Intervention de Magali Smets

Commission d'enquête Incendie de l'usine Lubrizol — Réunion du 12 décembre 2019 à 9h00
Audition de Mme Magali Smets directrice générale M. Philippe Prudhon directeur des affaires techniques de france chimie et de Mme Muryelle Angot-lebey déléguée générale de france chimie

Magali Smets, directrice générale :

Merci de nous accueillir. La chimie en France est un acteur économique majeur, qui regroupe 3 300 entreprises et 170 000 salariés répartis sur l'ensemble du territoire. C'est le premier exportateur industriel français. Il apporte à la balance commerciale de notre pays une contribution positive de plus de 11 milliards d'euros. C'est un secteur en croissance continue depuis dix ans. Il recrute et innove. Dans notre industrie, 8 % des effectifs sont dédiés à des activités de recherche et développement, car nos activités sont déterminantes pour relever les défis sanitaires et environnementaux auxquels nous faisons face. J'en veux pour preuve le développement de nouveaux principes actifs pour la pharmacie, des matériaux plus légers pour les secteurs automobile ou aéronautique, de nouvelles solutions pour la batterie électrique qui seront nécessaires pour développer le véhicule électrique, de nouvelles générations de panneaux solaires ou d'éoliennes que nous souhaitons recyclable, des matériaux isolants pour le bâtiment ou encore des solutions pour le traitement de l'eau. Les secteurs d'activité et les applications de la chimie en France sont très variés.

France Chimie est la voix de ce secteur et de ces entreprises en France. Nous regroupons 900 adhérents et 1 300 établissements. Nos experts accompagnent ces entreprises au quotidien dans la mise en oeuvre des réglementations, sur leurs sites et dans l'implémentation des standards les plus stricts.

Nous ne pourrons pas, aujourd'hui, nous exprimer sur les origines de l'incendie intervenu dans l'usine Lubrizol ainsi que sur ses conséquences sanitaires et environnementales, car une enquête judiciaire est en cours et des analyses sont actuellement effectuées par les autorités compétentes. Nous considérons néanmoins cet incendie comme un événement important et nous le suivons de près depuis le premier jour. De nombreuses personnes ont été touchées directement ou indirectement par les conséquences de l'incendie : les salariés du site, les pompiers, les services de secours, les services de l'État ainsi que les Rouennaises et Rouennais. Cet événement est également important car il concerne un site Seveso qui compte pour notre industrie en tant que client, en tant que fournisseur et en tant que partenaire. Lubrizol a aussi un impact économique important sur le territoire normand. Enfin, la sécurité et la prévention des risques sont l'une des premières préoccupations des industriels de la chimie en France.

Chaque poste de travail fait l'objet d'une évaluation des risques qui conduit à la mise en place de consignes de sécurité et d'équipements de protection collective ou individuelle. Chaque année, nous investissons 600 millions d'euros pour la sécurité et l'environnement, soit plus de 20 % des investissements annuels de notre secteur, et trois quarts de nos salariés suivent une formation. Sur ces formations, un tiers des heures sont consacrées à la sécurité : la formation du personnel, à tous les niveaux de l'entreprise, est un point essentiel de notre politique de sécurité.

Nos usines mettent en oeuvre l'une des réglementations les plus strictes au monde, la réglementation Seveso, selon laquelle les industriels doivent parfois étudier jusqu'à 1 000 scénarios de risques liés à leurs activités et démontrer qu'ils prennent des mesures pour réduire ces risques. Ils le font le plus souvent en agissant à la source, par la réduction ou la substitution des matières dangereuses, ou, à défaut, en mettant en place des barrières de protection et de prévention. Cette réglementation est une réglementation de proximité, mise en oeuvre avec les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), sous la supervision des préfets, ce qui permet d'agir au plus près de la réalité du terrain. Elle a été fortement renforcée par la loi de 2003, avec la mise en place des PPRT, et suite à la deuxième révision de la directive Seveso, en vigueur depuis 2015.

En plus d'encourager la parfaite application de la réglementation, notre secteur a spontanément pris des engagements pour faire progresser les pratiques de chacun. Nous sommes ainsi engagés depuis 30 ans dans un programme mondial, Responsible Care, qui tire l'ensemble de la profession vers les meilleures pratiques. Nous certifions nos entreprises sous-traitantes. Celles-ci doivent suivre une formation à nos standards de sécurité pour pouvoir intervenir sur nos sites. À ce jour, plus de 4 000 sous-traitants sont certifiés en France grâce à ce programme. Nous avons par ailleurs initié, avec la sécurité civile, un programme de partage de moyens techniques et d'expertise pour la gestion d'un certain nombre d'accidents, par exemple dans le transport. Nous allons prochainement ouvrir avec les organisations syndicales de notre branche une négociation pour aboutir à un accord plus contraignant dans le domaine de la sécurité.

Mais, de façon générale, une chose est certaine : le risque zéro n'existe pas, il n'existera jamais. Notre rôle en tant qu'industrie est évidemment de nous en approcher au maximum, et de limiter les impacts lorsque le risque se réalise. Nous avons tiré des enseignements de chaque événement. Nous l'avons toujours fait aux côtés des pouvoirs publics. Nous le ferons demain, dès que les causes de l'incendie seront connues et nous continuerons systématiquement à le faire.

Pour ce qui concerne la gestion de l'accident, nous nous associons d'ores et déjà aux recommandations du Livre blanc sur l'utilisation des nouvelles technologies pour alerter les populations et sur l'importance d'améliorer encore la culture de sécurité industrielle. Il faut mieux informer les riverains sur l'existence de sites industriels et sur la gestion des risques. Le travail réalisé pour la mise en oeuvre des PPRT a été considérable, tant pour les exploitants que pour les autorités et les collectivités locales. Il s'agit avant tout de finaliser ce processus.

La sécurité est une priorité non négociable de notre industrie. Nous estimons que la réglementation actuelle est riche. Elle doit nous permettre de tirer les enseignements de cet événement.

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