse de 50 % répond à cette baisse, qui avait plusieurs causes. D'abord, on nous avait demandé de nous mobiliser sur des dossiers importants, comme les PPRT. Nous allions aussi être amenés à exproprier ou renforcer des bâtiments qui s'étaient trop rapprochés des usines avec le temps. On nous a aussi demandé que l'État fasse plus de concertation et d'information, notamment sur les dossiers éoliens, qui sont entrés dans notre compétence, ou sur les commissions de concertation autour des sites. Il y a eu, aussi, beaucoup de changements à gérer au sein de l'administration : création des Dreal, constitution des grandes régions, création de l'autorisation environnementale unique... J'espère que la structure administrative est désormais stabilisée. Le temps ainsi libéré sera consacré à des inspections.

Debut de section - Permalien
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques au sein du ministère de la transition écologique et solidaire

Nous devrons conduire des actions de modernisation de notre outil, de notre organisation, de notre compagnonnage, pour atteindre cet objectif à moyens constants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Merci. N'hésitez pas à nous faire parvenir tous documents que vous pourriez juger utiles à nos travaux, notamment d'éventuelles propositions pour améliorer les dispositifs actuels, que ce soit en termes de réglementation ou de contrôle.

La réunion est close à 18 h 55.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.