Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 30 janvier 2007 à 21h30
Droit opposable au logement — Discussion générale suite

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Monsieur le ministre, nous abordons une nouvelle fois aujourd'hui la question de la crise du logement en France, qui, hélas ! ne cesse de progresser depuis quelques années.

Les dispositions de la loi portant engagement national pour le logement, dite loi ENL, devaient constituer des avancées majeures en faveur du droit au logement, notamment des plus démunis. Néanmoins, nous avons pu constater que, contrairement aux engagements affichés par le Gouvernement, la portée réelle du texte a été fortement limitée, tout particulièrement en raison du manque de moyens prévus.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objectif de garantir un droit opposable au logement. Je voudrais rappeler que, avec nos collègues du groupe CRC, nous avions déjà défendu un tel dispositif au cours de l'examen du projet de loi ENL, mais que nos amendements en ce sens avaient été rejetés, au motif qu'un droit opposable au logement était « irréaliste » en raison de la pénurie de logement...

Monsieur le ministre, depuis que la loi ENL a été votée en juillet dernier, la construction de logements n'a pas progressé à hauteur des besoins. Comment pouvez-vous estimer aujourd'hui qu'un droit opposable au logement peut s'appliquer, alors même que la situation paraît identique, d'autant que tous les décrets d'application sont loin d'avoir été pris ?

Il est clair que ce projet de loi n'a de sens que si les conditions suivantes sont réunies.

Première condition, il faut accélérer la construction massive de logements sociaux.

Selon votre ministère, l'année 2006 aurait battu tous les records depuis près de trente ans, avec 430 000 mises en chantiers sur les douze derniers mois, toutes catégories confondues. Or, sur ce total, à peine 80 000 sont consacrés au logement social.

L'objectif, par ailleurs insuffisant, du plan de cohésion sociale que vous avez fait adopter, lequel fixe à 500 000 le nombre de logements sociaux nouveaux à réaliser en cinq ans, ne sera pas atteint à ce rythme. Ce n'est pas avec les moyens que vous mobilisez que le compte y sera !

Ainsi, aujourd'hui, le nombre de logements sociaux en France dépasserait à peine 4, 2 millions, alors que près de 70 % des ménages disposent de revenus inférieurs au plafond de ressources susceptible de les rendre éligibles au logement social et que la précarité gagne une couche de plus en plus large de la population française.

En fait, la mise en oeuvre du droit opposable au logement doit s'appuyer sur une ambition d'une tout autre nature que la vôtre. La production de logements sociaux doit être sans commune mesure avec celle dont vous paraissez vous satisfaire et que vous limitez, dans vos perspectives les plus « optimistes », à 100 000 unités par an.

Accélérer la construction de logements sociaux, c'est mettre à la disposition des communes des terrains que vous préférez vendre trop souvent dans des conditions incompatibles avec la production de logements sociaux de qualité et adaptés à la diversité des demandeurs.

Accélérer la construction de logements sociaux, c'est naturellement aussi mobiliser le foncier et les financements nécessaires à cet effet.

La deuxième condition pour assurer la mise en oeuvre du droit opposable au logement est de garantir la bonne application de l'article 55 de la loi SRU. En effet, accélérer la production de logements sociaux est une chose, en répartir la proportion harmonieusement sur le territoire en est une autre, tout aussi essentielle.

L'article 55 de la loi SRU impose aux communes de plus de 3 500 habitants - 1 500 en Île-de-France - de disposer, sous peine de pénalité, d'au moins 20 % de logements sociaux. Cette disposition, qui vise à associer le qualitatif au quantitatif, est essentielle. Afin qu'elle s'applique, il est indispensable d'inventer des dispositifs nouveaux pour inciter et - pourquoi pas ? - pour obliger toutes les communes à se retrousser les manches en vue d'atteindre cet objectif. Les outils de l'urbanisme sont à mobiliser ; ainsi est-il envisageable d'introduire l'obligation d'un pourcentage de logements sociaux dans les secteurs déficitaires ou de prévoir des emplacements réservés.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même bien identifié l'attitude de ces maires qui refusent le logement social. Par un texte mis en ligne en janvier 2005 sur le site « www.vie-publique.fr », la Documentation française précise : « Cette pénurie [de logements sociaux] reflète la réticence de certains élus locaux à faire construire des logements sociaux dans le périmètre de leur commune. Associant logements sociaux et concentration des populations à faibles revenus et en détresse sociale, ces élus redoutent une dégradation de l'image de leur commune. Une ségrégation spatiale redouble en conséquence les effets de l'exclusion sociale subis par les ménages les plus modestes. »

Par ailleurs, la pénurie de logements PLAI et PLUS ainsi que la réduction des aides de l'État font craindre une utilisation trop « aveugle » du contingent préfectoral de logements.

Accélérer la production de logements, c'est certes dégager du foncier, c'est certes assurer une réelle mixité sociale, mais c'est aussi s'en donner les moyens. Une telle pénurie observée dans certaines communes ne semble pas émouvoir le Gouvernement. Pour trouver un logement social, quoi de plus simple : prélever sur le contingent préfectoral dans les communes disposant d'un parc social significatif ; pour les autres communes, rien ne doit changer ! Et l'État, tout au plus, sera condamné par le juge à payer des astreintes au cas où il ne pourrait proposer des solutions de logement ou de relogement.

Quel avenir sera réservé, dans ces conditions, aux détenteurs de visa de « demande urgente à satisfaire immédiatement » ? Cette conception des choses, qui consiste à camoufler l'absence de volonté d'agir derrière des mesures d'affichage, n'est pas la bonne !

Ce texte instaure, enfin, une véritable mise en concurrence des précarités. La gestion de la file d'attente, qui consiste à distinguer éligibilité, priorité et urgence, n'est pas acceptable.

Un véritable droit opposable au logement doit s'ouvrir progressivement pour permettre à de nouvelles catégories de personnes d'accéder à la commission de médiation et au recours juridictionnel. Par ailleurs, il convient non seulement de prévoir de renforcer les moyens d'accompagnement social des ménages, mais aussi de mobiliser le parc privé vacant, tant ancien que récent, de manière plus impérative, ainsi que les logements vacants réalisés dans le cadre du dispositif fiscal dit « dispositif Robien »

Mais, s'agissant de l'urgence qui vous fait « toucher du doigt » l'insuffisance de votre politique, je me dois d'attirer votre attention sur une évidence qui vous a, semble-t-il, échappé : le droit opposable à l'hébergement est un préalable au droit opposable au logement, et sa mise en oeuvre, qui relève de la compétence de l'État, doit pouvoir être assurée sur l'ensemble du territoire national. À ce titre, je ne peux, hélas ! que vous inviter à revoir à la hausse les prévisions de votre plan d'action pour 2007, qui n'envisage la création que de 4 500 places nouvelles en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, 5 000 places d'hébergement de stabilisation et le maintien de 3 000 places d'hébergement d'urgence généraliste.

Monsieur le ministre, en conclusion, je dirai que vous affichez des intentions louables auxquelles de nombreux membres de votre majorité ne veulent souscrire, comme ils l'ont démontré dans les communes où ils sont aux affaires, mais qui ne se déclinent pas vraiment en dispositions tangibles. En conséquence, le groupe socialiste proposera une série d'amendements visant à coordonner l'action avec les objectifs qui s'imposent aujourd'hui dans l'urgence.

Concernant l'article 7, permettez-moi d'ajouter quelques mots, que je prononcerai en mon nom. Monsieur le ministre, la création de l'aide sociale à la réinsertion est en soi une avancée sociale catégorielle, qui apporte un élément à la construction d'une approche renouvelée de la question migratoire. L'enjeu est bien d'accompagner la création d'un droit émergent à la mobilité et de le consolider par des garanties adaptées.

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