Séance en hémicycle du 17 décembre 2019 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 12 décembre 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-Claude Carle, qui fut sénateur de la Haute-Savoie de 1995 à 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 29 du règlement du Sénat.

Je souhaite appeler l’attention de la Haute Assemblée sur une situation qui me semble tout à fait intenable : les autorités israéliennes viennent d’interdire l’entrée de Jérusalem et de Bethléem aux chrétiens de Gaza. Et alors que des colloques sont organisés de-ci de-là sur la protection des chrétiens d’Orient, absolument rien n’est dit sur cette situation totalement anormale.

Les chrétiens de Gaza se trouvaient déjà dans une situation extrêmement difficile, qui est liée à la situation de Gaza dans son ensemble ; ils sont maintenant discriminés ! Ils ne pourront aller ni à Jérusalem ni à Bethléem pour prier. Si l’on ajoute à cela les travaux menés dans ce que l’on appelle le tunnel de Tsahal à Jérusalem, qui toucheront les immeubles des Églises chrétiennes, la situation est vraiment très grave. Et elle est complètement d’actualité, Noël ayant lieu dans quelques jours.

Nous serions bien inspirés, dans le cadre de la défense des chrétiens d’Orient et de leur protection, d’adopter une motion sur cette situation, pour essayer d’y mettre un terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (projets n° 120 et 119, textes de la commission n° 195 et 196, rapport n° 194, avis n° 183).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être aujourd’hui devant vous pour vous présenter le projet de loi organique et le projet de loi modifiant les lois organique et ordinaire relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Le projet de loi ordinaire proroge en outre le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

Il s’agit, pour l’essentiel, de tirer les conséquences de diverses dispositions législatives adoptées récemment, afin de permettre au Parlement de continuer d’exercer son contrôle sur le pouvoir de nomination du Président de la République prévu à l’article 13, alinéa 5, de la Constitution. En effet, en vertu de cet article, le Président de la République nomme « aux emplois civils et militaires de l’État ».

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété cet article d’un cinquième alinéa renvoyant au législateur organique la détermination des « emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».

Ce droit de veto sur certaines nominations décidées par le chef de l’État est une avancée démocratique majeure, pour laquelle il faut rendre hommage au Constituant de 2008 et au législateur organique de 2010.

Il est désormais bien ancré dans notre Ve République que les nominations par décret du Président de la République à des emplois se caractérisant par leur importance, soit pour la garantie des droits et libertés, soit pour la vie économique et sociale, doivent faire l’objet d’un avis préalable des commissions permanentes compétentes des deux assemblées parlementaires. Cette nomination ne peut se faire que lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

Au fil du temps, le législateur organique a eu à compléter la liste prévue par l’article 13, alinéa 5, de la Constitution. Aujourd’hui, ce sont 52 autorités administratives indépendantes (AAI), établissements publics ou entreprises publiques dont les principaux responsables font désormais l’objet d’un tel contrôle parlementaire. Loin d’être une formalité, ces auditions sont un temps politique et, même si le droit de veto n’a jamais encore été mis en œuvre, elles sont l’occasion pour les commissions d’examiner les compétences des personnes proposées.

Ces auditions sont publiques et font l’objet d’un avis public : elles permettent de lancer le mandat de la personne désignée, de lui donner un élan particulier avec une légitimité particulière.

Des réformes importantes adoptées ces derniers mois requièrent d’actualiser les lois organique et ordinaire de 2010.

Les textes que le Gouvernement vous a présentés, mesdames, messieurs les sénateurs, tirent la conséquence de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, qui transforme au 1er janvier 2020 le groupe public ferroviaire constitué de trois établissements publics industriels et commerciaux, ou EPIC, en groupe public unifié composé de la société nationale SNCF et de ses filiales directes et indirectes, notamment SNCF Voyageurs et SNCF Réseau. À ce propos, des désaccords subsistent encore sur la gouvernance de l’ensemble, comment ont semblé le montrer vos débats en commission.

Vous le savez, l’ambition de la loi Nouveau pacte ferroviaire était de normaliser la gouvernance du groupe SNCF. Elle le fait, notamment, en ne prévoyant aucune disposition, dans la loi elle-même ou dans l’ordonnance prise sur son fondement, qui fige le cumul ou la dissociation des fonctions de président et de directeur général pour la SNCF ou pour SNCF Réseau.

C’est pourquoi prévoir la nomination par décret de trois ou quatre dirigeants d’un même groupe, ce que le texte que vous avez adopté en commission prévoit, me semble-t-il, ne semble pas nécessairement de nature à normaliser l’entreprise.

J’ajoute que cette solution est contraire au droit commun des sociétés à participation publique, qui prévoit que seul le directeur général ou, lorsque les fonctions ne sont pas dissociées – cela pourra très bien être le cas à la SNCF –, le président-directeur général d’une société détenue directement à plus de 50 % par l’État, est nommé par décret du Président de la République.

Les ajouts de la commission des lois du Sénat sont probablement motivés par la volonté de garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure.

Certes, nous partageons cette volonté, mais l’ordonnance prise sur le fondement de la loi Nouveau pacte ferroviaire répond déjà à ces inquiétudes, en prévoyant que la nomination, le renouvellement et la révocation du directeur général de SNCF Réseau resteront soumis à l’avis conforme de l’Autorité de régulation des transports (ART), spécifiquement chargée de la régulation du secteur.

Je tiens d’ailleurs à signaler que le président du directoire de Réseau de transport d’électricité (RTE) n’est pas non plus nommé par décret du Président de la République et qu’il n’est pas auditionné par les assemblées.

En revanche, sa candidature est bien « validée » en amont par le régulateur, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ce qui a toujours été considéré comme suffisant sur le plan juridique pour assurer l’indépendance de la société à l’égard de la société mère EDF. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions lors de la discussion des amendements.

Les textes que nous examinons tirent également la conséquence de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte », qui prévoit la privatisation de la Française des jeux (FDJ). Cette privatisation est désormais effective ; du reste, elle a été un grand succès populaire. L’argent issu de cette privatisation servira à alimenter le fonds pour l’innovation et l’industrie, qui investira dans la durée dans des technologies de rupture, comme l’intelligence artificielle ou la nanoélectronique.

Ces textes tirent également la conséquence de l’ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard, qui met en place une nouvelle autorité administrative indépendante de régulation du secteur des jeux, l’Autorité nationale des jeux (ANJ). Celle-ci reprend l’intégralité des missions de l’ancienne Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), en étendant son domaine de compétence à l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard, à l’exception des casinos.

Ces textes tirent aussi la conséquence de l’ordonnance du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires, qui remplace l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) par l’Autorité de régulation des transports (ART).

Ils prolongent également les mandats des six membres de la Hadopi, afin d’anticiper les conséquences du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui entend fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Hadopi d’ici au mois de janvier 2021 en un futur organe unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), aux compétences plus étendues.

Les textes dont nous discutons sont essentiellement techniques, de conséquence juridique et d’application pratique.

Je note avec plaisir que la commission des lois du Sénat a approuvé les dispositions des projets de loi initiaux. Elle les a même enrichis, soucieuse de bonne légistique et de cohérence juridique.

Elle a aussi fait preuve d’une certaine constance dans ses convictions, en demandant l’ajout du président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à la liste prévue dans la loi organique de 2010.

À notre sens, cet ajout n’est pas justifié, la CADA ne satisfaisant pas au critère de « l’importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », du fait de son rôle presque exclusivement consultatif. De même, l’ajout du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ne nous paraît pas opportun, cet organisme ayant également un rôle consultatif important.

Le Gouvernement est en revanche pleinement favorable aux autres amendements adoptés par la commission des lois du Sénat.

Je me réjouis des discussions que nous allons avoir sur ces sujets, qui témoignent de la vigueur de notre démocratie et de l’équilibre, toujours changeant, toujours vivant, que celle-ci a su trouver entre deux de ses pouvoirs.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a examiné ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire le 11 décembre dernier. Ils abordent deux sujets distincts : le mandat des membres de la Hadopi et le contrôle, par les commissions parlementaires, des nominations du Président de la République.

Initialement, le Gouvernement présentait ces textes comme un travail d’actualisation, voire de coordination. Le diable se cache toutefois dans les détails, et la commission des lois a adopté treize amendements, afin de corriger certaines maladresses. Elle a surtout rappelé son attachement au contrôle parlementaire sur les nominations aux emplois publics.

Le Gouvernement souhaite prolonger le mandat de six membres de la Hadopi pour une durée d’un an ou de six mois. Il ne veut pas nommer de nouveaux membres, alors que la Haute Autorité devrait fusionner avec le CSA le 25 janvier 2021.

Le Gouvernement souhaite également que l’actuel président de la Hadopi continue son travail de préfiguration, pour bien préparer cette fusion. La commission des lois ne s’est pas opposée à cette disposition, dont la portée reste limitée. L’examen de l’amendement de notre collègue David Assouline permettra d’en débattre de manière plus approfondie.

J’en viens à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Créée par la révision constitutionnelle de 2008, elle permet au Parlement de bloquer une nomination du Président de la République lorsque l’addition des votes négatifs dans les commissions compétentes représente, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés ; c’est ce que l’on appelle parfois les « trois cinquièmes négatifs ».

Cette procédure concerne aujourd’hui 54 emplois, qui présentent une « importance particulière pour les droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation ». Comme l’avait souligné Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois du Sénat, elle permet d’écarter des candidatures de complaisance et de renforcer la transparence des nominations, notamment grâce à l’audition des candidats pressentis.

Depuis 2011, le Parlement s’est exprimé à 110 reprises sur des nominations envisagées par le Président de la République. Il n’a jamais mis en œuvre son pouvoir de veto, ce qui a d’ailleurs conduit le groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle à proposer une modification des règles de blocage.

À six reprises, l’une des commissions compétentes a formulé un avis négatif, marquant son désaccord sur le projet de nomination. Je rappelle notamment l’opposition du Sénat à la nomination d’un membre du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, qui souhaitait, à titre temporaire, cumuler cette fonction avec celle d’ambassadeur de France à Madrid… La plupart d’entre nous s’en souviennent, c’est assez récent.

Le dernier exemple date de la semaine dernière. La commission des affaires économiques du Sénat s’est opposée à la nomination du directeur général de l’Office national des forêts. Il s’en est fallu d’une seule voix pour bloquer la nomination !

Avec ces projets de loi, le Gouvernement propose d’actualiser la liste des nominations soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires.

Certaines dispositions ne soulèvent aucune difficulté, notamment pour changer le nom de l’Arafer, cette instance s’appelant désormais Autorité de régulation des transports. La commission a d’ailleurs poursuivi cet effort de coordination, notamment en actualisant le nom de l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Le Gouvernement propose également de supprimer le poste de P-DG de la Française des jeux de la liste de l’article 13 de la Constitution.

Nous gardons tous en mémoire l’opposition qu’a exprimée le Sénat sur le projet de privatisation de la société. Il s’agit toutefois, en l’espèce, de tirer les conséquences juridiques de ce processus. Depuis le mois de novembre dernier, le capital de la FDJ appartient en majorité au secteur privé. Son P-DG ne peut donc plus être nommé par le Président de la République. Nous y reviendrons tout à l’heure lors de l’examen d’un amendement de Jean-Yves Leconte.

Au-delà de ces aspects techniques, les textes du Gouvernement soulèvent un problème de méthode et un problème de fond, qui dépassent un simple exercice de toilettage.

Sur le plan de la méthode, nous sommes invités à tirer les conséquences de trois ordonnances qui n’ont pas encore été ratifiées, sur des sujets aussi importants que la police des jeux ou l’organisation du réseau de transport. Alors qu’elle réorganise entièrement la SNCF, l’ordonnance du 3 juin 2019 n’a toujours pas été ratifiée, plus de six mois après sa publication. J’espère que le Gouvernement sera capable de s’engager sur un calendrier de ratification, ce qu’il n’a toujours pas fait !

Sur le fond, les projets de loi initiaux conduisaient à un recul, même léger, du contrôle parlementaire sur les nominations aux emplois publics. La commission des lois n’a pas accepté cette évolution, qui serait allée à rebours des efforts accomplis depuis 2009 pour renforcer cette procédure de contrôle et élargir son périmètre.

Je remercie la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et son rapporteur, Didier Mandelli, de l’attention portée à la gouvernance de la SNCF.

Pour la première fois depuis 2010, le Parlement aurait perdu tout droit de regard sur la gouvernance du gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, SNCF Réseau, ce qui n’était pas acceptable. SNCF Réseau doit, au contraire, bénéficier de garanties d’indépendance suffisantes, pour éviter toute discrimination entre les entreprises de transport, dont SNCF Voyageurs.

En conséquence, le texte de la commission soumet au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution le président du conseil d’administration et le directeur général de la société nationale SNCF, mais également celui de SNCF Réseau.

Dans la même logique, la commission des lois a ajouté deux fonctions à la liste des nominations soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires : le président de la Commission d’accès aux documents administratifs et le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Nous avons travaillé de conserve avec Jean-Yves Leconte pour obtenir ce résultat, qui me semble très satisfaisant.

La mission de l’OFII en matière d’accueil des demandeurs d’asile et des immigrés s’est fortement affirmée au cours des dernières années.

Pour la seule année 2018, l’OFII a organisé le premier accueil de 109 783 demandeurs d’asile. Il a également conclu 97 940 contrats d’intégration républicaine, qui permettent aux étrangers d’accéder à des formations linguistiques, donc de mieux s’intégrer à la société française.

L’importance de la CADA n’est plus à démontrer. Cette instance joue un rôle essentiel dans la garantie, pour chaque citoyen, d’accéder aux documents administratifs. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a même étendu ses missions, lesquelles couvrent désormais la publication en open data des documents administratifs et la réutilisation d’informations publiques.

Le Sénat a toujours été très attentif au bon fonctionnement de la CADA, comme le montre le rapport d’information de 2014 de notre ancienne collègue Corinne Bouchoux, fait au nom de la mission commune d’information sur l’accès aux documents administratifs et aux données publiques, que présidait à l’époque Jean-Jacques Hyest.

Nous souhaitons donc vous interpeller, monsieur le secrétaire d’État, sur la situation de cette autorité administrative indépendante, qui n’arrive plus à faire face au volume et à la complexité des demandes reçues.

En 2018, la CADA a été saisie de 5 867 demandes d’avis. En moyenne, chaque dossier a été traité en 128 jours, alors que la loi fixe un délai théorique de 30 jours. Une fois la décision de la CADA rendue, les citoyens doivent encore attendre deux mois pour obtenir une réponse de l’administration et, le cas échéant, pour se porter devant le tribunal administratif. C’est un véritable labyrinthe !

En commission, nombre de collègues ont également mentionné les élus d’opposition, qui, dans leurs assemblées, ne parviennent pas à obtenir des documents dans les temps. De l’aveu même de son président, la CADA ne peut plus continuer ainsi. Son « stock d’affaires » s’élève actuellement à 1 800 dossiers, ce qui correspond à environ quatre mois d’activité.

Quelles solutions envisagez-vous, monsieur le secrétaire d’État, pour mettre fin à cette situation, alors que les citoyens sollicitent de plus en plus l’accès aux documents administratifs ? Il s’agit, vous l’aurez compris, d’un sujet essentiel pour le Sénat.

Plus globalement, nous regrettons l’attitude du Gouvernement qui a déposé tardivement sept amendements visant à revenir sur les amendements de la commission des lois. Une telle attitude ne semble pas respectueuse ni du Sénat ni du principe de contrôle parlementaire.

Mes chers collègues, sous réserve de ce point de vigilance, la commission des lois vous propose d’adopter le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, ainsi modifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme ferroviaire, que nous avons adoptée il y a près d’un an et demi, prévoit une évolution profonde de la gouvernance de la SNCF, qui passera au 1er janvier 2020 du statut de groupe public ferroviaire constitué d’EPIC à celui de groupe public unifié constitué de sociétés anonymes. Cette évolution doit être précisée par ordonnance.

Or cette ordonnance, publiée au mois de juin dernier, n’a pas été ratifiée par le Parlement, et aucun calendrier de ratification ne m’a été communiqué. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous en dire plus sur le calendrier de ratification envisagé ?

En outre, l’Autorité de régulation des transports a émis de sérieuses réserves sur son contenu, en particulier sur l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau. Elle a d’ailleurs réitéré ses craintes dans son récent avis sur les projets de décrets statutaires des sociétés du futur groupe public unifié.

Les projets de loi organique et ordinaire que nous examinons aujourd’hui entendent pourtant tirer les conséquences des dispositions de cette ordonnance.

Au-delà de cette méthode, que je qualifierais de discutable, ces textes conduiraient à affaiblir le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF, puisqu’ils prévoient de remplacer les trois auditions actuellement prévues par une unique audition du directeur général de la société nationale SNCF maison mère. Or l’évolution de la gouvernance du groupe ne saurait justifier de restreindre ainsi le droit de regard du Parlement sur de telles nominations.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis de ce texte et a entendu, avec l’avis favorable de la commission des lois, conforter le contrôle parlementaire sur la nomination des dirigeants de la SNCF, selon trois axes.

Tout d’abord, la commission a veillé à maintenir la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution pour la nomination du dirigeant de SNCF Réseau, qui est prévue depuis 2010 et que le projet de loi organique tendait pourtant à supprimer.

Or avoir choisi de maintenir une structure verticalement intégrée justifie à plus forte raison d’encadrer la nomination du dirigeant de la société SNCF Réseau. Aussi, en raison du rôle central que jouera le gestionnaire d’infrastructure dans l’accès au réseau et a fortiori dans la perspective de l’ouverture à la concurrence, la commission a-t-elle été soucieuse de garantir l’audition de son directeur général par les commissions compétentes du Parlement.

Ensuite, étant donné que la possibilité sera laissée au conseil d’administration de la société mère et de la filiale SNCF Réseau de dissocier la direction générale de la présidence du conseil d’administration et en raison du rôle important que jouera le président du conseil d’administration dans chacune de ces sociétés, notre commission a souhaité les soumettre à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.

À ce titre, je rappelle les termes de l’exposé des motifs de la loi organique du 4 août 2014 relative à la nomination des dirigeants de la SNCF, texte déposé par les députés dans le cadre de l’examen du projet de loi portant réforme ferroviaire de 2014. En effet, ils sont toujours d’actualité :

« Il est impératif que les processus de nomination des dirigeants du futur groupe public ferroviaire continuent de se dérouler sous le regard des parlementaires. Nul ne comprendrait ni n’admettrait que la réforme soit l’occasion de soustraire ces personnalités à un contrôle qui constitue une avancée unanimement reconnue de la démocratie. »

Enfin, un amendement au projet de loi ordinaire vise à soumettre la nomination du président du conseil d’administration de la société SNCF Réseau à l’avis conforme de l’ART, alors que l’ordonnance ne réserve cette procédure qu’au directeur général ou, le cas échéant, au président-directeur général. Les choix en matière de gouvernance et les modalités de nomination des dirigeants du groupe contribuent en effet à garantir cette indépendance.

Aussi, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs et alors même que le régulateur et les nouveaux entrants ont exprimé de vives inquiétudes, il est essentiel de veiller à garantir les conditions d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure.

En conclusion, les amendements adoptés par la commission des lois, sur proposition de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, visent à renforcer le contrôle du Parlement et du régulateur sur les nominations des dirigeants du groupe public unifié.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à légiférer sur un double sujet : d’une part, l’actualisation de la liste des nominations du Président de la République soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires, conformément à la procédure dite « des trois cinquièmes négatifs », ce qui représente 54 emplois aujourd’hui ; d’autre part, la prorogation du mandat de six membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

Il est également procédé à des changements d’intitulé. Ainsi, l’Autorité de régulation des jeux en ligne devient l’Autorité nationale des jeux et l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières devient l’Autorité de régulation des transports.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat a fait œuvre utile, en premier lieu, en précisant que la prolongation des mandats des membres de la Hadopi concernerait les membres titulaires de cette instance, mais également leurs suppléants, en second lieu, en prenant acte du changement d’intitulé de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Arcep, et de la Banque publique d’investissement, ou Bpifrance.

La commission des lois a également souhaité intégrer le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ainsi que le président de la Commission d’accès aux documents administratifs à la liste des emplois concernés par cette procédure de contrôle.

Nous n’avons a priori aucun préjugé défavorable quant au nombre de désignations devant être opportunément soumises au contrôle du Parlement. Encore faut-il que l’OFII, en sa qualité d’organisme consultatif, s’inscrive, en droit, dans le champ de l’article 13 de la Constitution, ce dont nous pouvons légitimement douter.

Par ailleurs, l’effervescence suscitée par les modalités de nomination des dirigeants de la société nationale SNCF et de SNCF Réseau semble inversement proportionnelle à l’intérêt de cette affaire. En effet, en l’état, le régime commun des sociétés à participation publique prévoit que seul le mandataire social d’une société directement détenue à plus de 50 % par l’État est nommé par un décret du Président de la République.

Nous sommes également dubitatifs s’agissant de la réaction de principe consistant à dire que ce véhicule législatif préjugerait, en toute hypothèse, de processus de ratification ultérieurs : si nous en comprenons la rentabilité politique, la logique juridique semble nous échapper.

Politiquement, il peut être en effet avantageux de soupçonner autre chose qu’un texte de coordination. Juridiquement, en revanche, c’est sans doute un peu cavalier : les ordonnances, quoiqu’elles soient dépourvues de valeur législative, produisent d’ores et déjà leurs effets administratifs et sollicitent, par ce fait même, un certain nombre de coordinations. Il ne faut donc y voir aucun blanc-seing ou négation du contrôle parlementaire.

Au reste, les dispositions présentées dans ces projets de loi restent circonscrites à un champ normatif très limité et n’appellent pas d’observation particulière de notre part, exception faite, peut-être, de notre souhait de voir figurer, en bonne place, une réelle rationalisation de cette nébuleuse infiniment complexe que sont les autorités administratives indépendantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

M. Bernard Buis. Ces réserves formulées, nous nous abstiendrons a priori sur ces textes modifiés, mais nous attendons les discussions pour valider notre position définitive.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu du projet de loi ordinaire et du projet de loi organique, je tiens à rappeler que notre groupe est opposé à l’article 13 de la Constitution dans sa rédaction actuelle.

Cet article, qui est issu de la révision constitutionnelle de 2008, organise le contrôle du Parlement sur certaines nominations du Président de la République ; au total, 54 postes sont concernés. Il conviendrait plutôt de dire en fait qu’il organise le non-contrôle ou le laisser-faire, tant les conditions permettant au Parlement de s’opposer éventuellement à une nomination sont dissuasives. En effet, à l’instar du référendum d’initiative populaire, également instauré en 2008, ce nouveau droit est extrêmement difficile à mettre en œuvre, tant il comporte de chausse-trapes.

Je rappelle, mes chers collègues, que le texte initial ayant abouti à la révision de 2008 était plus intéressant d’un point de vue démocratique. L’article 4 du projet de loi constitutionnelle n° 820 indiquait : « Le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement ».

La version finale de l’article 13 est bien différente, il faut le rappeler, afin de bien mettre en évidence le contresens démocratique : « Le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. » À ce stade, il ne s’agit que d’un simple avis, nullement impératif.

L’article prévoit ensuite : « Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».

Pour obtenir le rejet d’une nomination, les votes négatifs doivent représenter trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions des deux assemblées. Cette majorité qualifiée rend de toute évidence une telle issue impossible, ou presque, car elle contraint la majorité et l’opposition à être d’accord.

Si l’inverse était vrai, si une majorité des trois cinquièmes était requise pour qu’une nomination soit approuvée, un véritable consensus serait alors exigé et l’opposition aurait un réel pouvoir de contrôle. Nous avions, comme d’autres, proposé un tel dispositif en 2008, mais il a été refusé.

Ce rappel était nécessaire pour souligner l’inanité de l’exercice législatif que le Gouvernement nous propose aujourd’hui.

Peut-on cautionner plus longtemps un tel dispositif, qui, de fait, permet au chef de l’État d’avoir quasiment les mains libres en matière de nomination ? Nous ne le pensons pas.

Un véritable pouvoir de contrôle, assorti de moyens d’influer sur la réalité et d’une véritable transparence, est devenu un impératif démocratique, tant la critique contre les institutions devient forte, comme nous pouvons le noter à l’occasion de la désastreuse affaire Delevoye.

Comment ne pas faire le lien entre ces remarques et la légèreté, pour ne pas dire le peu de respect, qui conduit le Gouvernement à proposer d’adapter la liste prévue par la loi organique, afin de prendre en compte la nouvelle gouvernance de la SNCF à la suite de la modification de ses statuts ? En effet, cela a été dit, cette nouvelle gouvernance est prévue dans une ordonnance, laquelle n’a pas encore été ratifiée.

M. Mandelli, rapporteur pour avis, l’a indiqué clairement en commission : « Les dispositions relatives à la nouvelle gouvernance du groupe ont été précisées dans une ordonnance de juin 2019, qui n’a pas été ratifiée par le Parlement et qui fait par ailleurs l’objet de nombreuses réserves. Je constate donc qu’il nous est aujourd’hui demandé de nous prononcer sur des textes entérinant des choix sur lesquels nous n’avons pas eu l’occasion de débattre ».

Si cette remarque est judicieuse, je rappellerai néanmoins que nous sommes bien souvent seuls sur les travées du groupe CRCE à contester la multiplication du recours à la pratique des ordonnances !

Je partage le souhait des deux commissions d’adapter le contrôle de la gouvernance de la SNCF. Je m’interroge toutefois sur vos motivations profondes, mes chers collègues, car l’un de vos premiers soucis semble être d’écarter toute gêne dans la mise en œuvre de la politique d’ouverture à la concurrence.

Cette remarque vaut également pour la Hadopi. Dans ce cas également, on nous propose de légiférer alors qu’un texte est en cours d’élaboration. La virtualité devient une composante de notre travail de législateur !

Enfin, nous comprenons qu’il soit logique de ne plus contrôler la gouvernance de la Française des jeux, qui vient d’être privatisée. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, l’État étant appelé à jouer un rôle important dans l’organisation de la Française des jeux, n’était-il pas justifié de conserver un contrôle sur sa gouvernance ?

Quel symbole tout de même ! Cette disposition montre bien le dessaisissement de la Nation. Le Parlement ne contrôlera plus la nomination des dirigeants de la FDJ. Le marché s’en chargera bien évidemment, avec ses propres objectifs.

Ces projets de loi organique et ordinaire sont donc loin d’être anecdotiques. Ils sont dans l’air du temps – un air assez mauvais. L’heure est à la mise à l’écart du Parlement, à une présidence de la République toute-puissante, à un marché profitant à plein régime de ces défaillances démocratiques.

Pour toutes ces raisons, malgré tel ou tel aménagement proposé par les commissions, qui peut avoir son utilité, nous en sommes conscients, nous voterons contre ces projets de loi, sur leur principe, lequel sera, à n’en pas douter, clairement réaffirmé par l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

MM. Jean-Pierre Decool et Philippe Bonnecarrère applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux textes que nous examinons cet après-midi prévoient d’actualiser la liste des nominations par le Président de la République qui sont soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires et à prolonger le mandat de six membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le Parlement dispose d’un pouvoir de veto sur certaines nominations effectuées par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », comme le prévoit le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Ces nominations sont soumises à l’avis préalable des commissions compétentes de chaque assemblée. Le Président de la République doit y renoncer lorsque l’addition des votes négatifs représente, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Cette procédure de contrôle repose sur deux piliers juridiques : la loi organique du 23 juillet 2010, qui dresse la liste des 54 emplois concernés, et la loi ordinaire de la même date, qui précise la procédure applicable, ainsi que les commissions compétentes.

Un tel contrôle parlementaire apparaît indispensable. En effet, l’avis préalable des commissions parlementaires présente un double intérêt. D’une part, il renforce le contrôle des nominations par le Président de la République ; d’autre part, il garantit la transparence de ces nominations, notamment grâce à l’audition des candidats pressentis.

Si la liste des emplois relevant du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a été modifiée à treize reprises depuis 2009, elle n’a toutefois jamais fait l’objet d’un toilettage complet de la part du législateur.

Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui nous sont soumis aujourd’hui visent à actualiser cette liste, notamment pour tirer les conséquences de mesures prises par des ordonnances récentes.

Les mandats de six membres de la Hadopi seraient prolongés jusqu’au 25 janvier 2021, dont ceux du président du collège et de la présidente de la commission de protection des droits. Le Gouvernement ne souhaite pas nommer de nouveaux membres d’ici à cette date, alors que le futur projet de loi sur l’audiovisuel devrait prévoir la fusion de la Hadopi et du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Si le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire sont présentés comme des textes de coordination, ils soulèvent toutefois une difficulté de fond, car ils conduisent à un léger recul du contrôle parlementaire sur les nominations aux emplois publics. Cette question a encore fait l’objet de discussions en commission des lois ce matin.

Ainsi, au total, 51 emplois resteraient soumis à l’avis préalable des commissions compétentes, contre 54 aujourd’hui. Cette évolution irait à rebours des efforts consentis depuis 2009 pour renforcer cette procédure de contrôle et élargir son périmètre.

Dans ce contexte, je me félicite donc que la commission des lois ait consolidé les dispositifs existants. Elle a notamment précisé que la prolongation des mandats des membres de la Hadopi concernerait les membres titulaires, mais également leurs suppléants.

Elle a également pris acte du changement de nom de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et de la Banque publique d’investissement, Bpifrance, que chacun de vous connaît, mes chers collègues.

De même, je me félicite de l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a prévu de soumettre quatre dirigeants de la SNCF à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Dans le même esprit, je suis heureux que la commission des lois ait souhaité que le Parlement se prononce sur la nomination, par le Président de la République, du président de la commission d’accès aux documents administratifs, ainsi que du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dont la mission s’est fortement affirmée au cours des dernières années.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il apparaît particulièrement important de préserver le contrôle parlementaire sur certaines nominations aux emplois publics – certainement pas toutes, afin d’éviter les lourdeurs qui s’ensuivraient. Aussi, le groupe Les Indépendants votera en faveur de ces textes, tels qu’ils ont été modifiés et enrichis en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique prévoyant de modifier la liste des nominations auxquelles procède le Président de la République, en application de l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution.

Cette procédure de nomination, instaurée en 2008, a constitué une évolution, malgré les réserves qu’a exprimées notre collègue Éliane Assassi – avant cette date, les nominations n’étaient pas discutées au Parlement –, même s’il est difficile de parler d’un droit de veto. Il faut en effet qu’une candidature recueille plus de 60 % de votes négatifs au sein des deux commissions des deux assemblées pour que le Président de la République essuie un refus, ce qui, jusqu’à présent, ne s’est jamais produit, même si l’on n’est pas passé loin dans certains cas.

En tout état de cause, cette procédure est un moyen d’échanger avec le candidat, de connaître sa personnalité et ses orientations, et de renforcer le contrôle parlementaire, au moins lors des discussions. Cette procédure va donc dans le bon sens.

Cela étant, force est de constater que, dans la pratique, il est compliqué de dépasser 60 % d’avis négatifs, compte tenu de la composition du Sénat et de l’Assemblée nationale. La procédure mérite donc d’être revue. En effet, lorsque nous auditionnons une personnalité dont la nomination est proposée par le Président de la République, nos échanges ont plus à voir avec une conversation inspirée et sympathique qu’avec un réel contrôle.

À cet égard, je rappelle qu’il est arrivé qu’une personnalité dont la candidature avait été validée par la commission des lois n’occupe finalement pas le poste auquel elle était nommée à la suite des révélations d’un hebdomadaire paraissant le mercredi… Force est de reconnaître que nos contrôles ont une portée limitée.

De plus, les lois organique et ordinaire limitent les questions qu’il nous est possible de poser et l’obligation de répondre des personnes auditionnées.

Nous avons donc déposé des amendements tendant à faire évoluer cette pratique, afin que nos échanges avec les personnes auditionnées puissent être non pas une simple conversation, mais un véritable exercice de contrôle.

Je remercie le rapporteur de la commission des lois d’avoir permis une convergence de vue sur l’évolution de la liste des emplois publics soumis à cette procédure de nomination. Je pense ici au poste de président de la CADA et de directeur général de l’OFII.

La CADA, cela a été rappelé, est une instance particulièrement importante, qui assure la transparence des données de l’administration et met en œuvre l’open data. Elle est donc absolument indispensable pour établir la confiance entre le citoyen et l’administration.

Compte tenu de l’évolution du rôle que joue la CADA, du nombre et du type de questions qui lui sont posées, des échanges plus fournis avec le candidat à sa présidence, en particulier sur les orientations qu’il souhaite donner à cette institution, seraient justifiés. Il nous faudra revenir sur ce sujet, car l’évolution des demandes envoyées à la CADA suscite des interrogations.

Monsieur le secrétaire d’État, l’OFII n’est pas juste un organisme consultatif : il est essentiel pour l’accueil des demandeurs d’asile et pour notre politique d’intégration. Pour assurer une bonne mise en œuvre de cette politique, il est important que les commissions parlementaires concernées puissent avoir des échanges avec les personnes nommées à la tête de cette institution.

Logiquement – hélas ! –, le texte retire la Française des jeux de la liste des entreprises et des institutions dont les dirigeants sont soumis à cette procédure de nomination. À cet égard, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit notre collègue Éliane Assassi. Comme elle, je déplore que l’intérêt privé prévale sur l’intérêt général.

Je rappelle que le Loto a été créé pour venir en aide financièrement aux invalides de guerre. Or ce n’est plus du tout la philosophie dans laquelle nous nous inscrivons aujourd’hui. Confier l’exercice d’un monopole à une entreprise privée et supprimer le contrôle de l’État sur la nomination de son dirigeant constituent tout de même une démission difficile à accepter. Nous avons donc déposé un amendement tendant à supprimer cette disposition.

Tout a été dit sur la gouvernance de la SNCF. Bien entendu, la nomination des dirigeants de SNCF Réseau, qui est essentiel pour l’aménagement du territoire et pour la transition écologique, mérite aussi des échanges directs avec le Parlement. Nous soutiendrons bien entendu les propositions de nos commissions sur ces questions.

Enfin, se pose une question démocratique : pourquoi ces textes nous sont-ils soumis aujourd’hui ? On nous propose de prendre en compte les conséquences d’ordonnances qui n’ont pas été ratifiées ou d’anticiper l’adoption d’un projet de loi qui n’a pas encore été discuté !

Je veux bien que l’on fasse preuve de pragmatisme et qu’on se dise que, finalement, tout cela sera sans grandes conséquences. Dans le cas de la Française des jeux, je le comprends, compte tenu ce qu’il s’est passé au Parlement, même si on le déplore – quand on est un groupe minoritaire, on sait jusqu’où on peut aller.

En revanche, préjuger du sort d’un projet de loi, même s’il s’agit en grande partie de transposer une directive européenne, ce n’est pas correct, monsieur le secrétaire d’État. Le Gouvernement a, à l’évidence, un problème d’agenda parlementaire.

Pourquoi nous soumettre aujourd’hui un texte visant à prolonger les mandats des membres de la Hadopi et avoir anticipé l’adoption par le Parlement de la fusion de la Hadopi et du CSA ? Pourquoi ne pas avoir plutôt procédé d’abord à la transposition de la directive européenne, ce qui aurait permis au Parlement de discuter ensuite de la fusion du CSA et de la Hadopi, avant de nous proposer de tirer les conséquences de cette fusion ?

Il y a donc bien, et M. le rapporteur l’a signalé, un réel problème démocratique. Monsieur le secrétaire d’État, il semblerait que le Gouvernement auquel vous appartenez considère que les assemblées sont des chambres d’enregistrement et que le dépôt d’un projet de loi en conseil des ministres vaut adoption par le Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Or, entre ces deux étapes, il convient tout de même de respecter certaines procédures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

De la même manière, vous pouvez être habilité à légiférer par ordonnances, monsieur le secrétaire d’État, mais vous ne pouvez pas nous demander de tirer les conséquences législatives d’une ordonnance n’ayant pas été ratifiée ! L’ordre n’est pas le bon…

La question qui se pose désormais est la suivante : doit-on faire preuve de pragmatisme et tirer les conséquences d’ordonnances qui ne renversent pas la République, ou rester ferme sur les principes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Quoi qu’il arrive, nous aurions préféré que vous ne préjugiez pas de l’avis du Parlement sur un certain nombre de textes.

Cela étant, compte tenu des apports du rapporteur sur ces textes, et vous pouvez l’en remercier, s’agissant en particulier de la CADA, de l’OFII, de la gouvernance de la SNCF et du contrôle parlementaire sur SNCF Réseau, nous voterons ces textes, tels qu’ils ont été modifiés par la commission, en espérant que le Sénat adoptera nos amendements visant à instaurer un contrôle un peu plus strict et précis des nominations et des auditions un peu plus incisives et exigeantes des candidats.

Enfin, je le répète, nous regrettons, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement préjuge du vote du Parlement en nous présentant ces textes avant ceux que nous venons d’évoquer.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Bruno Sido applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2008, l’introduction d’un cinquième alinéa à l’article 13 de notre Constitution fut l’une des innovations destinées à « reparlementariser » nos institutions, selon l’expression du constitutionnaliste Jean Gicquel.

D’inspiration américaine, cette disposition visait à étendre le contrôle des assemblées à certaines nominations au sein de l’administration qui sont effectuées par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Ce contrôle a également été introduit au moment où l’activité administrative se recomposait. C’est en grande partie la conséquence de l’influence du droit de l’Union européenne, qui a entraîné la prolifération d’autorités de régulation du secteur économique, afin de réduire au strict minimum les interférences entre la sphère politique et la sphère économique, dans une stricte logique libérale.

Les pouvoirs autrefois dévolus à des services placés sous l’autorité de ministres sont donc à présent confiés à des autorités administratives à géométrie variable, qu’elles prennent la forme d’autorité administrative indépendante ou d’agence.

Comme l’avait noté notre ancien collègue Jacques Mézard dans un rapport qui continue de faire référence, leur indépendance à l’égard du politique varie d’une autorité à l’autre, malgré les tentatives de simplification. Dans tous les cas, elle soulève un problème de responsabilité et de faculté à rendre compte de ses actes devant les représentants de la Nation, comme autrefois les ministres sous l’autorité desquels ces actes étaient pris.

Dans ce contexte, il était devenu impératif d’associer le Parlement à ces nominations, ainsi qu’à celles aux fonctions de direction des autorités chargées de la défense des droits et libertés de nos concitoyens, afin qu’il puisse jouer son rôle de contre-pouvoir, même a minima.

Si les projets de loi qui nous sont aujourd’hui soumis visent essentiellement à actualiser la liste des emplois publics soumis à la procédure prévue à l’alinéa 5 de l’article 13, comme il est expliqué dans leurs exposés des motifs, il convient de ne pas perdre de vue l’esprit de ce dispositif.

Dans le détail, en effet, les dispositions proposées par le Gouvernement s’inscrivent dans la continuité de récentes réformes de différents secteurs économiques, anticipant même parfois leur entrée en vigueur. Les plus fins juristes de cette assemblée ont déjà évoqué les limites juridiques d’une telle impatience… Attention à ne pas réduire la ratification d’une ordonnance à une simple formalité ! Je n’y reviendrai pas.

Certaines des modifications proposées ont une faible portée et visent parfois à procéder à de simples coordinations. Je pense au remplacement de l’Arafer par la nouvelle Autorité de régulation des transports dans la liste par exemple…

Comme l’a souligné notre rapporteur, d’autres modifications sont plus problématiques, car elles réduisent le champ du contrôle exercé par le Parlement et s’inscrivent à rebours de l’Histoire.

C’est le cas des nominations au sein de la SNCF, à la suite de la transformation du groupe national ferroviaire. Nous accueillons donc avec beaucoup de satisfaction les modifications introduites en commission, lesquelles visent à maintenir un droit de regard minimal des élus de la Nation sur le fonctionnement interne de ces structures d’intérêt national.

De la même manière, nous nous félicitons que la nomination du président de la CADA soit soumise à la procédure de l’article 13.

Nous souhaiterions par ailleurs ouvrir le débat sur deux questions.

Nous avons tout d’abord déposé un amendement visant à proposer l’intégration de la direction générale de l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information à la liste.

L’importance de la mission de cette autorité, tant pour la vie économique de la Nation que pour la garantie des droits et des libertés en ligne de nos concitoyens, ne fait aucun doute. L’Agence joue ainsi un rôle d’information auprès de nos entreprises, mais également de nos administrations, afin de les protéger de tentatives d’ingérence extérieures.

Pour que le Parlement puisse donner son avis sur la nomination de son directeur général, il faut modifier son mode de désignation. Alors qu’il est actuellement désigné par le Premier ministre, il faut qu’il soit désormais nommé par le Président de la République, toujours sur proposition du Premier ministre.

Nous souhaitons ensuite engager un débat sur la nature du contrôle exercé par nos commissions, afin de le rendre plus effectif. Il s’agit d’un vaste sujet, qui agite les théoriciens du droit, mais qui a également mobilisé le Conseil d’État, lequel a, en 2017, rejeté une requête du président du Sénat tendant à l’annulation d’une nomination. La décision des juges de la place du Palais royal contraint désormais les commissions parlementaires à se prononcer dans un délai raisonnable de huit jours.

Par ailleurs, le groupe du RDSE a déjà pris position en faveur d’une inversion de la règle d’opposition aux trois cinquièmes, mais il s’agit là d’un débat constitutionnel.

Pour ce qui nous concerne aujourd’hui, et dans la continuité de nos travaux précédents, nous proposons d’aborder ce sujet par la question du contenu du contrôle effectué, en prévoyant notamment, dans le projet de loi organique, que celui-ci a particulièrement pour objet de lutter contre les cumuls et de prévenir les conflits d’intérêts.

De façon générale, nous serons particulièrement attentifs à toutes les initiatives destinées à renforcer la qualité de ce contrôle, afin de le rapprocher davantage de celui effectué dans d’autres démocraties, comme les États-Unis.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous procédons aujourd’hui au toilettage de la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

D’une certaine manière, il s’agit d’un débat original, car il est essentiellement technique, malgré de modestes aspects politiques. Telle est la règle du jeu : il arrive qu’il y ait un décalage entre le sujet inscrit à notre ordre du jour et les préoccupations qu’exprime au même moment l’ensemble de la société. Certains sujets importants doivent néanmoins être traités.

Pour en revenir aux textes inscrits à notre ordre du jour, notre groupe apprécie tout particulièrement les évolutions qui ont été permises par l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution, lequel définit les conditions dans lesquelles le Président de la République procède à certaines nominations, après avis des assemblées, selon des modalités de majorité qui ont été rappelées.

Pour notre part, nous sommes bien sûr favorables à tout ce qui va dans le sens de la transparence du processus de nomination.

Cette procédure de nomination est un élément important du contrôle du Parlement et, plus généralement, une évolution de la société. Elle permet de vérifier les compétences des personnes nommées, mais aussi d’évaluer les missions qui leur sont confiées. Ceux qui ont participé à ce type d’auditions le savent – c’est le cas de la quasi-totalité d’entre nous –, elle permet surtout, au-delà de la question du CV, de vérifier la pertinence des objectifs des candidats au regard des enjeux à traiter.

Cette procédure intervient en parallèle des efforts effectués dans d’autres domaines. Selon moi, le niveau local et le niveau national ne peuvent être dissociés. Tout ce qui, à l’échelon local, permettra, par exemple, la certification des comptes des collectivités contribuera à la transparence.

Par ailleurs, le « toilettage » de la loi organique et de la loi ordinaire ne justifie pas de très longues considérations. Le nombre d’emplois visés au cinquième alinéa ne me paraît pas essentiel. Que la liste comprenne 51, 54 ou 56 emplois ne me paraît pas revêtir une valeur symbolique particulière.

En revanche, l’extension, proposée en commission des lois et par les rapporteurs pour avis, de la procédure de nomination aux dirigeants de la CADA et de l’OFII me paraît de bon sens, compte tenu de l’importance des fonctions qu’ils exercent, mais également de la nature mixte de leur activité, laquelle est à la fois technique et très politique.

La gestion des migrations dans notre pays et les conditions d’intégration des demandeurs d’asile ne sont pas de minces sujets. Il serait étonnant de les traiter uniquement comme des questions techniques. Il nous paraît donc rationnel d’appliquer aux dirigeants de ces structures la procédure prévue à l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution.

Je ne partage pas l’enthousiasme de certains quant à l’ajout de l’Anssi, qui est un service du Premier ministre. Il me paraît quelque peu curieux d’imaginer la transformation d’une structure touchant à l’exercice de la souveraineté nationale en autorité administrative.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont souligné, le véritable sujet pour nous réside dans l’inflation des AAI et dans le processus permanent d’« agencification » du fonctionnement de l’État.

Ce phénomène nous semble tout à fait regrettable. Tout d’abord, cela revient à ôter au Parlement une partie de ses compétences ; mais je ne souhaite pas me livrer à un plaidoyer pro domo ou à une défense de préoccupations corporatistes. D’ailleurs, une telle évolution est surtout dommageable pour le pays : elle nuit à la fois au principe de transparence et au sentiment qu’ont les citoyens d’influer sur le fonctionnement de la société. Quelle vision ces derniers peuvent-ils avoir du contrôle des processus de décision dans notre pays alors qu’il existe plus d’une quarantaine d’AAI et que les agences se multiplient ?

Il nous semble donc extrêmement utile de revenir sur une telle problématique. D’ailleurs, cela fonctionne dans les deux sens. Tout à l’heure, après l’examen du présent projet de loi organique, nous discuterons de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, et nous étendrons à cette occasion les missions d’une AAI, en l’occurrence le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

De tels mouvements ne nous posent donc aucun problème, dès lors qu’il existe des contreparties et que l’on trouve un équilibre entre l’extension des fonctions de régulation confiées à telle ou telle agence et la réduction de leur nombre.

À l’heure où notre pays connaît des troubles, j’insiste sur l’importance de la confiance dans la parole publique : qu’il s’agisse des retraites ou d’autres sujets, c’est bien cela qui est en cause. Notre difficulté, y compris dans le cadre des discussions que nous, parlementaires, avons avec nos concitoyens, est de pouvoir apporter la démonstration que l’exemple vient d’en haut.

À mon sens, le Gouvernement devrait se saisir de la question des agences et des autorités administratives indépendantes. Le Parlement a attiré son attention sur le sujet à plusieurs reprises. Une rationalisation des AAI, une réduction de leur nombre et – parlons en toute franchise – une diminution des moyens qui leur sont affectés seraient, me semble-t-il, de nature à renforcer la lisibilité de l’action publique et la confiance envers la parole publique.

Pour le reste, les dispositions de toilettage qui figurent dans le présent projet de loi organique ne soulèvent aucune difficulté à nos yeux. C’est ce qui justifiera le vote favorable de notre groupe.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion générale commune est close.

Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, du projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 1er de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, il est inséré un article 1… ainsi rédigé :

« Art. 1… – Ces emplois et fonctions s’exercent à temps plein. La liste exhaustive des emplois et fonctions préalablement occupés par la personne nominée est transmise aux commissions permanentes au moment de leur saisine pour avis. »

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Comme nous venons de le souligner dans la discussion générale, le contrôle par les chambres du pouvoir de nomination du Président de la République est encore très timide depuis sa création en 2008.

Il nous paraît nécessaire de muscler la procédure d’avis devant nos chambres parlementaires, afin de s’assurer de la qualité des candidatures proposées aux fonctions déterminantes pour les droits et libertés de nos concitoyens et pour le bon fonctionnement de notre économie. Il s’agit de garantir que cette confirmation ne soit pas perçue comme une simple formalité par les personnes nommées, au point que certaines démissionnent parfois de leurs précédentes fonctions avant même d’avoir entendu l’avis des parlementaires !

Les textes sont assez laconiques. L’article 13 de la Constitution édicte seulement les règles de majorité avec une majorité de blocage de trois cinquièmes, ce que nous avons toujours contesté. L’article 5 de l’ordonnance de 1958 prévoit par ailleurs que le scrutin doit être dépouillé simultanément dans les assemblées. Faute de précision supplémentaire, c’est le Conseil d’État qui décide, comme lors du contentieux qui a opposé le président du Sénat et le Gouvernement en 2017 à propos de la Commission de contrôle du découpage électoral.

Nous sommes donc favorables à une codification et à un renforcement des règles relatives à de tels avis.

Or, compte tenu de problématiques déjà soulevées à maintes reprises, liées à la mobilité des hauts fonctionnaires, nous souhaiterions pour commencer inscrire dans la loi organique que l’audition conduite dans les chambres doit permettre de lever les risques du cumul ou de conflits d’activité, afin que les personnes nommées se dédient pleinement à leurs nouvelles fonctions, sans risque de conflit d’intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Les emplois soumis au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont très divers. Il est difficile d’en déceler l’ossature.

Certaines fonctions ne justifient pas la création d’un emploi à temps plein. Je pense par exemple à la présidence du Haut Conseil des biotechnologies ou à celle de la Commission de contrôle du découpage électoral, qui ne s’est plus réunie depuis 2009.

Par ailleurs, l’amendement est partiellement satisfait par le statut général des autorités administratives indépendantes, qui prévoit que les fonctions les plus importantes sont exercées à temps plein, à l’instar de la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Arcep.

En outre, les commissions reçoivent déjà le CV des candidats pressentis. Il n’y a pas besoin de l’inscrire dans la loi ; cela fonctionne déjà.

Enfin, le dispositif qu’il est proposé d’introduire dans le texte relève de la loi ordinaire, et non de la loi organique.

Pour toutes ces raisons, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Comme M. le rapporteur l’a souligné, il serait excessif de prévoir systématiquement un emploi à temps plein – dans certains cas, ce ne serait pas justifié –, et les commissions reçoivent déjà le CV des personnes concernées. Il paraîtrait donc superfétatoire de prévoir la communication de leur poste précédent.

J’approuve également l’argument de M. le rapporteur selon lequel le texte prévoit le renouvellement d’un certain nombre de fonctions relevant de l’article 13. Il ne s’agit pas en l’occurrence d’un débat de fond, qui pourrait être intéressant par ailleurs, sur la transparence et le contrôle du Gouvernement par le Parlement. Ce n’est tout simplement pas le bon texte pour introduire un tel amendement, me semble-t-il.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Mon amendement est un amendement d’appel. À mon sens, il faudrait vraiment se pencher sur les missions de contrôle que nous pouvons avoir, afin que les assemblées parlementaires ne soient pas de simples chambres d’enregistrement.

Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.

Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La quatorzième ligne est ainsi rédigée :

Autorité de régulation des transports

Présidence

1° bis

2° La seizième ligne est ainsi rédigée :

Autorité nationale des jeux

Présidence

2° bis

Commission d’accès aux documents administratifs

Présidence

3° La trente-cinquième ligne est supprimée ;

3° bis

Office français de l’immigration et de l’intégration

Direction générale

3° ter

4° L’avant-dernière ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Société nationale SNCF

Présidence du conseil d’administration Direction générale

Société SNCF Réseau

Présidence du conseil d’administration Direction générale

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après la huitième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

Direction générale

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Avec la multiplication des outils et des applications numériques, la cybersécurité concerne désormais tous les Français, sauf peut-être ceux qui vivent dans les zones blanches.

Parmi les failles les plus récentes, on a par exemple pu lire que La Poste avait « laissé 23 millions de données d’entreprises en accès libre », via la caisse en ligne Genius.

Ce problème touche également les particuliers. Récemment, le géant Samsung avait recommandé aux utilisateurs de certains de ses téléphones de supprimer leurs empreintes digitales. Et Google a révélé que les failles des iPhone de son concurrent Apple permettaient à des hackers d’accéder aux photos, géolocalisations et données de ses utilisateurs.

L’État est également concerné, puisque 2 000 comptes fiscaux de contribuables auraient été piratés. La protection des systèmes d’information est donc l’affaire de tous. Elle remplit les deux cas de figure prévus au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

C’est pourquoi nous proposons que le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, soit nommé selon ces modalités, afin que les parlementaires puissent s’assurer, avec le Premier ministre et le Président de la République, de la pertinence de son parcours et de son intégrité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je comprends la logique de cet amendement : le directeur général de l’Anssi joue un rôle majeur dans la sécurité et la défense des systèmes d’information.

Toutefois, cet amendement nous paraît très fragile sur le plan constitutionnel. En effet, l’Anssi est un service national à compétence nationale rattaché au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, donc au Premier ministre, qui, responsable de la défense nationale, est chargé de définir la politique gouvernementale en matière de sécurité. Il s’agit donc d’un service administratif, qui n’est pas couvert par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Les dispositions de cet amendement soulèvent également un problème de principe. Le Président de la République nommerait un agent directement placé sous la hiérarchie du Premier ministre. Vous voyez que c’est un peu compliqué…

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information est un service à compétence nationale rattaché à une administration centrale, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN.

Il ne s’agit pas, comme les organismes mentionnés par l’article 13, d’un établissement public, d’une autorité administrative indépendante ou d’une autre personne morale non soumise à l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement.

Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information à rang de directeur d’administration centrale. Sa nomination relève donc du troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, procédure exclusive de celle qui est fixée au cinquième alinéa du même article. Elle est ainsi soumise, par un décret du 24 mai 2016, à une audition préalable par un comité d’audition qui rend un avis sur l’aptitude des candidats entendus à occuper l’emploi à pourvoir.

Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause cette procédure particulière, qui s’applique à tous les directeurs d’administrations centrales.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

L’emploi de président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) n’entre pas dans le périmètre de la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Son action vise principalement à faciliter l’accès aux documents administratifs.

La CADA rend presque exclusivement des avis, qui sont un préalable éventuel à la saisine du juge administratif. Cependant, elle ne dispose pas d’un pouvoir coercitif. Seul le juge administratif est compétent pour enjoindre à l’administration la communication d’un document. Son rôle consultatif, bien qu’incitatif à l’égard de l’administration, est limité dans sa portée. Le pouvoir de sanction dont elle a été récemment investie en cas de violation des règles de réutilisation des informations publiques n’est qu’accessoire à cette activité principale.

La cohérence des emplois et fonctions mentionnés par le cinquième alinéa de l’article 13 s’oppose dès lors à ce que le président de la CADA soit intégré à la liste des emplois et fonctions visés par cette procédure. C’est d’ailleurs la position qui a été retenue lors des débats parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes : l’ajout de la présidence de la CADA avait alors été rejeté.

À nos yeux, aucune circonstance nouvelle ne justifie de revenir aujourd’hui sur une telle position. Le Gouvernement souhaite donc supprimer le président de la CADA de la liste des autorités soumises à cette procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement ayant été déposé en fin de matinée aujourd’hui, la commission n’a pu se prononcer sur son contenu.

Toutefois, il est envisagé de revenir sur un apport de la commission.

Je suis étonné que le Gouvernement minimise le rôle de la CADA, qui joue un rôle majeur dans le droit d’accéder aux documents administratifs. L’argumentaire du Gouvernement relève d’ailleurs d’une interprétation erronée de l’article 13 de la Constitution, qui n’exclut pas les organes consultatifs. Ainsi, la Commission de contrôle du découpage électoral est déjà soumise à cette procédure, alors qu’elle se limite à rendre un avis public ; je renvoie le Gouvernement à l’article 25 de la Constitution.

Il me semble donc préférable que le Gouvernement retire son amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je suis également un peu étonné des arguments du Gouvernement.

Toute autorité administrative indépendante travaille sous le contrôle du juge. La manière dont on évacue ici la capacité de la CADA de rendre des avis qui mériteraient d’être suivis par l’administration me semble tout de même assez inquiétante. Mais elle est cohérente avec les refus que les administrations infligent à des citoyens ayant pourtant reçu des avis favorables de la CADA…

Quoi qu’il en soit, il n’est pas correct de minimiser le rôle de la CADA, voire de tenir un discours incitant presque les administrations à ne pas respecter ses avis. La CADA réalise un travail sérieux de transparence au bénéfice des citoyens.

Il est important de maintenir une telle disposition, qui a été introduite en commission par l’adoption d’un amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Il faut revenir au texte même de l’article 13 de la Constitution.

La transparence et le contrôle du Parlement sur les nominations du Président de la République concernent notamment les postes ayant une importance particulière pour la garantie des libertés publiques.

Or la CADA me paraît typiquement être un organisme concourant à la protection des libertés publiques. C’est une première raison pour soutenir la position de la commission.

J’en vois une deuxième. La situation de la CADA est paradoxale. Alors que celle-ci existe depuis plus de trente ans maintenant, le nombre de demandes qui lui sont adressées ne diminue pas ; il reste considérable. Cela montre bien que notre pays a, d’une manière ou d’une autre, un problème avec la transparence des données publiques. Sachant que les mêmes causes produisent les mêmes effets, je pense qu’il faut favoriser cette transparence.

J’ajouterai un dernier élément, sans entrer dans des considérations trop techniques. Par souci sans doute de précaution, l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement fait référence au « pouvoir essentiellement consultatif » de la CADA.

Cela peut se discuter : la CADA a très clairement un rôle précontentieux. Surtout, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’adverbe « essentiellement » : depuis une quinzaine d’années, dans le cas – bien particulier il est vrai – de réutilisation illégale de données publiques dont l’État a confié l’exploitation par voie de licence, la CADA dispose d’un pouvoir direct de sanction. Mais je préfère oublier cet élément technique : les deux arguments de fond sont évidemment bien plus importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Le rôle du Parlement est de contrôler les politiques publiques. Et quand des ministres refusent de nous envoyer des pièces nous permettant d’exercer un tel contrôle, nous, parlementaires, sommes obligés de nous adresser à la CADA, comme n’importe quel usager du service public.

Je l’ai fait très récemment. La CADA m’a répondu qu’elle aurait donné droit à ma demande et transmis le document sollicité si j’avais été un usager du service public… Mais comme je suis un parlementaire, elle ne l’a pas fait, se refusant d’arbitrer un conflit entre le Parlement et le Gouvernement.

Nous avons le sentiment que vous considérez déjà la CADA comme un organe totalement consultatif. C’est très regrettable. Je ne vois pas comment nous, parlementaires, allons pouvoir effectuer notre travail si l’on nous empêche d’accéder aux pièces des administrations.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 1, présenté par MM. Leconte et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement vise à inclure la nomination de la présidence-direction générale de la Française des jeux dans le périmètre de l’article 13 de la Constitution.

M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État me répondront certainement que la Française des jeux est désormais une société à caractère privé. Ce à quoi je rétorque par avance que, dans une interview du 12 octobre dernier, M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, déclarait à juste titre : « L’État continuera à agréer les dirigeants de l’entreprise ». C’est donc une entreprise privée d’un type particulier.

D’ailleurs, vous le savez, la Française des jeux continuera à servir les intérêts de l’État, notamment financiers et fiscaux. En effet, celui-ci conservera l’intégralité des recettes fiscales et sociales versées à la Française des jeux, soit la modique somme de 3, 5 milliards d’euros.

Dans ces conditions, il nous paraît justifié que la nomination du dirigeant de la Française des jeux continue à relever de l’article 13 de la Constitution.

Au départ, la Française des jeux, c’était la loterie nationale. Elle a été créée après la Première Guerre mondiale. Les concitoyens qui achètent des billets de loterie nationale ne sont pas toujours les plus fortunés ; ce sont souvent des personnes de condition modeste, qui espèrent toucher un lot.

Il a donc été jugé sage que les revenus de la loterie nationale, devenue la Française des jeux – ces revenus sont toujours supérieurs aux gains des éventuels vainqueurs –, aient une vocation sociale. En l’occurrence, ils ont pu bénéficier aux fameuses « gueules cassées », ces victimes marquées dans leur chair par les combats menés durant la Première Guerre mondiale.

Vous pouvez estimer que tout cela est terminé, que nous sommes désormais dans une logique purement capitalistique et que les actionnaires font la loi. Pour notre part, nous considérons, pour les raisons que je viens d’indiquer, qu’il est en l’occurrence nécessaire de maintenir l’application de l’article 13 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La discussion de cet amendement permet de rappeler les réserves que le Sénat a exprimées s’agissant de la privatisation par ordonnance de la Française des jeux.

Toutefois, une telle proposition est contraire à la Constitution. Depuis son entrée en bourse, la Française des jeux est une entreprise privée. Or l’article 13 de la Constitution concerne uniquement les emplois publics, qu’ils soient civils ou militaires. Juridiquement, la nomination du P-DG d’une telle structure ne peut donc plus relever du Président de la République.

Comme je l’ai indiqué dans le rapport, l’État conservera malgré tout un droit de regard sur le fonctionnement de la Française des jeux. Mais il est impossible d’aller plus loin, pour les raisons que je viens d’indiquer.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Cédric O

M. Sueur a fait une magnifique prolepse, devançant les objections qui lui seraient opposées. Afin de compléter l’argumentation qu’il a développée à la place du Gouvernement, je vais formuler d’autres objections, au-delà des considérations constitutionnelles.

Ainsi que M. Leconte l’a suggéré au cours de la discussion générale, il s’agit pour vous d’exprimer une position politique de cohérence avec votre opposition à la privatisation de la Française des jeux, plus que de défendre une modification à portée normative, puisque vous n’ignorez pas que se pose un problème constitutionnel.

D’ailleurs, indépendamment de ce problème constitutionnel, il serait tout de même quelque peu baroque que la nomination du dirigeant de la Française des jeux, organe qui vient d’être privatisé, relève de l’article 13 de la Constitution.

Dans ce cas, il faudrait étendre le dispositif à l’ensemble des entreprises dans le capital desquelles l’État détient une participation minoritaire, ce qui serait tout de même problématique. Il est vrai que l’État a le droit d’agréer les dirigeants de quelques entreprises très particulières, en raison de leur importance spécifique pour la santé publique ou la défense.

D’un point de vue politique, je note le succès de la privatisation auprès des petits porteurs ; un certain nombre de Français ont ainsi exprimé leur position sur celle-ci à cette occasion.

À l’origine, la loterie nationale devait effectivement bénéficier aux associations d’anciens combattants. Or, de mémoire, celles-ci détiennent aujourd’hui quelque 10 % du capital de la Française des jeux. Elles ont donc réalisé une belle opération financière lors de la privatisation.

Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 4, présenté par MM. Assouline, Leconte et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) est chargé, sur l’ensemble du territoire, du service public de l’accueil des étrangers titulaires pour la première fois d’un titre les autorisant à séjourner durablement en France. Il ne fait guère de doute que cet établissement public est un acteur essentiel en matière d’accueil des étrangers et d’asile.

Cependant, il ne formule que des avis destinés au préfet et ne se prononce pas sur le droit au séjour en matière d’asile. Il exerce certaines de ses missions dans le cadre défini par le ministère chargé de l’asile ou pour le compte de ce dernier. Son rôle d’appui, de coordination et de consultation ne répond donc pas aux critères définis au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Le Gouvernement souhaite le maintien de la cohérence des dispositions constitutionnelles et demande donc le retrait de l’OFII de la liste visée dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La commission s’étonne d’un tel amendement : on ne peut pas soutenir que le rôle de l’OFII soit seulement consultatif ! Il ne nous paraît pas envisageable de minimiser ce rôle, surtout dans un contexte de pression migratoire.

Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, l’OFII, c’est 110 000 demandeurs d’asile chaque année, 97 940 contrats d’intégration républicaine et 130 000 bénéficiaires de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA). Son rôle est donc décisionnel.

L’Office gère par exemple l’hébergement directif des demandeurs d’asile, qui peut impliquer une mobilité vers une autre région, ainsi que le versement de l’ADA. Il organise les procédures de regroupement familial et le retour volontaire. Enfin, c’est l’OFII qui organise les visites médicales des étrangers en France, notamment lorsqu’ils demandent un titre de séjour.

L’OFII joue donc un rôle majeur, au même titre que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’Ofpra. Il garantit les droits des ressortissants étrangers et doit relever à ce titre du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Je remercie d’ailleurs le groupe socialiste et républicain d’avoir soulevé cette question en commission.

Il me semble préférable que le Gouvernement retire son amendement. À défaut, l’avis de la commission serait très – j’y insiste – défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 14, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

4° La cinquante-deuxième ligne est remplacée par une ligne ainsi rédigée :

Société nationale SNCF

Direction générale

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Cet amendement a pour objet le processus de nomination du directeur général de SNCF Réseau.

Le Gouvernement propose de revenir au projet initial qui vous avait été soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, en limitant la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution à la nomination du seul directeur général de la SNCF. En effet, nous ne souhaitons pas qu’elle s’applique au président de la SNCF et au directeur général de SNCF Réseau.

Plusieurs arguments motivent une telle disposition.

Durant la discussion générale, plusieurs intervenants ont évoqué la compatibilité avec la directive et le respect de l’indépendance du directeur général de SNCF Réseau. Je rappelle que le projet de loi organique a été soumis au Conseil d’État. Celui-ci n’y a pas vu de mise en danger de l’indépendance de SNCF Réseau au sein de la SNCF, et il a même considéré que le texte était compatible avec la directive européenne.

Par ailleurs, il me semble important de ne pas déroger au droit commun des sociétés à participation publique défini par l’ordonnance du 20 août 2014 : seul le dirigeant mandataire social d’une société détenue directement à plus de 50 % par l’État est nommé par décret du Président de la République.

Dans la volonté de normalisation, non pas de cette société, mais de sa gouvernance, et afin de permettre à la SNCF de fonctionner au mieux, il n’est pas souhaitable de maintenir une double légitimité à l’intérieur de la structure, à savoir celle du directeur général de la holding SNCF et celle du directeur général de SNCF Réseau.

L’indépendance du directeur général de SNCF Réseau au sein de la structure SNCF nous semble garantie dès lors que le régulateur, l’Autorité de régulation des transports (ART), émettra un avis conforme sur sa nomination.

J’ajoute qu’une autre entreprise, EDF, se trouve, mutatis mutandis, dans une situation comparable au regard du gestionnaire des réseaux RTE. La nomination du directeur général de RTE ne requiert pas une nomination du Président de la République, mais un avis conforme de la Commission de régulation de l’énergie. Ce modèle ayant montré ses preuves, il nous semble préférable de conserver ce processus de bonne gouvernance au sein de la SNCF et de SNCF Réseau.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je crains de ne vous décevoir une nouvelle fois, monsieur le ministre !

Il nous semble essentiel que le Parlement conserve sur SNCF Réseau le droit de regard dont il dispose d’ailleurs depuis 2010, quand la fonction était assurée par Réseau ferré de France.

L’adoption de l’amendement du Gouvernement marquerait un recul du contrôle parlementaire qui serait particulièrement malvenu. En effet, dans un contexte d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, SNCF Réseau doit bénéficier de garanties suffisantes d’indépendance, pour éviter toute discrimination entre les différentes entreprises de transport, dont SNCF Voyageurs.

C’est d’ailleurs l’avis du président de l’Autorité de régulation des transports, que j’ai auditionné au début du mois.

Contrairement au Gouvernement, nous souhaitons également un contrôle sur la nomination des présidents du conseil d’administration de la SNCF et de SNCF Réseau. Ces derniers jouent un rôle majeur dans la gouvernance de ces entreprises et disposent même d’une voix prépondérante en cas d’égalité de vote.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a beaucoup travaillé pour préserver le contrôle parlementaire de la gouvernance de la SNCF, exprimera sans doute un avis similaire par la voix de Didier Mandelli.

En tout cas, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

J’ai déjà développé les arguments qui nous avaient conduits à modifier le texte du Gouvernement.

L’adoption de cet amendement supprimerait les apports de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Elle conduirait à affaiblir le pouvoir de contrôle du Parlement sur les nominations des dirigeants de la SNCF, en remplaçant les trois auditions actuellement prévues par une unique audition.

L’application du droit commun des sociétés à la SNCF doit se faire avec un minimum de discernement. La SNCF et, plus encore, SNCF Réseau ne sont assurément pas des entreprises comme les autres.

Alors que l’indépendance de SNCF Réseau est menacée – L’ART l’a rappelé très récemment dans son avis sur les projets de décrets statutaires –, et alors même que nous entrons dans une phase d’ouverture à la concurrence, il est plus que jamais nécessaire de maintenir le droit de regard du Parlement sur ces nominations.

Je me permets d’insister, en particulier, sur la nomination du dirigeant du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, pour lequel la procédure s’applique depuis 2010 et a été réaffirmée en 2014. Aucune raison valable, et surtout pas l’évolution de la gouvernance de la SNCF, ne justifie de restreindre ainsi le pouvoir de contrôle du Parlement.

L’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est donc également défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’interviendrai évidemment dans le sens de mon collègue Didier Mandelli et du rapporteur Yves Détraigne.

Cet amendement me semble extrêmement choquant, et je pèse mes mots.

Tout d’abord, cela a été dit, on légifère dans le prolongement d’une ordonnance qui n’a pas été ratifiée, et dont on ne sait toujours pas quand elle sera ratifiée. Monsieur le secrétaire d’État, plusieurs orateurs vous ont demandé des informations sur le calendrier de ratification de l’ordonnance, mais vous n’avez pas daigné leur répondre.

Ensuite, l’Arafer, devenue ART, a souligné que cette ordonnance posait problème pour l’indépendance de SNCF Réseau, qu’il s’agisse des conditions de composition de son conseil d’administration ou de la limitation de l’avis conforme de l’ART à la nomination du directeur général de SNCF Réseau, à l’exception de celle du président.

En outre, on veut maintenant limiter les auditions menées par le Parlement au seul directeur général de la structure de tête SNCF. On n’auditionnerait plus ni le dirigeant de SNCF Réseau ni celui de SNCF Mobilités, devenue SNCF Voyageurs… C’est extrêmement choquant !

M. le secrétaire d’État a essayé de nous rassurer – c’est bien normal – en nous expliquant que le Conseil d’État n’avait rien trouvé à redire au texte.

Il a oublié de nous dire que l’Arafer, devenue ART, a encore émis de sérieuses réserves, et pas plus tard que la semaine dernière, sur les projets de décrets, jugeant que ces derniers « menacent l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures et compromettent le bon fonctionnement du système ferroviaire ». On ne peut pas être plus clair sur le fait que le Gouvernement veut considérablement réduire l’indépendance de la SNCF et le rôle du Parlement.

Des parlementaires siègent encore dans les instances de la SNCF jusqu’au 31 décembre, mais l’ordonnance prise en juin, qui n’est toujours pas ratifiée, a supprimé la présence des parlementaires, en dépit des assurances inverses de la ministre dans cet hémicycle.

Le dépôt de cet amendement du Gouvernement, qui vise à revenir sur les modifications effectuées par la commission, pour réduire le rôle du Parlement dans la nomination des responsables de la SNCF, apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui étaient contre la libéralisation de cette entreprise. Nous n’étions pas de ceux-là – nous soutenions l’ouverture à la concurrence –, mais l’attitude du Gouvernement est choquante.

Je voterai donc évidemment contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

M. Ladislas Poniatowski. C’est plié, monsieur le secrétaire d’État !

Sourires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 61 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés318Pour l’adoption302Contre 16Le Sénat a adopté le projet de loi organique.

M. Christophe-André Frassa applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous passons à l’examen, dans le texte de la commission, du projet de loi ordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 1, présenté par MM. Leconte, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 1er de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, les mots : « du secret professionnel ou » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement a pour objet que le caractère public des auditions organisées en application de l’article 13 de la Constitution ne puisse plus être remis en cause au titre du secret professionnel.

Actuellement, l’article 1er de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit que ces auditions sont publiques, sauf deux hypothèses : la préservation du secret de la défense nationale et la préservation du secret professionnel.

Si la première exception est légitime, l’expérience permet aujourd’hui de dire que la seconde n’est pas fondée. Cette restriction nous semble inopportune s’agissant d’une audition visant à évaluer la candidature soumise par le Président de la République à un emploi ou une fonction relevant de l’article 13. En tout état de cause, le fait que cet élément puisse conduire à remettre en cause le caractère public de l’audition nous paraît tout à fait excessif.

Le secret professionnel peut justifier le refus de répondre à une question, mais il ne peut avoir pour conséquence que l’ensemble de l’audition se déroule à huis clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je comprends la logique de cet amendement, qui vise à supprimer la préservation du secret professionnel. Cette disposition mériterait toutefois de s’insérer dans une réflexion plus globale sur le contrôle parlementaire.

Je rappelle que le secret professionnel est également opposable aux commissions d’enquête et que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 11 juillet 2019, le mentionne comme un gage de constitutionnalité de ces auditions. De même, il est protégé par l’article 29-1 du règlement de l’Assemblée nationale, qui devrait donc être modifié en conséquence.

J’appelle donc à la prudence sur ce point, en vous rappelant que toute personne qui rompt ce secret est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, conformément à l’article 226-13 du code pénal.

J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il doit y avoir un malentendu, monsieur le rapporteur : je ne propose pas d’obliger la personne à ne pas respecter le secret professionnel, je veux supprimer l’obligation d’une audition à huis clos si la personne auditionnée estime que son secret professionnel est mis en cause.

La personne entendue peut très bien refuser de répondre à certaines questions. En revanche, il est important que le contrôle parlementaire se fasse en toute transparence devant l’ensemble des citoyens.

Notre objectif est d’améliorer le contrôle parlementaire, et nous maintiendrons donc cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 2, présenté par MM. Leconte, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1er de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La personne dont la nomination est envisagée ne peut invoquer, lors de son audition, son obligation de discrétion professionnelle qu’en application de l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les auditions que nous menons au titre de l’article 13 de la Constitution devraient être un élément important du contrôle parlementaire. Il s’agit d’évaluer si la personne proposée par le Président de la République correspond aux exigences qui nous semblent être requises pour ce type de responsabilités. Il est donc légitime d’attendre que la personne réponde à toutes les questions posées, dès lors que le secret professionnel n’est pas remis en cause.

Or nous avons constaté, à plusieurs reprises, que la personne se retranchait derrière un prétendu droit de réserve pour refuser de répondre à des questions sur ce qu’elle ferait une fois qu’elle serait nommée. C’est incroyable ! Comment peut-on accepter ce type de réponse ?

Nous voulons rappeler, au travers de cet amendement, qu’il n’y a pas de droit ou de devoir de réserve, mais seulement une obligation de discrétion professionnelle, qui ne s’applique qu’aux fonctionnaires encore en poste au moment de leur audition et pour les seuls éléments qui concernent l’exercice de leurs fonctions actuelles.

Il est vraiment important que le Parlement améliore son propre contrôle. De ce point de vue, cet amendement est un test. Voulons-nous en rester aux conversations sympathiques que nous avons avec les personnes proposées ou souhaitons-nous, au contraire, aller vraiment au fond des questions ?

Lorsque nous avons un doute sur ce qu’une personne pourrait faire une fois qu’elle est en responsabilité, il est important que nous puissions l’interroger et la sanctionner en refusant de valider sa nomination si sa réponse n’est pas celle que nous attendons. C’est un élément essentiel de l’exercice d’un contrôle parlementaire complet.

Je regretterais que nous ne puissions adopter cet amendement, car il y va tout de même de la crédibilité du processus de contrôle. Je le rappelle, il faut déjà que plus de 60 % des membres des commissions parlementaires s’opposent à la proposition du Président de la République pour que celle-ci ne soit pas validée… De grâce, ne limitons pas davantage notre compétence !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Comme notre collègue Alain Richard l’a rappelé en commission, l’avis du Parlement constitue une garantie d’indépendance pour le candidat pressenti, mais forcer celui-ci à répondre conduirait à une impasse.

En effet, soit la réponse du candidat se limitera à une déclaration d’intention, qu’il sera impossible de contrôler a posteriori, soit sa prise de position pourrait être considérée comme un mandat impératif, ce qui ne correspond pas à l’esprit de l’article 13 de la Constitution.

Il nous semble donc préférable d’en rester au droit en vigueur. En pratique, chaque parlementaire peut adapter le sens de son vote en fonction des réponses ou de l’absence de réponse des candidats.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le rapporteur, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Au moment de ces auditions, il y a un principe de confiance. Nous supposons que la personne nous dit ce qu’elle pense, et pas simplement ce que nous avons envie d’entendre.

Cela ne constitue nullement un mandat impératif. Ce n’est pas parce que le candidat nous donne une réponse qu’il sera obligé de la mettre en œuvre par la suite ! Il peut changer d’avis, notamment s’il estime que les conditions ont changé. Sa liberté d’action ne sera nullement amputée. De la même manière, lorsque nous nous présentons à une élection, nous prenons des engagements, mais ils n’impliquent pas de mandat impératif.

Je le répète, cet amendement vise à renforcer le contrôle parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

J’entends ce que vous dites, mon cher collègue, mais les membres de la commission sont libres de se déterminer en fonction de l’attitude plus ou moins ouverte du candidat auditionné.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La première colonne de la seizième ligne est ainsi rédigée : « Présidence de l’Autorité nationale des jeux » ;

1° bis

Présidence de la Commission d’accès aux documents administratifs

Commission compétente en matière de libertés publiques

2° La trente-cinquième ligne est supprimée ;

2° bis

Direction générale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration

Commission compétente en matière de libertés publiques

3° La première colonne de la cinquante-deuxième ligne est ainsi rédigée : « Présidence du conseil d’administration de la société nationale SNCF » ;

3° bis

3° ter

3° quater

Direction générale de la société SNCF Réseau

Commission compétente en matière de transports

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

En cohérence avec nos propositions sur le projet de loi organique, cet amendement vise à supprimer le président de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de la liste des autorités soumises à la procédure de l’article 13 de la Constitution.

Les amendements qui suivent étant également des amendements de coordination, je ne les présenterai pas de manière détaillée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous souhaitons avoir un droit de regard sur la nomination du président de la CADA, cette instance jouant tout de même un rôle majeur dans le droit d’accès aux documents administratifs.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 3, présenté par MM. Leconte et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il s’agit d’un amendement de coordination avec notre amendement au projet de loi organique qui visait la Française des jeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Il est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La commission sollicite également le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 8 à 13

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

3° La première colonne de la cinquante-deuxième ligne est ainsi rédigée : « Direction générale de la société nationale SNCF » ;

4° Les cinquante-troisième et avant-dernière lignes sont supprimées.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Il est défendu, monsieur le président.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 2321-3 du code de la défense est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l’autorité est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du Premier ministre. »

La parole est à M. Éric Gold.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Par coordination avec l’amendement déposé sur le projet de loi organique examiné précédemment, le présent amendement vise à modifier le code de défense, afin que le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) soit nommé par le Président de la République et relève donc de la procédure de l’article 13 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

L’Anssi est un service à compétence nationale, rattaché au Premier ministre. Prévoir une nomination par le Président de la République ne me paraît pas constitutionnel.

De même, la Constitution ne prévoit pas que les nominations effectuées par le Président de la République lui soient proposées par le Premier ministre. Il n’existe qu’une seule exception : la nomination des membres du Gouvernement, prévue à l’article 8 de la Constitution.

Par cohérence, la commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 5 rectifié est retiré.

L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 6° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « l’Autorité de régulation des jeux en ligne » sont remplacés par les mots : « l’Autorité nationale des jeux ».

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Il est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Une fois n’est pas coutume : j’émets un avis favorable !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.

Les mandats des membres, titulaires et suppléants, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet expirant le 28 janvier 2020 et le 30 juin 2020 sont prolongés jusqu’au 25 janvier 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je veux vraiment essayer de vous convaincre de voter mon amendement, mes chers collègues, car je pense que nous pouvons tous tomber d’accord.

Chacun ici sait que je suis pour la fusion de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lorsque la loi qui doit y procéder arrivera devant le Parlement. En revanche, il me semble dangereux que les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, acceptent aujourd’hui de proroger le mandat des membres de la Hadopi, au motif qu’une loi viendra bientôt fusionner ces deux institutions.

Ce texte n’en est qu’au stade du passage en conseil des ministres, et l’on vient d’apprendre que son examen serait retardé, son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale n’étant toujours pas prévue – je ne parle même pas de son passage au Sénat…

L’actualité de la rentrée sera probablement encore consacrée à la réforme des retraites, et l’on nous demande aujourd’hui de légiférer en anticipant une loi qui ne sera peut-être jamais adoptée ni même déposée. C’est vouloir nous défaire de nos prérogatives de parlementaires.

Aucun sénateur ne peut penser du bien de cette méthode. Le Gouvernement ne peut nous imposer son agenda ! On ne peut pas laisser passer cela, alors que, sans cesse, nous rappelons le rôle et l’importance des parlementaires et soulignons notre différence avec l’exécutif.

Quand j’ai déposé cet amendement de principe, je ne savais pas que le Gouvernement voulait encore retarder l’examen de cette loi. La prorogation du mandat risque donc de durer encore beaucoup plus longtemps que ce qui était prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 4, présenté par MM. Assouline, Leconte et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Marie, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement vise tout simplement à supprimer l’article 2.

J’espère, mes chers collègues – je m’adresse tout particulièrement aux membres de la commission de la culture – que nous débattrons, le temps venu, d’une grande loi sur l’audiovisuel.

Depuis des années, je suis favorable à la fusion entre la Hadopi et le CSA, pour rationaliser le contrôle. En effet, il faut absolument que les contenus visuels et audiovisuels présents sur internet soient régulés, de la même manière que la télévision.

Néanmoins, cette grande loi n’est pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. On nous annonce qu’elle sera finalement plutôt débattue vers le mois de mars, mais, en réalité, ce sera sans doute après les élections municipales. Elle viendrait ensuite au Sénat, mais l’Assemblée nationale doit fermer durant le mois de juillet. Et l’automne est traditionnellement consacré aux discussions budgétaires… La loi pourrait donc être adoptée un an plus tard que prévu !

Il était déjà scandaleux de légiférer en amont d’une loi qui n’a pas encore été adoptée, mais, avec ce report annoncé, c’est encore plus grave.

Refusons de céder notre légitimité, décidons, en tant que parlementaires, du sort des textes qui nous sont présentés et ne préjugeons ni du moment de leur examen ni de leur adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La commission des lois partage le constat général qui vient d’être fait concernant le calendrier des projets de loi du Gouvernement. Toutefois, elle est défavorable à cet amendement.

En effet, la prolongation du mandat des membres de la Hadopi est limitée à six mois ou à un an, ce qui paraît raisonnable. En outre, il s’agit de préserver le travail de préfiguration mené par la Hadopi et le CSA sur leur éventuelle fusion. L’actuel président de la Hadopi travaille à cette fusion qui impliquera un certain nombre d’efforts, notamment pour le personnel de la Haute Autorité.

Debut de section - Permalien
Cédric O

M. le sénateur Assouline est soucieux de défendre la Hadopi et j’entends son argument sur une forme d’inversion du calendrier, mais je crois qu’il faut prendre la question dans l’autre sens : que se passerait-il si le mandat des membres de la Hadopi n’était pas prolongé ?

Comme vient de le dire M. le rapporteur, nous vous proposons de prolonger le mandat des membres de six mois ou d’un an. Si, à l’expiration de ce délai, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique audiovisuelle a trop tardé, le Parlement devra de nouveau se prononcer. Je ne pense donc pas que le Sénat se dessaisisse de son pouvoir, s’il accepte cette prorogation.

Par ailleurs, je répète ma question : que se passera-t-il si nous ne prolongeons pas ces mandats ? Le mandat de plusieurs membres de la Hadopi expire courant 2020 : en juin pour trois d’entre eux, dont son président, et en janvier pour la présidente de la commission de protection des droits. En l’absence de prolongation, de nouveaux membres devraient être nommés, …

Debut de section - Permalien
Cédric O

… mais leur mandat ne devrait durer que quelques mois. Qui accepterait d’être nommé dans ces conditions ? Si nous ne nommons personne, la Hadopi sera confrontée à d’importantes difficultés, alors même qu’elle est en train de travailler à une éventuelle fusion avec le CSA.

Dans son avis du 5 novembre 2019, le Conseil d’État qui a considéré que la prorogation du mandat des membres de la Hadopi était justifiée par un intérêt général suffisant n’a émis aucune réserve sur cette disposition.

Il me semble qu’il s’agit d’un accommodement raisonnable, si vous me permettez cette expression : le Parlement ne donne pas au Gouvernement un blanc-seing ad vitam aeternam, mais il permet d’éviter des problèmes de fonctionnement pour la Haute Autorité – je précise, monsieur Assouline, que je partage votre avis : la Hadopi est un organe absolument essentiel.

L’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

On ne peut pas rester insensible à l’argumentation de M. Assouline. Cet article anticipe sur une disposition qui n’a pas encore été adoptée.

Cependant, je rejoins l’avis de la commission des lois dans un esprit de pragmatisme. La Hadopi a connu un certain nombre de turbulences depuis sa création – une initiative française – il y a une dizaine d’années, mais le Sénat a toujours défendu son action. Elle a joué un rôle important dans la lutte contre le piratage, en particulier au début de son action.

Il est aujourd’hui question de la fusionner avec le CSA et le président de la Hadopi et les membres de son collège ont naturellement une expérience, non seulement utile, mais indispensable, dans ce processus de rapprochement. Le Parlement devra choisir s’il accepte ou non cette fusion, mais nommer de nouveaux membres qui n’auraient pas l’expérience de ceux qui sont en place serait à mon sens une erreur dans cette phase de discussion avec le CSA.

Même si, comme l’évoque M. Assouline, l’examen et l’adoption du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle sont décalés, il n’y a pas vraiment de risque à proroger le mandat des membres du collège de la Hadopi qui arrive à expiration en 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Comme Jean-Pierre Leleux, je comprends l’argument de David Assouline concernant l’incertitude du calendrier parlementaire.

Je rappelle cependant que la France devra avoir transposé en septembre 2020 la directive Services de médias audiovisuels (SMA) révisée – c’est une échéance impérative. J’espère vraiment que le Gouvernement s’attachera à respecter ce calendrier, même si l’examen du projet de loi est légèrement décalé en raison du projet de loi portant réforme des retraites.

En ce qui concerne cet article, je rejoins le pragmatisme de Jean-Pierre Leleux. La commission de la culture travaille déjà sur la question de la fusion éventuelle de la Hadopi et du CSA ; nous avons notamment auditionné des membres des collèges de ces deux organismes qui y travaillent eux-mêmes. C’est un dossier très technique et complexe. Dans ce contexte, de nouveaux conseillers feraient face à des difficultés importantes, ne serait-ce que pour s’approprier la question.

La prorogation des mandats relève donc du pragmatisme et de la sagesse, mais elle ne doit pas aller au-delà, monsieur le secrétaire d’État, de la fin de l’année 2020.

J’ajoute – cela peut aussi peser dans la décision – qu’il n’est pas si simple de trouver des hommes et des femmes qui acceptent d’être nommés membres de telles autorités indépendantes, tellement les conditions sont drastiques. Les difficultés seraient pires, si leur mandat ne devait durer que quelques mois, le temps du débat parlementaire finalement…

Il serait assez contreproductif de nommer de nouveaux membres au collège de la Hadopi dans ces conditions. Je comprends l’argument de David Assouline, mais laissons-nous le temps – quelques mois – de voir comment les choses évoluent.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je dois dire que je ne comprends pas bien…

Le secrétaire d’État parle d’un « accommodement raisonnable », mais les sénateurs, les législateurs en général, doivent-ils vraiment rogner leurs prérogatives pour une telle explication ? Je comprends que l’exécutif veuille se passer du Parlement – il en a souvent envie, nous le constatons fréquemment… –, mais ce serait contraire aux principes, et le report aggrave la situation.

Comment pouvons-nous légiférer en préjugeant l’adoption d’une loi dont nous n’avons même pas encore débattu ? C’est une question de principe !

Pourtant, le Gouvernement pourrait tout à fait suivre la procédure normale et nommer les membres du collège de la Hadopi à l’expiration des mandats en question. Il pourrait même désigner les mêmes personnes afin d’assurer la continuité, s’il considère que c’est opportun dans la situation actuelle.

En revanche, proroger dès aujourd’hui le mandat de conseillers parce qu’on estime qu’une prochaine loi dont nous n’avons pas encore débattu pourrait fusionner deux institutions serait préjuger le vote du Parlement.

Dans ce cas, ma chère Catherine Morin-Desailly, mon cher Jean-Pierre Leleux, à quoi cela servira-t-il d’examiner le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle ? Certains d’entre nous auront le droit de ne pas être d’accord avec la fusion et le Parlement décidera peut-être de laisser vivre la Hadopi – je l’ai dit, ce n’est pas ma position. La prorogation des mandats qui nous est demandée préempte cette fusion. Le Parlement pourra-t-il décider autre chose dans cette situation ? Franchement, cela ne tient pas !

Si nous nous dessaisissons ainsi de nos prérogatives, nous le payerons cher ensuite, parce que mettre de côté le pouvoir de délibération du Parlement et l’éclairage qu’il peut apporter fait céder du terrain à la démocratie. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais c’est une question de principe !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les parlementaires que nous sommes ne peuvent pas être complètement insensibles aux propos tenus par notre collègue Assouline. Prolonger le mandat des membres d’une autorité indépendante dans l’attente d’un éventuel texte législatif qui serait voté ultérieurement est une démarche tout à fait exceptionnelle.

En effet, il est évident qu’on ne peut pas tenir pour acquis le vote d’une loi et le Parlement sera souverain pour modifier le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle que le Gouvernement nous propose, voire de le rejeter… Je suis certain que cette dernière hypothèse ne surviendra pas, mais nos principes doivent être préservés. C’est pourquoi l’argument du Gouvernement est difficile à accepter.

Cela étant, contrairement à ce que vous disiez, mon cher collègue David Assouline, le mandat des membres du collège de la Hadopi ne peut pas être renouvelé.

De ce fait, les autorités de nomination devraient désigner de nouveaux membres, et cela pour une durée dont on peut raisonnablement penser qu’elle serait courte, ce qui poserait naturellement un problème du point de vue de la bonne administration de cette Haute Autorité. La nomination de personnes qui n’auraient pas d’expérience de la Hadopi ne pourrait que perturber le bon fonctionnement du nouveau collège pendant la période de rodage.

Pour résumer, il est extrêmement désagréable pour le Parlement de tenir pour acquis le vote d’une loi, dont le projet vient seulement d’être adopté en conseil des ministres et dont l’inscription à l’ordre du jour semble devoir être différée. Cela nous déplaît et nous devons le dire au Gouvernement, mais la notion d’accommodement raisonnable que M. le secrétaire d’État a avancée est une notion que nous pouvons comprendre et qui justifie pleinement l’avis donné par la commission sur cet amendement. Nous avons des réticences, mais nous les surmontons, sans pour autant encourager le Gouvernement à renouveler l’exercice dans d’autres circonstances…

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 2 est adopté.

Le livre Ier de la deuxième partie du code des transports, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF, est ainsi modifié :

1° L’article L. 2102-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du conseil d’administration. » ;

2° Après l’article L. 2102-9, il est inséré un article L. 2102-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2102 -9 -1. – Lorsque la direction générale n’est pas assurée par le président du conseil d’administration, le directeur général de la société nationale SNCF est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du conseil d’administration. » ;

3° L’article L. 2111-16 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « par le conseil d’administration » sont supprimés ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du conseil d’administration. » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la direction générale n’est pas assurée par le président du conseil d’administration, le directeur général de la société SNCF Réseau est nommé par décret du Président de la République, sur proposition du conseil d’administration de la société SNCF Réseau. » ;

c) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, après le mot : « révocation », sont insérés les mots : « du président du conseil d’administration, » ;

– à la deuxième phrase, après le mot : « poste », sont insérés les mots : « de président du conseil d’administration, » ;

– à la dernière phrase, après le mot : « révocation », sont insérés les mots : « du président du conseil d’administration, » ;

4° À l’article L. 2133-9, les mots : « de SNCF Réseau » sont remplacés par les mots : « et du directeur général, ou le cas échéant du président-directeur général, de la société SNCF Réseau ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Amendement de coordination, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous avons déjà examiné cette question lors de l’examen de l’amendement n° 5 du Gouvernement sur le projet de loi organique. Concernant l’avis de l’Autorité nationale des transports, nous n’avons fait que reprendre le droit en vigueur. Mieux encadrer la procédure de nomination du président du conseil d’administration de SNCF Réseau n’est pas superflu, contrairement à ce que laisse entendre le Gouvernement. C’est pourquoi la commission demande là aussi le retrait de cet amendement ou donnera, à défaut, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Cet amendement revient en effet sur les apports de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Son adoption conduirait à supprimer l’introduction d’un avis conforme du régulateur sur la nomination du président du conseil administration de SNCF Réseau qui existe actuellement.

Le choix de maintenir une structure verticalement intégrée justifie à plus forte raison d’encadrer les modalités de nomination de ses dirigeants, et pas uniquement de son directeur général comme le prévoit l’ordonnance. Les modalités de nomination reflètent, au moins en partie, le degré d’indépendance du gestionnaire de réseau et d’infrastructure. Il s’agit de mettre en place les conditions d’une concurrence effective, en envoyant un signal fort aux nouveaux entrants et non de les dissuader d’entrer sur le marché.

L’avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est donc également défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, le projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons maintenant examiner est en fait un texte du Gouvernement ! Vous l’avez d’ailleurs défendu fortement toute la semaine en dehors de cet hémicycle, monsieur le secrétaire d’État. Et chacun comprend que, si ce texte arrive dans cette enceinte sous la forme d’une proposition de loi, c’est pour éviter au Gouvernement de produire une étude d’impact.

Je vous rappelle que l’article 8 de la loi organique relative à l’application de l’article 39 de la Constitution prévoit que l’étude d’impact expose avec précision l’articulation du projet de loi avec le droit européen, l’état d’application du droit sur le territoire national et les modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées. Autant de points qui seraient particulièrement nécessaires en l’espèce ! Au lieu de cela, le Gouvernement a fait le choix d’une proposition de loi.

J’ajoute que l’avis de la Commission européenne n’a pas été transmis au Parlement – nous n’en avons eu connaissance que par la presse… –, ce qui constitue une forme d’obstruction.

C’est pourquoi je me permets de rappeler l’importance de l’article 8 de la loi organique précitée qui exige le dépôt d’une étude d’impact.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (proposition n° 645 [2018-2019], texte de la commission n° 198, rapport n° 197, avis n° 173 et 184).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous aujourd’hui afin de pouvoir étudier ce texte relatif à la lutte contre la haine en ligne.

Rares sont en effet les textes qui répondent à un besoin aussi pressant et à une demande aussi forte de nos concitoyens, celle d’assurer leur sécurité et de faire respecter leurs droits et leurs libertés, en ligne comme hors ligne.

Les malheureux événements de Noisiel survenus à la fin du mois de novembre nous l’ont rappelé une énième fois : internet et les réseaux sociaux peuvent être de formidables vecteurs de démocratie et de connaissance – sans eux, pas de révolutions arabes –, mais ils peuvent aussi être synonymes du pire. Il suffit de passer quelques instants sur Twitter, YouTube ou Facebook pour y croiser menaces de mort, injures homophobes, banalisation du racisme et de l’antisémitisme. La haine a, presque quotidiennement, libre cours sur internet et les premières victimes parmi nos concitoyens sont les plus jeunes, les plus fragiles et les personnes issues de minorités.

Pour certains, notamment pour ceux qui profèrent de tels propos, ce ne sont « que » des mots sans importance et ce n’est pas la « vie réelle ». Pour ceux qui les reçoivent, ce sont autant d’attaques, de menaces et de blessures, allant parfois jusqu’à la tragédie – de jeunes garçons ou des adolescentes sous le coup d’un harcèlement via les réseaux sociaux tentent régulièrement de se suicider. Et cette douleur est amplifiée par les réseaux sociaux qui diffusent d’autant plus un contenu qu’il fait réagir, quitte à amplifier massivement une humiliation, une diffamation ou des propos chargés de haine. Cette violence, peu à peu, fragilise notre lien social.

La douleur des victimes est amplifiée par le sentiment d’impuissance et d’isolement auquel elles sont confrontées : c’est notamment vrai lorsqu’un réseau social laisse beaucoup trop longtemps en ligne l’un de ces contenus ou que leur auteur peut s’abriter derrière une quasi complète impunité de fait, alors même qu’il a proféré une injure ou une menace punie par la loi française.

Ce jeune de Noisiel, qui fut la victime du raid du mois précédent, a finalement préféré fuir la France. Je le dis très directement : quel échec !

Lorsqu’une victime doit fuir, s’isoler, s’excuser, lorsque certains se sentent moins légitimes ou intégrés parce qu’ils se font quotidiennement insulter ou menacer en ligne en toute impunité, lorsque ceux qui les agressent se sentent ignorés par les autorités et peuvent agir impunément, alors c’est le douloureux syndrome de notre échec et de notre impuissance et c’est, pour nous tous, mais d’abord pour l’État, une lourde responsabilité.

Disons-le encore plus clairement : c’est le rôle premier de la puissance publique de protéger les citoyens. Aujourd’hui, cette protection n’est quasiment pas effective sur internet. Et, à une époque où la demande de protection est forte, si nous, les démocraties, ne sommes pas capables d’apporter à nos concitoyens des gages clairs et tangibles sur notre capacité à faire respecter l’État de droit en ligne comme hors ligne, tout en préservant bien sûr leurs libertés – nous en parlerons durant nos débats –, alors ils opteront pour des solutions plus radicales et voteront pour des régimes plus radicaux. Je le dis autrement : si les seuls pays à savoir réguler ce qui se passe sur internet sont des pays autoritaires, alors les citoyens se tourneront vers des solutions autoritaires !

Debut de section - Permalien
Cédric O

C’est pour répondre à cette urgence que le Président de la République a souhaité confier à la députée Laetitia Avia l’élaboration de cette proposition de loi qui vise à prendre en compte le rôle majeur que les réseaux sociaux jouent désormais dans nos relations sociales et les responsabilités qui leur incombent à ce titre.

Ce texte a été longuement mûri, d’abord grâce au rapport produit par Laetitia Avia, Gil Taïeb et Karim Amellal, ensuite dans le cadre de la mission lancée auprès de l’entreprise Facebook pour mieux comprendre le fonctionnement des processus de modération, mais aussi via les multiples consultations qui ont eu lieu avec la société civile et avec nos partenaires étrangers. Il a enfin été mûri lors de son examen à l’Assemblée nationale, puis par les trois commissions qui s’en sont saisies au Sénat, une au fond et deux pour avis. Au-delà de ce qui nous sépare – nous avons des divergences, nous les évoquerons –, je veux saluer le travail des rapporteurs MM. Frassa et Bouloux, ainsi que celui de la présidente Mme Morin-Desailly.

Le parcours parlementaire de ce texte a permis de préciser les trois objectifs forts qui sont ceux du Gouvernement et qui forment la colonne vertébrale de cette proposition de loi.

Tout d’abord, la conviction que c’est bien l’État qui est le premier responsable pour faire respecter les droits et libertés en ligne. C’est pourquoi il est déterminant de mieux outiller les autorités, en particulier les autorités judiciaires, pour lutter contre le sentiment d’impunité qui prévaut actuellement et punir effectivement les auteurs de contenus haineux. C’est pour cela que la garde des sceaux a annoncé la spécialisation d’un parquet sur ces enjeux numériques et le déploiement progressif de dispositifs de plainte en ligne. Le rôle de la justice est bien au cœur de ce texte qui a vocation à le renforcer.

Ensuite, une responsabilité particulière des plus grandes plateformes dans la lutte contre les contenus odieux est affirmée clairement. Cette proposition de loi ne fait que renforcer des principes déjà posés depuis la loi pour la confiance dans l’économie numérique, mais elle rend ces obligations opérationnelles, en les précisant et en les accompagnant d’obligations de moyens et d’une véritable supervision qui constituent le cœur et la vraie innovation de ce texte.

Enfin, la mobilisation de toutes les parties prenantes est organisée en matière d’éducation et d’information. Évidemment, il s’agit de priorités qui se prêtent moins à l’exercice législatif, mais nous avons la conviction que l’éducation, la sensibilisation des plus jeunes et l’information des victimes comme des auteurs constituent certaines des armes les plus efficaces pour éradiquer durablement la violence en ligne. Cette priorité est déclinée à la fois en matière d’éducation au sens strict, mais aussi via la création d’un observatoire de la haine en ligne pour mieux prendre en compte ce phénomène.

Bien sûr, nous avons entendu certaines inquiétudes sur l’impact de ce texte, notamment les craintes de sur-censure. Il s’agirait évidemment d’un écueil majeur, qui est au cœur de nos préoccupations depuis le début et contre lequel l’Assemblée nationale a déjà largement renforcé les garde-fous. Entre la protection nécessaire des victimes et le respect vigilant de la liberté d’expression, j’ai parlé à l’Assemblée nationale d’une ligne de crête qu’il nous faut respecter.

Tout en soulignant et en saluant le nouveau cadre de régulation créé par la loi, le Sénat s’est inquiété de ce risque de sur-censure et a, conséquemment, apporté un certain nombre de modifications à l’article 1er. J’estime que ces modifications sont en partie excessives, notamment s’agissant de la suppression du délai de vingt-quatre heures. Le Gouvernement n’est pas fermé à des évolutions qui permettent de mieux préciser le texte et de prévenir une potentielle surinterprétation des acteurs, mais nous estimons qu’il nous faut conserver un cadre qui fixe le niveau d’ambition pour les réseaux sociaux concernés. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces éléments durant nos débats.

Nous avons aussi entendu certaines questions juridiques soulevées notamment par la Commission européenne sur l’articulation de cette proposition de loi avec le cadre réglementaire européen. Il s’agit bien évidemment d’un enjeu important que nous avons pris en compte dès l’origine de ce texte et nous sommes ouverts à affiner encore le dispositif. La commission des lois a entamé cette tâche et je veux saluer l’esprit constructif qui a présidé à ses travaux, sous l’impulsion du rapporteur Frassa.

Structurellement, nous nous inscrivons résolument dans une perspective européenne sur ce sujet et, je le dis très clairement, nous soutenons pleinement les pistes esquissées par la Commission européenne que nous avons d’ailleurs appelées de nos vœux depuis le début. Le moment venu, cette régulation devra constituer le cadre de référence.

Mais ce travail prendra des mois ou des années et, dans cette attente, nous avons la responsabilité d’agir dès maintenant selon les marges que nous ménage le droit européen, afin de ne pas rester sans réponses face aux demandes de nos concitoyens. La question urgente de la haine en ligne doit être traitée maintenant, et non demain.

Un échange récent avec les institutions et les parties prenantes, notamment américaines, de la régulation des contenus me conduit du reste à penser que les travaux menés en France sont observés avec beaucoup d’intérêt à l’étranger, car ils jettent les bases d’une régulation inédite des réseaux sociaux : une régulation agile, capable de s’adapter à des acteurs en perpétuelle transformation, tout en étant ferme pour être véritablement dissuasive. Et les obligations seront d’autant plus fortes qu’elles feront l’objet d’une véritable supervision par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), future autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Je suis convaincu que cette supervision nouvelle des grandes plateformes est la clé d’une régulation beaucoup plus ambitieuse du numérique. Je sais que le Sénat a beaucoup travaillé sur cette question – je pense notamment à l’engagement constant et ancien de la présidente Morin-Desailly et aux initiatives de la commission des affaires économiques – et je ne doute pas que bon nombre d’entre vous seront en phase avec notre volonté de demander plus de comptes aux géants du numérique.

Nous avons aujourd’hui la chance de pouvoir poser un jalon historique sur ce sujet essentiel pour l’avenir de nos démocraties et de nourrir les futurs travaux européens qui seront menés sur ces sujets.

Mesdames, messieurs les sénateurs, jamais la haine en ligne n’a été aussi visible, destructrice, et jamais le sentiment d’impunité n’a été aussi largement répandu chez nos concitoyens, comme si la vie en ligne autorisait les propos les plus abjects hors le regard de la justice et loin de toute réponse de la société au travers de sanctions. Je n’ignore rien du chemin qu’il nous reste à accomplir pour garantir l’effectivité des mesures que nous prévoyons avec ce texte, mais je connais aussi la détermination en la matière du Président de la République, du Premier ministre et de la garde des sceaux.

J’entre dans ce débat avec la volonté de bâtir, avec le Sénat, un texte conforme à l’objectif politique initial et robuste juridiquement.

C’est pourquoi j’espère que nous serons en mesure lors des discussions qui s’ouvrent de parfaire les contours de ce cadre équilibré, efficace et ambitieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La délégation est accompagnée par notre collègue Cyril Pellevat, président du groupe d’amitié France-Jordanie.

La délégation est en France jusqu’au 19 décembre pour une visite d’étude consacrée notamment aux questions d’éducation et de santé.

Elle a été reçue hier en audience par le président Gérard Larcher et s’est entretenue ce matin avec la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Elle rencontrera en fin de journée les sénateurs de la commission des affaires sociales présidée par notre collègue Alain Milon.

Le Sénat français entretient d’excellents rapports de confiance et d’amitié avec le Sénat jordanien. Ces rapports ont vocation à s’intensifier dans le cadre de notre relation bilatérale qui s’est développée autour de deux priorités : la sécurité et l’économie.

Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat jordanien la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous reprenons l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a examiné la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet le 11 décembre dernier. Tous ici sur ces travées nous partageons l’objectif visé : lutter contre la haine en ligne.

Pour ce faire, il faut agir d’abord contre ceux qui tiennent des propos haineux et spécialement contre les professionnels de la haine. En la matière, hélas, c’est moins de lois nouvelles que de moyens que nos services ont besoin.

Il faut agir également sur les intermédiaires techniques, comme le propose ce texte ; cela reste légitime et nécessaire. Certains de ces hébergeurs, dont le modèle économique est fondé sur l’« économie de l’attention », tendent en effet à valoriser la diffusion des contenus les plus clivants, et renforcent la diffusion massive, virale, des messages de haine. Trop longtemps repoussée, leur régulation doit enfin devenir réalité.

C’est donc dans un esprit constructif que nous avons abordé l’examen de ce texte au Sénat, en tentant de tenir une délicate ligne de crête entre, d’une part, la protection des victimes de haine et, d’autre part, la protection de la liberté d’expression, telle qu’elle est assurée dans notre pays.

J’émettrai quelques regrets sur la méthode, cependant : sur un sujet aussi sensible, alors que la démarche s’inscrit clairement dans le cadre d’un plan gouvernemental global de lutte contre les discriminations, nous regrettons vivement le choix qui a été fait de recourir à une proposition de loi plutôt qu’à un projet de loi, privant de nouveau le Parlement d’une étude d’impact.

Nuit aussi à la clarté de nos débats l’existence de trois autres textes adoptés ou en voie de l’être : la directive Services de médias audiovisuels, le règlement européen sur les contenus terroristes et le projet de loi de réforme de l’audiovisuel risquent en effet d’interférer avec certaines dispositions de la présente proposition de loi, voire d’en imposer la réécriture à brève échéance.

J’en viens aux modifications adoptées par la commission des lois.

Nous avons tout d’abord considéré que l’article 1er comportait un dispositif pénal inabouti et déséquilibré au détriment de la liberté d’expression.

En exigeant des opérateurs de plateformes qu’ils apprécient le caractère manifestement illicite des messages haineux signalés dans un délai particulièrement bref, ce dispositif encourage mécaniquement les plateformes à retirer, par excès de prudence, des contenus pourtant licites.

En effet, cet exercice de qualification juridique est difficile pour certaines infractions contextuelles, et ce d’autant plus que les plateformes auraient été sous la menace de sanctions pénales lourdes en cas d’erreur.

D’autres effets pervers sont également à redouter, comme la multiplication du recours à des filtres automatisés et l’instrumentalisation des signalements par des groupes organisés de pression ou d’influence, à savoir les fameux « raids numériques », contre des contenus licites, mais polémiques.

De plus, il pourrait être difficile, voire impossible d’établir la priorité, dans un délai couperet uniforme de vingt-quatre heures, des contenus les plus nocifs qui ont un caractère d’évidence et doivent être retirés encore plus rapidement, comme ceux qui touchent au terrorisme et à la pédopornographie, par rapport à d’autres infractions moins graves ou plus longues à qualifier, car elles sont contextuelles.

Tout aussi problématiques sont le contournement du juge et l’abandon de la police de la liberté d’expression sur internet aux grandes plateformes étrangères.

Le dispositif pénal envisagé semble pour sa part difficilement applicable.

Le simple non-retrait suffit-il pour caractériser automatiquement l’infraction, ou est-il nécessaire pour l’autorité chargée de la poursuite de caractériser une absence de diligences normales de l’opérateur, ce qui est beaucoup plus complexe ?

À ces difficultés déjà sérieuses s’en est ajoutée une dernière, et non des moindres : la Commission européenne a transmis au Gouvernement des observations longues et très critiques, alertant sur la violation probable de la directive e-commerce et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon elle, le texte viole plusieurs principes majeurs du droit européen : le principe du pays d’origine ; la responsabilité atténuée des hébergeurs ; l’interdiction d’instaurer une surveillance généralisée des réseaux. Rappelant l’existence de plusieurs initiatives législatives européennes en cours, la Commission a invité formellement la France à surseoir à l’adoption de ce texte.

Faute d’offre alternative crédible, la commission des lois a procédé à la suppression de cette nouvelle sanction pénale inapplicable et contraire au droit européen.

Certaines dispositions intéressantes ont, pour leur part, été conservées, améliorées et intégrées au régime général prévu par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) : ajout des injures publiques à caractère discriminatoire et du négationnisme aux contenus devant faire l’objet d’un dispositif technique de notification ; simplification des notifications prévues ; reconnaissance de l’action des associations de protection de l’enfance.

Le cœur de ce texte, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, reste l’imposition d’obligations de moyens sous la supervision d’un régulateur habilité à prononcer des sanctions dissuasives. C’est la solution la plus pertinente pour contraindre les grandes plateformes à une lutte plus efficace contre les discours de haine véhiculés sur les réseaux. Nous l’avons donc approuvée ; nous l’avons même renforcée.

La commission des lois a tenu compte des observations de la Commission européenne pour rendre ce dispositif plus respectueux du droit européen en proportionnant les obligations à la charge des plateformes au risque d’atteinte à la dignité humaine et en écartant toute obligation générale de surveillance des réseaux.

Pour améliorer la rédaction de certaines des obligations de moyens mises à la charge des plateformes, la commission des lois a également prévu l’absence d’information systématique des auteurs de contenus au stade de la simple notification par un tiers, et ce pour éviter les spams et les raids numériques contre les auteurs de contenus licites, mais polémiques. Par ailleurs, à titre exceptionnel, nous avons envisagé la possibilité, dans certains cas, de ne pas informer l’auteur de contenus retirés, notamment pour préserver les enquêtes en cours. Enfin, nous proposons la suppression de l’obligation générale faite aux plateformes d’empêcher la réapparition de tout contenu illicite contraire au droit européen.

La commission a aussi approuvé plusieurs clarifications procédurales concernant les pouvoirs de régulation et de sanction attribués au CSA. Je souhaite vous faire part, à cet égard, de ma vive inquiétude, car le régulateur risque de manquer de moyens et de compétences techniques pour expertiser efficacement les plateformes.

La commission des lois a, en outre, souhaité compléter le texte pour mieux s’attaquer à la viralité, qui est le cœur du problème de la haine sur internet.

Avec la proposition de loi telle qu’elle nous a été transmise par l’Assemblée nationale, une plateforme qui retirerait un contenu haineux vu 8 millions de fois au bout de 23 heures et 59 minutes après une notification respecterait parfaitement l’obligation de résultat que tendait à instaurer l’article 1er… Selon nous, il faut non pas viser une obligation illusoire de retrait exhaustif de tous les contenus en vingt-quatre heures, mais bien renforcer l’efficacité de la lutte contre les plus viraux et les plus nocifs de ces contenus.

Dans ce but, la commission des lois a ajusté la liste des acteurs soumis aux obligations de moyens renforcées de lutte contre les contenus haineux, pour permettre au CSA d’attraire dans le champ de sa régulation des plateformes moins grandes, mais très virales. Elle a aussi encouragé les plateformes, sous le contrôle du CSA, à prévoir des dispositifs techniques de désactivation rapide de certaines fonctionnalités de rediffusion massive des contenus.

La commission a également adopté un amendement d’appel visant à mieux associer les régies publicitaires à la lutte contre le financement de sites facilitant la diffusion en ligne des discours de haine par un renforcement des obligations de transparence à leur charge. Nous y reviendrons.

Enfin, comme le recommandait la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique, nous avons souhaité encourager l’interopérabilité pour permettre aux victimes de haine de se réfugier sur d’autres plateformes ayant des politiques de modération différentes, tout en pouvant continuer à échanger avec les contacts qu’elles avaient noués jusqu’ici.

Ce travail important a été conduit dans un esprit de collaboration entre tous les commissaires, esprit qui se prolonge à travers les amendements de séance, dont plusieurs sont particulièrement intéressants et ont reçu un avis favorable de la commission des lois.

Sous réserve de l’approbation des modifications qu’elle a introduites, la commission des lois vous invite donc, mes chers collègues, à adopter la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, car celle-ci modifie la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004, dite LCEN, dont nous avions été saisis au fond. Même si son objectif relève de la protection des libertés fondamentales, elle affecte donc un secteur qui est aujourd’hui au cœur de la compétence de la commission.

Quelques considérations sur la méthode, d’abord. Nous regrettons que, malgré une longue gestation, le Gouvernement ait, de nouveau, choisi une proposition de loi plutôt qu’un projet de loi. Cette voie prive le Parlement d’une étude d’impact qui, en l’espèce, était plus que nécessaire.

Nous regrettons également que, malgré nos demandes, nous n’ayons pu prendre connaissance des observations de la Commission européenne que par voie de presse. Tout le monde en disposait, sauf les rapporteurs du Sénat ! Et je passe sur les réponses écrites envoyées moins d’une semaine avant le passage en commission, alors que le questionnaire avait été adressé près de deux mois auparavant…

J’en viens au fond. Cette proposition de loi s’attaque indéniablement à une question légitime. Si le phénomène est encore peu documenté, chaque utilisateur des réseaux sociaux peut aujourd’hui constater que les propos haineux répréhensibles s’y répandent quotidiennement.

Néanmoins, la réponse apportée à cette question est apparue inaboutie. C’est pourquoi nous soutenons le texte issu des délibérations de la commission des lois, qui permet de rendre le dispositif davantage susceptible d’atteindre son objectif, à savoir lutter contre les contenus haineux illicites en ligne, tout en limitant le risque d’atteinte à la liberté d’expression.

Les trois commissions saisies ont travaillé en bonne intelligence, avec un seul but : améliorer ce texte pour le rendre plus efficace.

La commission des affaires économiques a concentré son analyse sur le dispositif de régulation administrative confié au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). À nos yeux, il est intéressant pour plusieurs raisons.

D’abord, il paraît plus efficace et moins attentatoire aux libertés que les dispositions figurant initialement à l’article 1er de la proposition de loi. Il s’agit de prévoir des obligations de moyens, dont la portée est déterminée par un régulateur, lequel est en mesure de sanctionner sévèrement les acteurs qui ne joueraient pas le jeu.

La commission des affaires économiques a donc souhaité, en bonne entente avec la commission des lois, renforcer ce mécanisme. C’est pourquoi elle a proposé un amendement qui, dans le droit fil des conclusions de la « mission Facebook », permet au CSA d’imposer des obligations à des plateformes de moindre importance, mais sur lesquelles la tenue de propos haineux illicites serait régulièrement constatée. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons souhaité permettre au CSA d’encourager le partage d’informations entre plateformes. Cela nous paraît être le levier essentiel d’une meilleure coopération entre ces dernières et donc d’une lutte plus efficace contre la diffusion de propos punis par la loi.

Nous avons également souhaité intégrer au texte un principe de proportionnalité, afin de nous assurer que les obligations de moyens mises à la charge des plateformes seront soutenables par les acteurs économiques, adaptées aux différents modèles que l’on peut trouver sur le marché, et qu’elles prendront en compte la viralité du contenu.

Par ailleurs, la commission s’est particulièrement intéressée à ce dispositif en ce qu’il semble poser le premier jalon d’un nouveau modèle de régulation de l’économie numérique. Notre assemblée l’a affirmé à plusieurs reprises, la directive e-commerce n’est pas l’alpha et l’oméga de l’économie numérique. Une régulation intelligente, agile et qui s’applique en priorité aux géants du numérique peut venir la compléter, même si, en l’état du droit européen, la ligne de crête est étroite.

La proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, déposée par notre commission et cosignée par plus de la moitié des membres de notre assemblée, permettra de poursuivre ces travaux tendant à établir un nouveau modèle de régulation de l’économie numérique. Comme avec le texte qui nous occupe aujourd’hui, il est proposé d’agir d’abord à l’échelon national, dans l’attente d’une réponse pérenne à l’échelle européenne. Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, nous espérons que le Gouvernement montrera autant d’allant sur ce sujet tout aussi fondamental.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le moins que l’on puisse dire est que le texte que nous examinons aujourd’hui suscite de réelles interrogations et une grande perplexité sur toutes les travées de notre hémicycle.

Très clairement, cette impression ne vient pas d’une méconnaissance du problème, bien au contraire. Les élus que nous sommes sont aussi parfois exposés à la haine en ligne. Nous n’ignorons pas les aspects destructeurs des campagnes de calomnie et de propos odieux sur internet. À ce titre, je suis solidaire de notre collègue députée Laetitia Avia qui en a été la victime.

Dans ce contexte, pourquoi sommes-nous collectivement si réticents au dispositif qui nous est soumis ?

Au Sénat, nous savons écouter. Or les retours que nous avons des tribunaux, des associations de défense des libertés, des meilleurs spécialistes, bref, de presque tout le monde, sont partagés : il y a ceux qui pensent que cette proposition de loi n’aurait aucune utilité, et ceux qui l’estiment dangereuse. Il faut l’admettre, on a connu des accueils plus enthousiastes !

Au Sénat, dans nos commissions et groupes, nous avons des principes avec lesquels nous ne transigerons pas, et qui nous conduisent à une approche prudente, circonspecte, de l’article 1er et du retrait en vingt-quatre heures. J’avoue être franchement hostile à l’idée de confier aux Gafam le droit de juger ce qui est licite ou illicite. Ces plateformes qui nous abusent fiscalement, pillent allègrement nos données personnelles pour les revendre et contribuent à manipuler les scrutins se verraient confier un rôle de censeur… Non seulement elles façonnent toujours plus nos comportements et sont des menaces avérées pour nos démocraties, mais elles pourraient en plus exercer une police de la pensée et de l’expression…

Cela étant, nous avons la conviction, et de très longue date, au Sénat, qu’il est nécessaire d’avancer sur la régulation du monde numérique. C’est pourquoi nous avons regardé avec attention les autres dispositions du texte, qui précèdent la future loi audiovisuelle.

Sur le fond, la commission de la culture s’est saisie des articles 4, relatif à la régulation du CSA, ainsi que 6 bis et 6 ter, consacrés à l’éducation au numérique.

Sur ce dernier sujet, c’est le Sénat qui a introduit en 2009 la nécessité pour l’école d’informer les élèves sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne. Depuis, le code de l’éducation s’est enrichi de très nombreuses dispositions relatives à la sensibilisation à propos d’internet, parfois redondantes. Ce qu’il faut, en fait, c’est rapidement donner à l’école les moyens financiers et humains de remplir ce rôle. Cela passe avant tout par la formation initiale et continue des enseignants, comme nous l’avons signalé encore lors des débats sur la loi pour une école de la confiance.

En ce qui concerne la régulation, la commission de la culture a adopté plusieurs amendements visant à mieux préciser l’action du CSA. Force est cependant de constater, une nouvelle fois, que nous avons délibérément choisi de remettre une fraction essentielle de notre souveraineté entre les mains d’acteurs mondialisés réticents à toute forme de régulation, et même de discussion, avec des autorités démocratiquement élues, comme l’illustrent jusqu’à la caricature les développements sur les droits voisins des éditeurs et des agences de presse.

Ces acteurs ne se contentent pas d’être puissants, riches, et souvent méprisants : ils ont conçu un écosystème qui encourage, diffuse, promeut la haine. J’en veux pour preuve les travaux de la sociologue turque Zeynep Tufekci, auxquels je vous renvoie : elle a montré que les algorithmes d’une plateforme comme YouTube, c’est-à-dire Google, nourris de milliards de données personnelles collectées sans que l’utilisateur s’en rende compte, produisaient des résultats qui échappent maintenant à notre compréhension, nous rapprochant toujours plus du monstre de Frankenstein. Ils ont donc tendance à proposer des contenus toujours plus odieux, haineux, « de plus en plus hardcore ». Selon cette sociologue, « YouTube est certainement aujourd’hui l’un des plus puissants outils de radicalisation de ce XXIe siècle », avec une seule justification : cela fonctionne ! La morale la plus élémentaire passe donc derrière l’exigence de sur-rentabilité. C’est sur ce modèle économique délétère que nous devons vraiment travailler. La meilleure réponse est aujourd’hui de soutenir, comme le propose l’entrepreneur Tariq Krim, le mouvement sur les technologies éthiques.

Il s’agit d’un nouveau terrain de croissance industrielle pour l’Europe dans lequel nous aurions tout intérêt à nous investir. Il est soutenu par des entrepreneurs qui réfléchissent à d’autres façons non aliénantes de concevoir la technologie et qui prônent l’arrêt de certaines pratiques toxiques. Ce faisant, ils sont complètement en phase avec la philosophie de notre règlement général sur la protection des données (RGPD).

Relevons aussi une évolution nécessaire du droit de la concurrence et de la directive e-commerce. Je reconnais la difficulté de l’exercice, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’est pas en répétant comme un mantra « c’est difficile » pour justifier de solutions attentistes et inefficaces que nous allons avancer. Cette directive, qui organise notre vie numérique depuis bientôt vingt ans, n’a plus d’autre rôle aujourd’hui que de protéger les monopoles de quelques géants anglo-saxons qui ont actuellement droit de vie et de mort sur nombre de nos entreprises. Il est grand temps de reconnaître qu’elle a échoué à transformer l’Europe en puissance numérique.

J’espère que nos discussions de ce jour nous permettront d’y voir plus clair sur les conséquences de ce texte. Personnellement, j’aurais aimé que, sur un sujet aussi complexe, aussi grave, nous prenions le temps d’une vraie navette parlementaire. Je m’en suis d’ailleurs émue lors de la dernière conférence des présidents. Nous aurions eu besoin de vraiment travailler en profondeur sur la réécriture de l’article 1er. Monsieur le secrétaire d’État, je sais que vous n’étiez pas insensible à nos arguments, car vous savez bien qu’il n’y a pas de solution évidente de prime abord. Il nous aurait fallu plus du temps pour éviter de produire un texte bâclé à la va-vite.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion de la proposition de loi et de la proposition de loi organique relatives à la lutte contre la manipulation de l’information, dans cet hémicycle, en juillet dernier, la commission de la culture et la commission des lois avaient proposé l’adoption de motions tendant à opposer la question préalable. Fait rarissime pour une assemblée qui ne refuse jamais de travailler sur un texte, nous avions adopté ces motions, mes chers collègues, à la quasi-unanimité. Nous voulions ainsi alerter le Gouvernement sur la méthode et sur le fond.

Pour satisfaire une exigence présidentielle, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, vous aviez choisi la voie d’une proposition de loi inaboutie, dépourvue d’étude d’impact, et discutée dans le cadre de la procédure accélérée.

Sur le fond, ensuite, dans une harmonie qui aurait dû inciter à la prudence, des collègues éclairés avaient expliqué au membre du Gouvernement présent que les dispositions de ce texte risquaient fort d’être inapplicables. Il ne les avait pas entendus et je vous montrerai, par l’exemple, que leurs craintes étaient fondées.

Aujourd’hui, sans avoir rien appris de ce naufrage, vous récidivez, et vous nous soumettez, dans les mêmes conditions, sans étude d’impact, sans analyse juridique, en recourant à la procédure accélérée, une proposition de loi que vous reprenez à votre compte, alors qu’elle suscite les plus vives réserves de tous les acteurs du numérique, du Conseil national du numérique, du Conseil d’État et même de la Commission européenne, dont vous nous expliquez qu’elle n’est pas défavorable au texte, tout en refusant, en même temps, de nous transmettre son avis. Votre aveuglement vous conduit à la situation cocasse de recevoir des leçons de la République tchèque en matière de défense de la liberté d’expression.

Je loue le travail acharné de notre rapporteur, M. Frassa, §qui a tenté de rendre conforme un texte de circonstance aux exigences du droit français et européen, et de le transformer en une proposition de loi un peu plus respectueuse des principes constitutionnels relatifs à la liberté d’expression. Cet effort désespéré lui vaudrait sans conteste la médaille de sauvetage, si elle n’était destinée qu’aux seuls Bretons. Néanmoins, plusieurs de vos amendements laissent à penser que sa ténacité restera vaine et que vous imposerez votre rédaction initiale à l’Assemblée nationale.

Pour éviter cet échouage, il eût été de bonne méthode de réaliser préalablement un bilan de l’application de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, promulguée voilà bientôt un an. Elle exigeait des opérateurs de plateforme de prendre des mesures pour assurer la transparence de leurs algorithmes, de publier un bilan annuel de leur lutte contre la diffusion des fausses informations, de désigner un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent sur le territoire français et de communiquer des statistiques sur les résultats des traitements algorithmiques de recommandation et de classement. Le CSA a reçu pour mission de suivre le respect de ces obligations. Un an après le vote de la loi, il a toujours les plus grandes difficultés à obtenir des opérateurs les informations exigées.

Cette même loi a créé une action judiciaire en référé pour interrompre rapidement la diffusion d’une information fausse lors d’une campagne électorale. Le Sénat quasi unanime avait exprimé ses plus vives réserves sur l’efficience de ce dispositif. Nous ne disposons pas d’un bilan d’application de cette loi, mais il semblerait que le seul recours dont ait eu à connaître le tribunal de grande instance de Paris soit le mien !

Je me permets de l’évoquer rapidement dans cette discussion, parce que le jugement rendu, en référé, montre combien la loi est inapplicable et comment les opérateurs peuvent aisément se soustraire à tout contrôle. Le 1er mai dernier, le ministre de l’intérieur a publié sur Tweeter le message suivant : « Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger ». Plus tard, il reconnaissait lui-même que le mot « attaqué » était inapproprié et le tribunal, dans une litote, a considéré que le message « appara[issait] exagéré en ce qu’il évoqu[ait] le terme d’attaque et de blessure ». Néanmoins, il a considéré que chaque électeur avait la possibilité de se faire une opinion plus juste en lisant les articles de la presse écrite et, surtout, qu’il n’est pas possible de déterminer si la promotion de cette information a été assurée par des outils automatisés. Enfin, la société Twitter France a fait valoir son défaut de qualité à agir en précisant que la société Twitter International Company, de droit irlandais, est seule responsable du traitement des données. Aujourd’hui, cette information fausse est toujours disponible et le message a été lu plusieurs milliers de fois.

On pressent bien que l’intérêt de la plateforme qui le diffuse tient davantage au débit qu’à la vérité. Elle participe, comme ses homologues, de cette économie de l’attention que vous refusez de réguler, par faiblesse ou connivence.

Cette proposition de loi s’intéresse aux conséquences d’un modèle économique que plusieurs d’entre nous, au sein de cette assemblée, vous proposent de juguler, notamment en imposant des dispositifs d’interopérabilité et de transparence des algorithmes. En acceptant les amendements qui les visent, vous manifesteriez, monsieur le secrétaire d’État, votre intention d’agir sur les causes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne peux, au moment d’examiner cette proposition de loi, m’empêcher d’exprimer ma surprise sur la façon dont la discussion s’engage. Ce texte nous arrive de l’Assemblée nationale avec une disposition essentielle, selon les termes mêmes de Mme Laetitia Avia, son auteur : « Le cœur du texte est l’obligation pour les grandes plateformes de retirer les contenus manifestement haineux dans un délai maximum de vingt-quatre heures après leur signalement. Pour la mettre en œuvre, nous créons un nouveau délit, placé sous le contrôle du juge. »

La raison de cette proposition est assez évidente : la loi pour la confiance dans l’économie numérique, telle qu’elle est rédigée aujourd’hui, se révèle impuissante à enrayer le phénomène de la haine sur internet, qui ne fait que s’amplifier de jour en jour. Je pense que ce constat n’aura échappé à personne ici et que nous sommes tous d’accord.

Or, en supprimant la création de ce délit, la commission des lois a retiré de cette proposition de loi ce qui en fait la substance même. Ce qu’il en reste est un texte qui n’a plus grand intérêt. C’est non pas moi qui le dis, mais la Quadrature du Net, et ses membres connaissent le sujet : « Ainsi modifié, le texte n’a presque plus de substance, de sorte qu’il devient inutile de l’adopter. »

Je peux très bien comprendre que l’on soit contre l’article qui constitue le fond de ce texte, mais j’ai du mal à concevoir que l’on soit pour et contre à la fois.

Cet article a été adopté avec empressement à l’Assemblée nationale non pas seulement par LaREM et le Modem, mais par une très large majorité, seule l’extrême gauche ayant voté contre. Permettez-moi de citer Éric Ciotti pour le groupe Les Républicains : « Le texte en discussion est opportun, voire nécessaire. Il faut se protéger, réguler, bannir les propos de haine et de violence. Ce qui compte, c’est que nous obtenions des résultats. C’est pourquoi je voterai le texte. » Je cite encore Frédéric Reiss, dans son explication de vote pour le groupe Les Républicains : « J’invite le groupe des Républicains à voter en faveur de cette proposition de loi. » Je cite enfin M. Dunoyer pour le groupe UDI : « Je vais évidemment inciter avec la plus grande conviction les membres du groupe UDI à voter favorablement ce texte. » Quelques semaines plus tard, au Sénat, les représentants de ces mêmes partis adoptent une position opposée à celle qui a été défendue à l’Assemblée nationale. Ce qui était salué comme une avancée alors est aujourd’hui considéré, au Sénat, comme une incongruité à supprimer. Vous comprenez mon étonnement…

Pour ma part je suis partisan du texte initial, et je vais essayer, sans me faire d’illusion sur le résultat final, d’en expliquer les raisons.

Première réflexion : jusqu’à quand les Gafam vont-ils piétiner toutes les règles édictées par nos sociétés démocratiques ? Jamais dans l’histoire des propos publics d’une telle violence, d’une telle infamie, d’une telle obscénité, d’une telle pourriture n’ont été livrés, en toute impunité, à des millions de nos concitoyens. Les écueils des réseaux sociaux sont devenus majeurs, et nous en connaissons tous les conséquences : harcèlement, dépression, suicide parfois. Je ne crois pas que, sur ce point, quiconque ici soit en désaccord.

Deuxième réflexion, qui me paraît devoir aussi faire l’unanimité : la législation actuelle ne permet pas de faire face, puisque le phénomène ne fait qu’empirer. Le temps de la justice ou des autorités administratives n’est pas celui d’internet. Le CSA, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) ou la plateforme Pharos (plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) sont dépassés. Les seuls qui disposent des énormes moyens humains, algorithmiques et financiers pour régler le problème sont ceux qui l’ont créé. Pour paraphraser un proverbe arabe, celui qui a fait monter l’âne en haut du minaret devra aussi l’en faire redescendre.

Troisième réflexion : ce texte reviendrait à une privatisation de la censure, et nous confierions aux plateformes ce qui doit être confié au juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je réponds, d’une part, que c’est bien le juge qui reste l’arbitre en dernière instance, et, d’autre part, que c’est aujourd’hui que la censure existe, et elle est toute-puissante ! La censure, ce sont les milliers d’internautes qui n’osent plus s’exprimer sur les réseaux sociaux, qui ont résilié leur abonnement pour ne plus s’exposer aux attaques racistes, antisémites, homophobes, sexistes, menées sous forme de raids en bande organisée submergeant les pages individuelles à partir de fermes à trolls. C’est là qu’est le scandale ; c’est là qu’est la censure. Il est urgent de défendre les victimes, pas de protéger les plateformes.

Quatrième réflexion : certains objectent que ce texte risque de porter atteinte à la liberté d’expression. Comment peut-on soutenir cette position, alors que le mécanisme va exactement dans le même sens que celui qui s’applique à la presse depuis 1881 ?

La loi précise que la presse n’a pas le droit de livrer de contenus haineux ou de diffamer. La presse se conforme depuis toujours à ces principes ; elle contrôle ses contenus et personne n’a jamais dit qu’on lui confiait le rôle du juge. Pourquoi y aurait-il deux poids deux mesures ?

L’erreur de raisonnement consiste à distinguer les éditeurs, c’est-à-dire la presse, et les hébergeurs, alors qu’ils ont un point commun : ce sont des diffuseurs. Or c’est la diffusion qui compte en la matière. De ce point de vue, plateformes et presse ont de toute évidence les mêmes responsabilités.

La liberté d’expression ne consiste pas à diffuser de la haine, des contenus violents, des appels au meurtre ou au viol ; elle ne consiste pas à empêcher les autres de s’exprimer par du harcèlement, des attaques massives ou des menaces. En confondant ces délits avec la liberté d’expression, ce sont, non pas les victimes, mais les agresseurs que l’on défend !

On nous dit, enfin, que la Commission européenne est hostile à ce texte. Elle est surtout hostile à ce qu’il révèle : elle n’a rien fait depuis des années !

La directive e-commerce date de 2000, à un moment où aucune des plateformes actuelles n’existait, ou presque. La présente proposition de loi va, évidemment, bien au-delà de cette directive, qui est d’un laxisme inimaginable, comme de nombreux textes européens dans ce domaine, gangrénés par les millions de dollars du lobbying des Gafam à Bruxelles.

Ce n’est que lorsque certains pays ont commencé à légiférer que la Commission européenne s’est réveillée sur le RGPD. Depuis que l’Allemagne a légiféré – bien plus durement que nous – et que la France commence à le faire, elle se réveille à propos des contenus haineux et, comme d’habitude, elle nous dit : « c’est notre affaire, pas la vôtre ! »

Je pense, pour ma part, que l’inaction passée n’est pas un gage d’efficacité future et que nous aurions tout à gagner à bousculer un peu la Commission européenne, plutôt que d’attendre qu’elle sorte de sa torpeur.

Je suis obligé de m’arrêter là, mais j’espère avoir fait comprendre mon point de vue favorable à cette proposition de loi, point de vue que je continuerai d’exprimer au cours de la discussion.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur des travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toutes et tous ici, comme nombre de nos concitoyens, avons été les témoins, souvent impuissants, de propos haineux sur internet. Il a même pu arriver que nous en soyons les cibles.

Il n’est donc pas nécessaire de dresser un florilège des expressions odieuses, souvent anonymes, qui sont apparues progressivement avec le développement de cet outil de communication qu’est internet. Chacun sait ce qu’est l’expression de la haine raciste, antisémite, négationniste, l’apologie du terrorisme ou des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine en raison d’un handicap, d’une appartenance réelle ou supposée à une orientation sexuelle, d’une orientation politique, d’une croyance religieuse. Chacun convient tout autant de l’absolue nécessité de lutter contre la pédocriminalité y compris sur internet.

Alors que nous abordons l’examen de cette proposition de loi après l’Assemblée nationale, je veux dire que les membres de mon groupe partagent les objectifs visés en l’espèce – c’est d’ailleurs, je crois, notre cas à tous.

Force est de constater que le droit en vigueur, qu’il s’agisse du droit français ou du droit européen, ne nous permet pas de lutter efficacement contre l’expression de la haine en ligne. Nous sommes donc convaincus de la nécessité de renforcer l’arsenal législatif dédié à cette lutte, pour l’adapter aux nouveaux supports que cette haine emprunte pour proliférer.

Oui, il faut trouver un moyen pour qu’un contenu haineux puisse être signalé, supprimé, et sa viralité anéantie. Mais, monsieur Malhuret, pas au prix de l’atteinte à une liberté constitutionnelle !

J’ai déjà exprimé notre inquiétude sur les moyens potentiellement attentatoires aux libertés mis en œuvre au motif de défendre la sécurité et l’ordre public. Malheureusement, le constat s’impose à tous : depuis deux ans, l’actuelle majorité s’est fréquemment heurtée à cet écueil au prétexte de l’efficacité et a souvent consenti à ébrécher les libertés publiques.

Ne commettons pas, de nouveau, cette erreur morale et philosophique !

Je nous invite donc à aborder l’examen de ce texte en gardant en tête ce fil conducteur et ce principe simple : la lutte contre la propagation de la haine sur internet est fondamentale, mais elle ne peut être mise en œuvre au prix d’une atteinte à la liberté d’expression. C’est dans cet esprit, en tout cas, que mon groupe engage la présente discussion.

Or c’est à l’aune d’un postulat de départ plaçant la liberté au second plan, derrière la recherche de l’efficacité, que certaines dispositions de ce texte, pourtant centrales, s’avèrent problématiques et que certains manques se révèlent préoccupants.

En la matière, la recherche de l’efficacité revêt la forme de la prédominance donnée au contrôle privé, par les plateformes, au détriment du juge judiciaire, seul compétent, selon moi, en matière de limitation de la liberté d’expression. Plus grave, on prend le risque d’un « sur-retrait » – qualifié par certains de risque de censure – opéré par des opérateurs privés.

Il n’est pas anodin que, en sus de nos rapporteurs, le Conseil national du numérique, l’Arcep, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Conseil national des barreaux, le syndicat de la magistrature, la Quadrature du Net, entre autres organismes, se soient exprimés en des termes sans équivoque pour dénoncer le choix de dispositions qui conduisent à s’interroger.

La Commission européenne a pour sa part émis des observations très préoccupantes, dont la prise en compte pourrait justifier le rejet de toute demande de condamnation d’une plateforme par un juge français.

Nous avons donc le devoir d’adapter notre droit aux évolutions du temps, mais nous devons absolument en préserver les principes fondamentaux. C’est l’objectif visé par mon groupe.

Quelles sont nos préoccupations ?

En premier lieu, les auteurs du texte n’ont pas jugé nécessaire de distinguer les organes de presse parmi les auteurs de contenus. Ce serait un oubli lourd de conséquences, si la future loi restait en l’état en ce domaine. Il est donc impératif que le Sénat défende la liberté de la presse en l’excluant du champ de la loi. Nous y reviendrons.

En second lieu, un certain nombre de garde-fous doivent être mis en place.

D’abord, il y a le fameux délai de vingt-quatre heures laissé à un opérateur pour déterminer si le contenu notifié est haineux ou non, et s’il doit être retiré ou non.

Cette mesure a été vivement critiquée, non sans raison. Ce délai conduit à s’interroger effectivement sur les décisions nécessairement radicales qui pourraient être prises par les plateformes numériques, en particulier s’agissant des contenus que l’on peut qualifier de « douteux ». Pour ces contenus, aussi dits « de zone grise », le risque de retraits excessifs est bien réel, d’où le choix du Sénat de supprimer cette disposition en commission.

Pour autant, il est primordial que nos travaux confèrent à ce texte les moyens de lutter efficacement contre la haine en ligne.

Le groupe socialiste avance un certain nombre de propositions pour dépasser cette problématique, en renforçant le rôle du juge. Il revient bien à la justice de se prononcer sur la conformité à la loi, ou non, des contenus douteux et de trancher la question d’une possible limitation de la liberté d’expression. Nous proposons donc d’instaurer une obligation de retrait ou de blocage en vingt-quatre heures à titre provisoire d’un contenu haineux manifestement illicite notifié, jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé.

Nous pensons enfin qu’il convient d’aller plus loin encore dans le rôle conféré au CSA dans le dispositif.

En organisant sous son autorité la coopération et le partage transparent d’informations entre les plateformes, on lui permettrait de contribuer à réunir les conditions pour lutter efficacement contre la duplication des contenus haineux, sujet sur lequel nous aurons aussi l’occasion de revenir à travers l’examen de certains amendements.

Le CSA doit également assurer son rôle d’autorité de régulation et de contrôle pour ce qui concerne les algorithmes utilisés par les plateformes en matière de suggestion et d’accès aux utilisateurs de certains contenus. Les moyens doivent lui être donnés d’assurer ces missions et d’en garantir la transparence. À défaut, nous serons pieds et poings liés face aux plateformes, qui pourront, grâce à des algorithmes que nous ne connaîtrons pas par hypothèse, censurer toute une série de contenus.

D’autres points méritent amélioration. Ils seront évoqués par mon collègue David Assouline dans quelques instants.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe socialiste aborde l’examen de ce texte avec un esprit de responsabilité. C’est le sens des amendements que nous proposerons : il s’agit bien de répondre aux deux exigences d’efficacité et de justice, à travers une lutte contre la haine sur internet qui préserve la liberté d’expression.

Nous entendons saisir l’occasion donnée au Parlement, par ce texte, incontestablement imparfait, de lutter contre cette haine en ligne, d’en protéger évidemment les victimes, tout en plaçant la justice de notre pays dans son rôle de garante des libertés fondamentales et, en l’espèce, de la liberté d’expression.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.

Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, nous faisons face à une explosion du racisme et de l’antisémitisme en ligne. Aussi, l’objectif de cette proposition de loi est partagé sur l’ensemble de nos travées. Il était important d’agir face au déferlement de haine !

Cette avalanche de haine est d’autant plus méprisable qu’elle se fait souvent sous le sceau d’un relatif anonymat, qu’une enquête approfondie finit bien souvent par trahir.

Pour en venir à la proposition de loi, la version issue des travaux de l’Assemblée nationale posait à mon sens un certain nombre de difficultés.

La création d’un délit de non-retrait des contenus odieux dans un délai de vingt-quatre heures, à l’article 1er, constituait la principale de ces difficultés.

L’instauration d’un tel délit aurait comme première conséquence de confier la censure sur le web à des géants de l’internet mettant déjà à mal la souveraineté des États.

Ces géants auraient été d’autant plus confortés que le texte initial prévoyait de sanctionner en fonction du nombre de connexions, lequel ne détermine en rien les moyens d’une plateforme.

C’est simple, on aurait sanctionné de la même manière Facebook, ayant une véritable portée commerciale, et Wikipédia, qui n’a aucune vocation commerciale et dont la communauté régule déjà les contenus.

L’autre interrogation posée par l’article 1er est celle des notifications abusives, déjà évoquées. Les premières remontées des pratiques actuelles en Allemagne sont de nature à alerter, avec des plateformes sur-censurant des contenus parfaitement licites, de peur d’être sanctionnées.

Le problème soulevé par ce délai, enfin, est qu’il mettait tous les propos haineux au même niveau, empêchant ainsi toute possibilité de s’attaquer, d’abord, aux atteintes jugées les plus lourdes.

Tous ces éléments rendaient cette disposition inapplicable. C’est pourquoi je me réjouis de sa suppression par le rapporteur.

S’agissant des opérateurs concernés, je salue l’exclusion des moteurs de recherche du champ d’application de la loi. La possibilité que des sites de plus petite ampleur puissent être sanctionnés grâce au critère de viralité mis en place est intéressante, mais les critères de choix énoncés sont trop vagues et laissent une trop grande place à la libre appréciation du CSA.

La proportionnalité des moyens selon la taille des plateformes est également une bonne réponse apportée aux critiques formulées par la commission sur la nécessaire hétérogénéité des modèles de plateformes.

Quant aux pouvoirs de régulation et de sanction attribués au CSA, le rôle du Conseil relatif à la diffusion de lignes directrices et de bonnes pratiques doit être central pour permettre une mise en œuvre la plus simple possible de la future loi.

J’en reviens à la lutte contre la viralité. Là encore, le CSA aura un rôle majeur à jouer. Les prérogatives qui lui ont été données pour désactiver de manière rapide certains canaux de rediffusion vont aussi dans le bon sens, mais cette montée en gamme pose un problème : celui du financement.

Une fois de plus, on va faire supporter davantage de prérogatives et d’obligations à un organisme sans augmenter considérablement ses moyens. Donnons au CSA les moyens de ses ambitions !

Le même raisonnement s’applique pour l’éducation nationale : on lui assigne aujourd’hui des nouvelles missions de sensibilisation auprès des élèves, mais, sans moyens importants, la promesse est vaine.

Dans la lutte contre la haine en ligne, le principal défi sera celui de l’interopérabilité des grandes plateformes. Derrière ce mot complexe, se cache simplement la possibilité de mise en place de protocoles communs, permettant la communication entre logiciels.

L’objectif à terme est d’arriver à faire sortir certains citoyens de leur dépendance à des sites web donnés, par exemple Facebook, en faisant en sorte qu’ils soient aussi en contact avec des utilisateurs d’autres sites – Twitter, WhatsApp, Instagram, etc.

Une plus grande interopérabilité, c’est un moyen sans pareil de sortir les utilisateurs de certains usages nocifs des réseaux sociaux et de les éloigner de pratiques souvent peu respectueuses de la vie privée et de la protection des données personnelles.

Dans ce domaine, le texte permet quelques avancées, hélas insuffisantes pour bouleverser les équilibres établis par les géants du net.

L’obligation de transposition de la directive, dite SMA, sur les services médias audiovisuels, l’attente d’un règlement européen sur les contenus terroristes, ou encore le Digital Services Act nous prouvent que, en termes de législation sur les contenus haineux, il est plus que jamais urgent d’attendre.

Néanmoins, les élus du groupe du RDSE voteront en faveur de ce texte, et ce même si nous sommes conscients de ses limites et de l’effectivité somme toute relative des aménagements qu’il propose.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, internet peut être un formidable outil de partage et d’expression, un espace de liberté qu’il nous faut impérativement préserver. Néanmoins, il arrive de plus en plus souvent que son utilisation soit dévoyée.

Associé au sentiment d’impunité lié à l’anonymat ou à la virtualité, il est aujourd’hui devenu le lieu privilégié de la prolifération et de la propagation de contenus violents, haineux, ou encore de fausses informations et autres théories du complot. Nous en sommes quotidiennement témoins, si ce n’est victimes.

Ces comportements intolérables ont des conséquences parfois dramatiques, devant lesquelles le législateur ne saurait rester silencieux.

Il s’agit d’un constat unanimement partagé sur toutes les travées de cette assemblée : il est de notre responsabilité d’agir, tout en trouvant un équilibre entre modération des contenus et respect de la liberté d’expression.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, portée par la députée Laetitia Avia, dont je souhaite saluer le travail considérable, s’attaque à cette tâche difficile.

Issue d’un rapport remis en septembre 2018 au Premier ministre par son auteure elle-même, Karim Amellal et Gil Taïeb, elle a pour ambition de renforcer la pression sur les plateformes numériques, en les soumettant à des sanctions pénales si elles ne retirent pas en vingt-quatre heures les contenus haineux, et met en place une régulation administrative ambitieuse de ces grandes plateformes placée sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Ce texte facilite également l’organisation de la réponse judiciaire par la spécialisation d’un parquet et d’une juridiction en matière de lutte contre la haine en ligne.

Enfin, il promeut certaines actions de prévention en milieu scolaire.

La révolution numérique a grandement modifié les comportements, notamment chez les plus jeunes, qui sont les premiers utilisateurs d’internet. Ce fait justifie que l’on mise sur la prévention, la sensibilisation, l’éducation et la responsabilisation au numérique.

Inspirée du précédent allemand, entré en vigueur le 1er janvier 2018, la proposition de loi s’efforçait, me semble-t-il, d’en éviter les écueils.

Depuis son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 20 mars 2019, ce texte a beaucoup évolué, pour tenir compte, notamment, de l’avis du Conseil d’État en date du 16 mai 2019.

Si les dispositions concernant la régulation, l’organisation judiciaire de la répression et la formation emportent la conviction de chacun, la mesure relative à la création d’un nouveau délit, pourtant au cœur du dispositif, a suscité une levée de boucliers.

La commission des lois du Sénat, par la voix de son rapporteur, M. Christophe-André Frassa, dont je salue la qualité du travail, a choisi de supprimer ce nouveau délit dit de « non-retrait », que nous proposions au contraire de préciser, au motif que celui-ci inciterait les plateformes à retirer des contenus licites au moindre doute, par excès de prudence et peur d’une éventuelle sanction.

Ce sont des arguments que nous comprenons, même si nous pensons que le texte était parvenu à un équilibre en laissant à la justice le soin de trancher, en cas de contestation, sur le respect de ces obligations de retrait ou, au contraire, en cas de retrait abusif.

Nous avons par ailleurs déposé un certain nombre d’amendements, qui ont été adoptés en commission.

Je pense à celui qui vise à mieux associer les régies publicitaires à la lutte contre le financement des sites facilitant la diffusion en ligne des discours de haine, en renforçant les obligations de transparence qui leur incombent.

Je pense aussi à la suppression de l’obligation mise à la charge des plateformes d’empêcher, de façon générale et indiscriminée, la réapparition de contenus haineux illicites déjà retirés. Cette procédure de notice and stay down était manifestement contraire au droit de l’Union européenne, la directive e-commerce interdisant toute forme de surveillance généralisée des réseaux.

Je pense enfin à l’amendement tendant à préciser que le CSA prend en compte l’hétérogénéité des modèles de plateforme dans l’appréciation des moyens mis en œuvre.

À ceux-là, s’ajoute un amendement de réécriture de l’article 6 bis AA ayant reçu l’avis favorable de la commission des lois.

En conclusion, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les grandes plateformes doivent être davantage responsabilisées, afin qu’elles participent bien plus qu’aujourd’hui à la lutte contre la propagation des discours de haine en ligne.

Notre législation actuelle, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui se contente d’imposer aux hébergeurs d’agir « promptement » pour retirer les contenus manifestement illicites qui leur sont signalés, n’est plus adaptée.

Nous pouvons nous féliciter qu’une action ait été entreprise à l’échelon national, même s’il nous paraît évident qu’une législation harmonisée au plan européen permettrait une réponse plus efficace dans cette lutte contre la haine en ligne.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu du fait que le texte a été amputé de l’une de ses dispositions principales, le groupe La République En Marche s’abstiendra.

La haine en ligne évolue sans cesse, au gré des progrès techniques. Le dispositif mis en place devra faire ses preuves, et il y a fort à parier que nous serons contraints, tant les changements sur internet sont rapides, de remettre l’ouvrage sur le métier et de faire de nouveau évoluer notre loi.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons d’entendre des points de vue très différents exprimés à cette tribune, ce qui montre bien que ce texte perturbe nos certitudes et que nous devons prendre le temps, collectivement, de nous écouter pour trouver les bonnes solutions.

Le caractère perturbateur de ce texte tient en ce qu’il pose un problème évident, extrêmement fort – celui des contenus haineux sur internet –, tout en avançant deux solutions relativement différentes. L’une, proposée aux articles 2 à 7, relève de la régulation ; l’autre consiste en la mesure pénale de l’article 1er.

S’agissant du premier point, qui est de savoir si notre société doit s’armer pour lutter contre les contenus haineux sur internet, la réponse est bien sûr positive.

Que nous raisonnions en nous fondant sur les explications de notre excellent rapporteur, lequel a retracé les difficultés rencontrées, que nous reprenions les chiffres qu’il donne dans son rapport – 163 723 signalisations annuelles à la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, la plateforme Pharos, ou que nous pensions à l’intervention de M. Claude Malhuret nous invitant à lutter contre la « pourriture », pour reprendre son terme, oui, la nécessité de lutter contre le mauvais usage d’internet, contre tous ses excès, contre la polarisation en train de frapper nos sociétés – en France, comme ailleurs – fait du combat proposé par l’auteure de la proposition de loi et par le Gouvernement un combat parfaitement respectable. Nous devons le mener ensemble, indépendamment de l’approche qui est la nôtre – personnelle ou plus sociétale.

Reste la question des deux armes employées.

La première – je commence par la deuxième partie du texte – est celle de la régulation

Elle est intéressante, pertinente et, sans aller jusqu’à employer le terme « disruptive », en tout cas nouvelle.

Comment inciter le secteur numérique à s’autoréguler ? Comment le responsabiliser ? C’est le propos tenu par M. Claude Malhuret lorsqu’il invitait précédemment ceux qui avaient créé le problème à trouver les moyens permettant de le résoudre.

La voie de la régulation me paraît donc pertinente. Elle met à la charge des plateformes de nouvelles obligations, des obligations de moyens, en leur imposant d’assurer une régulation systématique et concrète des contenus.

Je vois tous les avantages à cette solution.

D’abord, la situation en la matière est déjà bien connue dans d’autres domaines. Ainsi, le dispositif s’inspire assez largement de la supervision bancaire, avec ses obligations de régulation et cette attention portée aux comportements concrets.

En outre, ces obligations de moyens impliquent que l’on vérifie comment travaillent les plateformes. Ont-elles des modérateurs ? Combien sont-ils ? Comment les recrutent-elles ? Comment les rémunèrent-elles ? Comment les forment-elles ? Autrement dit, le régulateur, en l’espèce le CSA, devra mettre les mains dans le cambouis, si je puis dire, et regarder concrètement ce qu’il se passe au sein des plateformes.

En envisageant une telle responsabilisation, une telle autorégulation, faisons-nous preuve de naïveté, notamment, madame la présidente de la commission de la culture, dans notre appréhension de l’action des grandes plateformes internationales ? Allons-nous, comme j’ai pu l’entendre, jusqu’à nous transformer en représentants des intérêts des lobbies ?

Je ne le crois pas ! Au final, le régulateur a tout de même la possibilité, s’il considère que l’obligation n’est pas respectée, d’infliger une sanction pouvant représenter jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial, ce qui n’est pas rien ! D’ailleurs, nous proposerons, à travers un amendement de la commission des lois, de porter cette limite à 20 millions d’euros pour les plateformes n’ayant pas de ressources commerciales.

C’est dire, mes chers collègues, si je ne partage pas l’avis de ceux qui pensent que la régulation serait sans intérêt. Elle est équilibrée, proportionnelle, efficace, et je la crois réaliste !

J’en viens à l’arme pénale qui nous est proposée à l’article 1er, avec un délit puni d’un an de prison et de 250 000 euros d’amende, si, comme vous le savez tous, une plateforme ne retire pas un contenu odieux manifestement illicite à l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures.

Je peux comprendre le message politique ; je peux comprendre l’audace affichée… Mais cette audace est imprudente et, surtout, elle est infondée !

L’article 1er a effectivement toutes les chances d’être déclaré inconstitutionnel. Si tel n’est pas le cas, il sera au moins, de toute évidence, annulé par la Cour de justice de l’Union européenne pour cause de non-conformité avec nos dispositions conventionnelles et, accessoirement, sera inapplicable par nos magistrats.

Quelques précisions, sans vouloir aller trop loin dans les aspects techniques.

Cet article est inconstitutionnel au regard du principe de légalité – la définition de l’infraction est insuffisante – et du principe de proportionnalité – je doute qu’une sanction d’un an d’emprisonnement en cette matière respecte ce principe. A minima, s’il n’était pas déclaré comme tel, les dispositions qu’il contient seraient assorties de telles réserves qu’on pourrait avoir des doutes sur leur applicabilité.

Cet article n’est pas conforme au droit européen, car, en laissant de côté des éléments techniques comme le principe du pays d’origine ou la responsabilité atténuée des hébergeurs, on achoppera sur la notion de ciblage – elle rejoint le principe de légalité – et, de nouveau, sur la notion de proportionnalité.

Par pitié, mes chers collègues, la comparaison avec l’Allemagne, qui affleure effectivement dans l’avis du Conseil d’État, n’est pas justifiée ! Le système allemand ne prévoit pas de dispositions pénales, ce qui explique pourquoi la Commission européenne a pris une autre position à son sujet, et le législateur allemand a fixé les éléments de l’obligation de moyens, bien qu’il y ait aussi un régulateur.

En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut deux lectures sur ce texte. La rapidité n’est, ici, pas bonne conseillère. Nous approuvons les aspects positifs de la proposition de loi – l’ensemble du volet régulation ; laissez-nous le temps de travailler, dans le cadre de la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, pour mettre au point l’article 1er. Vous aurez alors la satisfaction d’avoir une mesure tenant la route !

Je terminerai en évoquant la dimension politique. Doit-on voir, dans la position que nous défendons, une action politique volontaire et critique de la part de notre assemblée ? Non ! Il s’agit pour nous, au contraire, d’assurer la crédibilité de la parole politique dans ce pays !

Imaginez que le Gouvernement, voire le Président de la République, s’exprime dans les enceintes publiques, qu’il déclare avoir trouvé la solution pour lutter contre les contenus haineux à travers ce texte et que celui-ci soit frappé d’inconstitutionnalité ou se révèle inapplicable par les juges du fait, notamment, des problèmes que nous rencontrons en matière de responsabilité pénale des personnes morales, l’effet serait très négatif ! Je vais donc espérer qu’il nous sera possible d’éviter cette situation…

Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà typiquement un texte qui apporte une mauvaise réponse à une bonne question. Je ne doute à aucun moment des bonnes intentions qui l’ont inspiré. Et tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, nous aimerions pouvoir trouver une juste réponse, c’est-à-dire opposer la loi de la République à la loi de la jungle digitale. Or la loi de la République, ce n’est pas le droit de salir, de diffamer, d’injurier.

Malheureusement, cette réponse est mauvaise, parce que, comme l’a dit M. le rapporteur Christophe-André Frassa, elle sera inefficace. Surtout, pour lutter contre un mal, elle attente à un bien commun qui nous est cher : la liberté d’expression. Et si nous sommes attachés en France à cette liberté, c’est pour des raisons profondes, et il en est ainsi tout particulièrement au Sénat, qui s’honore de défendre les libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La mesure phare de ce texte est l’article 1er, que la commission des lois a profondément et heureusement modifié : il s’agit de donner un pouvoir de suppression de contenus à ces plateformes internationales. Cela pose un vrai problème, comme l’ont indiqué plusieurs orateurs. En effet, que se passera-t-il dès qu’un contenu sera signalé ? Le compte à rebours pénal et le compte à rebours civil de l’amende seront déclenchés, et ces plateformes préféreront toujours leur portefeuille à nos libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Elles préféreront censurer au lieu de payer, et, plutôt que d’examiner, supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Et tant pis pour nos libertés publiques, mes chers amis, notamment la liberté d’expression ! Tant pis aussi pour ce qui constitue un socle important de nos procédures civile et pénale, à savoir le principe du contradictoire ! Bien sûr, la liberté d’expression doit connaître des limites. Elle a des bornes, mais celles-ci doivent être posées et reconnues dans un cadre particulier qui est précisément le respect du principe du contradictoire.

Or, en l’espèce, ce principe est jeté par-dessus bord. Il s’agit d’un renversement total : alors que d’habitude le doute bénéficie à l’accusé, là, il bénéficiera à l’accusateur.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai lu des dépêches ! Vous m’avez accusé, parce que je n’étais pas d’accord avec vous, de ne pas avoir lu le texte. Cela m’a blessé et j’ai mis plusieurs jours à m’en remettre.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’espère, monsieur le président de la commission des lois, que, tout comme les présidentes des commissions de la culture et des affaires économiques, vous avez bien lu le texte, de même que les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), du Conseil d’État, ainsi que Mme von der Leyen et les membres de la Commission européenne. D’ailleurs, j’ai bien noté que, au-delà de l’avis très critique de la Commission européenne, la nouvelle présidente proposerait prochainement une initiative législative.

Il eût été beaucoup plus prudent, beaucoup plus sage, me semble-t-il, d’attendre cette initiative européenne plutôt que de se précipiter et d’élaborer un texte bâclé, parce qu’il malmène l’une de nos libertés importantes à nos yeux, qu’il soulève un problème d’applicabilité et que son efficacité – elle paraît plus que douteuse – suscite des questions.

Un grand juriste anglo-saxon a déclaré un jour, en parlant d’internet : « code is law ». Malheureusement, sur la toile, la limite provient souvent de la technologie. Je me suis suffisamment intéressé, pendant des années, au sujet du digital pour avoir vu tant d’initiatives, toujours inspirées par de bonnes intentions, se fracasser contre cet écosystème particulier du numérique.

Nous ne disons pas, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faille ne rien faire. La preuve ? Nous aurions pu rejeter le texte, mais nous ne l’avons pas souhaité. Les rapporteurs ont travaillé, ils vous ont proposé un certain nombre d’aménagements et de modifications.

Mes chers collègues, internet n’est pas une zone de non-droit. Nous avons un arsenal juridique et déjà, madame la garde des sceaux, une jurisprudence. Mais nous voulons aller plus loin et proposer des dispositifs plus opérationnels, tout en protégeant nos libertés en termes de viralité, de célérité et d’interopérabilité pour que ceux et celles qui pourraient être concernés par cette haine – il faut bien sûr la dénoncer et la condamner – puissent se réfugier sur d’autres plateformes. Ces points importants ont été étudiés et ont fait ou feront l’objet d’amendements.

Pour terminer, je signalerai deux contradictions politiques.

Si les réseaux sociaux donnent fréquemment le sentiment d’être les grands déversoirs des mauvaises humeurs, c’est parce qu’ils sont aussi souvent le grand défouloir d’une parole empêchée. Je ne veux rien justifier et surtout pas excuser l’inexcusable, mais beaucoup de Français ont le sentiment de ne pas avoir suffisamment droit au chapitre. Et ce fait est au cœur du malaise de nos démocraties occidentales.

Il faut évidemment poser des limites, et nous vous le proposons. Néanmoins, les propos que vous avez tenus, monsieur le secrétaire d’État, comprennent une contradiction. En disant qu’il ne fallait pas que seuls les pays autoritaires puissent se saisir de ces armes, vous êtes entré dans cette contradiction que je veux dénoncer, parce que nous ne devons pas raisonner de la sorte. Attenter à l’une de nos libertés sous prétexte de lutter contre la tentation libérale, c’est tomber dans le panneau.

Autre contradiction : cela fait des années que l’on nous exhorte à réguler internet, à réguler les géants, les Gafam, ce n’est pas Gérard Longuet, qui a été rapporteur de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique, qui me contredira. Et vous nous proposez de leur confier ce que nous avons de plus précieux, c’est-à-dire la capacité de censure ! Privatiser la censure revient en fait à leur demander de réguler une de nos libertés publiques importante pour nous, Français. Cela ne va pas !

En outre, cette faculté de censure serait concédée non pas à des hommes ou à des femmes, mais à des robots, à des algorithmes dont nous ne connaîtrons jamais les codes sources, mes chers collègues. Voilà le problème ! Ce n’est pas une société de vigilance qu’on nous propose, c’est une société d’une surveillance généralisée. Nous ne le voulons pas.

Bernanos a dénoncé la civilisation des machines dans son livre La France contre les robots. Cette France des robots, nous n’en voulons pas. Nous voulons la France avec l’esprit français, attaché à toutes nos libertés publiques et tout spécialement à la liberté d’expression.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi qu’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sans surprise, je vais à mon tour insister sur la suppression de l’obligation qui est imposée dans le texte initial aux opérateurs en ligne de supprimer dans les vingt-quatre heures les contenus haineux sous peine de condamnation pénale.

Le risque de sur-blocage préventif des propos qui pourraient être tenus a déjà été dénoncé. Pour certains, c’est tout à fait louable, car cela permettrait à internet de devenir le lieu d’une aimable conversation civique. Je crains que nous ne puissions d’ores et déjà dessiner les contours de cette aimable conversation civique.

En effet, vous le savez sans doute, l’une des plateformes les plus connues proscrit toutes les images de nudité de ses contenus, et ce jusqu’aux œuvres d’art que nous connaissons tous, notamment françaises. La Grande Odalisque d’Ingres, l’un des fleurons de la peinture française, ne sera plus jamais visible par les visiteurs de cette plateforme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Cette œuvre est déjà censurée en raison du puritanisme anglo-saxon.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

… puisque le peintre a réussi cette prouesse anatomique de faire apparaître sur le même dessin à la fois un sein et une paire de fesses !

Dans ce pays d’où sont originaires de nombreux opérateurs en ligne, certaines maisons d’édition comportent en leur sein des comités de lecture qui expurgent soigneusement tous les ouvrages, tous les manuscrits, de tous les éléments qui pourraient blesser des groupes d’intérêt, des communautés particulières, si bien que les ouvrages qui en sortent ont à peu près la densité de Petit Ours Brun va à la plage.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2019, le New York Times a supprimé de sa publication les dessins de presse. Or, et vous ne l’avez pas oublié, je le sais, mes chers collègues, le 7 janvier 2015, c’est pour un dessin de presse que douze victimes sont tombées sous les balles de terroristes islamistes…

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Derrière cette volonté tout à fait louable de mettre fin à ces flots insensés de violence qui déferlent en permanence sur la toile se cache la liberté d’expression. C’est une liberté constitutionnelle, c’est l’essence même de notre démocratie, au point que tous les régimes totalitaires cherchent à empêcher leurs citoyens d’aller sur internet.

Cette liberté d’expression est importante, elle doit être préservée, beaucoup d’entre nous l’ont dit. Le rapporteur a demandé à la commission des lois de prendre la décision de supprimer l’article en cause, afin que cette liberté d’expression soit toujours respectée. Je soutiens bien évidemment cette position, car je ne voudrais pas, pour citer un auteur français, pouvoir dire comme Le Figaro de Beaumarchais : « Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place […], ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le sujet a été posé par tous les orateurs talentueux de tous bords qui m’ont précédé. Bien sûr il est insupportable pour la démocratie que continuent à proliférer de façon exponentielle sur le net le racisme, l’antisémitisme, l’appel à la haine, réduisant et portant atteinte au dialogue, au débat et à la politique.

L’intention qui sous-tend la proposition de loi est à saluer : agir contre cela. Mais il faut légiférer sans porter atteinte à la liberté d’expression.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Bien entendu, mais il faut lire entre les lignes : le Conseil d’État a validé cette loi. Ici, on légifère, on débat et on essaye de construire du droit. Mais il faut toujours faire attention !

Cela dit, un amendement que nous défendrons vise à écarter de la future loi la possible atteinte à la liberté de la presse, qui est constitutive de la liberté d’expression dans notre pays. Je propose de dire d’emblée que la presse, au sens de la loi de 1881, la presse en ligne notamment, n’est pas concernée. Ne pas inscrire ce cadre dans la loi ferait prendre le risque de laisser cette liberté passer sous le joug des plateformes.

Or, nous le savons, malgré toutes nos précautions, le risque de voir des algorithmes ne pas tenir compte du contexte et censurer des articles de presse existe. La presse en ligne est d’autant plus sensible qu’elle offre des espaces de contributions qui pourraient apparaître comme des opinions, mais sont pourtant déjà modérées par des éditeurs agréés et couvertes par la loi de 1881. Le retrait des contenus s’effectue déjà aux dépens de cette notion de contextualisation dont il est question.

Pour conclure, je veux rappeler que l’un des principes à affirmer est l’exclusion de la presse du champ d’application de la future loi.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Je voudrais apporter un certain nombre de réponses, même si j’ai bien conscience que nous poursuivrons la discussion lors de l’examen de chacun des articles.

D’abord, je n’ai aucun doute sur le fait que nous partagions l’objectif final de cette proposition de loi. Effectivement, la question, c’est celle des moyens. Je remercie de nouveau le rapporteur Frassa du travail constructif que nous avons pu mener jusqu’ici et que, j’espère, nous poursuivrons.

J’aborderai d’abord l’opportunité d’une proposition de loi par rapport à un projet de loi. Compte tenu de la multiplication, quasiment tous les mois, de cas de harcèlement, le Gouvernement lui aussi a conscience de l’urgence à agir. Dernièrement, je parlais de ce qui s’est passé à Noisiel.

Quant à savoir si les choses auraient été différentes avec une étude d’impact, je le dis avec beaucoup de respect pour le processus parlementaire, mais quand le Gouvernement veut taire certaines choses dans une étude d’impact, il sait le faire. La situation n’aurait donc guère été différente.

À titre personnel, comme d’ailleurs en règle générale le Gouvernement, j’aurais aussi préféré un projet de loi, notamment pour avoir la main sur l’agenda. En l’occurrence, un texte était proposé par la députée Laetitia Avia, après un rapport qu’elle avait rédigé avec Gil Taïeb et Karim Amellal, et compte tenu de l’urgence, nous avons choisi de passer par ce biais-là.

Quant au fond, à plusieurs reprises le reproche nous a été adressé de faire exercer la censure par les grands réseaux sociaux. Regardons la situation telle qu’elle existe – cela a d’ailleurs été évoqué par la sénatrice Muriel Jourda. Quand vous utilisez un réseau social, il s’agit d’un domaine privé, avec les conditions générales d’utilisation afférentes. Par conséquent, si les grands réseaux sociaux veulent organiser la censure selon leurs conditions générales d’utilisation, vous ne pouvez rien faire ; l’État ne peut rien faire. L’exemple de L ’ Origine du monde en atteste. Si demain Facebook décidait de se politiser, de changer ses conditions générales d’utilisation, de soutenir tel parti politique, il en aurait parfaitement le droit, puisqu’il s’agit, je le répète, d’un domaine privé. Aujourd’hui, les réseaux sociaux peuvent appliquer une censure sans aucune supervision de la loi.

Cette proposition de loi propose de créer un régime spécifique concernant la haine en ligne, selon lequel les plateformes ne peuvent pas faire ce qu’elles veulent. Le CSA assurera une supervision.

Je l’indique d’ores et déjà : l’État ne peut pas examiner chacune des insultes et des injures proférées sur internet, et la justice ne peut pas statuer en temps utile, malgré tous les référés du monde. Ainsi, dans les vingt-quatre heures qui ont suivi la tuerie de Christchurch commise dans une mosquée en Nouvelle-Zélande, Facebook a retiré 1, 5 million de copies de la vidéo.

Les plateformes doivent se doter des capacités à retirer ces contenus, sous la supervision du CSA ; in fine, le juge pourra toujours statuer sur la légalité ou non des mesures prises.

Il faut bien s’adapter au monde tel qu’il est et aux réseaux sociaux. Mais non, nous ne leur donnons pas la capacité de censure.

Concernant la question de la sanction pénale, le droit applicable est celui de la LCEN aux termes de laquelle la plateforme doit retirer promptement le contenu litigieux sous peine de sanction pénale. Nous n’introduisons pas de sanction pénale. Nous multiplions l’amende par quatre et nous changeons « promptement » et prévoyons un délai de vingt-quatre heures.

Le vrai changement, c’est l’introduction d’une obligation de moyens : se doter des modalités de modération et des modalités de lutte contre la haine au juste niveau – ce juste niveau sera déterminé avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel – sous peine d’une sanction pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires.

Encore une fois, nous n’introduisons pas de sanction pénale qui existe dans la loi applicable aujourd’hui.

Monsieur le sénateur Ouzoulias, nous avons considéré, pour notre part, que l’analyse du Conseil d’État était juridique.

Par ailleurs, cette proposition de loi traite non pas de manipulation de l’information, mais de ce qui est manifestement illicite.

J’ai eu l’occasion de le dire, pour les grandes plateformes et les grands réseaux sociaux, ceux qui ont les plateformes structurantes, je suis favorable à l’interopérabilité qui est un moyen de toucher leur modèle d’affaires, la manière dont ils fonctionnent. Telle est la position officielle de la France dans les discussions européennes.

Dans le cas d’espèce, un problème de principe se pose.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Ce n’est pas l’Europe, monsieur Ouzoulias !

Mais vous proposez, en raison de la violence qui y sévit, de rendre Twitter interopérable pour que les usagers puissent aller sur Mastodon ou sur un autre réseau social et continuer à communiquer avec leurs amis. Vous voulez fluidifier le marché. Votre approche est assez libérale… Pour un communiste, c’est assez intéressant.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Le rôle de l’État, ce n’est pas de fluidifier le marché, c’est de régler le problème des contenus haineux sur la plateforme où il se pose. Cela étant, je suis ouvert à la question de l’interopérabilité.

Un certain nombre d’interventions portaient sur l’articulation avec les dispositifs européens. Il y a deux questions, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir.

Tout d’abord, la proposition de loi est-elle compatible avec la loi européenne ? Pour le Gouvernement, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la dignité humaine écarte le risque d’inconventionnalité de ce texte au regard de la directive e-commerce.

Si en termes d’injures, de menaces de mort et de propos antisémites, racistes, etc., l’on s’en remet à l’Europe pour prendre les décisions, il y a un gros problème. Selon la directive e-commerce, dans de tels cas, la loi qui s’applique est celle du pays où se trouve le siège social de l’entreprise en Europe.

Par exemple, si un citoyen français se fait insulter, injurier, menacer de mort sur un réseau social russe ou d’un autre pays installé à Malte, c’est la loi de Malte qui s’applique et c’est le régulateur de Malte qui intervient.

Effectivement, des initiatives sont prises par l’Europe, comme le Digital Services Act ; il va falloir transposer la directive SMA. Mais, à ce stade, la haine en ligne n’est pas concernée. D’ailleurs, la philosophie européenne, s’agissant de ces sujets, est plutôt en faveur de la directive e-commerce. Ainsi, la loi qui s’applique à Facebook et le régulateur de Facebook doivent être ceux de l’Irlande.

Cela dit, la question de la haine en ligne doit être réglée maintenant. Les régulations européennes, vous le savez tous, prennent des mois, voire des années. Nous sommes favorables à des modifications des règles européennes jusqu’à la modification de la directive e-commerce, mais il faudra du temps. En attendant, prenons un certain nombre de dispositions en France pour protéger les Français. Lorsque les dispositions européennes seront adoptées, elles auront vocation à s’appliquer.

Monsieur Retailleau, votre plaidoyer pour les libertés publiques – nous confierions aux plateformes la censure – serait audible si le seul amendement que vous avez proposé n’allait pas complètement à l’encontre de vos propos. Vous leur demandez de se doter des moyens de supprimer les comptes sur la base d’un faisceau d’indices. Qu’est-ce qu’un faisceau d’indices ? Vous les laissez juges des comptes qu’elles doivent supprimer, ce qui se passe dans les pays autoritaires. Le débat sera intéressant.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai retenu trois points des différentes interventions : la liberté d’expression, la question des textes européens et le droit pénal inabouti, terme que non seulement j’ai lu dans un quotidien de l’après-midi hier, mais également que j’ai entendu prononcer dans cette enceinte.

Pour ce qui concerne la liberté d’expression, je partage évidemment vos préoccupations sur la nécessité de trouver un équilibre entre la lutte contre la haine et la liberté d’expression. C’est sur les moyens qui nous permettent d’y parvenir que nous pouvons peut-être diverger.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel est extrêmement forte. La liberté d’expression découle de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le Conseil constitutionnel indique toujours dans ses considérants que cette liberté d’expression est d’autant plus précieuse « que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à cette liberté doivent donc être nécessaires, adaptées et proportionnées ». Il s’agit d’une exigence extrêmement puissante qui trouve ses racines au fondement même de la démocratie. Nous devons donc assurer cet équilibre.

La proposition de loi n’est pas liberticide. C’est ce que je pense profondément, pour plusieurs raisons. D’abord, les propos haineux sont clairement définis : nous avons repris les dispositions de la LCEN. Ils correspondent à des infractions limitativement énumérées et qui préexistent. Aucune infraction nouvelle n’est créée.

Cette proposition de loi garantit un équilibre : elle permet de lutter efficacement contre la haine tout en préservant la liberté d’expression. Cette lutte passe par les mesures administratives que vous avez relevées. Elle passe également par des mesures pénales, à savoir la création d’un délit et d’un parquet spécialisé. Nous disposons ainsi d’outils performants.

Au total, la protection de la liberté est garantie par le rôle du juge, qui, vous le savez, interviendra sur la base de propos manifestement illicites. À cet égard, les dispositions prévues sont, une fois de plus, très encadrées. Elles ont été conçues sur la base d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel, et ce de manière très adéquate.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue : le texte que nous proposons n’est ni liberticide ni disproportionné. Au contraire, nous avons réussi à trouver un équilibre ; naturellement, nous pouvons voir avec vous s’il est possible de l’améliorer.

J’en viens à la question des textes européens. J’étais présente – c’est mon rôle – au dernier conseil Justice et affaires intérieures.

La Commission a la volonté de proposer des textes permettant de lutter contre les propos haineux, contre les incitations au terrorisme. Nous parlons très régulièrement de ces sujets. Mais – il faut le savoir – certains pays européens s’opposent à ce que nous allions plus loin en la matière. Avant que la Commission ne parvienne à proposer une initiative, avant que cette dernière ne fasse l’objet de débat, deux ans au moins se seront écoulés !

Comme l’a dit Cédric O, nous ne pouvons pas attendre si longtemps. Les Allemands ont décidé d’agir sans délai. Nous avons fait de même à propos du RGPD. La France et l’Allemagne peuvent d’ailleurs avoir l’initiative de textes au sujet desquels l’Union européenne finira par nous suivre et dans lesquels elle trouvera sa force.

Certes, en la matière, la loi allemande diffère de la loi française. En particulier, un orateur a relevé que l’Allemagne ne prévoyait pas de mesures pénales. Mais j’ajoute un bémol : quand les sanctions pécuniaires sont extrêmement fortes, qu’elles soient pénales ou administratives, leur effet est le même et il est extrêmement puissant !

Enfin, selon plusieurs d’entre vous, nous proposons un droit pénal inabouti. Ces propos m’ont frappée.

Comment dire que ce droit pénal est inabouti tout en supprimant de facto l’article 1er, lors de l’examen en commission, alors même que cet article entreprend la construction de cet arsenal pénal ? Il y a là une forme d’incohérence.

Il faut préserver les premiers outils que nous créons, non seulement par l’article 1er, mais aussi – nous le verrons dans la suite du débat –, par l’article 6 et par d’autres articles encore. J’y insiste, nous garantissons un système pénal justement proportionné !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Chapitre Ier

Simplification des dispositifs de notification de contenus haineux en ligne

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi ne s’applique pas à la presse, au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dans mon discours à la tribune, j’ai déjà défendu les dispositions de cet amendement, et je devine ce que l’on va me répondre : il va de soi que la loi de 1881 encadre l’ensemble du dispositif et que le présent texte ne peut pas la remettre en question. Mais cela va tellement de soi que je ne vois pas pourquoi on ne l’affirme pas d’emblée !

Cette question a déjà donné lieu à débats. Pour certains, les plateformes doivent pouvoir censurer elles-mêmes, en amont, des contenus de presse – les amendes et autres sanctions qu’elles peuvent encourir sous vingt-quatre heures vont dans ce sens –, alors même qu’elles ne jugent pas toujours du contexte.

Mes chers collègues, nous pouvons tous nous retrouver pour voter cet amendement. Les seuls arguments que l’on peut m’opposer, c’est qu’il est satisfait. Or un grand nombre d’imprécisions subsistent, qui nourrissent beaucoup de doutes et de préventions.

Tout le monde veut sécuriser ce dispositif. Voilà pourquoi il faut dire d’emblée qu’il ne porte pas préjudice à la loi de 1881 sur la liberté de la presse, laquelle est, à l’inverse, très claire.

J’ajoute qu’une telle précision rassurerait beaucoup le monde de la presse, notamment de la presse en ligne, dont les inquiétudes sont vives à cet égard.

Ne mettons pas le doigt dans l’engrenage en légiférant ainsi ; ne portons pas atteinte à la liberté d’expression. Dans notre pays, cette liberté est régie par la loi de 1881 : c’est ce texte qui l’a ordonnée pour l’ensemble des citoyens. C’est une force de rappeler d’emblée cette tradition juridique !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur Assouline, vous préjugez l’avis que nous allons rendre, et je ne vais pas vous décevoir !

Votre amendement a pour objet d’exclure la presse du champ d’application de cette proposition de loi. Mais le régime de responsabilité des éditeurs en ligne n’est pas modifié : le présent texte concerne certains hébergeurs qui dépassent un seuil d’activité.

En outre, sur le fond, la rédaction de votre amendement n’est pas véritablement opérante juridiquement : la loi pour la confiance dans l’économie numérique vise non pas la notion de « presse », mais celles, plus précises, d’« éditeur » et d’« hébergeur ».

De plus, l’exclusion générale que vous proposez se fonde sur la nature économique de l’activité visée, à savoir la presse, et non sur la nature technique de la prestation fournie par l’hébergeur ou par l’éditeur : en conséquence, elle poserait des problèmes d’égalité devant la loi.

Selon la commission des lois, il s’agit d’un amendement d’appel. Je me tourne donc vers le Gouvernement, qui va probablement vous rassurer, ainsi que les éditeurs de presse en ligne, quant au sort qui leur est fait à travers cette proposition de loi !

Nous demandons le retrait de cet amendement. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

L’idée d’accorder un traitement spécifique aux entreprises de presse soulève effectivement des problèmes juridiques, notamment au regard du principe d’égalité.

M. le rapporteur vient de le dire : la loi de 1881 sur la liberté de la presse institue un régime de responsabilité valant pour tous ceux qui tiennent des propos publics, même si l’existence de règles déontologiques limite, en principe, le risque de diffusion de contenus haineux par les entreprises de presse.

Il serait donc, me semble-t-il, difficilement justifiable de traiter différemment un contenu haineux selon qu’il a été ou non émis par un journaliste. Voilà pourquoi je demande à mon tour le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Madame la garde des sceaux, ce que vous venez de dire est extrêmement préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

La loi du 29 juillet 1881 a une richesse : de manière extrêmement structurée, elle organise la possibilité de poursuivre différents types de propos – en l’occurrence, des injures ou des diffamations –, notamment devant une juridiction pénale.

Mes chers collègues, ce pan du droit est très formel – certains d’entre vous l’ont peut-être pratiqué. Il faut prendre en compte des éléments de preuve, des délais, qui sont plus resserrés en période électorale, etc.

Si j’ai bien compris ce qu’a dit Mme la garde des sceaux, une fois que le présent texte sera entré en application, une plateforme privée pourrait décider de retirer des propos en l’espace de vingt-quatre heures, sans intervention du juge. En effet, ces dispositions engloberaient le champ de la presse.

Or, en droit français de la presse, le retrait de parutions est rarissime, pour ne pas dire inexistant. Il suppose des atteintes graves à la vie privée. Nous avons tous en tête un certain nombre d’affaires qui ont pu se produire en la matière : elles n’ont que rarement abouti au retrait de parutions.

Je le dis très solennellement : je ne m’attendais pas du tout à cette réponse de la part de Mme la garde des sceaux. David Assouline non plus, visiblement. Selon nous, le Gouvernement indiquerait que, la loi de 1881 étant une loi spéciale, elle primait une loi générale. §Aussi, nous proposions que ce principe soit écrit, afin de prévenir toute confusion. Or ce n’est pas du tout l’avis formulé !

De toute évidence, cette situation suscite beaucoup d’inquiétudes. Je ne sais pas si M. le rapporteur avait anticipé cette réponse de la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Qu’il s’agisse de la forme ou du fond, nous sommes face à un débat capital : les dispositions de cette proposition de loi s’appliquent-elles à la presse ? Pour nous, la réponse est évidemment non, et je vous encourage vivement à voter cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, nous assistons à un coup de théâtre, et j’espère que tout le monde est attentif à ce qui a été dit.

Je m’attendais à ce que l’on me réponde : « Votre amendement est satisfait. La loi de 1881 prime tout. » D’ailleurs, on m’a déjà donné cette réponse, et M. le rapporteur me l’apporte une nouvelle fois, tout en faisant preuve de prudence : nos débats ont une valeur juridique, ils peuvent être invoqués dans le cadre de recours. Aussi, M. le rapporteur se tourne vers Mme la garde des sceaux, qui, elle, répond : « Non. La presse entre dans ce champ. »

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, répond à M. le rapporteur l’inverse de ce qu’il voulait entendre : ce faisant, elle me donne raison ! On a pu me reprocher de couper les cheveux en quatre, mais j’avais bien raison de procéder ainsi !

Depuis le début, j’ai suivi les débats relatifs à cette réforme. Je sais ce qui se passe d’ores et déjà sur internet : certaines plateformes ont censuré des articles de presse faute d’avoir évalué la contextualisation opérée par les journalistes. Il ne s’agissait pas de propager tel ou tel propos haineux, mais de le critiquer ! Or les algorithmes ont tout mis dans le même panier…

Madame la garde des sceaux, vous nous dites que la presse en ligne peut être censurée. Je vois que les différents collaborateurs du Gouvernement s’agitent beaucoup, qu’ils vous remettent note sur note… §Peut-être a-t-on assisté à un dérapage ; peut-être nous direz-vous dans un instant que l’on a mal interprété nos propos. Mais ils ont révélé que ce débat n’était pas anodin ; ils prouvent que je n’ai pas, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, tenté de poser un faux problème.

Ce problème existe. Il y aura des recours. Il y aura des contentieux. Je préfère que l’on prévienne ces difficultés en écrivant d’emblée que la presse est régie par la loi de 1881, et non par le présent texte : ce dernier en est la conséquence, et il ne peut pas la remettre en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la garde des sceaux, votre réponse est très choquante. Au cours de la discussion générale, plusieurs collègues ont réaffirmé leur attachement à la loi de 1881, qui a construit notre liberté d’expression en encadrant les abus auxquels celle-ci pouvait donner lieu. À présent, on nous dit que ces dispositions vont être supplantées par cette proposition de loi.

Ce cadre est vieux de plus de cent ans. On n’y touche que d’une main tremblante, car il y va de notre capacité à user de notre liberté d’expression. Il aurait mieux valu se demander comment, sur la base des principes contenus dans la loi de 1881, adapter notre législation à la révolution numérique.

Personne n’aurait prétendu rendre les nouvelles messageries de la presse parisienne responsables de ce qu’elles transportaient. Pourtant, c’est exactement ce que l’on est en train de faire ! La révolution numérique bouleverse la manière d’être citoyen ; elle recompose toute la pratique démocratique, mais les citoyens doivent être responsables. En conséquence, l’enjeu fondamental, c’est la responsabilité de ceux qui écrivent et de ceux qui publient.

C’est cela, la liberté de la presse. C’est cela, la loi de 1881. Si nous devons l’adapter à la révolution numérique, c’est sur ses principes qu’il faut s’appuyer, pas sur autre chose.

Commençons par rappeler cette règle, puis construisons sur cette base, celle de la responsabilité individuelle. On ne peut pas dire aux citoyens : « Fermez les yeux. On s’occupe des plateformes et l’information circulant sur internet sera toujours régulée. » C’est ainsi que l’on fabrique des non-citoyens et que l’on détraque la démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Pour répondre à Mme de la Gontrie, j’ai moi-même pratiqué le droit de la presse de manière approfondie, et je le confirme : la loi de 1881 n’est pas sur le même plan que cette proposition de loi. Je ne sais pas comment ces deux textes vont se conjuguer, comment on déterminera quelle disposition appliquer.

Qu’il s’agisse des poursuites ou des délais d’action, la loi de 1881 fixe des conditions extrêmement strictes. Je pense au retrait, à la conservation des contenus et, surtout, à leur qualification : à cet égard, la loi de 1881 est extrêmement claire. L’atteinte aux biens, l’injure, ou encore la diffamation sont définies avec la plus grande précision.

De son côté, le présent texte mentionne des « contenus manifestement illicites », ou « manifestement haineux » : ces termes sont loin de présenter la précision exigée par la loi de 1881 !

Évidemment, j’aurais préféré que le Gouvernement réponde : les entreprises de presse, régies par la loi de 1881, ne sont pas visées par ces dispositions. Dès lors, l’amendement aurait été considéré comme satisfait. Mais Mme la garde des sceaux nous indique que tel n’est pas le cas. Aussi, à moins qu’elle n’apporte une clarification, je voterai l’amendement de M. Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Madame la garde des sceaux, je le confirme, une clarification s’impose ! Si, comme vous nous le dites à présent, ce texte peut concerner la presse, notre travail législatif n’est plus du tout le même. On change complètement de registre et d’échelle ! Vous devez absolument nous donner des explications.

Monsieur le secrétaire d’État, vous savez, au Sénat, on sait bien lire ! §C’est précisément la valeur ajoutée du Sénat dans le bicaméralisme. Aussi, j’ai lu dans le détail la proposition de loi Avia. Il m’a semblé qu’elle ne concernait que les hébergeurs, au sens de la directive e-commerce.

Aujourd’hui, le Gouvernement reprend ce texte à son compte pour élargir considérablement son champ. Vous devez nous dire pourquoi : vous devez assumer l’élargissement de cette proposition de loi à la totalité de la presse !

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Mesdames, messieurs les sénateurs, sans doute n’ai-je pas été assez claire : je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

Le texte dont nous débattons a pour seul objet les grands opérateurs de plateformes en ligne – Facebook, Twitter, etc. La loi de 1881, elle, n’est pas atteinte.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Nous ne parlons pas de la loi de 1881, dont l’écriture n’est clairement pas modifiée.

En revanche, comme je l’ai précisé il y a un instant, il ne paraît pas possible de prévoir, pour les opérateurs de plateformes, des obligations différentes selon que l’auteur est un journaliste ou une personne privée. À ce titre, il n’y a rien d’extrêmement complexe à comprendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Madame la garde des sceaux, malgré ces précisions, vous ne répondez pas à la question de la presse en ligne. Or nous avons besoin de connaître votre position précise. L’amendement de David Assouline a justement pour objet de nous rassurer sur ce point, étant donné l’importance de la loi de 1881 pour notre vie démocratique !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, les mots : « ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « sexuelle, de leur identité de genre » et, après la référence : « article 24 », sont insérées les références : «, à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 » ;

2° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’un contenu mentionné au troisième alinéa du présent 7 a fait l’objet d’un retrait, les personnes mentionnées au 2 substituent à celui-ci un message indiquant qu’il a été retiré.

« Les contenus illicites retirés peuvent être conservés pendant une durée maximale d’un an pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de mettre ces informations à la disposition de l’autorité judiciaire. »

II. – Au dernier alinéa du 7 du I et au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, la référence : « cinquième » est remplacée par la référence : « antépénultième ».

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Cette proposition de loi s’inscrit dans le droit fil de l’inflation législative et de la posture. À chaque type d’événement sa loi, même si les textes en vigueur permettent d’y répondre !

Dans le cas présent, il y a la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qu’il suffisait d’adapter. Il y a surtout l’inoxydable loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les associations militantes l’utilisent sans modération devant la justice, ce qui prouve l’efficacité du monde ancien pour protéger la liberté d’expression et réprimer ses abus.

Lorsqu’on énumère et que, dès lors, on sélectionne les haines, la situation devient plus grave encore. On retrouve là le défaut de la loi du 21 janvier 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Ce texte énumère les traites des noirs en oubliant celles vers les pays arabo-musulmans, pourtant plus longues et plus importantes en nombre que la traite transatlantique.

Mais, dans notre cas, le problème de fond, c’est que le mot « haine » ne signifie plus grand-chose à force d’être galvaudé ! Aussi en arrive-t-on à énumérer des haines à tour de bras, en ajoutant à la liste toutes les peurs habituellement captées par la « lèpre populiste », selon les termes de M. le Président de la République.

Expression de la pensée dominante, le présent texte sera, dans son application, focalisé sur les haines contre les minorités ethniques, religieuses et sexuelles, mais négligera à coup sûr les haines contre la majorité et la haine ordinaire entre les individus, celle dont on parle le moins, alors qu’elle est la plus courante !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Mes chers collègues, gardons à l’esprit le contexte culturel qui, en réalité, constitue le soubassement de notre débat et de cette proposition de loi.

Nous assistons à l’affrontement de deux cultures.

D’une part, il y a le freedom of speech, institué par le premier amendement de la Constitution américaine il y a bien longtemps, et qui a valeur de principe, en particulier pour les grandes entreprises qui ont conquis le monde via internet – c’est notamment le cas de la plupart des hébergeurs.

De l’autre, il y a la liberté d’expression, s’exerçant dans le cadre d’une loi protectrice : c’est notre culture française, et je dirai même européenne.

Je souhaite que le présent texte nous permette de progresser, au sujet de la liberté d’expression, dans le cadre de la loi républicaine. Or je m’interroge quant aux dispositions supprimées par la commission à l’article 1er. Dans quelques instants, Marie-Pierre de la Gontrie présentera, à cet égard, un amendement équilibré : j’espère qu’il recueillera l’assentiment de la Haute Assemblée.

Ce texte doit nous permettre d’affirmer l’ambition politique de la France pour lutter contre la haine et la violence dans notre société. À cette fin, l’on peut également s’appuyer sur la démarche de régulation par la donnée. C’est précisément ce qu’a préconisé la commission d’enquête sénatoriale sur la souveraineté numérique – je vous renvoie au rapport de notre collègue Gérard Longuet, que je salue.

On peut soumettre les algorithmes à nos valeurs humanistes et libérales, au sens philosophique du mot : donnons-nous les moyens humains et financiers d’y parvenir.

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez annoncé devant notre commission d’enquête : vous allez consacrer des moyens importants au recrutement de scientifiques de très haut niveau, qui pourront entrer dans le détail de ces mécanismes.

M. le secrétaire d ’ État le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Enfin, ne soyons pas naïfs : il s’agit là d’un espace de luttes, d’affrontements culturels, et nous devons nous saisir du présent texte pour progresser dans le sens des libertés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Au-delà du débat qui vient d’avoir lieu et qui – je le répète – est très préoccupant, rappelons que, face aux propos haineux, un certain nombre de sanctions existent déjà : elles mériteraient d’être plus connues et mieux appliquées. En effet, beaucoup de personnes souffrent aujourd’hui de ce type de propos sans bénéficier de protection. Il n’y a pas besoin de changer la loi pour leur venir en aide.

Je l’indique à mon tour : plutôt que d’adopter de nouvelles dispositions, qui viennent percuter la loi de 1881, mieux vaut nous inspirer des principes de ce texte fondateur pour construire un dispositif adapté à notre époque, en nous appuyant sur la responsabilité individuelle de ceux qui écrivent et de ceux qui publient.

Cette proposition de loi a pour ambition d’interdire : mais, avant tout, il faut se demander si l’on peut interdire !

Nous venons de débattre de la légitimité de l’interdiction. Aujourd’hui, nous connaissons les conséquences de telles mesures pour des plateformes basées en France. Mais, au-delà, sont-elles réellement effectives ? Les techniques vont toujours plus vite que la loi ; l’imagination humaine dépassera toujours les algorithmes ; et, sur de tels sujets, l’extraterritorialité est un facteur plus prégnant que tout autre.

En invoquant ainsi la sévérité, l’on menace non seulement la liberté d’expression, mais aussi la crédibilité du législateur. Nous devons également examiner l’applicabilité d’un certain nombre de mesures.

En définitive, nous risquons fort de menacer tout à la fois les libertés et notre crédit. Avec un tel texte, on donnera l’illusion de mieux lutter contre les propos haineux, alors même que les dispositions actuelles nous fournissent beaucoup d’armes à cette fin.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, parmi nous, ce constat est presque unanime : confier ces responsabilités aux plateformes n’est franchement pas le bon moyen de lutter contre les propos haineux. Jusqu’à présent, ces plateformes n’ont pas brillé par leur respect des valeurs de la République, par leur vertu et même par leur morale…

Nous débattons dans un contexte particulier. Un texte de loi voté à l’unanimité par le Sénat et par l’Assemblée nationale, puis promulgué, oblige les GAFA à payer la production journalistique qu’ils utilisent ; et les GAFA ont répondu qu’ils s’asseyaient dessus ! Google a déclaré : « Nous n’appliquerons pas la loi. » Et, au même moment, on donnerait aux plateformes le soin de réguler les contenus, de réprimer et de censurer les propos haineux !

M. le rapporteur a totalement vidé l’article 1er de sa substance. En procédant ainsi, l’on se prive de tout moyen d’action, alors qu’il faut agir, sinon, le présent texte ne tient plus debout… C’est pourquoi, avec l’amendement dont nous allons débattre dans quelques instants, Marie-Pierre de la Gontrie propose, in fine, de confier cette responsabilité au juge.

Il s’agit là d’un enjeu régalien : aussi, les leviers d’action doivent rester entre les mains de la justice, par le biais de la procédure contradictoire.

J’insiste d’autant plus sur ces enjeux que le précédent débat y a fait écho. Ceux qui, malgré la loi française, refusent de payer la production de presse qu’ils utilisent pourraient obtenir le pouvoir de censurer des contenus de presse. Madame la garde des sceaux, c’est ce que vous avez dit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Selon vous, on ne peut pas faire le tri entre les opérateurs. Dès lors, la presse pourrait être censurée…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Si ! Même si, bien sûr, des recours existent.

Aujourd’hui, la loi de 1881 encadre strictement la liberté de la presse en détaillant des sanctions spécifiques. Vous avez relancé le débat, et nous allons le poursuivre au cours de cette discussion !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Cambon, Mme Deroche, M. Mandelli, Mme Gruny et MM. Lefèvre et Laménie.

L’amendement n° 25 est présenté par M. Daudigny.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après l’article 6-1, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

« Art. 6 -2. – I. – Sans préjudice des dispositions du 2 du I de l’article 6 de la présente loi, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics ou sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, au regard de l’intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, à la lutte contre les contenus publiés sur internet faisant l’apologie des crimes contre l’humanité, provoquant à la commission d’actes de terrorisme, faisant l’apologie de tels actes ou comportant une incitation à la haine, à la violence, à la discrimination ou une injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l’origine, d’une prétendue race, de la religion, de l’ethnie, de la nationalité, du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, vrais ou supposés, ainsi qu’à la lutte contre la vente, l’acquisition et l’importation à distance de produits du tabac manufacturé, de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi, aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l’article 568 ter du code général des impôts ou de faire cesser, dans le même délai, le référencement de ce contenu.

« Dans le cas où un contenu mentionné au premier alinéa du présent I a fait l’objet d’un retrait, les opérateurs substituent au contenu un message indiquant qu’il a été retiré.

« Les contenus illicites supprimés doivent être conservés pendant une durée maximale d’un an pour les besoins de recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et seulement afin de mettre des informations à la disposition de l’autorité judiciaire.

« Le fait de ne pas respecter l’obligation définie au premier alinéa du I du présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la présente loi.

« Toute association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux mêmes articles 48-1 à 48-6, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné à l’avant-dernier alinéa du I du présent article lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l’association peut exercer les mêmes droits. »

2° Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6, les mots : « ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « sexuelle, de leur identité de genre ».

L’amendement n° 19 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 25.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La vente en ligne de produits du tabac contrefaits à des mineurs dont l’âge est difficilement vérifiable sur internet soulève des enjeux de santé publique. Par ailleurs, étant absolue, l’interdiction de vendre du tabac en ligne ne requiert aucune appréciation de licéité de la part des opérateurs de plateforme en ligne. Le retrait de ce type de contenus ne risque donc de porter atteinte ni à la liberté d’expression ni au commerce en ligne licite.

C’est pourquoi nous proposons que l’obligation de retirer ou de rendre inaccessibles, sous vingt-quatre heures après notification, certains contenus manifestement illégaux soit appliquée aux infractions de vente et d’achat à distance de produits du tabac manufacturés.

Certes, la proposition de loi concerne la lutte contre les contenus haineux sur internet, mais il me semble que le combat dont je parle doit être mené avec détermination en toute circonstance et via tous les supports d’action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

« Art. 6 -2. – I. – Sans préjudice des dispositions du 2 du I de l’article 6 de la présente loi, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics, proposés ou mis en ligne par des tiers et dont l’activité sur le territoire français dépasse des seuils déterminés par décret sont tenus, au regard de l’intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, de retirer ou de rendre inaccessible, dans un délai de vingt-quatre heures après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu qui contrevient manifestement aux infractions mentionnées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24, à l’article 24 bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23, 227-24 et 421-5 du code pénal.

« Les opérateurs mentionnés au 1° du I du de l’article L. 111-7 du code de la consommation dont l’activité repose sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers sont tenus, dans le même délai après notification, de retirer ces mêmes contenus de la page de résultats de recherche qu’ils renvoient en réponse à une requête.

« Le délai de vingt-quatre heures mentionné au premier alinéa du présent I court à compter de la réception par l’opérateur d’une notification comprenant les éléments mentionnés aux deuxième à cinquième alinéas du 5 du I de l’article 6 de la présente loi.

« Dans le cas où un contenu mentionné au premier alinéa du présent I a fait l’objet d’un retrait, les opérateurs substituent au contenu un message indiquant qu’il a été retiré.

« Les contenus retirés au titre du même premier alinéa doivent être conservés pendant la durée de prescription de l’action publique pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de mettre ces informations à la disposition de l’autorité judiciaire.

« II. – Le fait de ne pas respecter l’obligation définie aux premier et deuxième alinéa du I du présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la présente loi.

« Toute association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux mêmes articles 48-1 à 48-6, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné au présent II lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l’association peut exercer les mêmes droits.

« III. – Le fait, pour toute personne, de présenter aux opérateurs mentionnés au premier alinéa du I du présent article un contenu ou une activité comme étant illicite au sens du même I dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Internet est un formidable espace de liberté, mais, dans les replis de cette liberté, des abus très inquiétants peuvent se développer : infox, cyberattaques, infractions de haine, entre autres. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement propose d’agir avec les grands opérateurs en ligne. On ne peut pas se résoudre à l’inaction !

Le présent amendement vise à réintroduire l’obligation renforcée de retrait des contenus haineux pénalement sanctionnés, que la commission des lois du Sénat a supprimée. Pesant sur les grands opérateurs de plateforme en ligne dont l’activité sur le territoire français dépasse des seuils fixés par décret, cette obligation consiste à retirer ou à déréférencer les contenus signalés par un ou plusieurs utilisateurs.

J’insiste sur un point capital : en application de ce mécanisme, seuls seront obligatoirement retirés les contenus manifestement illicites, c’est-à-dire constituant de manière évidente une infraction. Par exemple, s’agissant des injures discriminatoires, le dispositif vise des propos pour lesquels aucune contextualisation n’est nécessaire pour caractériser l’infraction.

Le non-respect de l’obligation de retrait constituera un délit, puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Les personnes morales, principalement visées par ce délit, encourront une amende de 1, 25 million d’euros et les peines complémentaires d’affichage et de diffusion de la décision de condamnation et d’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

Contrairement à ce qui a été précédemment affirmé, ce dispositif est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci, en effet, juge que la responsabilité pénale des opérateurs de plateforme ne peut être engagée en cas de non-retrait de contenus illicites que si l’illicéité est manifeste, c’est-à-dire évidente ou déclarée telle par le juge.

La France, je le répète, n’est pas le seul pays à mettre à la charge des opérateurs une obligation renforcée de retrait. Le législateur allemand l’a fait en 2017.

Dans ce pays, l’examen du texte avait provoqué des débats, notamment autour du risque de sur-censure, d’aucuns craignant, comme certains orateurs dans cet hémicycle, que le dispositif ne conduise les opérateurs à retirer, de manière pour ainsi dire préventive, tous les contenus faisant l’objet d’un signalement, y compris ceux qui ne présentent pas de caractère illicite. Or l’expérience allemande montre que ces craintes n’étaient pas fondées : depuis l’entrée en vigueur de la loi, le taux de suppression des contenus signalés est relativement peu élevé – sur les six premiers mois d’application, 27, 13 % et 10, 8 % pour les contenus signalés à YouTube et Twitter respectivement.

Ayant entendu un certain nombre de critiques et de suggestions, le Gouvernement propose deux améliorations.

D’une part, s’agissant des opérateurs concernés, nous prévoyons une rédaction plus précise que le dispositif initial en ce qui concerne les moteurs de recherche, afin d’éviter les effets de bord et les risques de sur-censure de pages intégrales du web. Les moteurs de recherche devront retirer de la page de résultats les seuls contenus manifestement illicites, et non l’ensemble du site.

D’autre part, pour ce qui est des contenus visés, le Gouvernement propose d’exclure du dispositif quelques infractions qui ne peuvent être caractérisées à raison d’un contenu, comme les infractions de proxénétisme.

Par ailleurs, je suis défavorable à l’amendement n° 25. Si nous partageons l’objectif de réintroduire l’obligation renforcée de retrait des contenus haineux, l’amendement vise un champ d’infractions trop large. En particulier, le délit de vente à distance des produits du tabac ne correspond absolument pas à l’objet du présent texte : la lutte contre les contenus haineux.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

L’amendement n° 25 de M. Daudigny vise à rétablir, à peu de choses près, le texte de l’Assemblée nationale, mais en ajoutant le délit de trafic de tabac à la liste des infractions, déjà fort longue.

Sur le principe, je reconnais bien volontiers l’importance de protéger l’activité de nos buralistes ; mais j’ai quelques difficultés à mettre sur le même plan, au sein d’une énumération, je le répète, déjà fort longue, l’apologie des crimes contre l’humanité et la vente de cigarettes sur internet… Nous sommes bien éloignés de notre sujet principal, la lutte contre les discours de haine.

Au reste, l’intention des auteurs de l’amendement est en partie satisfaite par le régime spécial issu de la LCEN, qui instaure, à la charge des intermédiaires techniques, une obligation d’information spécifique en matière de prévention du trafic de tabac, dont l’omission est pénalement sanctionnée. Tenons-en-nous là.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 51 du Gouvernement, il vise à rétablir, pour l’essentiel, le texte de l’Assemblée nationale. Malgré quelques améliorations à la marge, la rédaction proposée reste, pour notre commission, insatisfaisante.

Il s’agit toujours d’une obligation de résultat, et les retraits doivent être exhaustifs, c’est-à-dire que tous les contenus manifestement haineux sont concernés, de surcroît dans un délai couperet de vingt-quatre heures, sans aucune souplesse en fonction des circonstances ou du type de contenus.

Ainsi, le dispositif envisagé reste déséquilibré au détriment de la liberté d’expression. Il ne manquera pas d’entraîner de nombreux effets pervers : sur-censure, c’est-à-dire blocage par précaution de propos pourtant licites, recours encore plus massif à des filtres automatisés, contournement du juge, délégation de la police de la liberté d’expression en France à des plateformes étrangères.

D’ailleurs, l’application concrète de ce nouveau délit n’est pas réglée. Certains représentants du parquet, lors de leur audition par notre commission, ont employé l’expression, plus qu’éloquente, de « droit pénal purement expressif ».

Un problème d’imputabilité se pose tout d’abord, s’agissant des personnes physiques – qui, du modérateur sous-traitant indien ou du dirigeant américain, sera poursuivi ? – et, surtout, des personnes morales – comment qualifier l’intention pénale des organes dirigeants des hébergeurs concernés, domiciliés à l’étranger, dont il faut démontrer la complicité ?

Un autre problème se pose, de caractérisation de l’intentionnalité : le simple non-retrait suffira-t-il, ou sera-t-il nécessaire pour l’autorité de poursuite de caractériser une absence de diligences normales de l’opérateur pour qualifier l’illégalité manifeste d’un contenu ?

Le délai couperet de vingt-quatre heures pose également problème, dans la mesure où il empêchera d’établir des priorités entre les contenus les plus nocifs, qui ont un caractère d’évidence et doivent être retirés encore plus rapidement – terrorisme, pédopornographie –, et ceux qui nécessitent d’être analysés pour que le caractère manifestement illicite en soit apprécié, comme les infractions de presse, qui dépendent beaucoup de leur contexte – ironie, provocation…

Enfin, je répète que, selon la Commission européenne, ce dispositif viole plusieurs principes majeurs du droit européen : la responsabilité aménagée des hébergeurs résultant de la directive e-commerce et la liberté d’expression garantie par la Charte européenne des droits fondamentaux. Selon la Commission européenne, « tout délai fixé aux plateformes doit permettre une certaine flexibilité, dans certains cas justifiée » ; ce n’est manifestement pas ce que prévoit le Gouvernement dans son amendement.

Pour ces raisons, j’invite le Sénat à confirmer la position de ses trois commissions en repoussant l’amendement n° 51.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Compte tenu des explications fournies, je le retire.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 41, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À ce titre, après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l’objet dans les vingt-quatre heure d’un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées au 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine.

« Le fait de ne pas respecter l’obligation définie à l’alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;

…° Au début du quatrième alinéa, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;

II. – Alinéa 6

Après le mot :

précitée

insérer les mots :

le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième » et

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Voici donc l’article clé, celui qui a soulevé toutes les controverses. De fait, il donne la possibilité aux plateformes de retirer dans un délai très bref, inférieur à vingt-quatre heures, des contenus considérés comme manifestement illicites, car manifestement haineux. La possibilité, que dis-je ? Il s’agira d’une obligation.

Dans la discussion générale, nous avons exprimé notre inquiétude sur l’attitude de prévention qu’adopteront les plateformes : compte tenu de la sanction extraordinairement lourde prévue par ce texte, il est évident qu’elles préféreront retirer des contenus plutôt que d’encourir une condamnation.

Puisque nous savons, depuis que Mme la garde des sceaux s’est exprimée, que des contenus de presse pourront également être visés, que faire de l’intervention du juge, qui, seul, peut mettre un frein à la liberté d’expression ? C’est à cette question que le présent amendement vise à répondre.

Nous proposons de conserver le retrait dans un délai de vingt-quatre heures, mesure phare du dispositif, mais en prévoyant que, en cas de contestation, le juge des référés devra être immédiatement saisi par la plateforme, le retrait n’étant alors que provisoire. Le juge des référés se prononcera sous quarante-huit heures sur la pertinence du retrait.

Dès lors qu’une personne proteste, il importe qu’un juge judiciaire évalue si la plateforme a eu raison, ou non, de procéder au retrait, voire de censurer. Dès lors que Mme la garde des sceaux a précisé que le mécanisme s’appliquerait aussi à la presse, c’est bien le moins que, là où la loi de 1881 prévoit des protections considérables, mais justes, de la liberté d’expression de la presse, un juge des référés doive être saisi avant qu’on ne retire un contenu jugé illicite par une plateforme.

Le dispositif que nous proposons tient à égale distance la lutte contre les contenus haineux et la préservation de la liberté d’expression. Partant, il réalise le juste équilibre qui n’a pas été trouvé dans le texte initial, comme l’a souligné le rapporteur, mais qui, selon nous, n’est pas davantage assuré par la suppression pure et simple de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

L’amendement de Mme de la Gontrie vise à réaffirmer le rôle de l’autorité judiciaire pour apprécier le caractère illicite des contenus haineux. Il s’agit d’introduire une sorte de référé-confirmation : les contenus haineux notifiés devraient être retirés temporairement par tout intermédiaire technique, lequel ferait valider sa décision par le juge des référés.

Je souscris pleinement aux arguments de principe des auteurs de l’amendement sur le rôle du juge. Toutefois, je ne suis pas convaincu par le mécanisme qu’ils proposent.

Sur le rôle du juge, nous nous rejoignons : la faculté donnée à chacun de communiquer et de s’exprimer librement en partageant des contenus sur internet suppose un équilibre délicat entre la liberté reconnue aux personnes et la protection des droits d’autrui ; en France, traditionnellement, l’une des garanties essentielles pour assurer cet équilibre repose sur l’intervention de l’autorité judiciaire.

C’est notamment pour cette raison que la commission des lois a rejeté le dispositif initial de la proposition de loi, qui faisait reposer l’appréciation du caractère illicite d’un contenu, essentiellement, sur les seules plateformes, en lieu et place d’un juge. Il y va aussi de notre souveraineté numérique, comme plusieurs orateurs l’ont fait observer.

En revanche, le mécanisme proposé pour réintroduire le juge ne me semble pas opérationnel. La saisine du juge serait, si l’on suit les auteurs de l’amendement, systématique, pour faire confirmer tout retrait de contenus. Cette mesure conduirait immanquablement à engorger nos juridictions au-delà du raisonnable. En outre, la procédure resterait à l’initiative des seuls intermédiaires techniques ; elle représenterait donc une charge importante pour eux. Enfin, les places dans cette instance de l’auteur du contenu et, surtout, de l’auteur de la notification ne sont pas précisées, alors que ces personnes sont celles qui ont les meilleurs arguments à faire valoir.

Dans ces conditions, je demande aux auteurs de l’amendement n° 41 de le retirer au profit des amendements déposés à l’article 2, qui me paraissent de nature à mieux satisfaire leur volonté sur la question particulière du délai de vingt-quatre heures. Il s’agira de fixer non pas un délai couperet de vingt-quatre heures pour tous les contenus, mais un objectif, une moyenne de vingt-quatre heures, sous le contrôle du régulateur : une obligation non pas de résultat, mais de moyens.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Madame la sénatrice, je comprends parfaitement votre propos et je vous rejoins assez volontiers dans votre raisonnement ; mais il me semble qu’il serait extrêmement difficile de rendre automatique la saisine d’un juge des référés qui devrait se prononcer dans un délai très court.

Au reste, je crois que votre souhait est satisfait, puisque les auteurs disposent déjà de la possibilité de saisir un juge des référés pour faire constater que le retrait de leur contenu ne correspond pas aux conditions fixées et en demander le rétablissement. Cette possibilité de saisir un juge des référés, certes sans automaticité, me paraît satisfaire votre amendement.

Par ailleurs, l’article 3 de la proposition de loi met à la charge des opérateurs des obligations d’information sur l’existence de dispositifs de recours, à destination non seulement des victimes des contenus, mais également des auteurs qui pourraient faire l’objet de la censure que vous craignez.

Ainsi donc, la possibilité normale de saisir un juge des référés comme les obligations prévues à l’article 3 vous donnent satisfaction, ce qui me conduirait à émettre un avis défavorable sur votre amendement, s’il n’était pas retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le débat que nous avons entamé confirme ce que tous les orateurs ont souligné : légiférer dans la précipitation – vous, au Gouvernement, réfléchissez peut-être à ces questions depuis très longtemps, mais, pour notre part, nous ne sommes au cœur de la réflexion que depuis quelques semaines – ne permet pas de faire les pas les uns vers les autres.

Deux choses ont été dites : d’abord, il faut agir ; ensuite, prenons garde à ne pas attenter, en agissant, à la liberté d’expression.

Pour prévenir toute atteinte, le rapporteur entend supprimer l’article 1er, qui est la principale disposition pour agir. Je la conteste aussi, mais, une fois qu’elle est supprimée, il ne reste que des généralités…

C’est le CSA, nous dit-on, qui s’emparera de la question – en réalité, le futur CSA, puisqu’une réforme est prévue. Reste à voir avec quels moyens… Car, si la justice n’a pas les moyens de faire le travail, le CSA, aujourd’hui, au moment où l’on nous demande de voter la loi, ne les a pas non plus !

Avec un peu plus de temps, nous aurions pu faire des pas les uns vers les autres, comme le propose Marie-Pierre de la Gontrie. La formule qu’elle a présentée est proportionnée et modérée : elle permet d’agir, sans confier à des plateformes un pouvoir de censure, mais en faisant intervenir un juge.

Cet équilibre, je suis sûr que, si nous avions eu le temps de la discussion, la majorité de cet hémicycle en aurait reconnu le bon sens. Seulement voilà : le rapporteur, parce qu’il y a une difficulté, veut supprimer l’article 1er ; et le Gouvernement, lui, entend maintenir l’article tel quel. Résultat : il n’y a pas place pour la recherche d’un compromis…

Pourtant, ce serait bien que le Sénat, indépendamment de ce que disent le rapporteur et la garde des sceaux, adopte la solution d’équilibre proposée par Marie-Pierre de la Gontrie et l’ensemble de notre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

D’un côté, le rapporteur nous objecte qu’on ne peut pas imaginer pouvoir faire face à des dizaines, voire des centaines de milliers de cas – je n’ai aucune idée du nombre. De l’autre, la garde des sceaux nous explique que notre demande est satisfaite. Il faudrait savoir ! Si notre dispositif est satisfait, si cette voie de droit est ouverte, les inquiétudes du rapporteur ne sont pas fondées.

Cette voie de droit, avez-vous souligné, madame la garde des sceaux, est facultative. La précision est d’importance : pouvoir former un recours contre le retrait d’un contenu est une chose, prévoir que ce retrait n’est que temporaire en est une autre. L’objectif est le même, mais le second système, celui d’un recours a priori et non a posteriori, est bien plus protecteur du droit. Or, il est d’autant plus nécessaire de veiller au respect de droit – je le répète, madame la garde des sceaux, même si vous n’avez pas souhaité y revenir – que la presse sera concernée par le dispositif.

J’appelle donc le Sénat à soutenir cet amendement, qui représente un bon point d’équilibre.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mme Guillotin, MM. Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

en raison de son caractère illicite

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

L’alinéa 4 de l’article 1er de la proposition de loi de Mme Avia prévoit que, lorsqu’un contenu est supprimé suivant la procédure de signalement mise en place par la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est remplacé par un message mentionnant la suppression.

Nous considérons que cette disposition, si elle est bien utile, n’est pas suffisante pour informer les utilisateurs de la plateforme. Il est nécessaire de préciser que la suppression résulte du caractère illicite du contenu proposé. En effet, certaines plateformes informent déjà leurs utilisateurs de la suppression de contenus, même lorsque la suppression a eu lieu à l’initiative des auteurs et en l’absence d’illicéité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Je suis favorable à cet amendement, dans la mesure où il a été rectifié conformément à la demande de la commission. Il s’agit de préciser la nature du message de substitution destiné à signaler le retrait d’un contenu haineux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je suis défavorable à cet amendement, dont le dispositif mériterait quelques précisions.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de quatre amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les contenus illicites retirés ou rendus inaccessibles à la suite d’une notification doivent être conservés par les personnes mentionnées au même 2 pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire. Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit la durée et les modalités de leur conservation. »

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Selon la rédaction actuelle du texte, les contenus ayant fait l’objet d’une notification au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et ayant été rendus inaccessibles par un hébergeur peuvent être conservés par celui-ci pour les besoins de la justice ; mais il s’agit d’une simple faculté.

Or la conservation de ces contenus est un des meilleurs moyens de preuve, qui permettra aux juges d’apprécier et de qualifier les faits et les circonstances. La simple faculté de conservation ne garantit pas que toutes les infractions pourront être poursuivies. C’est pourquoi le présent amendement vise à rendre la conservation obligatoire pour les besoins de la justice, afin que les infractions constituées puissent être effectivement poursuivies et sanctionnées.

La rédaction initiale de mon amendement visait les contenus rendus inaccessibles, sans autre précision. M. le rapporteur m’a suggéré d’utiliser la formule consacrée : « contenus illicites retirés ou rendus inaccessibles ». Je l’ai acceptée, puisque c’était la condition pour que la commission donne un avis favorable.

J’attire toutefois l’attention de M. le rapporteur sur un point : il me semble important que tous les contenus retirés par les plateformes soient conservés par elles, non seulement les contenus illicites, mais également ceux qui ne le sont pas, pour que la justice puisse sanctionner les retraits abusifs. Si un hébergeur est contraint, pour telle ou telle raison, de retirer des contenus qui s’avèrent ultérieurement non illicites, nous sommes en présence d’une demande de retrait abusive de la part d’un internaute.

J’accepte donc la formulation suggérée par M. le rapporteur, mais je précise que tous les contenus retirés par les plateformes devraient être conservés, pour les besoins de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le sous-amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 12, alinéa 3

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, pendant la durée de prescription de l’action publique

2° Seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur Malhuret, le Gouvernement est tout à fait sensible à la nécessité de prévoir une durée de conservation suffisante des contenus retirés, pour les besoins des enquêtes pénales. Les propos haineux en ligne sont aussi une question de responsabilité individuelle, et chacun doit répondre de ses actes. C’est pourquoi nous souhaitons instaurer une obligation de conservation des contenus pendant la durée de prescription de l’action publique.

En revanche, il ne nous paraît pas opportun de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer cette durée. Je propose donc de sous-amender votre amendement pour prévoir que les contenus rendus inaccessibles à la suite d’une notification devront être conservés, à la seule fin de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire, pendant la durée de prescription de l’action publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 7 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet, Férat, Dindar, Kauffmann et Billon, MM. Henno et Le Nay, Mme Vérien, MM. Guerriau, Mizzon, Menonville, Rapin et Louault, Mmes C. Fournier et Vermeillet, MM. Lefèvre, Moga et Chasseing, Mme Lassarade, MM. Lévrier et Decool, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Cet amendement se justifie par son texte même.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 1 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Vermeillet, MM. Guerriau, Henno, Louault et Lefèvre, Mmes Kauffmann et Vérien, MM. Le Nay, Bonnecarrère, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar, Férat et C. Fournier, MM. Danesi et Moga, Mme Billon, MM. Chasseing et Détraigne, Mme Lassarade, MM. Karoutchi et Decool, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

d’un an

par les mots :

de trois ans

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Compte tenu des délais de procédure sur plainte avec constitution de partie civile ou sur citation directe, le délai de conservation d’un an est trop court. Aucune affaire n’est jugée, en première instance, avant un délai minimal de dix-huit mois, étant donné la surcharge des tribunaux ; il faut considérer en plus les délais de recours. Il est donc indispensable que les contenus haineux soient conservés plus longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 9 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, M. Bonnecarrère, Mme Férat, MM. Henno, Janssens, Louault, Lefèvre et Détraigne, Mmes A.M. Bertrand et Kauffmann, MM. Guerriau et Decool et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, les personnes mentionnées à l’article 2 ouvrent un coffre-fort numérique dans des conditions fixées par décret, aux fins de conservation des contenus illicites retirés, conformément aux dispositions prévues par la norme AFNOR Z42-013, sur les normes d’archivage et la norme AFNOR Z42-020 sur la conservation des données dans le temps. »

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

La commission des lois a émis un avis favorable sur l’amendement de M. Malhuret, qui intègre les trois amendements de Mme Goulet. Sa probable adoption devrait donc les satisfaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ces amendements ont un objet commun : instaurer une obligation de conservation des contenus illicites retirés par les hébergeurs, afin de faciliter d’éventuelles poursuites ultérieures.

Il s’agit de réaliser un équilibre délicat entre la facilitation des enquêtes et les contraintes imposées aux hébergeurs.

D’un côté, il est vrai que l’un des obstacles aux poursuites est trop souvent la disparition des preuves. Lors de l’audition des représentants de la plateforme Pharos, certains enquêteurs ont déploré que les plateformes soient parfois, paradoxalement, trop rapides : le temps que les services aillent sur les réseaux sociaux, le contenu a disparu, ce qui empêche la constatation.

De l’autre, j’attire votre attention sur la nature extrêmement sensible des fichiers que risquent de constituer les hébergeurs. Si nous n’y prenons pas garde, de véritables banques de données privées vont se constituer, faites de contenus odieux ; il faudra absolument les sécuriser pour éviter toute fuite ou détournement.

Dans leurs modalités, ces amendements présentent de légères différences.

Mme Goulet fixe à trois ans la durée de conservation, en imposant le recours à un coffre-fort électronique et en renvoyant à une norme Afnor dont je ne suis pas certain qu’elle doive être mentionnée dans la loi.

M. Malhuret, lui, renvoie ces modalités à un décret en Conseil d’État – ce qui me semble préférable – pris après avis de la CNIL – ce qui me semble indispensable.

Pour ces raisons, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 12 rectifié bis, et je demande le retrait des amendements n° 7 rectifié sexies, 1 rectifié sexies et 9 rectifié quater, qui sont en partie satisfaits par celui de M. Malhuret.

Le sous-amendement n° 64 n’a pas été examiné par la commission. Il vise à imposer la conservation des contenus illicites pendant la durée de la prescription. Or ce délai est flou, car il dépend de l’infraction – charge à l’hébergeur de le calculer –, et potentiellement trop long pour certains contenus graves. Par ailleurs, ce sous-amendement vise à supprimer la garantie de renvoi au décret pris en Conseil d’État après avis de la CNIL.

Pour ces raisons, j’y suis à titre personnel très défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement de M. Malhuret, dont l’adoption ferait tomber les autres amendements en discussion commune, me paraît très intéressant, et ce à double titre.

Le fait de conserver la trace du contenu retiré permettra non seulement de constituer des preuves pour d’éventuelles poursuites judiciaires, mais également, si le retrait est abusif, la remise en ligne dudit contenu.

Il est possible que, pour ne pas avoir de soucis, les géants du net élargissent la raquette et suppriment plus de contenus que nécessaire. Or en cas de retrait abusif, si le contenu est purement et simplement détruit, les hébergeurs ne pourront plus le remettre en ligne.

La conservation que le présent amendement vise à imposer permettra d’éviter cet écueil. L’ordre des avocats nous a d’ailleurs alertés à juste titre sur ce point.

Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous avez affirmé un tel désaccord avec le Gouvernement sur le sous-amendement n° 64, monsieur le rapporteur.

La durée de prescription de l’action publique n’est pas un délai flou puisque celle-ci est définie en fonction des infractions. Il s’agit non pas d’inventer de nouveaux délais, mais de se conformer à ceux qui existent déjà. La précision proposée par le Gouvernement me semble donc utile.

Je voterai l’amendement de M Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

La proposition de M. Malhuret me paraît très intéressante.

En effet, pour déposer plainte, il ne suffit pas de prendre une photo de son téléphone ou de son ordinateur à l’instant t. Il faut également que les propos racistes ou injurieux soient constatés par un huissier. Or, si les faits surviennent à vingt-deux heures et que la plateforme supprime les contenus très rapidement, il est de fait très difficile pour une victime d’obtenir un constat officiel.

La conservation par les plateformes des propos injurieux supprimés permettra – j’en suis convaincu – de faciliter le dépôt de plainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Monsieur le président, je retire les amendements n° 7 rectifié sexies et 1 rectifié sexies au profit de l’amendement n° 12 rectifié bis de Claude Malhuret et du sous-amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Les amendements n° 7 rectifié sexies, 1 rectifié sexies et 9 rectifié quater sont retirés.

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

La rédaction proposée par M. Claude Malhuret, qui précise que le décret en Conseil d’État sera pris après avis de la CNIL, a le mérite de la clarté.

Par son sous-amendement, le Gouvernement entend faire prévaloir la durée de prescription de l’action publique. Pour avoir beaucoup pratiqué le droit, je préfère un décret fixant des délais précis plutôt qu’une formule qui risque d’entraîner des raisonnements hasardeux sur le point de départ de la computation du délai, de la prescription, de l’infraction, etc.

Étant favorable à la clarté, je suis, comme le rapporteur, plutôt défavorable au sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer » sont remplacés par les mots : « notifier dans les conditions prévues au 5 du I de l’article 6 à toute personne mentionnée au III ou au 2 du I du même article » ;

b) Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Les personnes mentionnées au 2 du I et au III du même article accusent réception sans délai de la notification. Elles doivent retirer ou rendre inaccessibles ces contenus dans un délai d’une heure après cette notification. Elles informent dans le même délai l’autorité administrative des suites données. » ;

2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi modifiée :

a) Les mots : « dans un délai de vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots : « ou de mesures les rendant inaccessibles dans ce délai » ;

b) Les mots : « au même 1 » sont remplacés par les mots : « au 1 du I de l’article 6 ».

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Cet amendement de coordination vise à prendre en compte l’avancée, très rapide, des discussions en cours à l’échelon européen s’agissant du cas de figure spécifique des contenus à caractère terroriste signalés par les autorités.

Il est envisagé d’appliquer un délai non plus de vingt-quatre heures mais d’une heure au retrait de ces contenus après leur signalement par une autorité à une plateforme.

Au-delà du souci d’éviter tout risque d’énorme conflit, d’autant que les choses seraient résolues, il importe d’assurer une meilleure clarté au dispositif. D’où notre proposition d’appliquer spécifiquement ce délai d’une heure aux contenus terroristes – et Dieu sait qu’ils sont manifestement illicites – signalés par une autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons là une situation.

Vous présentez cet amendement comme un amendement de coordination visant à modifier l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. La commission y voit tout à fait autre chose.

Cet amendement vise surtout à durcir considérablement le régime administratif de retrait en une heure des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. Il n’est donc pas du tout de pure coordination, comme peut le laisser penser une lecture rapide de son objet.

La rédaction qu’il vise à introduire s’inspire d’un règlement européen actuellement en cours de négociation et tend à créer une obligation de retrait en une heure des contenus à caractère terroriste ou pédopornographique notifiés par l’administration aux hébergeurs et aux éditeurs. Sa méconnaissance serait pénalement sanctionnée, à raison d’un an de prison et de 250 000 euros d’amende portés au quintuple pour les personnes morales.

Avant d’aborder le fond, permettez-moi de protester solennellement sur la méthode du Gouvernement qui nous fait ce que je pourrais appeler une mauvaise manière.

Déposer un amendement aussi important en le présentant comme un amendement de coordination la veille de l’examen en séance auprès de la deuxième assemblée saisie, sans étude d’impact, sans que nous ayons pu interroger précisément les services concernés sur ce qui justifie une telle extension de leurs pouvoirs, n’est pas très respectueux de la qualité du travail parlementaire.

La gravité d’un tel sujet mériterait une analyse poussée, que les délais contraints ne vont pas permettre de mener de façon totalement satisfaisante.

J’en viens au fond.

En l’état du droit, si l’éditeur ou l’hébergeur ne répondent pas en vingt-quatre heures aux demandes de l’administration, celle-ci peut enjoindre les fournisseurs d’accès de procéder au blocage administratif des sites terroristes ou pédopornographiques.

Ce blocage échappe au contrôle préalable d’un juge. Le Conseil constitutionnel a admis cette exception en raison du caractère d’évidence et d’extrême gravité des infractions poursuivies.

En outre, une personnalité qualifiée indépendante s’assure a posteriori de la justification de la mesure.

L’amendement n° 53 vise à faire peser la charge du blocage administratif directement sur les éditeurs et les hébergeurs, blocage qui doit intervenir non plus en vingt-quatre heures mais en une heure, et ce quels que soient la taille et les moyens des éditeurs et hébergeurs, sous peine de sanctions pénales – prison et amende.

Alors que le projet de règlement européen dont cette mesure s’inspire fait encore l’objet de vifs débats, la commission des lois a souhaité attendre son adoption avant d’envisager de modifier aussi hâtivement notre droit.

Le blocage administratif actuel fonctionne bien, et le Gouvernement ne justifie pas dans l’exposé des motifs de la nécessité de légiférer ainsi en urgence.

Tous les hébergeurs ne seraient pas matériellement en mesure de répondre en une heure ; seules les grandes plateformes en ont les moyens.

Le dispositif proposé est enfin très déséquilibré, puisqu’il ne prévoit aucune des principales garanties envisagées par le projet de règlement européen.

Il y a des cas de force majeure ou d’impossibilité technique insurmontable : il faudrait donc prévoir des cas d’exonération de responsabilité. Il y a aussi des cas d’erreur de l’administration : il faudrait donc prévoir de préserver les contenus retirés pour les rétablir à la demande de la personnalité qualifiée ou du juge.

Dans ces conditions, je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Grand, Pellevat et Reichardt, Mme Thomas, MM. Lefèvre et Regnard, Mme Morhet-Richaud, M. Bonhomme, Mme Lherbier, M. de Nicolaÿ et Mme Bories, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du IV de l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « ou les outrages » sont remplacés par les mots : «, les outrages ou la diffusion de contenus haineux sur internet ».

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

En raison de ses fonctions, le fonctionnaire bénéficie d’une protection organisée par sa collectivité publique.

En effet, celle-ci est tenue de le protéger contre les atteintes volontaires à son intégrité, les violences, les agissements consécutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée.

Par cet amendement, notre collègue Jean-Pierre Grand propose d’élargir le bénéfice de cette nécessaire protection des agents publics lorsqu’ils sont victimes de la diffusion de contenus haineux sur internet.

En effet, à l’occasion des manifestations du mouvement des « gilets jaunes », des policiers ont été victimes de la diffusion de leur image sur les réseaux sociaux, voire de leur identité, accompagnée d’appels à la violence.

Or, à ce jour, aucun d’entre eux n’a bénéficié de mesures de protection de la part de leur autorité hiérarchique, les laissant ainsi seuls face à des contenus toujours en ligne.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Par son amendement, M. Grand propose d’élargir la protection fonctionnelle pour qu’elle bénéficie aux agents victimes de contenus haineux en ligne.

Si ce sujet doit nous préoccuper, l’état du droit satisfait déjà l’intention des auteurs de cet amendement puisque les agents sont protégés contre le harcèlement, les menaces, les injures et les diffamations, y compris lorsque ces infractions ont une dimension discriminatoire ou haineuse.

Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Le Gouvernement partage la préoccupation qui vient d’être exprimée par Mme Morhet-Richaud et par M. le rapporteur quant à la nécessité de protéger les policiers. Les récents événements intervenus à la préfecture de police de Paris ou les meurtres de Magnanville montrent que ceux-ci sont devenus des cibles. De plus, dans le cadre des récentes manifestations, les publications de noms et d’adresses de policiers se sont multipliées.

Toutefois, nous estimons comme M. le rapporteur que, de facto, l’objet de l’amendement est satisfait.

Il est indispensable de faire en sorte que la justice fonctionne. Au-delà des dispositions de la présente proposition de loi, le vrai sujet est celui de l’inadaptation de la justice des pays développés – pas seulement de la justice française – à la viralité.

En effet, la peur du gendarme reste le moyen le plus efficace pour réduire la masse de contenus haineux qui circulent sur internet. Il faut faire en sorte que les auteurs d’insultes ou de menaces de mort aient une chance raisonnable d’être interpellés par la police et poursuivis en justice.

Or la justice n’est adaptée ni à la rapidité à laquelle ces contenus sont déversés, ni à leur viralité, ni à leur masse.

C’est pourquoi Mme la garde des sceaux a souhaité que la présente proposition de loi prévoie la désignation d’un parquet numérique spécialisé avec des juges compétents dans ce domaine.

Par ailleurs, au niveau réglementaire, nous travaillons sur le dépôt de plainte en ligne. Actuellement, les victimes impriment les insultes, et les difficultés commencent quand elles se rendent au commissariat.

C’est pourquoi le ministère de l’intérieur, Mme la garde des sceaux et moi-même travaillons également à la formation des policiers.

Les plaintes seront ensuite traitées par un parquet numérique, qui aura l’habitude des procédures et des grandes plateformes.

Nous avons encore beaucoup de progrès à faire. Toutes proportions gardées, les progrès à accomplir dans la lutte contre la haine et dans la lutte contre les féminicides sont assez similaires : il nous faut éduquer les agents publics et faire en sorte que notre processus judiciaire s’adapte au traitement de ces dossiers.

Il faut que les victimes d’insultes, d’injures, de menaces de mort ou de harcèlement sur internet qui saisissent la police ne soient plus renvoyées chez elles au motif que les faits ne sont pas si graves. Il y a en quelque sorte un continuum à mettre en place.

C’est donc réellement l’efficacité de la justice qui est en question. Outre les dispositions que nous avons déjà prises, nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet. Retrait, sinon défavorable.

(Supprimé)

I. – Les deuxième à avant-dernier alinéas du 5 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« – si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénom, adresse électronique ; si le notifiant est une personne morale : sa forme sociale, sa dénomination sociale, son adresse électronique ; si le notifiant est une autorité administrative : sa dénomination et son adresse électronique. Ces conditions sont réputées satisfaites dès lors que le notifiant est un utilisateur inscrit du service de communication au public en ligne mentionné au même 2, qu’il est connecté au moment de procéder à la notification et que l’opérateur a recueilli les éléments nécessaires à son identification ;

« – la description du contenu litigieux, sa localisation précise et, le cas échéant, la ou les adresses électroniques auxquelles il est rendu accessible ; ces conditions sont réputées satisfaites dès lors que le service de communication au public en ligne mentionné audit 2 permet de procéder précisément à cette notification par un dispositif technique directement accessible depuis ledit contenu litigieux ;

« – les motifs légaux pour lesquels le contenu litigieux devrait être retiré ou rendu inaccessible ; cette condition est réputée satisfaite dès lors que le service de communication au public en ligne mentionné au même 2 permet de procéder à la notification par un dispositif technique proposant d’indiquer la catégorie d’infraction à laquelle peut être rattaché ce contenu litigieux ; ».

II

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, au premier alinéa de l’article 24 biset aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Pour le coup, monsieur le secrétaire d’État, je vous concède qu’il s’agit bien d’un amendement de coordination. Toutefois, la commission ayant maintenu sa rédaction de l’article 1er et rejeté votre amendement, le présent amendement ne me paraît plus nécessaire.

J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Cédric O

Je retire l’amendement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 52 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er ter A.

L ’ article 1 er ter A est adopté.

Après le quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’une association, déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la protection des enfants dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne, saisie par un mineur, notifie un contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7, les opérateurs mentionnés au premier alinéa accusent réception sans délai de la notification de l’association et l’informent des suites données à la notification ainsi que des motifs de leur décision. L’association informe le mineur et, si cela n’est pas contraire à son intérêt, ses représentants légaux de ladite notification.

« L’association conteste s’il y a lieu le défaut de retrait ou de déréférencement du contenu, sans préjudice du droit d’agir des représentants légaux du mineur concerné. Elle informe le mineur et, si cela n’est pas contraire à son intérêt, ses représentants légaux des suites données à sa demande. Elle assure la conservation des données transmises par le mineur nécessaires à l’action tendant à obtenir le retrait ou le déréférencement du contenu mentionné à l’alinéa précédent. »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 42, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’une association mentionnée aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse notifie un contenu contrevenant manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7, les opérateurs mentionnés au premier alinéa accusent réception sans délai de la notification de l’association et l’informent des suites données à la notification ainsi que des motifs de leur décision. L’association conteste s’il y a lieu le défaut de retrait ou de déréférencement du contenu.

« Elle peut, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles prévues aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 précitée, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit mentionné au dernier alinéa du présent 7 lorsque ce délit porte sur un contenu qui constitue une infraction pour laquelle l’association peut exercer les mêmes droits.

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Le présent amendement a pour objet d’insister sur le rôle des associations en matière d’accompagnement dans la lutte contre les contenus haineux en ligne.

Nous souhaitons rétablir une disposition figurant dans la proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale, mais écartée par la commission des lois.

À l’instar des associations de protection des mineurs, nous suggérons de donner un fondement législatif à l’action de certaines associations qui proposent de servir d’interface aux victimes de contenus haineux pour effectuer, à leur place et en leur nom, la notification auprès des hébergeurs des infractions dont ils sont victimes ou témoins sur internet.

Cette disposition viendrait donc en complément d’autres dispositions introduites dans la proposition de loi pour faciliter leur action et renforcer leur mission.

Ainsi, l’obligation de désigner un représentant légal est bienvenue, car, lorsque des associations souhaitent signaler un message litigieux, elles peinent parfois à identifier un interlocuteur français. Nous souhaitons par cet amendement qu’elles puissent intervenir facilement dans la chaîne de procédure de signalement des contenus illégaux.

Il serait même opportun de créer un label officiel de signaleurs de confiance, afin d’inclure l’ensemble des ONG susceptibles d’être reconnues par ces plateformes, qui pourraient ainsi réagir encore plus rapidement.

Cela permettrait, mes chers collègues, d’assurer un traitement accéléré des signalements qui font l’objet d’une pré-qualification juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le Sénat ayant adopté l’article 1er dans la rédaction issue des travaux de la commission, il me semble que le présent amendement n’a plus d’objet.

En effet, le nouveau délit de non-retrait de contentieux ayant été supprimé, il n’y a plus de sens à donner intérêt à agir aux associations en vue d’exercer spécifiquement les droits de la partie civile pour poursuivre ce délit.

Je tiens toutefois à souligner que demeure bien entendu inchangée la capacité des associations spécialisées à poursuivre les délits que constituent certains messages haineux eux-mêmes – provocation à la haine raciale, injures sexistes, etc. –, prévue par les articles 48-1 à 48-6 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 42 est retiré.

L’amendement n° 60, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

Lorsqu’une association

insérer les mots :

reconnue d’utilité publique

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le présent amendement a pour objet de s’assurer de la qualité de la prise en charge des mineurs dans le cadre des signalements aux plateformes pour les faits dont ils sont victimes.

Il vise également à prévenir tout risque de sur-notification. Il convient de réserver aux seules associations reconnues d’utilité publique la possibilité de notifier un contenu haineux lorsqu’elles sont saisies par un mineur.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 2 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Bonnecarrère, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar et Férat, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mme Billon, M. Chasseing, Mmes Kauffmann et Lassarade, MM. Decool et Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

La rédaction actuelle de l’alinéa 2 de l’article 1er ter B restreint le nombre d’associations en capacité d’agir pour la protection des mineurs.

De très nombreuses associations travaillent dans le secteur de la protection de l’enfance et ont acquis une sérieuse expérience. Il serait dommageable de leur refuser le droit d’agir car leurs statuts n’auraient pas prévu la mention de leur protection « dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne ».

Le présent amendement a donc pour objet d’assurer une meilleure protection des mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement proposé par Mme Goulet vise à élargir aux associations exerçant dans le secteur de la protection de l’enfance la possibilité de notifier des contenus haineux à la demande d’un mineur. Ne serait plus exigée la condition spécifique d’une action de protection dans le cadre de leur usage des plateformes en ligne.

L’adoption de l’amendement n° 60 de la commission permettant de s’assurer du sérieux des intervenants, je n’y suis pas opposé.

J’émets donc un avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer le mot :

infractions

par les mots :

dispositions pénales

2° Remplacer les mots :

opérateurs mentionnés

par les mots :

personnes mentionnées

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Le présent amendement, rédactionnel, vise à harmoniser l’alinéa 2 avec le reste du texte.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 3 rectifié septies, présenté par Mmes N. Goulet et Vérien, MM. Le Nay, Guerriau, Henno, Mizzon, Menonville et Rapin, Mmes Dindar, Férat et C. Fournier, M. Louault, Mme Vermeillet, MM. Lefèvre, Danesi et Détraigne, Mmes Billon et Kauffmann, M. Chasseing, Mme Lassarade, M. Karoutchi, Mme Duranton, M. Janssens et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer les mots :

Elle assure

par les mots :

L’hébergeur assure dans des conditions fixées par décret,

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

En l’état, on voit mal comment l’association pourrait assurer techniquement la conservation des données transmises par le mineur, et comment elle pourrait assurer cette conservation dans des conditions de sécurité suffisantes.

Le présent amendement vise donc à confier cette mission à l’hébergeur et à encadrer les conditions de conservation par décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le dépôt de cet amendement me semble résulter d’un malentendu quant à l’objet de la disposition amendée.

Le présent article donne une base légale à la conservation des données transmises par le mineur à ces associations – données personnelles sensibles, listes de contenus. Ces intervenants associatifs en ont besoin pour la sécurité juridique de leur activité.

La conservation des contenus illicites par les hébergeurs est un tout autre sujet.

Je demande donc le retrait de cet amendement et à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je retire cet amendement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 3 rectifié septies est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er ter B, modifié.

L ’ article 1 er ter B est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.