Personne ne sera surpris, je n’ai pas changé d’avis depuis le début de l’après-midi ! Le contraire serait surprenant, puisque rien n’a changé sur le fond… En en supprimant le cœur, c’est-à-dire le délit de non-retrait dans les vingt-quatre heures qui était prévu à l’article 1er, notre assemblée va retirer, à l’issue de ses travaux, ce qui fait la substance même de ce texte.
Nous nous retrouverons donc pratiquement dans la situation d’aujourd’hui – c’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui continuera à peu près à s’appliquer –, avec de très minimes modifications qui ne sont pas des reculs, mais qui sont vraiment minimes.
Par conséquent, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous n’aurons pas fait de progrès dans la lutte contre les contenus haineux sur internet. Bien entendu, je le regrette !
Il n’y a donc pas de raison, à notre avis, de voter le texte tel qu’il ressort des travaux du Sénat. Néanmoins, il ne constitue pas non plus, à proprement parler, un recul par rapport à la situation actuelle. Nous exprimerons donc notre indifférence plutôt que de l’hostilité et nous nous abstiendrons.
Le débat va continuer à l’Assemblée nationale. Il aura également lieu à l’échelon européen, sans doute modestement, en tout cas tardivement – nous en avons parlé en début de séance. Je souhaite que le Parlement français et le Gouvernement fassent tout ce qu’il faut pour qu’une nouvelle directive vienne remplacer le plus rapidement possible celle de 2000 qui est très largement datée et insuffisante. Il faut que nous arrivions rapidement au résultat que nous souhaitons vraiment.
Ite missa est, disait M. Ouzoulias. Je me permettrai de lui répondre : Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Combien de temps les Gafam vont-elles continuer de se livrer à des pratiques qui constituent progressivement une menace tant pour internet lui-même que pour nos valeurs démocratiques ? Nous voyons bien ce phénomène se produire. Quel changement par rapport à la naissance d’internet dans les années 1990, période où ces entreprises se présentaient comme un formidable atout pour les démocraties !
Bien entendu, ces menaces vont exactement dans le sens contraire de la devise de Google – Don ’ t be evil –, une devise par prétérition ou plutôt, finalement, par antiphrase, puisque la réalité que nous observons est son contraire…
Je pense que notre responsabilité, aujourd’hui comme demain, est de faire en sorte que cette devise se traduise concrètement de façon positive, et non négative comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui.