Intervention de Cédric O

Réunion du 17 décembre 2019 à 14h30
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Cédric O :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui afin de pouvoir étudier ce texte relatif à la lutte contre la haine en ligne.

Rares sont en effet les textes qui répondent à un besoin aussi pressant et à une demande aussi forte de nos concitoyens, celle d’assurer leur sécurité et de faire respecter leurs droits et leurs libertés, en ligne comme hors ligne.

Les malheureux événements de Noisiel survenus à la fin du mois de novembre nous l’ont rappelé une énième fois : internet et les réseaux sociaux peuvent être de formidables vecteurs de démocratie et de connaissance – sans eux, pas de révolutions arabes –, mais ils peuvent aussi être synonymes du pire. Il suffit de passer quelques instants sur Twitter, YouTube ou Facebook pour y croiser menaces de mort, injures homophobes, banalisation du racisme et de l’antisémitisme. La haine a, presque quotidiennement, libre cours sur internet et les premières victimes parmi nos concitoyens sont les plus jeunes, les plus fragiles et les personnes issues de minorités.

Pour certains, notamment pour ceux qui profèrent de tels propos, ce ne sont « que » des mots sans importance et ce n’est pas la « vie réelle ». Pour ceux qui les reçoivent, ce sont autant d’attaques, de menaces et de blessures, allant parfois jusqu’à la tragédie – de jeunes garçons ou des adolescentes sous le coup d’un harcèlement via les réseaux sociaux tentent régulièrement de se suicider. Et cette douleur est amplifiée par les réseaux sociaux qui diffusent d’autant plus un contenu qu’il fait réagir, quitte à amplifier massivement une humiliation, une diffamation ou des propos chargés de haine. Cette violence, peu à peu, fragilise notre lien social.

La douleur des victimes est amplifiée par le sentiment d’impuissance et d’isolement auquel elles sont confrontées : c’est notamment vrai lorsqu’un réseau social laisse beaucoup trop longtemps en ligne l’un de ces contenus ou que leur auteur peut s’abriter derrière une quasi complète impunité de fait, alors même qu’il a proféré une injure ou une menace punie par la loi française.

Ce jeune de Noisiel, qui fut la victime du raid du mois précédent, a finalement préféré fuir la France. Je le dis très directement : quel échec !

Lorsqu’une victime doit fuir, s’isoler, s’excuser, lorsque certains se sentent moins légitimes ou intégrés parce qu’ils se font quotidiennement insulter ou menacer en ligne en toute impunité, lorsque ceux qui les agressent se sentent ignorés par les autorités et peuvent agir impunément, alors c’est le douloureux syndrome de notre échec et de notre impuissance et c’est, pour nous tous, mais d’abord pour l’État, une lourde responsabilité.

Disons-le encore plus clairement : c’est le rôle premier de la puissance publique de protéger les citoyens. Aujourd’hui, cette protection n’est quasiment pas effective sur internet. Et, à une époque où la demande de protection est forte, si nous, les démocraties, ne sommes pas capables d’apporter à nos concitoyens des gages clairs et tangibles sur notre capacité à faire respecter l’État de droit en ligne comme hors ligne, tout en préservant bien sûr leurs libertés – nous en parlerons durant nos débats –, alors ils opteront pour des solutions plus radicales et voteront pour des régimes plus radicaux. Je le dis autrement : si les seuls pays à savoir réguler ce qui se passe sur internet sont des pays autoritaires, alors les citoyens se tourneront vers des solutions autoritaires !

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