La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er ter.
(Supprimé)
Chapitre II
Devoir de coopération des opérateurs de plateforme dans la lutte contre les contenus haineux en ligne
I. – Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :
« Art. 6 -2. – I. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent un service de communication au public en ligne reposant sur la mise en relation de plusieurs parties en vue du partage de contenus publics et dont l’activité sur le territoire français dépasse un ou plusieurs seuils déterminés par décret en Conseil d’État sont tenus, au regard de l’intérêt général attaché au respect de la dignité humaine, de respecter les obligations prescrites à l’article 6-3 de la présente loi aux fins de lutter contre la diffusion en ligne des infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 de l’article 6.
« II. – Aux mêmes fins, est également soumis aux obligations prescrites à l’article 6-3 tout service de communication au public en ligne désigné par délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, qui acquiert en France un rôle significatif pour l’accès du public à certains biens, services ou informations en raison de l’importance de son activité et de la nature technique du service proposé. »
II. – Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-3 ainsi rédigé :
« Art. 6 -3. – Les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 sont tenus de respecter les obligations suivantes, dont la mise en œuvre doit être proportionnée et nécessaire au regard tant de la taille des plateformes et de la nature du service fourni que de l’atteinte susceptible d’être portée à la dignité humaine par les contenus dont ils assurent le stockage :
« 1° Ils se conforment aux règles et modalités techniques définies par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour la mise en œuvre de l’article 6-2 et du présent article et ils tiennent compte des recommandations qu’adopte ce dernier en application de l’article 17-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
« 2° Ils mettent en place, pour les utilisateurs situés sur le territoire français, un dispositif de notification uniforme directement accessible et facile d’utilisation permettant à toute personne de signaler un contenu illicite dans la langue d’utilisation du service. Ils informent les auteurs de notifications abusives des sanctions qu’ils encourent ;
« 3° Ils accusent réception sans délai de toute notification. Ils informent promptement l’auteur d’une notification des suites données à cette dernière ainsi que des motifs de leurs décisions ;
« 4° Ils mettent en œuvre les procédures et les moyens humains et, le cas échéant, technologiques proportionnés permettant de garantir le traitement dans les meilleurs délais des notifications reçues et l’examen approprié des contenus notifiés, ainsi que de prévenir les risques de retrait injustifié ;
« 5° Ils mettent en œuvre des dispositifs de contre-notification et d’appel permettant :
« a) Lorsqu’ils décident de retirer ou rendre inaccessible un contenu notifié et qu’ils disposent des informations pour contacter l’utilisateur à l’origine de la publication du contenu retiré ou rendu inaccessible, à cet utilisateur d’être informé de cette décision et des raisons qui l’ont motivée, ainsi que de la possibilité de la contester. Ils rappellent également à l’utilisateur à l’origine de la publication que des sanctions civiles et pénales sont encourues pour la publication de contenus illicites.
« Le présent a ne s’applique pas lorsqu’une autorité publique le demande pour des raisons d’ordre public ou à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, ainsi que d’enquêtes et de poursuites en la matière ;
« b) Lorsqu’ils décident de ne pas retirer ou rendre inaccessible un contenu notifié, à l’auteur de la notification de contester cette décision ;
« 5° bis
Supprimé
III. –
Supprimé
Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 58 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 15.
Il s’agit d’un amendement d’appel : je m’interroge sur le rôle du CSA dans cette régulation de l’internet que vous appelez de vos vœux et que nous souhaitons tous.
Aujourd’hui, en effet, traiter de la régulation des Gafam revient à traiter de la régulation de l’internet, dans la mesure où ces opérateurs sont en situation monopolistique. Aujourd’hui, les Gafam et l’internet se confondent.
Pourquoi confier cette mission de régulation au CSA ? Le CSA est une autorité administrative qui, dans un premier temps, a été chargée d’attribuer des fréquences radio et télévision et de délivrer des autorisations d’émettre en prévoyant des conditions d’octroi dont elle garantissait le respect. Il assurait ainsi une forme de police administrative des fréquences.
Est-il légitime de lui confier également la régulation de l’internet ? J’estime que l’extension du champ de ses attributions mérite d’être discutée, car l’internet doit être considéré différemment : son fonctionnement est en effet beaucoup plus complexe que celui des fréquences audiovisuelles, et beaucoup moins national.
Par cet amendement, j’essaie de lancer un débat sur le rôle que pourrait avoir le CSA dans la régulation de l’internet. Sur le fond, ce débat serait très utile pendant l’examen du futur projet de loi de réforme de l’audiovisuel. Il est évidemment beaucoup plus difficile d’approfondir la question aujourd’hui dans le cadre de nos travaux sur cette proposition de loi, mais je souhaitais tout de même amorcer la discussion.
J’ai une proposition à vous faire, monsieur le secrétaire d’État : la directive sur le e-commerce distingue les hébergeurs des éditeurs, ce qui est essentiel. Pour être hébergeur sur le net, il faut respecter une absolue neutralité dans le traitement de l’information. La question que l’on doit se poser aujourd’hui est donc la suivante : les Gafam peuvent-ils encore être considérés comme neutres de ce point de vue ?
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 58.
Je retire cet amendement, car il s’agissait d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 51, qui a été précédemment rejeté.
L’amendement n° 58 est retiré.
L’amendement n° 16, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 6 -2. – I. – Afin de favoriser le développement et l’accès aux plateformes qui protègent efficacement les victimes des contenus haineux, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, permettent à leurs utilisateurs de migrer vers des plateformes tierces tout en continuant à communiquer avec les personnes restées sur leur propre plateforme. Ils implémentent des standards techniques d’interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l’état de l’art, documentés, stables et qui ne peuvent être modifiés de façon unilatérale. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
Cet amendement vise à favoriser l’interopérabilité entre plateformes.
Puisque vous m’avez interrogé précédemment sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, je vais me permettre de vous répondre. Pourquoi suis-je attaché à cette interopérabilité ? Aujourd’hui, comme je vous l’ai déjà dit, les grands réseaux sociaux se trouvent dans une situation de monopole en ce qui concerne l’internet. Vous n’avez pas d’autre solution que de passer par eux pour migrer vers une autre plateforme, car ils vous interdisent d’utiliser vos données, vos références et l’historique de vos conversations. D’une certaine façon, il s’agit d’un abus de position dominante : aucune concurrence n’existe, puisque les plateformes se sont arrangées pour investir la totalité du champ de l’internet.
Vous avez dit que j’étais un libéral, monsieur le secrétaire d’État. Cela vous surprend, mais je l’assume ! Je suis profondément attaché au développement d’autres modes de relation entre les plateformes et les utilisateurs. Comme vous le savez, puisque nous en avons parlé durant les travaux de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique, je suis notamment très favorable aux logiciels libres. C’est à ce titre que je revendique le fait d’être un libéral. J’ai d’ailleurs le sentiment que votre gouvernement rencontre des difficultés avec ce type de logiciels.
Je défends l’interopérabilité, afin que des personnes, des usagers qui ne veulent plus utiliser les réseaux sociaux, puissent faire migrer librement leurs données vers d’autres plateformes, et ce pour des raisons éthiques et non pour se protéger, comme vous l’avez dit. Il s’agit d’un point essentiel, qui permettra également de conforter la liberté d’expression.
Si, d’aventure, on s’apercevait que les réseaux sociaux mettent en place des systèmes pour brider l’information et censurer, vous aurez la possibilité de poursuivre vos conversations sur d’autres plateformes et d’échapper ainsi à la censure. Voilà pourquoi l’interopérabilité est vraiment l’un des enjeux fondamentaux de la régulation des Gafam.
L’amendement n° 43, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
publics
insérer les mots :
ou sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers
La parole est à M. Franck Montaugé.
Pour impliquer l’ensemble des opérateurs de plateformes en ligne jouant un rôle particulier dans la diffusion et la propagation des contenus haineux, le présent amendement tend à inclure les moteurs de recherche dans le champ des opérateurs concernés par la nouvelle régulation des plateformes, qui seront désormais assujettis à des obligations de moyens renforcées, sous la supervision du CSA.
À l’instar des opérateurs de plateformes en ligne, les moteurs de recherche exercent un rôle d’intermédiaires actifs permettant le partage de contenus auxquels ils offrent un accès plus rapide grâce à des processus algorithmiques de hiérarchisation et d’optimisation.
Le dispositif de cet amendement reprend – c’est un point important – l’une des recommandations formulées par le Conseil d’État dans son avis sur la présente proposition de loi en vue de respecter le principe constitutionnel d’égalité et le principe conventionnel de non-discrimination.
L’État envisagerait justement de consacrer des moyens à l’audit des algorithmes. Il me semble vraiment indispensable de pouvoir les inclure dans le périmètre de la loi parce que, aujourd’hui, il n’y a plus guère de données qui ne passent pas au crible de ces algorithmes – je pense même qu’il n’y en a plus aucune.
L’amendement n° 57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
La disposition visant à permettre au CSA de faire entrer dans le champ de la loi des acteurs dont les seuils d’activité ne dépassent pas les seuils déterminés par décret nous paraît séduisante dans son principe, mais nous semble poser en l’état des questions juridiques importantes, tant sur le plan de sa conformité à la Constitution que sur celui de sa conformité aux conventions internationales. C’est pourquoi nous en proposons la suppression.
Je vais tâcher d’être encore plus clair.
Sourires.
Le rapport Loutrel, qui est l’un des rapports sur lesquels les auteurs de cette proposition de loi se sont appuyés, propose la fixation d’un seuil qui permettrait de n’attraper que les très grands réseaux sociaux. Il suggère par ailleurs que, au besoin, le CSA puisse mettre à la charge d’une plateforme qui, bien que présentant un seuil d’activité en deçà de ce seuil, serait considérée comme très dangereuse, de nouvelles obligations de moyens en matière de traitement des notifications de contenus haineux en ligne.
À titre personnel, je suis extrêmement favorable à une telle mesure sur le principe. Nous avons essayé de travailler sur cette idée, mais le Conseil d’État, dans le cadre d’échanges informels, tout comme les directions juridiques de l’État, nous ont expliqué que le fait de maintenir cette disposition qui, je le répète, permettrait au CSA de déroger au seuil fixé par décret, soulèverait des difficultés d’ordre constitutionnel et conventionnel, et fragiliserait l’ensemble de la loi.
Ces quatre amendements visent à revenir sur-le-champ et la liste des opérateurs soumis à la régulation des plateformes.
Si les amendements n° 15 et 16 étaient adoptés, plus aucun hébergeur ne serait soumis à la régulation et aux obligations de moyens sous la supervision du CSA. Nous y sommes donc défavorables.
L’amendement n° 43 de M. Montaugé vise à réintroduire les moteurs de recherche dans le champ des opérateurs supervisés par le CSA. Il s’agit d’un vrai sujet qui mérite réflexion. C’est pourquoi nous avons eu ce débat à trois reprises : lors des auditions, lors de la présentation du rapport en commission et à l’occasion de l’examen de cet amendement en commission.
La commission a estimé nécessaire d’exclure les moteurs de recherche de la régulation pour deux raisons.
La première tient à leur rôle bien moins déterminant que celui des réseaux sociaux dans la propagation virale de la haine. La seconde est liée à leurs caractéristiques techniques différentes, qui rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux précis d’un moteur de recherche sans rendre inaccessible tout le reste d’une page d’un journal ou d’un site pourtant licite.
Pour entrer dans le détail, monsieur Montaugé, les moteurs de recherche, dans leur fonctionnement technique, leur finalité et leur effet sur la viralité d’un contenu, se distinguent substantiellement des réseaux sociaux. Ils organisent la visibilité des contenus sur le net de façon algorithmique, constante et prévisible. Il n’y a normalement aucun traitement particulier en fonction de l’identité de l’auteur de la recherche. La hiérarchisation des contenus n’a pas un caractère social : on ne peut pas poster directement des contenus sur un moteur de recherche, partager ou réagir pour en augmenter l’audience avec des like ou des share, par exemple.
Les moteurs de recherche ne contribuent pas, comme le font les réseaux sociaux, à la viralité d’un contenu. L’utilisateur d’un moteur de recherche n’y voit que les informations qu’il est venu chercher en fonction de sa requête, contrairement aux réseaux sociaux sur lesquels une foule de contenus publiés par ses contacts lui sont proposés.
Si les moteurs de recherche contribuent à la visibilité des sites internet, ce ne sont pas eux qui rendent directement ces sites ou les contenus publics. Un site se retrouve référencé dans le moteur de recherche, non pas à la demande de son auteur, mais automatiquement.
Enfin, les moteurs de recherche ne stockent pas les contenus, ils les référencent. Ils ne peuvent pas bénéficier techniquement du recours à certaines bases de données de contenus illicites.
Par ailleurs, comme je l’ai dit, les caractéristiques techniques des moteurs de recherche rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux sans rendre inaccessible tout le reste d’une page ou d’un site pourtant licite. Un passage haineux peut être présent sur un site indexé à côté de bien d’autres passages qui ne le sont pas. Je pense, par exemple, à un commentaire sur la page d’un média, d’un forum ou d’un site consacré à des débats participatifs : faut-il pour autant déréférencer le site entier au risque d’atténuer significativement sa visibilité sur internet et la liberté d’expression des autres utilisateurs ?
Pour conclure, je note que la loi allemande, la NetzDG, les exclut de son périmètre et que la proposition de loi initiale de Mme Avia ne les incluait pas.
La commission vous demandera donc, monsieur Montaugé, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle y sera défavorable.
Enfin, l’amendement n° 57 du Gouvernement vise à supprimer la possibilité donnée au CSA de faire entrer dans le champ de sa régulation des plateformes moins grandes, mais très virales. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui introduit de la souplesse et auquel tient la commission : elle émettra donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur l’amendement de M. Montaugé, dans la mesure où M. le rapporteur a bien exposé les raisons pour lesquelles il ne nous semblait pas souhaitable d’inclure les moteurs de recherche dans le champ des plateformes concernées. Je répète que nous sommes d’accord sur le fond, mais que nous estimons qu’il existe un risque qu’une telle disposition soit déclarée contraire à la Constitution ou aux conventions internationales. Nous le regrettons, mais c’est la raison pour laquelle j’ai défendu l’amendement n° 57 au nom du Gouvernement.
Au sujet du CSA, monsieur Ouzoulias, vous serez d’accord avec moi pour reconnaître qu’il faut bien une autorité indépendante pour assurer la supervision des plateformes. S’agissant de contenus, en effet, il n’est pas souhaitable que le Gouvernement s’en occupe.
Il fallait opérer un choix entre diverses autorités indépendantes. Le CSA a une expérience certaine en matière de contenus, notamment à la télévision. Il est évident que les usages et les pratiques des Français évoluant, la compétence du CSA doit s’étendre au numérique. Il est normal qu’il s’adapte aux usages du temps. Cela représente un défi pour le CSA, notamment technologique, parce qu’il faut être capable de tout contrôler.
Cela étant, c’est un défi pour l’ensemble de la puissance publique : nous devons nous doter des compétences adéquates, parfois en payant le prix fort. Pour le dire plus clairement, il faut payer des personnes capables de discuter avec les ingénieurs de Facebook et de Google et de comprendre ce qui se passe. Il s’agit d’une nécessité pour la puissance publique si elle veut continuer à « faire son boulot », si je puis m’exprimer ainsi. C’est un défi pour le CSA, mais aussi pour l’Arcep, pour la CNIL, et pour le Gouvernement de manière générale.
Il est nécessaire d’adapter les outils et les pratiques aux usages, et il nous a semblé que, parmi les régulateurs et les autorités indépendantes, le choix du CSA était tout à fait justifié.
En ce qui concerne l’interopérabilité, je vais répéter ce que j’ai dit plus tôt : le Gouvernement français assume publiquement l’idée que l’interopérabilité est un outil auquel il faut avoir recours – parmi d’autres outils, bien sûr, qui peuvent aller jusqu’à l’adoption de mesures structurelles – pour réguler les très grandes plateformes. Il faut utiliser cet outil, notamment dans le cadre de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, pour réduire l’empreinte d’acteurs qui, économiquement et démocratiquement, est devenue trop forte. Cependant, nous pensons qu’il faut d’abord agir au niveau européen.
Enfin, je continue de penser que votre approche pose un problème philosophique, car elle consiste à dire, si je la transpose dans le monde physique, qu’il ne faudrait pas réguler un marché sur lequel des individus vendent des choses dangereuses, mais créer un marché parallèle pour que les consommateurs puissent poursuivre leurs transactions. Cela pose un vrai problème philosophique : je pense que le rôle de l’État est précisément de contrôler l’ensemble des opérations sur un marché donné et d’empêcher que ne se produisent des choses illégales.
Une fois que l’on a dit cela, je suis totalement favorable à l’interopérabilité et je pense qu’il faudra avancer dans cette voie.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements de M. Ouzoulias.
J’ai bien écouté les arguments du rapporteur, que je partage en partie.
Pour moi, il existe un argument qui n’est pas mis en évidence, alors qu’il me semble justifier le maintien de cet amendement : les moteurs de recherche et leurs algorithmes renvoient à chaque internaute l’environnement que, d’une certaine manière, il a façonné par sa navigation sur le net. C’est fondamental et cela justifie que l’on prenne en compte les moteurs de recherche.
Nous n’avons pas tous le même rapport à l’information. Je suis convaincu que, dans certains cas, certaines informations, que l’on cherche pourtant à combattre et qui sont en lien direct avec l’objet du texte que nous discutons, peuvent remonter à l’utilisateur en raison des recherches qu’il a faites et des centres d’intérêt qui ont été les siens.
Sur le fond, je ne suis pas du tout opposé à ce que l’on choisisse le CSA pour réguler les plateformes. Ce n’était pas mon propos. Je disais simplement qu’il faut éviter de croire que la manière dont le CSA va gérer l’internet équivaut à sa manière de gérer les fréquences audiovisuelles aujourd’hui. Les deux exercices sont fondamentalement différents. On ne peut pas calquer la manière de réguler l’internet demain sur celle de réguler l’audiovisuel aujourd’hui.
À cet égard, il est indispensable de mener une réflexion doctrinale et de se demander ce qu’est réellement l’internet et quelles sont ses spécificités par rapport aux fréquences audiovisuelles. C’est le débat que je réclame au travers de mon amendement.
S’agissant de l’interopérabilité, nous sommes tous d’accord pour constater que les réseaux sociaux se trouvent aujourd’hui dans une situation monopolistique et qu’il faut, d’une façon ou d’une autre, réduire l’avantage anticoncurrentiel qu’ils détiennent. Aujourd’hui, ceux-ci ne se soumettent pas aux règles de la concurrence.
De mon point de vue, on doit favoriser l’émergence de solutions alternatives, non pas pour permettre à ceux qui répandent des propos haineux de le faire ailleurs, mais tout simplement pour laisser le choix à celles et ceux qui refusent d’utiliser les réseaux sociaux actuels pour des raisons éthiques de faire migrer leurs données sur d’autres réseaux beaucoup plus transparents, utilisant des algorithmes qui répondent à un code moral qu’ils pourraient connaître. C’est fondamental.
Bien entendu, les Gafam refusent une telle évolution : ils veulent protéger jusqu’au bout leur situation monopolistique. Sans une intervention ferme de l’État pour encourager ces alternatives, nous n’y arriverons pas : c’est tout l’enjeu de l’interopérabilité.
Je soutiens bien sûr notre rapporteur.
Cela étant, je souhaiterais attirer l’attention de tous sur le fait que l’amendement de M. Ouzoulias, qui souligne la nécessité de s’assurer de la portabilité de nos données quand on souhaite changer de système, et l’amendement de M. Montaugé, qui s’interroge sur l’intégration ou non des moteurs de recherche dans le champ de la régulation, nous renvoient à un sujet qui reste à traiter – même si ce n’est pas forcément dans le cadre de l’examen de ce texte qu’on le fera –, à savoir le statut, la responsabilité et, surtout, l’omnipotence de ces plateformes.
Ces dernières se sont constituées dans des écosystèmes propriétaires dans lesquels nous nous trouvons enfermés. C’est ainsi qu’elles prennent, aspirant toujours plus de données, de plus en plus de pouvoir sur nos vies et nos comportements.
Je comprends tout à fait cette idée de droit à la portabilité et je comprends que M. Ouzoulias le revendique. Ce sujet reste à approfondir, parce que l’on peut avoir envie de rejoindre une plateforme éthique, qui développe des pratiques non toxiques, comme je le disais à la tribune, et de quitter un système qui nous enferme et qui est extrêmement agressif.
Quant au pouvoir de Google, on sait bien que cet opérateur est devenu essentiel, puisqu’il s’agit d’un intermédiaire incontournable : 97 % des recherches sont faites avec ce moteur en Europe. En l’espèce, Google sert à effectuer des recherches, mais il a aussi une fonction éditoriale. En réalité, il a des activités tous azimuts. Quelle est la perméabilité d’une activité par rapport à une autre ? C’est un vrai sujet ! Il n’y a aucune transparence dans ce domaine.
Alors, certes, on ne résoudra pas tous les problèmes ce soir, monsieur le secrétaire d’État, mais cette question renvoie à celle du démantèlement de ces oligopoles, qui permettrait de garantir un fonctionnement démocratique et éthique de l’internet, et donc des réseaux sociaux.
Les questions posées au travers de ces amendements sont donc tout à fait pertinentes et méritent d’être creusées.
Tout d’abord, je suis favorable à une régulation des plateformes assurée par le CSA.
Je souhaiterais tout de suite dénoncer une très grosse hypocrisie. Laquelle ? On vient de voter le projet de loi de finances : avez-vous noté une quelconque augmentation des moyens du CSA en vue d’assumer cette tâche gigantesque ? Non !
Comme on veut aller vite, faire en sorte que la loi soit votée après une seule lecture dans chaque assemblée, et pouvoir faire des annonces sur le sujet très tôt au cours du premier trimestre de 2020, on met la charrue avant les bœufs !
On nous dit – ce que j’ai toujours défendu – que le CSA devrait avoir un droit de regard sur le net parce que, aujourd’hui, les contenus vidéo sont autant regardés sur le net qu’à la télévision, et qu’il existe de fait une zone de non-droit.
On a mis le doigt dans l’engrenage avec la loi contre les fake news : nous avons demandé d’aller encore plus loin en permettant au CSA de contrôler des contenus écrits. Maintenant, on veut sanctuariser ce rôle : pourquoi pas, mais seulement si cela a vraiment un sens ! Quand on parle de régulation relativement indépendante, il faut des moyens pour discuter d’égal à égal, des moyens en termes d’ingénierie, de connaissances, etc. Il faut arrêter l’hypocrisie et prévoir des moyens, par exemple sous la forme d’un collectif budgétaire, parce que, aujourd’hui, ces moyens n’y sont pas.
Ensuite, il faut veiller à ce que, sur ces questions de données – j’y reviendrai tout à l’heure –, on ne soit pas en retard sur les réflexions menées par les plateformes.
J’ai lu dans un article la semaine dernière que Twitter finançait une petite équipe indépendante comptant jusqu’à cinq architectes, ingénieurs et designers open source pour développer des normes ouvertes et décentralisées pour les médias sociaux, l’objectif étant que Twitter soit finalement un client de cette plateforme. Cela signifie que les plateformes commencent à réfléchir à l’open source, alors que nous avons acté qu’ils ne le feraient jamais. À un moment donné, je sais qu’ils y auront intérêt, peut-être en raison de la concurrence qui les oppose.
Considérer aujourd’hui que Google n’est pas concerné par cette régulation, parce qu’il s’agit d’un moteur de recherche, c’est oublier qu’il est présent dans tous les domaines, …
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote sur l’amendement n° 16.
Monsieur le secrétaire d’État, vous devez savoir que la loi sur l’économie circulaire est en cours d’examen à l’Assemblée nationale et que, sur l’initiative de deux députés du groupe La République En Marche, un amendement favorisant l’interopérabilité des logiciels a été adopté. Cela vient d’être voté par l’Assemblée nationale : il serait assez facile pour le Sénat d’en faire de même en ce qui concerne les plateformes de sorte que, pour une fois, Sénat et Assemblée nationale votent de concert !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 61, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ils informent leurs auteurs des sanctions qu’ils encourent en cas de notification abusive.
II. – Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qui leur est adressée conformément au 5 du I de l’article 6 de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 8, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ils accomplissent les diligences proportionnées et nécessaires au regard de la nature du contenu et des informations dont ils disposent pour retirer ou rendre inaccessibles dans les vingt-quatre heures les contenus manifestement illicites qui leur sont notifiés.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Cet amendement a vocation à préciser les modalités des notifications pour que celles-ci soient plus efficaces.
Cet amendement vise à inscrire expressément dans la loi la durée de vingt-quatre heures fixée comme objectif aux plateformes pour le retrait des contenus manifestement illicites.
Autant il ne me semble pas possible d’inscrire le délai de vingt-quatre heures à l’article 1er comme objectif de résultat, autant en faire une obligation de moyens est une piste intéressante. Cette rédaction tente en effet de rester sur la ligne de crête. Elle me semble compatible avec le droit européen, puisqu’elle ne fixe ni délai couperet ni obligation de résultat exhaustif pour tous les types de contenus à laquelle on ne peut déroger et sous la menace de sanctions pénales. Elle fixe, en revanche, une obligation de moyens, un objectif de délai, un principe, une moyenne à observer, sauf circonstances exceptionnelles : afflux massif de signalements difficiles à évaluer, pannes imprévisibles, etc.
Cette rédaction inscrit « en dur » dans la loi la durée de vingt-quatre heures. Elle liera bien les plateformes qui devront en tenir compte et elle servira d’indication au CSA pour son contrôle périodique. Le régulateur pourra en assurer le respect en cas de dépassement injustifié, si les plateformes ne se dotent pas des moyens d’atteindre cet objectif : recommandation, puis sanction de 4 % du chiffre d’affaires.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Je redis très clairement, même si, à ce stade, le Sénat en a décidé autrement, que le Gouvernement a bien pour objectif d’inscrire ces vingt-quatre heures dans l’article 1er et de créer un délit autonome : c’est utile et cela tire la conséquence de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Je ne rappelle pas l’argumentation que j’ai déjà développée sur ce point.
En l’espèce, cette mesure témoignant d’un pas du Sénat et le rapporteur ayant estimé que tout cela pouvait aller dans la bonne direction, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Gold, Mme Guillotin, MM. Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
décision
insérer les mots :
avant qu’elle ne prenne effet
II. – Après l’alinéa 11
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’action motivée de l’utilisateur à l’origine de la publication du contenu notifié en ce sens, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.
« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« Les actions fondées sur le présent a sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d’appel déterminée par décret.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
L’article 2 introduit une modification substantielle du droit existant en cas de divergences d’appréciation sur le caractère licite ou non du contenu publié en ligne entre son auteur et la plateforme où le contenu a été publié.
Actuellement, la loi du 22 décembre 2018 prévoit que, lorsque l’auteur du contenu est en désaccord avec la notification, celui-ci reste en ligne jusqu’à ce qu’un juge tranche. Cela vise à faire primer la liberté d’expression sur la censure.
L’article 2 inverse ce principe, en prévoyant que, dorénavant, en cas de litige, le contenu sera supprimé ou rendu inaccessible. Or nous ne disposons pas d’étude d’impact pour évaluer les risques sur la liberté d’expression. En outre, nous ne sommes pas à même de juger si ces situations conflictuelles sont fréquentes et nous ne connaissons pas la politique des plateformes dans ces cas-là.
Le seul retour d’expérience dont nous disposons nous vient d’Allemagne, où près d’un million de notifications ont eu lieu en un an, donnant lieu à la suppression des contenus dans 17 % des cas. Ces chiffres peuvent être interprétés différemment : ils signifient soit que les utilisateurs ne connaissent pas bien la loi allemande et sur-notifient, soit que les plateformes ont une politique très libérale de maintien des contenus notifiés.
En l’absence de données plus précises, il nous paraît pertinent d’adopter une attitude prudente de maintien du droit existant plutôt que de mettre en place un système de notification qui pourrait aboutir à un outil de censure puissant.
L’amendement n° 31, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11, première phrase
Après le mot :
décision
insérer les mots :
avant qu’elle ne prenne effet
II. – Après l’alinéa 11
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas de protestation motivée de l’utilisateur à l’origine de la publication du contenu notifié, la mesure de retrait ou de rendu inaccessible est automatiquement suspendue. Ils informent le notifiant de sa possibilité de saisir le juge des référés.
« Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.
« Les actions fondées sur le présent a sont exclusivement portées devant un tribunal de grande instance et une cour d’appel déterminée par décret.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
Cet amendement, que nous avons élaboré avec le barreau de Paris, est presque identique à celui qui vient d’être présenté. Il tend à prévoir une voie de recours quand l’usager considère que ses messages ont été censurés à tort.
Ces amendements visent à réintroduire le juge dans le processus de retrait des contenus haineux. En l’espèce, en cas de contre-notification par l’auteur de contenus litigieux retirés, la plateforme devrait obligatoirement les rétablir, à charge pour le notifiant de saisir le juge des référés.
Même si je suis favorable sur le principe à la démarche, le manque de moyens de la justice rend assez illusoire le délai de quarante-huit heures laissé au juge pour statuer, si ce contentieux se développe.
Je décèle en outre deux problèmes dans la procédure envisagée.
D’une part, concernant l’intérêt pour agir du requérant, une notification de contenu haineux ou illicite à un hébergeur peut émaner de toute personne, sans qu’elle ait à justifier être personnellement lésée par ledit contenu. Or, devant le juge, son action devra bien s’appuyer sur un tel intérêt, sauf à permettre une sorte d’action populaire.
D’autre part, concernant l’articulation avec le régime de responsabilité de la LCEN, le dispositif envisagé oblige la plateforme à rétablir certains contenus litigieux dans l’attente de la décision du juge, laquelle peut prendre une semaine et lui donner tort, alors même que la plateforme engage sa responsabilité pénale et civile si elle ne les a pas retirés promptement.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements. Peut-être convient-il néanmoins d’entendre d’abord l’avis du Gouvernement.
Il existe déjà des voies de recours, qui nous paraissent suffisantes, pour les auteurs à l’origine de contenus, puisqu’ils peuvent contester en référé le retrait du contenu par la plateforme sur le fondement du droit commun.
Sur la question de savoir s’il faut mettre systématiquement le juge des référés dans la boucle, à l’instar du rapporteur, je ne puis qu’être d’accord en principe. En revanche, au-delà des moyens de la justice, on se heurte à un principe de réalité, qui rend cette mesure impossible.
Je répète les chiffres de l’attentat de Christchurch : la vidéo a été repostée 1, 5 million de fois en vingt-quatre heures. Avec tous les moyens du monde, quand bien même cela ne concernerait pas 1, 5 million de citoyens français, la justice ne sait pas juger en référé des centaines de milliers de contenus en vingt-quatre heures ou quarante-huit heures.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je comprends l’argumentation du rapporteur, qui me semble juste.
Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous rappeler que, lorsque nous avons discuté ici de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information, le Sénat vous a indiqué de manière unanime que saisir le juge des référés n’était pas une bonne solution.
Vous le confirmez aujourd’hui. Je vous en remercie.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 44, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° bis Ils mettent en œuvre les moyens appropriés pour empêcher la rediffusion en ligne de contenus identiques relevant des infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement vise à rétablir l’obligation mise à la charge des plateformes d’empêcher la réapparition de contenus haineux illicites identiques et déjà retirés.
Bien entendu, nous avons lu avec attention les observations de la Commission européenne relatives au risque de surveillance générale. Nous ne sommes pas dans ce cas.
D’une part, il s’agit d’une obligation de moyens. C’est la raison pour laquelle nous avons mentionné que les moyens mis en œuvre par la plateforme sont des moyens « appropriés ».
D’autre part, comme en droit interne, le droit européen est sujet à interprétation lorsqu’il est question de l’appliquer.
À ce propos, la Cour de justice de l’Union européenne a eu à se prononcer le 3 octobre dernier, dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle sur l’interprétation des articles 14 et 15 de la directive e-commerce, afin de savoir si l’obligation de retrait de certaines informations illicites imposée à un hébergeur vise également d’autres informations identiques.
Selon la Cour de justice de l’Union européenne, la directive e-commerce du 8 juin 2000 ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est identique à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celles-ci, quel que soit l’auteur de la demande de stockage de ces informations, dès lors qu’une telle injonction est limitée à des informations véhiculant un message dont le contenu demeure, en substance, inchangé par rapport à celui qui a donné lieu au constat d’illicéité, et qu’elle comporte les éléments spécifiés dans la demande. En outre, il faut qu’une telle opération ne soit pas de nature à contraindre l’hébergeur à procéder à une appréciation autonome de ce contenu.
Dans ce cadre et conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est nécessaire de prévoir que les opérateurs mettent en œuvre les moyens appropriés pour empêcher la rediffusion en ligne de contenus illicites identiques.
Il est donc nécessaire de rétablir cette obligation.
J’ai bien suivi votre raisonnement, monsieur Montaugé : vous voulez rétablir cette obligation générale d’empêcher la réapparition des contenus illicites, le principe notice and stay down, qui est contraire au droit européen.
Or, dans votre amendement, vous parlez de tous les contenus illicites et non pas de ceux qui ont été déclarés comme tels par une juridiction. L’exception récente qui est ménagée par la Cour de justice de l’Union européenne et dont il est fait mention dans l’objet de cet amendement – l’arrêt Facebook – ne s’applique que de façon limitée aux contenus illicites qualifiés comme tels par une juridiction.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, en présentant cet amendement, j’ai bien précisé qu’il s’agissait de contenus déjà déclarés illicites. Je ne comprends donc pas votre argumentation…
Nous avons là une nouvelle illustration de la façon dont nous travaillons : alors que M. Montaugé, en séance, nous explique comment il faut entendre son amendement, le seul argument du rapporteur consiste à souligner qu’une précision manque et cela lui suffit pour se prononcer contre ! Pourquoi ne pas sous-amender cet amendement ou le rectifier ? Nous pourrions ainsi nous mettre d’accord.
Il faut cesser de travailler dans l’urgence, de façon binaire, sans que personne fasse un pas vers l’autre.
Si l’amendement est rectifié de sorte qu’y figure explicitement ce qui allait de soi pour son auteur et qui mérite d’être précisé, le rapporteur est-il prêt à émettre un avis favorable ? Je pose la question.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 2 est adopté.
L’article 6-3 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, tel qu’il résulte de l’article 2 de la présente loi, est complété par des 6° à 11° ainsi rédigés :
« 6° Ils mettent à la disposition du public une information claire et détaillée, facilement accessible et visible, présentant à leurs utilisateurs les modalités de modération des contenus illicites mentionnés au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6, et en particulier :
« a) Les sanctions, y compris pénales, que leurs utilisateurs encourent en cas de publication de ces contenus ;
« b) Les dispositifs de recours, internes et juridictionnels, dont disposent les victimes de ces contenus, les délais impartis pour le traitement de ces recours, ainsi que les acteurs en mesure d’assurer l’accompagnement de ces victimes ;
« c) Les sanctions encourues par les auteurs de notifications abusives et les voies de recours internes et juridictionnelles dont disposent les utilisateurs à l’origine de la publication de contenus indûment retirés ou rendus inaccessibles ;
« 7° Ils rendent compte des moyens humains et technologiques qu’ils mettent en œuvre et des procédures qu’ils adoptent pour se conformer aux obligations mentionnées au présent article, des actions et moyens qu’ils mettent en œuvre ainsi que des résultats obtenus dans la lutte et la prévention contre les contenus mentionnés au troisième alinéa du 7 du I du même article 6. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel précise, par délibération et dans le respect du secret des affaires, les informations et les indicateurs chiffrés qui sont rendus publics au titre du présent 7° ainsi que les modalités et la périodicité de cette publicité ;
« 8° Ils sont tenus, lors de l’inscription à l’un de leurs services d’un mineur âgé de moins de quinze ans et dans le cas où leur offre de service implique un traitement de données à caractère personnel, de prévoir une information à destination du mineur et du ou des titulaires de l’autorité parentale sur l’utilisation civique et responsable dudit service et les risques juridiques encourus en cas de diffusion par le mineur de contenus haineux, à l’occasion du recueil des consentements mentionnés au deuxième alinéa de l’article 45 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
« 9°
Supprimé
« 10° Ils désignent un représentant légal, personne physique située sur le territoire français exerçant les fonctions d’interlocuteur référent pour l’application de l’article 6-2 de la présente loi et du présent article. Ce représentant légal est chargé de recevoir les demandes de l’autorité judiciaire en vertu de l’article 6 de la présente loi et les demandes du Conseil supérieur de l’audiovisuel en vertu de l’article 17-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;
« 11° Ils formulent en termes précis, aisément compréhensibles, objectifs et non discriminatoires les conditions générales d’utilisation du service qu’ils mettent à la disposition du public lorsqu’elles sont relatives aux contenus mentionnés au I de l’article 6-2 de la présente loi. »
L’amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première et seconde phrases
Remplacer les mots :
représentant légal
par les mots :
point de contact
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Cet amendement vise à substituer à la notion de « représentant légal » la notion plus adaptée de « point de contact », substitution qui tend aussi à répondre à de possibles réserves en provenance de la Commission européenne, l’obligation d’un représentant légal sur le territoire français pouvant être considérée comme une entrave injustifiée au principe de la libre prestation des services de la société de l’information dans le marché unique.
La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement par lequel le Gouvernement revient sur la rédaction qu’il a lui-même introduite à l’Assemblée nationale.
La consistance juridique du point de contact ne me semble pas très explicite. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir un peu plus tard.
Monsieur le secrétaire d’État, on revient à la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information : dans cette loi aussi, vous aviez prévu la nomination d’un représentant. Or ce dispositif n’a pas fonctionné. Vous le remplacez aujourd’hui par la notion de « point de contact ».
Expliquez-nous ! Qu’est-ce que c’est ? Est-ce une paillote dans un coin du territoire où l’on vient pour essayer de rencontrer M. Google ou M. Twitter ? §Je ne vois pas, d’un point de vue législatif, de quoi il retourne.
Par ailleurs, à travers l’exemple du tweet malheureux de votre collègue ministre de l’intérieur, vous avez bien vu que des sociétés qui sont installées à l’étranger pouvaient parfaitement ne pas répondre à la convocation de la justice française. Je doute que leur imposer un point de contact puisse résoudre ce problème.
Je pense moi aussi que la notion de point de contact ajoutera une difficulté supplémentaire et ne permettra pas au Gouvernement d’atteindre ses objectifs. Il est déjà assez difficile de gérer la situation des représentants légaux de personnes morales : en ajoutant la notion de point de contact, vous introduisez un élément de complexité.
C’est l’occasion pour moi, sans refaire le débat sur l’article 1er, de vous redire à vous, monsieur le secrétaire d’État, comme à ceux qui font preuve de bonne volonté et qui souhaitent le succès de ce texte, que le franchissement de l’obstacle de la constitutionnalité est déjà un problème. Le franchissement de l’obstacle de la conventionnalité en est un autre, mais nous avons eu trop peu de temps pour aborder tous ces points lors de la discussion générale.
Vous vous heurtez à un problème d’articulation avec le droit pénal des personnes morales. Sur ce sujet, je vous souhaite bien du courage, d’autant que je ne vois pas très bien comment un magistrat pourra se tirer d’affaire si, un jour, il doit appliquer ce texte.
Pour faire simple, l’article 121-2 du code pénal, qui porte sur le principe général de responsabilité pénale des sociétés, émet une réserve : les personnes morales peuvent être sanctionnées pénalement du fait des actes qui ont été commis, à condition qu’ils soient intervenus « pour leur compte ». Je suis curieux de voir comment un magistrat arrivera à démontrer que la non-suppression d’un acte illicite sur un site, dans un délai de vingt-quatre heures, peut être considérée comme ayant été faite « pour le compte » de la personne morale en cause.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, deux lectures auraient permis d’être un peu plus précis juridiquement.
M. Philippe Bonnecarrère. Il s’agit de savoir si vous voulez produire un texte qui tient la route ou si vous voulez poser un acte politique. Je ne suis pas opposé à ce que vous posiez des actes politiques, mais, pour la crédibilité du Gouvernement, il faut le faire bien.
M. Pierre Ouzoulias applaudit.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Eh oui, il faut toujours être lucide !
Je vois à peu près ce qu’est un représentant légal. En revanche, je viens de vérifier, le point de contact n’existe pas juridiquement ! Or il est question ici de responsabilité. Comment faire dans ces conditions ? Personnellement, je voterai contre cet amendement pour cette raison.
Le plus intéressant dans cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, c’est l’exposé des motifs. Il signe le naufrage de votre législation. Je le relis : « Cet amendement vise à substituer à la notion de “représentant légal” la notion plus adaptée de “point de contact”, substitution qui tend aussi à répondre à de possibles réserves en provenance de la Commission européenne, l’obligation d’un représentant légal sur le territoire français pouvant être possiblement considérée comme une entrave injustifiée au principe de la libre prestation des services de la société de l’information dans le marché unique. »
Sourires sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Nous sommes donc en train de débattre, de manière très passionnée, d’une législation qui n’a absolument aucune possibilité d’être jamais appliquée.
Madame de la Gontrie, il est vrai que la notion de point de contact n’existe pas à ce stade…
C’est une innovation. Il fut un temps où vous n’étiez pas contre l’innovation, temps dépassé maintenant !
En l’espèce, cette notion est issue d’une discussion qui a eu lieu avec la Commission européenne, laquelle estimait que la notion de représentant légal pourrait créer un risque de non-conventionnalité, dans la mesure où c’est le représentant légal qui serait pénalement responsable.
Nous avons besoin d’un point de contact, non responsable pénalement, qui soit un intermédiaire dans les discussions souvent informelles que nous pourrions avoir avec ces plateformes, notamment les plateformes russes, qui s’installent à Malte, ou d’autres au Luxembourg.
Dans l’état actuel de la législation, y compris sur des sujets problématiques, nous avons besoin d’avoir ces discussions, car une partie des réponses repose sur la bonne volonté. C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons cette loi-là.
Nos discussions avec la Commission européenne – là, j’ai une appréciation un peu différente de celle du sénateur Bonnecarrère – visent justement à diminuer le risque de non-conventionnalité. Si vous estimez que c’est une innovation qui n’a pas lieu d’être, vous en tirerez les conséquences.
Je viens de vous le dire, madame de la Gontrie, nous avons besoin d’avoir quelqu’un avec qui discuter.
Je ne suis pas spécialiste en droit, mais je sais qu’à partir du moment où vous parlez de point de contact dans la loi vous devez créer cette notion juridique. Vous ne pouvez pas vous contenter d’affirmer qu’il s’agit d’une innovation. Je suis pour l’innovation, mais il faut qu’elle soit sécurisée juridiquement.
Cette façon de travailler et de vouloir aller vite, c’est du bricolage. Résultat, cette loi finira dans le mur. Pourquoi ? Parce qu’il y en a qui ne bricolent pas, le Conseil constitutionnel par exemple.
Si les plateformes veulent créer des contentieux, notamment à l’échelon européen, ne pensez-vous pas que leurs armées d’avocats saisiront toutes les imprécisions de cette loi pour la remettre en cause ? Qui sera battu ? Pas votre loi – à la rigueur, je n’en ai pas grand-chose à faire –, mais l’intention de ses auteurs, qui est louable.
Si, parce que vous avez mal ficelé ce texte, il apparaît qu’il n’est pas possible de lutter contre les contenus haineux et si ce texte, qui sera brandi comme un étendard, devient ridicule aux yeux de l’opinion, imaginez les dégâts que cela provoquera ! Imaginez la difficulté à corriger ces faiblesses avec des outils à même de créer un véritable rapport de force avec les plateformes !
Ce bricolage n’est pas anodin, parce qu’il peut faire reculer le combat contre les contenus haineux, alors que l’objectif était d’avancer. Et je ne doute pas que c’était votre objectif.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bascher et Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes L. Darcos, Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Ginesta, Gremillet, Guené et Hugonet, Mme Imbert, M. Laménie, Mmes Lamure, Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut et Leleux, Mmes Lherbier, Malet, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Raison, Reichardt, Savin, Schmitz, Sido, Sol, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ils mettent en place les moyens nécessaires à la suppression des comptes de leurs utilisateurs ayant fait l’objet d’un nombre de notifications par plusieurs personnes faisant apparaître, au vu de ce faisceau d’indices, une contravention sérieuse aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette suppression peut être contestée par l’utilisateur dans les conditions prévues au 5° du présent article. Elle intervient sans préjudice de leurs obligations relatives à la conservation des données associées à ces comptes pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
Il est désormais de notoriété publique que certains pays, voire certaines entreprises, abritent de véritables centrales d’où sont pilotés des groupes de faux comptes, connues sous l’expression imagée d’« usines à trolls ». Or, à une époque où une part croissante de nos concitoyens a recours aux réseaux sociaux et aux plateformes en ligne pour accéder à de l’information, la prolifération des faux comptes, créés uniquement à des fins de dissémination d’informations douteuses et parfois même haineuses, constitue une menace majeure pour la liberté d’expression et la bonne information des citoyens. Ce texte ne saurait ignorer cet aspect du problème.
Cet amendement vise donc à faciliter la lutte contre ces faux comptes. Il crée, pour cela, une obligation de moyens à destination des plateformes, afin que celles-ci se dotent des capacités de ciblage et de suppression des comptes que l’on soupçonne être des faux, utilisés pour répandre des contenus haineux. Pour cela, nous proposons de retenir la technique du faisceau d’indices, qui, malgré son origine prétorienne, s’applique d’ores et déjà dans le domaine des marchés publics.
Afin de ne pas porter atteinte aux équilibres du texte, ces suppressions de comptes pourraient donner lieu à des réclamations similaires à celles qui sont prévues à l’article 2 pour les suppressions de certains contenus. Les informations associées seraient également préservées.
Cet amendement vise à renforcer les obligations des réseaux sociaux en matière de fermeture des comptes uniquement dédiés à la diffusion de contenu illicite. Les plateformes sont encouragées à avoir recours à un faisceau d’indices, notamment au nombre des notifications et des retraits.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Je suis un peu étonné de la position du rapporteur sur cet amendement au regard de ses interventions précédentes.
S’il y a un problème sur les contenus, vous estimez qu’il faut le régler contenu par contenu. Or, supprimer un compte, c’est vraiment aller bien au-delà ! En effet, dès lors que vous supprimez un compte, vous supprimez tous les contenus qui y figurent.
Au-delà de l’échange que j’ai pu avoir avec Bruno Retailleau, il s’agit là d’un véritable sujet : nous connaissons l’importance des faux comptes, notamment aux États-Unis, dans la propagation des fake news. Alors que nous avons déjà du mal à trouver une ligne de crête lorsqu’il est question des contenus, il s’agit ici de prévoir la suppression de comptes au regard du nombre de notifications recensées. Or la sur-notification de vidéos, notamment sur YouTube, ou de contenus sur Facebook par des groupes organisés pour déréférencer des contenus et leur nuire est déjà très organisée.
Par conséquent, certains groupes organisés et des utilisateurs malveillants pourraient être enclins à sur-notifier des comptes pour les faire disparaître : à la suite d’un assaut extrêmement organisé et massif, la plateforme, par défaut, supprimera un certain nombre de comptes.
Dans ces conditions, le problème que cela pose en termes de liberté d’expression est significativement supérieur à tout ce dont nous avons discuté jusqu’à présent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 3 est adopté.
Au premier alinéa des 1 et 2 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, le montant : « 75 000 Euros » est remplacé par le montant : « 250 000 euros ». –
Adopté.
Chapitre III
Rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la lutte contre les contenus haineux en ligne
I. – Après l’article 17-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 17-3 ainsi rédigé :
« Art. 17 -3. – I. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille au respect des dispositions des articles 6-2 et 6-3 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique par les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la même loi.
« À ce titre, il adresse aux opérateurs mentionnés au même article 6-2 des recommandations visant à assurer le respect des dispositions mentionnées au premier alinéa du I du présent article.
« Il s’assure du suivi des obligations reposant sur ces opérateurs.
« Il publie chaque année un bilan de l’application de ces dispositions par les opérateurs de plateforme en ligne et de leur effectivité.
« Il recueille auprès des opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée toutes les informations nécessaires au contrôle des obligations prévues à l’article 6-3 de la même loi.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre en demeure un opérateur de se conformer, dans le délai qu’il fixe, aux dispositions mentionnées au premier alinéa du I du présent article.
« Dans l’appréciation du manquement de l’opérateur, le Conseil supérieur de l’audiovisuel prend en compte le caractère insuffisant ou excessif du comportement de l’opérateur en matière de retrait des contenus portés à sa connaissance ou qu’il constate de sa propre initiative.
« Lorsque l’opérateur faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la présente loi, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant doit prendre en considération la gravité des manquements ainsi que, le cas échéant, leur caractère réitéré, sans pouvoir excéder 4 % du chiffre d’affaires mondial total de l’exercice précédent.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut rendre publiques les mises en demeure et sanctions qu’il prononce. Il détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’il désigne, aux frais des opérateurs faisant l’objet de la mise en demeure ou de la sanction.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« III. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel encourage les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée à mettre en œuvre :
« – des outils de coopération et de partage d’informations dans la lutte contre les infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la même loi ;
« – des dispositifs techniques proportionnés facilitant, dans l’attente du traitement de la notification d’un contenu illicite, la désactivation ou la limitation temporaire des fonctionnalités qui permettent de multiplier ou d’accélérer l’exposition du public à ce contenu, et notamment les possibilités de partage, d’interaction, ou d’envoi de messages liés à ce dernier ;
« – des standards techniques communs d’interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l’état de l’art, documentés et stables, afin de favoriser le libre choix des utilisateurs entre différentes plateformes. »
I bis A. – Le 1° de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – auprès des opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, toutes les informations nécessaires au contrôle des obligations mentionnées à l’article 6-3 de la même loi ; ».
I bis. –
Non modifié
I ter. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° Le troisième alinéa de l’article 6-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont remplacés par les mots : « le Conseil supérieur de l’audiovisuel » ;
– à la fin, les mots : « dans cette commission » sont remplacés par les mots : « au Conseil » ;
b) La deuxième phrase est supprimée.
II. –
Supprimé
Cet article constituera probablement l’héritage le plus durable et utile de la proposition de loi, puisqu’il pose les bases d’une régulation des acteurs du numérique menée par un CSA dont le champ de compétences sera significativement étendu par la future loi sur l’audiovisuel.
Comme je le signalais dans mon propos introductif, nous sommes favorables à cette régulation, dont on parle depuis un certain temps d’ailleurs, et nous pensons que le CSA, qui deviendra bientôt l’Arcom, si la loi est bien inscrite à l’ordre du jour des travaux du Parlement dans les mois qui viennent, est le plus à même d’accomplir cette mission.
Je tiens à souligner que le texte que nous examinons ne confie à aucun moment au CSA la responsabilité de juger du caractère licite ou non des contenus. Sa mission est bien de s’assurer des moyens mis en œuvre et de l’efficacité dans l’application des règles fixées par la loi.
Je formulerai trois autres observations.
Premièrement, je remercie la commission des lois d’avoir réservé une suite favorable aux amendements de la commission de la culture. Nous avons simplement cherché à mieux encadrer l’intervention du régulateur et je crois que le texte est meilleur sur ce point.
Deuxièmement, comme l’ont fait d’autres orateurs avant moi, j’insiste sur la nécessité de doter le CSA des moyens nécessaires, juridiques, techniques, mais aussi financiers, pour lutter à armes égales contre les grandes plateformes. Le régulateur va vite se trouver confronté à des acteurs qui sont, je n’hésite pas à le dire, dénués de scrupules, mais qui disposent aussi des meilleurs experts et de moyens illimités.
Troisièmement, monsieur le secrétaire d’État, afin de tracer une perspective plus large sur l’avenir des plateformes, puisque cet article pose les bases de leur régulation, je vous incite à regarder de près les réflexions en cours aux États-Unis sur le démantèlement des plateformes.
La Federal Trade Commission – ce n’est pas rien ! – s’intéresse actuellement de très près au projet de Facebook de fusion des infrastructures techniques du réseau social avec WhatsApp et Instagram.
Des politiques militent aujourd’hui pour une application très stricte du droit de la concurrence aux géants du numérique, à l’instar de ce qui a été fait avec la Standard Oil en 1914 ou AT&T en 1982, ces exemples ayant permis de stimuler à terme la concurrence et l’innovation technique.
Il ne faudrait pas que l’Europe soit une nouvelle fois contrainte de suivre et de subir. Nous serions bien inspirés d’anticiper ce qui semble être une évolution inéluctable.
Je vous ai entendu parler de ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne partage pas tout à fait votre point de vue. Le problème, c’est que ces oligopoles gèrent tout à notre désavantage.
Les États-Unis eux-mêmes s’interrogent, comme les fondateurs des réseaux.
L’article 13 de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information – j’y reviens, j’en suis désolé – prévoit, afin de faciliter le travail du CSA, que « les opérateurs de plateforme en ligne désignent un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent ». Si j’ai bien compris votre analyse, cet article pourrait aujourd’hui être anticonstitutionnel. Vous ouvrez la voie à une question prioritaire de constitutionnalité intéressante !
J’ai déposé un amendement sur l’article 4 visant à permettre au CSA de recevoir de manière effective les algorithmes des plateformes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mais cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution, la commission ayant estimé, à raison, que cet amendement entraînerait une charge financière supplémentaire pour le Conseil. Le CSA n’a pas aujourd’hui les moyens financiers d’exercer totalement sa mission, notamment de vérifier les algorithmes, qu’il ne reçoit pas – j’y insiste.
Le CSA nous a remis une étude très récente sur cette question. Pour tester les algorithmes, il en est réduit à se connecter à YouTube pour effectuer des requêtes. Ces analyses pratiques lui permettent de déduire le comportement des algorithmes.
Il serait tout de même plus simple, monsieur le secrétaire d’État, que vous exigiez des plateformes qu’elles transmettent leurs algorithmes, conformément à la loi, même sous le sceau du secret professionnel. J’avais proposé qu’elles les transmettent à un tiers de confiance. Il est absurde que le CSA, qui est chargé de la régulation et de l’examen des algorithmes, soit obligé d’avoir recours à des méthodes aussi rudimentaires pour effectuer ses tests.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes sincère dans votre lutte contre les Gafam, je n’en doute pas, alors faites appliquer la loi ! Obtenez des Gafam qu’ils transmettent les algorithmes au CSA. Nous avons besoin de savoir ce que contiennent ces boîtes noires. Aujourd’hui, ce sont elles qui jouent le rôle de chambre d’écho, ce sont elles qui amplifient les phénomènes que nous combattons ce soir.
Avant d’évoquer des amendements précis, je tiens à dire que j’adhère à l’appel qui vient d’être lancé. La question de la transparence des algorithmes est posée. Il s’agit d’une question démocratique, de l’un des prochains enjeux de la révolution numérique, laquelle exige un tant soit peu de régulation.
Lorsque l’on demande à accéder au code source, on nous oppose le secret des affaires. L’article 4 est une réponse. On demande aux Gafam non pas de remettre leur code source au premier venu, mais de le confier à une instance de régulation chargée de le vérifier. Si ce n’est pas fait, tout le monde se fera balader, y compris le CSA.
Vous savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État, que, aujourd’hui, les plus grands ingénieurs, les plus grands spécialistes travaillent pour les plateformes – Catherine Morin-Desailly et moi l’avons rappelé –, et que le CSA, même quand on lui donnera, ce que j’espère, les moyens financiers, n’aura pas la possibilité d’embaucher dans l’immédiat de tels profils, voire de débaucher les meilleurs d’entre eux, sachant en outre qu’ils sont difficiles à trouver. Les meilleurs se vendent à ceux qui payent le plus ! Or les plateformes disposent de moyens illimités. Heureusement, certains spécialistes sont guidés non par l’appât du gain, mais par l’intérêt général. Le combat n’est donc pas perdu. En tous les cas, la question du CSA est posée.
Je dois dire que nous faisons les choses de manière complètement folle. Nous avons, dans le cadre de l’examen d’un autre texte, prorogé les mandats des membres de la Hadopi, anticipant ainsi l’adoption de la loi sur l’audiovisuel et la fusion du CSA et de la Hadopi. Et là, nous légiférons en vitesse ; nous actons le fait que le CSA pourra agir sur le net ; nous lui confions des missions qu’il n’aura pas, en l’état actuel, les moyens d’assumer, si la loi est promulguée en début d’année !
L’amendement n° 62, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 7, au début
Insérer la mention :
II. -
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 33, présenté par M. Bonnecarrère, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
sans pouvoir excéder
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
20 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Cet amendement vise à établir un parallélisme entre les sanctions applicables aux opérateurs en cas de manquement et celles que prévoit le règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous évoquons ici des sanctions administratives. Il est question de régulation et non de droit pénal.
Nous vous proposons une solution alternative, à savoir des sanctions financières dont le montant serait forfaitaire ou représenterait un pourcentage du chiffre d’affaires. L’idée est extrêmement simple : donner à la régulation des moyens d’action assez forts à l’égard de plateformes qui n’auraient pas de vocation commerciale, qui pourraient être instrumentalisées par un pays étranger ou par d’autres structures. De façon caricaturale, on pourrait imaginer que leur activité principale serait la distribution de contenus haineux, en dehors de toute logique commerciale.
L’amendement n° 33 de M. Bonnecarrère vise à revoir le montant maximal des sanctions pécuniaires prononçables par le CSA pour prévoir le cas d’opérateurs ne réalisant pas de chiffre d’affaires ou réalisant un chiffre d’affaires temporairement ou artificiellement faible.
Le fait de combiner un montant forfaitaire et un pourcentage du chiffre d’affaires permettra d’éviter des comportements opportunistes non prévus par le mécanisme actuel et d’aligner les sanctions sur celles qui sont prévues par le RGPD en matière de violation de données personnelles.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Bonnecarrère, la comparaison avec le RGPD a certaines limites : ce règlement s’applique à toutes les entreprises, alors que la présente proposition de loi a vocation, notamment parce qu’elle est extrêmement lourde à assumer, à ne s’appliquer qu’aux très grands réseaux sociaux.
Pour que ces réseaux sociaux soient moins puissants, il faut que de nouveaux entrants puissent les concurrencer. Si l’on applique des contraintes extrêmement fortes à tout le monde, on se heurtera à des problèmes de compétition, comme dans le secteur bancaire. Plus les contraintes que vous imposez sont fortes, plus vous mettez de barrières à l’entrée.
Dans les faits, la somme de 20 millions d’euros que vous proposez me semble assez peu opérante, les sanctions existantes pouvant aujourd’hui atteindre un montant plus élevé.
Vous évoquez un cas de figure auquel, je l’avoue, je n’avais pas pensé : le développement par un pays étranger d’un réseau social comptant plusieurs millions, voire plusieurs dizaines de millions d’abonnés français. Honnêtement, sans modèle économique, je doute qu’un tel réseau soit possible. Vous soulevez donc un problème assez hypothétique, qui pourrait toutefois théoriquement se produire.
Je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, M. Détraigne, Mme A.M. Bertrand, MM. Janssens, Guerriau, Henno et Louault, Mme Kauffmann, MM. Danesi, Lefèvre et Decool et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’opérateur peut contester les dispositions prévues aux sixième à dixième alinéas du présent I devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à attribuer au seul juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le contentieux des décisions de régulation des plateformes prises par le CSA. C’est une complexité inutile. Le droit commun de la compétence contentieuse a vocation à s’appliquer, faute de dérogation expresse par le législateur.
Pour mémoire, le Conseil d’État est juge des recours dirigés contre les décisions prises par les autorités indépendantes au titre de leur mission de contrôle ou de régulation.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par MM. A. Marc, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret, Mme Mélot et MM. Wattebled et Decool.
L’amendement n° 38 est présenté par MM. Assouline et Montaugé, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard.
L’amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Bonhomme, D. Laurent, Mouiller et Cambon, Mme Berthet, MM. Kennel et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. Rapin, Longuet, Morisset, Mandelli et Duplomb, Mme Gruny, MM. Piednoir et Laménie et Mme Duranton.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
1° Après le mot :
outils
insérer le mot :
gratuits
2° Après le mot :
informations
insérer les mots :
, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations,
La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.
Cet amendement vise, pour lutter efficacement contre les contenus haineux, à permettre au CSA d’organiser le partage transparent d’informations entre tous les opérateurs, quelles que soient leur taille et leurs relations concurrentielles.
Le texte de l’Assemblée nationale prévoit que le CSA encourage les opérateurs de plateformes en ligne à mettre en œuvre des outils de coopération dans la lutte contre les contenus à caractère haineux.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur pour avis visant à aller plus loin. Il tend à proposer la mise en œuvre d’outils de coopération et de partage d’informations. La création de mécanismes garantissant la lutte contre la duplication de contenus haineux doit être en effet au cœur du dispositif de lutte contre les contenus haineux.
La mise en place d’un mécanisme de partage d’informations entre opérateurs renforcera la coopération systémique visant à lutter contre la haine sur internet. Le CSA pourrait organiser la coopération entre les plateformes pour éviter que des contenus rendus inaccessibles sur une plateforme ne restent disponibles sur une autre plateforme.
Ce partage d’informations permettrait une réaction proactive des plateformes, dont le signalement de contenus illicites, et une lutte efficace contre les sites miroirs.
Cet amendement, suggéré d’ailleurs par des plateformes et des moteurs de recherche dits « alternatifs », tend à permettre au CSA d’organiser un partage transparent d’informations entre tous les opérateurs, quelles que soient leur taille et leurs relations concurrentielles.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
L’amendement n° 39, présenté par MM. Assouline et Montaugé, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
informations
insérer les mots :
, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations,
La parole est à M. David Assouline.
La mise en place par la présente proposition de loi d’un mécanisme de coopération et de partage d’informations entre opérateurs est essentielle pour mieux lutter contre les contenus haineux sur internet, comme je viens de l’expliquer à l’instant.
Il est tout aussi essentiel que le régulateur puisse organiser cette coopération et éviter que des contenus rendus inaccessibles sur une plateforme ne restent disponibles sur une autre plateforme, à qui ces contenus n’auraient pas été notifiés.
Le régulateur doit être en mesure de fixer les principes et les modalités de mise en œuvre des outils de coopération et de partage d’informations entre opérateurs.
Cet amendement de repli s’inscrit dans la logique de l’amendement précédent. Il vise à conforter le rôle du CSA, qui pourra ainsi mieux intervenir dans l’organisation de la coopération entre les plateformes. Il est centré sur la conformité de la mise en œuvre des outils de coopération et de partage aux recommandations du CSA.
J’espère que le rapporteur, qui a émis un premier avis favorable sur un amendement du groupe socialiste, en émettra un second sur cet amendement de repli !
J’indique d’emblée que je souhaite le retrait des amendements identiques n° 8 rectifié bis, 38 et 50 rectifié et l’adoption de l’amendement de repli n° 39 de M. Assouline, auquel je suis favorable.
Sourires.
Tous ces amendements visent à préciser les modalités des échanges d’informations entre plateformes.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments de contexte.
Alors que nos gouvernements renforcent les devoirs de coopération des plateformes, la constitution par les grands acteurs du numérique de base de données de textes et d’images illicites est une source d’efficacité notable dans leur lutte contre ces contenus. Des outils techniques leur permettent, par exemple, de comparer, de filtrer et d’éliminer de façon quasi automatisée les images illicites. Ils épargnent ainsi à leurs modérateurs humains une tâche difficile et font disparaître des contenus illicites avant même que leurs utilisateurs n’aient eu besoin de les leur notifier.
Mais ces bases de données de contenus illicites constituent aussi désormais un enjeu économique majeur. Leur maîtrise est un moyen de conserver ou de créer de solides barrières à l’entrée, aux dépens de plateformes plus modestes.
Je vous rappelle que, sur l’initiative de notre collègue rapporteur pour avis, Yves Bouloux, la commission des lois a précisé les missions confiées au CSA afin d’encourager le partage d’informations entre opérateurs.
Les auteurs des trois amendements identiques n° 8 rectifié bis, 38 et 50 rectifié souhaitent aller plus loin et imposer la mise à disposition de ces informations de façon gratuite. Malheureusement, en raison de la valeur économique des informations collectées par les plateformes, il me semble difficile d’adopter de tels amendements : ils s’apparentent à une forme d’expropriation sans prévoir de garanties ou d’indemnisation appropriée. Telles sont les raisons pour lesquelles je demande leur retrait.
En revanche, la seconde partie de ces amendements, qui est reprise dans l’amendement de repli n° 39, me semble intéressante, et j’y suis favorable : il s’agit de donner au CSA compétence pour préciser le format de ces informations afin d’en faciliter la circulation entre plateformes, dans un format ouvert et conforme à ses recommandations.
Comme le rapporteur, j’indique d’emblée que je suis défavorable aux amendements identiques n° 8 rectifié bis, 38 et 50 rectifié. Je m’en remettrai à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 39 de M. Assouline.
Permettez-moi seulement une remarque : alors que M. Assouline considérait que le Gouvernement aurait pu mieux définir certains termes, il propose maintenant de compléter un article prévoyant d’« encourager » le CSA. Je dois dire que j’ai quelques doutes sur la portée normative d’un « encouragement ».
L’amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
Monsieur Assouline, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?
Oui, cet amendement sera rejeté, mais mon amendement de repli sera adopté. Je ne retire jamais rien !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« IV. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel impose aux opérateurs mentionnés au même article 6-2 à mettre en œuvre :
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
Cet amendement porte encore sur l’interopérabilité. Je serai donc bref, car j’en ai déjà beaucoup parlé.
Tel qu’il a été modifié par la commission, l’article 4, en son alinéa 12, prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel « encourage » les opérateurs à développer des standards techniques communs d’interopérabilité. Je suis tout à fait favorable à cette disposition.
Je crains toutefois, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, que le terme « encourager » n’ait pas une très grande portée juridique. Je vous propose donc de remplacer, à l’alinéa 12, le mot : « encourage » par le mot : « impose ».
L’amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Sur le principe, nous sommes d’accord, l’interopérabilité des services des grandes plateformes est un enjeu important. Les problématiques liées à cette question nous semblent toutefois devoir être appréhendées, comme je l’ai expliqué, de façon plus globale, sans doute à l’échelon européen.
En l’espèce, il n’apparaît pas évident que le CSA puisse imposer de tels standards de manière large à des acteurs non basés en France. Cette disposition pourrait en outre renforcer les interrogations soulevées par la Commission européenne sur le caractère ciblé et proportionné du dispositif, qui l’a conduite à poser des questions sur la conventionnalité de la loi.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cette disposition.
La commission des lois a souhaité, je le rappelle, donner au CSA la nouvelle mission d’encourager l’interopérabilité entre plateformes, afin de permettre aux victimes de haine de se « réfugier » sur des réseaux sociaux ayant des politiques de modération différentes, tout en continuant à échanger avec les contacts qu’elles avaient noués jusqu’alors.
Il s’agit ni plus ni moins d’approfondir l’obligation de portabilité en complétant la boîte à outils du régulateur des plateformes, conformément d’ailleurs aux recommandations de la commission d’enquête du Sénat sur la souveraineté numérique, dont certains d’entre nous ont été membres.
Les amendements n° 17 et 55 tendent à proposer deux modifications radicalement opposées sur le sujet de l’interopérabilité, auxquelles je ne suis pas favorable.
Le premier, de M. Ouzoulias, vise à « imposer », et non plus à « encourager », l’interopérabilité ; le second, du Gouvernement, tend à supprimer totalement cette mission du CSA.
Je vous proposerai d’en rester à la voie médiane de la commission – in medio stat virtus, comme disaient les Anciens ! – et de nous en tenir à une mission d’encouragement, typique du droit souple désormais cher aux régulateurs agiles.
Je renvoie également aux travaux en cours de la commission des affaires économiques et à la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace.
Monsieur le secrétaire d’État, vous faites une utilisation un peu opportuniste de l’argument européen. Vous nous avez expliqué au début de ce débat que l’avis de la Commission européenne ne nous engageait pas et que la France devait montrer le chemin. J’en étais très heureux.
Or, là, vous nous expliquez qu’il ne nous est pas possible de toucher à un point technique, le problème devant être réglé à l’échelon européen.
En tant qu’Européen convaincu, je pense que ce n’est pas rendre service à la construction européenne que d’utiliser l’Europe de cette manière.
Monsieur le sénateur, j’ai dit qu’il était urgent de réguler dès à présent la question des contenus. En revanche, je pense qu’on ne peut pas régler les problèmes que posent les Gafam nuitamment par voie d’amendement.
Je suis favorable à une régulation beaucoup plus forte, au-delà de la seule question de l’interopérabilité. Je pense ainsi aux questions d’acquisitions. Certaines plateformes sont quasiment devenues des services essentiels et doivent pouvoir être ouvertes, en tout cas à des tarifs régulés, à leurs concurrents. De nombreuses questions se posent à cet égard, et il faut avancer sur ces sujets.
En outre, si votre amendement était adopté, il fragiliserait la conventionnalité du texte. La Commission européenne se pose des questions sur les obligations disproportionnées que nous imposerions aux plateformes. Si nous leur imposions l’interopérabilité totale de leurs services, la Commission serait en droit de concevoir que nous allons réellement très loin.
Je répète que, sur le fond, je suis favorable à une régulation plus forte.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 37, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mme de la Gontrie, M. Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
, y compris l’accès aux principes et méthodes de conception des algorithmes ainsi qu’aux données sur lesquels ils se basent, sans que le secret des affaires mentionné par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires puisse lui être opposé
La parole est à M. Franck Montaugé.
L’auditabilité et la redevabilité, au sens de « rendre compte », des algorithmes utilisés par les plateformes doivent être des objectifs du législateur. C’est l’une des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale sur la souveraineté numérique. Cela suppose que les autorités concernées, dont les régulateurs, puissent avoir recours à une expertise spécialisée pour développer et mettre en œuvre des techniques de contrôle adaptées.
Sur ce point particulier, monsieur le secrétaire d’État, nous suivrons avec attention le projet de loi sur l’audiovisuel, qui prévoit, dans son article 36, la création d’un « pôle d’expertise numérique », lequel apporterait une expertise technique spécialisée aux autorités intervenant dans la régulation des opérateurs de plateforme en ligne, dont le CSA. J’ai compris que ce pôle d’expertise numérique se verrait doté de 30 millions d’euros sur trois ans, ce qui n’est pas rien. Nous espérons que ces crédits seront à la hauteur des enjeux et qu’ils permettront à ce pôle de travailler.
Pour assumer les missions de régulation et de contrôle qui lui sont conférées par la présente proposition de loi, le CSA doit être en mesure, d’une part, d’évaluer et de garantir la transparence des algorithmes utilisés par les plateformes et, d’autre part, de vérifier leur conformité à la loi.
L’alinéa 17 de l’article 4 de la proposition de loi prévoit que le CSA doit pouvoir obtenir auprès des opérateurs de plateformes en ligne « toutes les informations nécessaires au contrôle des obligations » prévues par la proposition de loi.
Notre amendement vise à renforcer les moyens d’action et le champ d’investigation du régulateur. Il tend à compléter en conséquence l’alinéa 17 et à préciser que le CSA a accès, dans le cadre de ses missions de contrôle, aux principes et méthodes de conception des algorithmes, ainsi qu’aux données sur lesquelles ils se basent, sans que le secret des affaires puisse lui être opposé.
Cet amendement est intéressant, monsieur Montaugé, car il vise à préciser les pouvoirs de contrôle dont dispose le CSA pour assurer le respect des nouvelles obligations à la charge des plateformes en matière de lutte contre la haine. Ces pouvoirs figurent déjà dans la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information.
Il s’agirait, en l’espèce, de permettre expressément l’accès du régulateur aux systèmes algorithmiques utilisés par les plateformes, afin de pouvoir les auditer.
Par principe, je suis favorable à cet amendement. Je souhaite néanmoins connaître l’avis du Gouvernement.
Monsieur Montaugé, la question que vous soulevez est au fond la suivante : grâce à cette proposition de loi, le CSA pourra-t-il avoir accès à l’ensemble des éléments lui permettant de juger ce que font les plateformes s’agissant des contenus haineux ? La réponse est : oui, le CSA pourra aller jusqu’à tester les algorithmes et demander aux grandes plateformes un certain nombre de précisions sur la diffusion de contenus haineux. Votre amendement me paraît donc satisfait de ce point de vue, monsieur le sénateur.
Cela étant, je l’ai dit, votre amendement pose un problème, au-delà de la question des contenus haineux, c’est qu’il tend à prévoir que tous les algorithmes des plateformes doivent être en libre accès ou être accessibles par le CSA et transparents pour lui. Une telle disposition sera probablement jugée disproportionnée par la Commission européenne. Il y a un décalage entre l’objectif qui est le vôtre – vous ne visez que les contenus haineux – et la mesure que vous proposez. Nous estimons que cette disposition pose un problème de non-conventionnalité.
Le véritable défi, c’est de parvenir à recruter les ingénieurs et les chercheurs compétents. Tel est l’objectif de la création de la cellule que vous évoquez. La CNIL, l’Arcep, le CSA, la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ont tous besoin de savoir-faire spécifiques en intelligence artificielle, en sciences des données, mais, pour dire les choses clairement, ils ne pourront pas tous s’offrir les services de spécialistes de ces domaines, qui exercent en outre des métiers en tension. Ils pourront donc puiser ces compétences dans cette cellule, qui comprendra des gens de très bon niveau. L’idée est de mutualiser les compétences. Nous aurons, je pense, l’occasion de discuter de ce sujet lors de l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel.
Je tiens par ailleurs à préciser un élément important : il faut bien avoir conscience que l’algorithme ne suffit pas. Aujourd’hui, dans l’état actuel des connaissances sur le machine learning et l’intelligence artificielle, on n’explique pas les résultats par l’algorithme.
Dans l’état actuel de la science, si l’algorithme voit 500 fois une photo de chat, il reconnaîtra un chat la 501e fois, mais il pourra ensuite cesser brusquement de le reconnaître. Personne, pas même les chercheurs de Google et de Facebook, ne sait expliquer pourquoi. Dès lors, le seul moyen de comprendre comment l’algorithme fonctionne, c’est de le tester ; c’est d’ailleurs ce que font Google et Facebook. C’est très bien d’obtenir l’algorithme, mais il faut aussi avoir des professionnels capables de réaliser des centaines, voire des milliers de tests pour en comprendre le fonctionnement. L’algorithme seul ne suffit pas ; il faut avoir la compétence.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable. D’une part, nous considérons que la demande est satisfaite s’agissant des contenus haineux. D’autre part, la transparence de l’ensemble des algorithmes serait à la fois disproportionnée et contraire à nos engagements conventionnels.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 4 est adopté.
(Suppression maintenue)
Chapitre IV
Amélioration de la lutte contre la diffusion de contenus haineux en ligne
(Supprimé)
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :
1° Au 8 du I de l’article 6, les mots : «, à défaut, à toute personne mentionnée » sont supprimés ;
2° Après l’article 6-1, il est inséré un article 6-4 ainsi rédigé :
« Art. 6 -4. – Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions prévues au I de l’article 6-2 de la présente loi, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi, et pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par celle-ci, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant le contenu du service visé par ladite décision en totalité ou de manière substantielle.
« Dans les mêmes conditions, l’autorité administrative peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.
« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services en application des deux premiers alinéas du présent article, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Il s’agit d’un débat à la fois intéressant et important.
À l’origine, la proposition de loi contenait une disposition relative aux sites « miroirs », qui a d’ailleurs été modifiée après le passage du texte devant le Conseil d’État.
Nous sommes confrontés à un problème. Prenons l’exemple, souvent évoqué, du site Démocratie participative, qui promeut des thèses d’extrême droite, voire nazies. À la suite d’un long parcours judiciaire, la justice en avait ordonné le déréférencement et le blocage. Lorsque le site a été déréférencé, son adresse avait une extension « .fr ». Le lendemain, il était de nouveau en ligne avec une extension « .ru ». Chaque fois, après des mois de parcours judiciaire pour déréférencer un site, celui-ci est de nouveau en ligne aussitôt après, avec exactement les mêmes outrances, mais sous une autre extension.
Le Gouvernement souhaite donc, une fois le déréférencement d’un site ordonné par la justice, que l’autorité administrative puisse intervenir en cas d’apparition d’un site similaire. L’objectif est de ne plus avoir besoin de passer par le processus judiciaire, qui dure chaque fois des mois, voire des années, et de pouvoir agir immédiatement.
Bien entendu, cela soulève des questions. Qu’est-ce qu’un site similaire ? Nous avons entendu les commentaires de la commission des lois. Je reconnais qu’il y a une difficulté, mais nous avons également une exigence d’efficacité. Nous proposons donc de réintroduire le dispositif de lutte contre les sites miroirs.
Compte tenu des critiques qui ont été formulées par la commission des lois, nous sommes revenus sur la rédaction proposée pour définir de manière exacte et, nous semble-t-il, appropriée les prérogatives de l’autorité administrative : cibler correctement les acteurs concernés, en excluant notamment les fournisseurs de noms de domaine, et en précisant que le blocage ou le déréférencement portent bien sur des sites, et non sur des contenus.
Le dispositif nous paraît donc mieux calibré et de nature à répondre à une véritable demande : quand la justice met plusieurs mois à se prononcer sur le déréférencement d’un site qui est de nouveau en ligne le lendemain simplement parce que son extension a changé, les Français sont en droit de se poser des questions sur l’efficacité de notre action. Nous avons reprécisé les choses pour essayer de répondre aux craintes de la commission. J’espère que notre amendement recueillera un avis favorable.
L’amendement n° 45, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et Kanner, Mmes Artigalas et S. Robert, MM. Temal, Sueur, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Dagbert, Daudigny, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret et M. Filleul, M. Gillé, Mme Grelet-Certenais, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lubin, MM. Lurel et Mazuir, Mmes Meunier, Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mmes Rossignol, Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe et M. Vaugrenard, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-… ainsi rédigé :
« Art. 6 - … . – Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée interdit la reprise totale ou partielle d’un contenu relevant des infractions prévues au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, demande aux personnes mentionnées au 1 du même I ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine de bloquer l’accès aux contenus jugés illicites par ladite décision et rediffusés en ligne sur tout site, tout serveur ou au moyen de tout autre procédé électronique.
« Dans les mêmes conditions, l’autorité administrative peut également demander à tout moteur de recherche ou tout annuaire de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces contenus.
« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces contenus.
« Le fait de ne pas procéder au blocage ou au déréférencement des contenus en application des deux premiers alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6.
« Un décret fixe les modalités selon lesquelles sont compensés, le cas échéant, les surcoûts résultant des obligations mises à la charge des personnes mentionnées au premier alinéa du présent article. »
La parole est à M. David Assouline.
Nous proposons également de rétablir l’obligation mise à la charge des plateformes d’empêcher la réapparition de contenus haineux illicites identiques. Il s’agit donc d’un amendement contre la technique du site « miroir », qui est souvent utilisée pour contourner un blocage.
Ainsi, l’autorité administrative demandera aux opérateurs de plateformes, fournisseurs de noms de domaine et moteurs de recherche ou annuaires de retirer ou déréférencer, le cas échéant, des contenus relevant du champ d’application de la nouvelle loi dont la reprise totale ou partielle a été précédemment interdite par décision judiciaire passée en force de chose jugée.
Lorsque l’opérateur ne se conforme pas à la demande administrative de retrait ou de déréférencement, l’autorité judiciaire peut être saisie en référé ou sur requête pour ordonner toutes mesures destinées à faire cesser l’accès à ces contenus.
Nous avons déjà entamé ce débat en présentant notre amendement n° 44 à l’article 2 de la proposition de loi. Le législateur connaît déjà bien ce problème, qui perturbe gravement l’efficacité des mesures de retrait. Actuellement, s’il existe plusieurs possibilités de blocage de contenus illicites sur internet, il n’est pas prévu de droit de suite lorsque les mêmes contenus haineux réapparaissent. Ces derniers sont considérés comme des contenus distincts et leur retrait exige d’enclencher une nouvelle procédure judiciaire pour obtenir le blocage alors que le nouveau site reprend à l’identique ces contenus.
Le présent amendement s’appuie sur la récente jurisprudence établie par la Cour de justice de l’Union européenne. Dans son arrêt du 3 octobre 2019, celle-ci ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est identique à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celle-ci, quel que soit l’auteur de la demande de stockage de ces informations. Nous sommes précisément dans ce cas, l’autorité administrative agissant dès lors qu’elle a été habilitée à le faire dans la décision judiciaire.
Enfin, nous avons veillé à rendre le dispositif compatible avec l’exigence constitutionnelle de ne pas faire peser des charges indues sur une entreprise privée.
La commission avait supprimé l’article 6, qui semblait à la fois juridiquement incertain et inutile au regard du droit existant. La nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement est bien plus précise et mieux adaptée à l’objectif. La commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 54.
Par conséquent, nous suggérons le retrait de l’amendement n° 45 au profit de l’amendement n° 54. Nous partageons évidemment les objectifs que M. Assouline a évoqués, mais le dispositif proposé paraît trop large par rapport à ce que permet la jurisprudence européenne.
Je sollicite également le retrait de l’amendement n° 45 au profit de notre amendement.
Le Gouvernement ayant déposé un amendement tendant à rétablir l’article dans une rédaction qui semble faire consensus et être plus sécurisée, je retire notre amendement.
L ’ amendement est adopté.
Le vendeur d’espace publicitaire communique à l’annonceur publicitaire un compte rendu de la liste des domaines et des sous-domaines sur lesquels l’annonceur publicitaire a diffusé des publicités. Un commissaire aux comptes atteste, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, que l’annonceur publicitaire est en possession de cette liste. Cette liste doit être conservée pendant une durée minimale de cinq ans à compter de la date de diffusion des annonces publicitaires.
En cas de manquement de l’annonceur publicitaire à cette obligation, l’autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant prend en considération la gravité des manquements commis et, le cas échéant, leur caractère réitéré, sans pouvoir excéder 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.
L’amendement n° 59 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Pellevat et Danesi, Mmes Lassarade et de Cidrac, MM. Bizet, Cambon et H. Leroy, Mme Imbert, MM. Savary, Lefèvre, Milon et Laménie, Mme Deroche et M. Brisson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laure Darcos.
L’article 6 bis AA prévoit que le vendeur d’espace publicitaire communique à l’annonceur publicitaire un compte rendu de la liste des domaines et sous-domaines sur lesquels l’annonceur a diffusé des publicités. En outre, un commissaire aux comptes doit attester que l’annonceur publicitaire est en possession de cette liste.
Cependant, le dispositif proposé est déjà en place et n’a pas besoin de faire l’objet d’une nouvelle disposition. En effet, le décret n° 2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale prévoit déjà que le compte rendu communiqué par le vendeur d’espace publicitaire à l’annonceur précise la date et les emplacements de diffusion des annonces, ainsi que le prix global de la campagne et le prix unitaire des espaces publicitaires facturés.
En outre, le dispositif proposé part d’un postulat erroné. En effet, la fourniture d’une liste de sites n’a d’intérêt que si ces sites sont illicites. Or aucun annonceur soucieux de sa réputation ne souhaite diffuser des publicités sur des sites haineux, car cela risque de porter atteinte à sa marque alors qu’il consent des investissements importants pour la valoriser.
Par ailleurs, les vendeurs d’espace s’engagent déjà à ne pas afficher de publicités sur des sites illicites ou susceptibles de porter atteinte à la marque de l’annonceur, car c’est une garantie attendue des annonceurs.
Nous proposons donc la suppression d’un tel mécanisme, qui n’aura aucun effet sur la lutte contre le financement des sites haineux. C’est pourquoi le présent amendement vise à supprimer l’article.
Les critiques formulées par les auteurs de cet amendement sont fondées. Nous pouvons les partager.
Cependant, l’amendement n° 47 de notre collègue Thani Mohamed Soilihi et des membres du groupe La République En Marche y répond avec un dispositif permettant d’agir sur le financement des sites haineux.
Je sollicite donc le retrait du présent amendement au profit de l’amendement n° 47.
À l’instar de M. le rapporteur, je partage les préoccupations des auteurs de cet amendement sur le sujet. Mais j’invite également Mme Darcos à le retirer au profit de l’amendement n° 47.
La réflexion s’est poursuivie après une initiative prise par le député Éric Bothorel à l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 59 rectifié est retiré.
L’amendement n° 47, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour au minimum mensuellement les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par les vendeurs d’espace publicitaire sur Internet en application de l’article 23 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
Le fait de ne pas respecter l’obligation définie au premier alinéa du présent article est puni de la peine prévue au 1° de l’article 25 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 précitée et dans les conditions prévues au même article 25.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Je souhaite d’abord remercier Mme Darcos d’avoir bien voulu retirer son amendement au profit du nôtre.
Lors de l’examen en commission, le rapporteur a bien voulu considérer notre rédaction d’appel visant à tarir la source du financement de sites faisant commerce de leur haine en ligne en faisant jouer le dommage réputationnel pour les annonceurs publicitaires. La disposition ainsi adoptée à l’article 6 bis AA vise à prévoir qu’un commissaire aux comptes atteste que l’annonceur publicitaire est bien en possession de la liste des domaines et sous-domaines internet sur lesquels le vendeur d’espaces publicitaires a diffusé des publicités.
En cas de manquement de l’annonceur à cette obligation, l’autorité administrative pourrait prononcer une sanction pécuniaire ne pouvant pas excéder 4 % du chiffre d’affaires.
L’amendement que nous présentons en séance vise à parfaire l’écriture juridique du dispositif, en la réencastrant dans le cadre légal de la loi Sapin telle qu’elle a été modifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il prévoit ainsi que les annonceurs publient en ligne et tiennent à jour, au minimum mensuellement, les informations relatives aux emplacements de diffusion de leurs annonces qui leur sont communiquées par des vendeurs d’espace publicitaire. En cas de manquement à cette obligation, une amende administrative de 30 000 euros est prévue sous le contrôle des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Le sous-amendement n° 63, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Amendement n° 47, alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la publicité est diffusée sur un site d’information, au sens de l’article 14 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, les informations relatives aux autres emplacements de diffusion de l’ensemble des annonces figurant sur les espaces publicitaires en ligne de ce site sont accessibles depuis ce même site.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Le phénomène est à présent bien connu : la publication de contenus clivants attire davantage les utilisateurs de plateformes en ligne que celle de contenus modérés.
Or le modèle économique des plateformes et des sites en ligne s’articule souvent autour de la location d’espaces publicitaires dont les revenus sont établis en fonction du nombre de fréquentations. Cela peut donc entraîner ces plateformes ou sites à promouvoir des contenus clivants potentiellement illicites pour s’assurer une fréquentation, donc des revenus minimaux. L’objectif de l’article 6 bis AA et de l’amendement n° 47, qui tend à le réécrire, est de lutter contre ce biais en renforçant la transparence sur toute la chaîne de publicité en ligne.
Le sous-amendement que nous proposons s’inscrit dans le même esprit, en se concentrant sur les sites d’information, qui, eux aussi, se financent en partie par la publicité. Compte tenu de l’importance de ces sites pour le débat public, nous proposons de rendre obligatoire la publication d’un lien sur leur site, afin de permettre au lecteur de s’informer sur les sources de financement publicitaire de ces sites d’information.
Tel est l’objet du présent sous-amendement et de l’amendement n° 29 rectifié, que je présenterai peut-être.
Comme je l’ai indiqué, nous sommes effectivement très favorables à l’amendement n° 47.
Aujourd’hui, une partie des sites qui promeuvent de faux vaccins ou défendent des thèses extrêmes se financent ainsi. De grandes marques très connues se retrouvent parfois avec des publicités sur ces sites sans le savoir.
L’amendement n° 47 vise à faire en sorte que les grands annonceurs puissent savoir, via les régies, sur quels sites leurs publicités sont diffusées. Cela les oblige à s’y intéresser. S’ils ne s’y intéressent pas, certaines organisations, j’en suis certain, se pencheront sur le sujet et les alerteront. Cela assèchera une partie du financement des sites extrêmes que nous souhaitons voir disparaître.
Je n’ai pas eu suffisamment de temps pour examiner le sous-amendement n° 63. Mais j’ai une réserve assez instinctive sur le sujet. D’abord, il vise les sites d’information. Surtout, mon sentiment est qu’il faut cibler ceux qui donnent l’argent, c’est-à-dire les annonceurs. Je peux prendre l’engagement que le Gouvernement étudie cette question, par exemple dans le cadre du futur texte sur l’audiovisuel. Mais, à ce stade, je préfère rester prudent.
Je sollicite donc le retrait de ce sous-amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’article 6 bis AA est ainsi rédigé, et l’amendement n° 29 rectifié n’a plus d’objet.
Chapitre IV bis
Renforcement de l’efficacité de la réponse pénale à l’égard des auteurs de contenus haineux en ligne
Après l’article 15-3-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-3 ainsi rédigé :
« Art. 15 -3 -3. – Un tribunal de grande instance désigné par décret exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus au 6° du III de l’article 222-33 du code pénal, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 du même code, et au 4° de l’article 222-33-2-2 dudit code, lorsqu’ils sont commis avec la circonstance aggravante prévue à l’article 132-76 ou 132-77 du même code, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une plainte adressée par voie électronique en application de l’article 15-3-1 du présent code. » –
Adopté.
I. –
Non modifié
« 9° bis Ne pas adresser de messages à la victime, de façon directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique ; ».
II. – L’article 132-45 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est complété par un 26° ainsi rédigé :
« 26° L’interdiction d’adresser des messages à la victime, de façon directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique. »
III. – Le dernier alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, est complété par une phrase ainsi rédigée : « La juridiction peut également soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues aux articles 132-44 et 132-45. »
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Bignon, Capus, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Claude Malhuret.
Les alinéas 1 à 4 sont superfétatoires. Ils prévoient l’ajout de mesures pouvant être prononcées par le juge dans le cadre du contrôle judiciaire ou de la mise à l’épreuve. Il s’agit, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, de l’interdiction pour l’intéressé d’adresser des messages à la victime, de manière directe ou indirecte, par tout moyen, y compris par voie électronique.
Le 9° de l’article 138 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité pour le juge d’enjoindre à l’intéressé de s’abstenir de « recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ».
Le 13° de l’article 132-45 du code pénal prévoit la possibilité pour le juge d’enjoindre à l’intéressé de s’abstenir « d’entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l’exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ».
Dans ces conditions, les alinéas 1 à 4 semblent sans objet et doivent être supprimés.
M. Malhuret note à juste titre que la peine complémentaire d’interdiction d’entrer en communication avec la victime, déjà existante, couvre l’interdiction de communications électroniques. Nous avons cependant maintenu cette précision en pensant qu’elle pouvait gagner à être explicitée. À ce stade, nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement, auquel nous nous rangerons.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression de ces dispositions, qui complètent selon nous tout à fait utilement la proposition de loi.
Il est tout à fait opportun d’instituer dans le cadre du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve, qui deviendra sursis probatoire au mois de mars 2020 en l’application de la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice, une nouvelle interdiction, celle d’adresser des messages à la victime, notamment par voie électronique. Cela constitue notamment une réponse particulièrement appropriée aux faits de cyberharcèlement.
Une telle interdiction est plus précise et plus ciblée que l’interdiction générale d’entrer en relation avec la victime, prévue par le 9° de l’article 138 du code de procédure pénale et le 13° de l’article 132-45 du code pénal. Il est en effet primordial que les personnes astreintes à une interdiction d’entrer en relation avec la victime dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou d’un sursis avec mise à l’épreuve puissent percevoir la pleine portée des obligations et interdictions qui leur sont applicables.
Il convient de rappeler que le non-respect d’une interdiction du contrôle judiciaire peut entraîner le placement en détention provisoire d’une personne mise en examen et que le non-respect d’une interdiction prévue dans le cadre d’une mise à l’épreuve peut conduire à l’incarcération d’un condamné.
Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de ces clarifications particulièrement utiles.
L ’ article 6 bis B est adopté.
(Supprimé)
Chapitre IV ter
Prévention de la diffusion de contenus haineux en ligne
(Non modifié)
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation, après le mot : « critique », sont insérés les mots : «, à la lutte contre la diffusion des contenus haineux en ligne ». –
Adopté.
À la dernière phrase de l’article L. 121-1 du code de l’éducation, après la première occurrence du mot : « violences », sont insérés les mots : «, y compris en ligne, ». –
Adopté.
À la deuxième phrase de l’antépénultième alinéa de l’article L. 721-2 du code de l’éducation, après le mot : « information », sont insérés les mots : «, à la lutte contre la diffusion de contenus haineux ». –
Adopté.
Chapitre V
Dispositions finales
Un observatoire de la haine en ligne assure le suivi et l’analyse de l’évolution des contenus mentionnés au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée.
Il associe les opérateurs, associations, administrations et chercheurs concernés par la lutte et la prévention contre ces infractions, et prend en compte la diversité des publics, notamment les mineurs.
Il est placé auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel qui en assure le secrétariat.
Ses missions et sa composition sont précisées par décret pris après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
L’amendement n° 4 rectifié quinquies, présenté par Mmes N. Goulet, Vérien, Vermeillet, Férat et C. Fournier, MM. Bonnecarrère, Le Nay, Guerriau, Henno, Mizzon et Menonville, Mme Dindar, MM. Louault, Lefèvre, Danesi et Moga, Mmes Billon et Kauffmann, M. Chasseing, Mme Lassarade et MM. Decool, Lévrier et Janssens, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
D’une manière générale, nous avons peu d’estime pour les rapports et encore moins pour les observatoires ; Mme Goulet l’a exprimé dans l’exposé des motifs de l’amendement avec sa tonicité habituelle.
Outre que l’intérêt de créer des observatoires, avec à chaque fois un président et un secrétariat, est limité, la présente proposition de loi confie la régulation au CSA.
Ainsi, le rapport annuel du CSA comportera un chapitre consacré à l’application du texte dont nous sommes en train de définir les contours. En d’autres termes, nous disposerons du contenu des activités de cet observatoire dans le rapport et nous pourrons interroger les candidats à des fonctions au sein du CSA sur leur vision de leurs missions, en particulier en matière de lutte contre les contenus haineux, lors des auditions.
La suppression proposée par Mme Goulet me paraît donc parfaitement justifiée. Le traitement qui sera assuré par le CSA dans les conditions de communication que chacun de nous connaît me semble de nature à nous satisfaire.
Enfin, plusieurs collègues réclament des moyens supplémentaires. Nous aurons déjà un début de réponse en évitant de gaspiller des fonds dans un observatoire supplémentaire.
Dieu sait si la commission des lois n’aime pas les rapports ou les « comités Théodule », comme l’a si bien exprimé notre collègue Nathalie Goulet. Mais je me dois de vous apporter une précision.
Certes, cet observatoire de la haine en ligne exerce l’une des missions du CSA, mais il doit tout de même être mentionné en tant que tel. En effet, il ne sera pas uniquement composé de membres du CSA ; il comprendra des personnes issues de la société civile. Il ne s’agira donc pas d’une simple composante du CSA.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 4 rectifié quinquies est-il maintenu ?
L’amendement n° 4 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Castelli, Collin et Corbisez, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans des conditions établies par décret, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et le Conseil supérieur de l’audiovisuel recueillent les observations des associations, administrations et chercheurs qualifiés et échangent les informations de nature à améliorer la prévention et la lutte contre la publication de contenus illicites en ligne.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
L’article 7 de la proposition de loi vise à instaurer un observatoire de la haine en ligne rassemblant à la fois les autorités chargées de la régulation du secteur numérique, les administrations, les associations et les chercheurs spécialisés.
Sans remettre en cause l’importance du sujet, la création d’une nouvelle instance chargée du suivi de ces questions ne nous paraît pas pertinente. En effet, il nous semble au contraire qu’en parallèle de la vigilance du Parlement sur ces questions, il importe que le suivi soit assuré par les autorités de régulation elles-mêmes sans qu’il soit besoin d’institutionnaliser cette démarche. Cela relève simplement de la bonne administration. Je rappelle que notre vie républicaine est hantée de millefeuilles composés de nombreux observatoires, comités ou commissions dont l’effet sur la vie de nos concitoyens a été faible, voire parfois nul.
Dans cet esprit, nous proposons de rendre plus effective la communication entre les autorités de régulation concernées entre elles et avec les différents acteurs du milieu.
On ne peut que partager l’objectif des auteurs de cet amendement. Ils souhaitent que toutes les compétences soient mobilisées pour lutter contre la publication des contenus illicites.
Mais cet amendement est déjà satisfait par les dispositions de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, qui prévoit l’obligation pour elles d’échanger sur leurs sujets d’intérêt commun. C’est pourquoi j’en demande le retrait.
L’amendement n° 28 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Bizet et Allizard, Mmes Berthet, A.M. Bertrand et Bruguière, MM. Calvet, Cambon, Chaize, Charon et Cuypers, Mme de Cidrac, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. B. Fournier et Grand, Mme Gruny, MM. Kennel et Laménie, Mme Lassarade, MM. Le Gleut, Lefèvre, Panunzi, Pellevat, Pointereau, Regnard et Savary et Mme Troendlé.
L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Deroche et M. Mandelli.
L’amendement n° 24 est présenté par M. Daudigny.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1
1° Remplacer les mots :
de la haine
par les mots :
des contenus illicites
2° Après le mot :
contenus
insérer les mots :
illicites et en particulier ceux
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Cet observatoire assure un travail de liaison et de coordination avec le dispositif national de signalement des contenus illicites de l’Internet mis en œuvre par la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements placée au sein de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication de la direction centrale de la police judiciaire.
La parole est à M. Pascal Allizard, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
Les amendements n° 20 rectifié bis et 24 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 7 est adopté.
L’amendement n° 32, présenté par M. Bonnecarrère, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 2, après les mots : « leur caractère », il est inséré le mot : « manifestement » ;
2° Au premier alinéa du 3, les mots : « de l’activité ou de l’information illicites » sont remplacés par les mots : « du caractère manifestement illicite de l’activité ou de l’information ».
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Si j’étais malicieux, monsieur le secrétaire d’État, je dirais que le texte contient déjà suffisamment d’éléments de nature à mettre en doute sa constitutionnalité, et que l’objet de cet amendement est de vous éviter des ennuis supplémentaires…
Il vise simplement à tirer les conséquences dans la loi d’une réserve émise antérieurement par le Conseil constitutionnel.
Cette précision qui reprend la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très utile : avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Grand et Pellevat, Mme Thomas, MM. Lefèvre et Regnard, Mme Morhet-Richaud, M. Bonhomme, Mme Lherbier, M. de Nicolaÿ et Mme Bories, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences de la diffusion de contenus haineux sur internet visant les forces de l’ordre.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
À l’occasion de mouvements sociaux comme celui des « gilets jaunes », les forces de l’ordre ont été régulièrement filmées par des manifestants dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre.
Ainsi, de nombreuses images de policiers et de gendarmes ont été diffusées sur les réseaux sociaux, ce qui les rend facilement identifiables et en fait potentiellement des cibles, de même que leur famille.
Ces diffusions ont bien souvent été accompagnées d’injures, d’appels à la violence et de menaces.
Sauf dans certaines circonstances particulières, les membres des forces de l’ordre ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leur image lorsqu’ils effectuent une mission ni à sa diffusion. Or la préservation de leur anonymat garantit leur efficacité, mais aussi leur sécurité.
Afin d’évaluer les conséquences de la diffusion de contenus haineux sur internet visant les forces de l’ordre, cet amendement de notre collègue Jean-Pierre Grand prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement.
Le sous-amendement n° 65, présenté par MM. Sueur et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Assouline, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 21, alinéa 3
Après le mot :
Parlement
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
un rapport évaluant les conséquences de la présente loi sur la réduction des contenus haineux sur internet.
La parole est à M. David Assouline.
Le sous-amendement n° 65 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 21 rectifié ?
Ce sujet grave mérite d’être abordé.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
M. Cédric O, secrétaire d ’ État. La position du rapporteur m’étonne quelque peu. N’a-t-il pas déclaré, voilà quelques minutes, son amour des rapports ?
Sourires.
Le sujet de la lutte contre la haine envers les forces de l’ordre est effectivement grave, mais nous mourons de l’excès de rapports et de commissions.
Le plus important en la matière, c’est que la justice soit efficace et que l’observatoire puisse communiquer des données objectives.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
Je ne m’attendais pas à un avis favorable du rapporteur sur cet amendement.
Vous n’arrêtez pas de dire que vous ne voulez pas de rapports !
Nous avons tellement mis en doute l’efficacité de ce nouveau dispositif qu’il faudra sans doute l’évaluer le moment venu, mais nous pourrons très bien procéder nous-mêmes à cette évaluation.
J’ai cru comprendre que votre ligne, comme celle de nombreux rapporteurs, consistait à éviter les demandes de rapports superflus.
Le sous-amendement que j’ai retiré prévoyait de réaliser une évaluation générale de l’effectivité de cette loi et de son application. Mais, en l’occurrence, la demande de rapport ne porte que sur les contenus haineux concernant les policiers.
Franchement, déroger à un principe général pour un sujet si partiel, ce n’est pas très sérieux.
J’appelle notre assemblée à ne pas suivre cet avis personnel du rapporteur.
Très honnêtement, avec tout le respect que je dois au rapporteur de la commission des lois, je ne vois pas trop ce que cet amendement peut apporter. A-t-on besoin d’un rapport pour constater que la propagation de propos haineux vis-à-vis des forces de l’ordre a un impact certain sur le comportement de certains manifestants extrémistes ?
Évidemment, le rapport sera vite fait, mais la loi n’a pas besoin d’être inutilement bavarde et superfétatoire.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce genre de dispositions. Restons concentrés sur l’essentiel !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Suppression maintenue)
Les articles 2 et 3 et les I, I bis A et I bis de l’article 4 entrent en vigueur le 1er juillet 2020. Le I ter de l’article 4 entre en vigueur le 1er janvier 2021. –
Adopté.
I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 371-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 312-9, » est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 312-9 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. » ;
2° À la fin du troisième alinéa des articles L. 771-1, L. 773-1 et L. 774-1, la référence : « loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information » est remplacée par la référence : « loi n° … du … visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ».
II. –
Non modifié
III. –
Non modifié
1° Le premier alinéa du I de l’article 57 est complété par les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à lutter contre les contenus haineux sur internet » ;
2° L’article 58 est abrogé. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
Nous avons discuté, dans les conditions difficiles qui ont été décrites, de ce sujet très important. Malgré la fragilité des mesures proposées, y compris en termes de risque contentieux avec la Commission européenne, nous avons estimé qu’il était impossible de ne rien faire pour lutter contre les contenus haineux sur internet, un sujet absolument nodal pour le fonctionnement de notre démocratie.
Nous avons donc tenté de trouver une solution médiane pour ne pas vider l’article 1er de la proposition de loi de son contenu opératoire, contrairement au texte de la commission, avec lequel nous étions en désaccord.
Parce que nous sommes attachés à l’État de droit et que nous ne voulons pas que la régulation d’internet soit privatisée et confiée aux plateformes elles-mêmes – elles ne se sont pas montrées vertueuses jusqu’à présent –, nous avons voulu réécrire l’article 1er et donner le dernier mot au juge. Tel était l’objet de l’amendement de Marie-Pierre de la Gontrie, qui, malheureusement, a été rejeté.
Nous avons aussi voulu exclure explicitement la presse en ligne du champ de cette loi. Loin d’être superfétatoire, la précision était d’autant plus utile que la garde des sceaux, aux termes d’un ultime rebondissement, est finalement venue nous dire que la presse était bel et bien concernée. Il n’en demeure pas moins que cet amendement a été repoussé.
Nous nous retrouvons donc avec une proposition de loi que la commission a réécrite en enlevant son article principal. Ce texte aura finalement peu d’efficacité, et le chantier de la lutte contre les contenus haineux reste devant nous.
Ne partageant ni l’avis de la commission ni celui du Gouvernement, nous nous abstiendrons, en espérant toutefois que ce débat rebondisse bientôt, et que cette possibilité que nous avions d’agir ne se retourne pas contre nous, si jamais cette loi venait se fracasser sur des décisions du Conseil constitutionnel ou des instances européennes. Nous aurions alors reculé au lieu d’avancer.
Monsieur le secrétaire d’État, en nous disant que cette proposition de loi, ou plutôt ce projet de loi – il serait plus juste d’employer cette dénomination – ne constituait pas le cadre adapté pour régler, un soir, en fin de session, le problème des grandes plateformes, vous m’avez donné mon argumentaire. Ite missa est…
Sourires.
Que pouvons-nous ajouter de plus ? À quoi notre travail va-t-il servir, sachant que la diffusion de la haine sur internet constitue le modèle économique des opérateurs. C’est en grande partie, dans une économie de l’attention, l’augmentation de débit engendrée par la diffusion de ces contenus qui assure leur situation monopolistique.
Si l’on ne s’attaque pas au cœur de ce dispositif, on ne réglera pas le problème. Ce texte, comme avant lui la loi sur la manipulation de l’information, s’avérera malheureusement inutile. Il constituera un nouveau coup d’épée dans l’eau, ce que je regrette vivement, car le sujet est essentiel. Nous aurions pu nous en emparer plus sérieusement, avec un projet qui aurait suivi un réel diagnostic et qui aurait été mûrement réfléchi dans le cadre de la navette. Au lieu de cela, on va faire croire, une nouvelle fois, que l’on apporte une solution, alors que le problème restera entier.
Pour le régler, il faudrait une volonté politique que vous n’avez pas. Il faudrait surtout obliger les plateformes à respecter leur statut d’hébergeur et la neutralité qui lui est associée. Aujourd’hui, grâce à leurs algorithmes que vous ne voulez pas rendre publics, elles sont dans une situation d’éditeurs, car elles interviennent systématiquement sur les contenus et leur diffusion.
Il nous faudra certainement revenir sur la question de l’exercice de la liberté d’expression en ligne, ne serait-ce qu’en raison de l’agenda européen très chargé, qui nous contraindra probablement à prendre de nouvelles mesures de transposition.
Ce sera, je l’espère, l’occasion de travailler de nouveau sur un sujet qui touche en priorité nos jeunes. Grands consommateurs de réseaux sociaux, ils sont aussi particulièrement sensibles aux insultes et aux discriminations.
Espérons que nous disposerons alors de données et de retours d’expérience plus nombreux, notamment de l’évaluation de la mise en œuvre de la loi allemande.
À ce stade, une majorité du groupe du RDSE votera pour ce texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat. Les éléments les plus problématiques au regard de l’obligation de conformité au droit européen ont été retirés.
Il ne reste finalement presque que du « droit mou » : l’extension du pouvoir de recommandation du CSA et la création d’un observatoire qui lui serait rattaché. Finalement, après les travaux de notre assemblée, la procédure de notification n’a guère évolué, ce qui nous paraît plus sage.
Nous considérons toutefois que l’objet du texte mériterait de bénéficier d’une navette parlementaire afin de nous permettre un temps d’analyse et de rédaction supplémentaire. C’est dans cet état d’esprit que nous attendrons le résultat des travaux de la commission mixte paritaire.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire le bonheur d’un gouvernement contre lui-même !
Avec cette proposition de loi, monsieur le secrétaire d’État, vous avez choisi de mener un bon combat sociétal, sur un enjeu important. Vous avez également eu de bonnes intuitions, entre la régulation, l’obligation de moyens et l’outil technique que vous souhaitez constituer au service de l’Arcep et du CSA pour doter notre pays d’une expertise sur ces questions.
Malheureusement, l’article 1er affaiblit votre objectif. Le levier pénal est inadapté, selon nous, et il vient considérablement fragiliser votre construction. Si nous sommes convaincus de la crédibilité politique de votre texte, sa crédibilité juridique nous semble en revanche très faible, en raison des risques d’inconstitutionnalité et de non-conventionnalité – que vous avez très souvent évoqués ce soir, monsieur le secrétaire d’État –, sans même évoquer nos propres contraintes de droit interne.
Contrairement à M. Ouzoulias, je ne mets pas en cause votre volonté politique. Vous avez un calendrier politique, mais vous n’avez pas de calendrier législatif. Vous avez le souci de la rapidité, parce que vous avez identifié un enjeu politique important, mais la raison voudrait aussi que vous vous donniez le temps de construire, dans la relation entre les deux assemblées, un texte de qualité. Nous pourrions, à mon sens, ne pas en être très loin dans l’hypothèse d’une deuxième lecture.
Quant à l’argument de la procédure accélérée, le fait même que vous ayez déposé une proposition de loi, après deux rapports, et non un projet de loi montre bien que vous n’aviez pas le sentiment d’être réellement dans une situation d’urgence. Je regrette que le Gouvernement n’aille pas au bout de sa démarche, dans l’intérêt même du combat qu’il souhaite mener.
Cela étant, nous voterons le texte en l’état.
Je voterai bien sûr ce texte, monsieur le secrétaire d’État, mais du bout des lèvres, si j’ose dire. Légiférer de cette façon n’est guère satisfaisant…
Que constate-t-on depuis quelques mois sur la tentative de régulation du numérique ? Une succession de propositions de loi qui traitent de manière extrêmement ponctuelle et sectorielle des problématiques qui naissent d’un écosystème numérique malheureusement très déficient et nullement vertueux. Encore une fois, ce modèle n’est absolument pas durable, il est toxique, comme l’explique très bien cette excellente sociologue turque que j’ai citée lors de la discussion générale, dont les recherches ont été plusieurs fois primées aux États-Unis.
Dans ce contexte, qu’attendons-nous ? Il faudrait peut-être commencer par évaluer la loi pour une République numérique, un texte substantiel, dont le rapporteur est ici présent, et dont nous avions débattu pendant plusieurs semaines pour essayer de construire un embryon de régulation.
Nous devrions, Gouvernement et Parlement, prendre le temps de nous atteler ensemble aux sujets qui méritent d’être sérieusement pris en compte, peut-être en constituant aussi une task-forceau niveau européen, à la manière de ce qui a été fait pour le RGPD et pour la directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
Vous me glissez qu’il y a l’échéance du dîner du CRIF, le Conseil représentatif des institutions juives de France, monsieur le secrétaire d’État. Mme Avia m’a dit aussi qu’elle souhaitait que le texte soit concrétisé pour cette échéance.
Aussi respectables soient-elles, ces manifestations, qui sont aussi un bon vecteur de communication pour le Gouvernement, ne sauraient interférer sur le temps législatif.
Prenons notre travail au sérieux, mes chers collègues. À plusieurs reprises, en conférence des présidents, nous avons demandé deux lectures sur ce texte. Ce sujet important ne peut pas se traiter par-dessus la jambe, d’autant que nous avons reçu très tardivement la notification de la Commission européenne. Nous n’avons donc pas pu discuter avec la Commission pour voir comment nous pouvions avancer utilement.
La lutte contre les contenus haineux sur internet est un vrai sujet de société, qui nous préoccupe tout autant que les fausses nouvelles. Nous devons toutefois y apporter des réponses structurelles et complètes, qui prennent en compte le sujet dans son ensemble.
Nous comptons donc sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour nous réunir et remettre à plat ce sujet de première importance.
Personne ne sera surpris, je n’ai pas changé d’avis depuis le début de l’après-midi ! Le contraire serait surprenant, puisque rien n’a changé sur le fond… En en supprimant le cœur, c’est-à-dire le délit de non-retrait dans les vingt-quatre heures qui était prévu à l’article 1er, notre assemblée va retirer, à l’issue de ses travaux, ce qui fait la substance même de ce texte.
Nous nous retrouverons donc pratiquement dans la situation d’aujourd’hui – c’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui continuera à peu près à s’appliquer –, avec de très minimes modifications qui ne sont pas des reculs, mais qui sont vraiment minimes.
Par conséquent, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous n’aurons pas fait de progrès dans la lutte contre les contenus haineux sur internet. Bien entendu, je le regrette !
Il n’y a donc pas de raison, à notre avis, de voter le texte tel qu’il ressort des travaux du Sénat. Néanmoins, il ne constitue pas non plus, à proprement parler, un recul par rapport à la situation actuelle. Nous exprimerons donc notre indifférence plutôt que de l’hostilité et nous nous abstiendrons.
Le débat va continuer à l’Assemblée nationale. Il aura également lieu à l’échelon européen, sans doute modestement, en tout cas tardivement – nous en avons parlé en début de séance. Je souhaite que le Parlement français et le Gouvernement fassent tout ce qu’il faut pour qu’une nouvelle directive vienne remplacer le plus rapidement possible celle de 2000 qui est très largement datée et insuffisante. Il faut que nous arrivions rapidement au résultat que nous souhaitons vraiment.
Ite missa est, disait M. Ouzoulias. Je me permettrai de lui répondre : Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Combien de temps les Gafam vont-elles continuer de se livrer à des pratiques qui constituent progressivement une menace tant pour internet lui-même que pour nos valeurs démocratiques ? Nous voyons bien ce phénomène se produire. Quel changement par rapport à la naissance d’internet dans les années 1990, période où ces entreprises se présentaient comme un formidable atout pour les démocraties !
Bien entendu, ces menaces vont exactement dans le sens contraire de la devise de Google – Don ’ t be evil –, une devise par prétérition ou plutôt, finalement, par antiphrase, puisque la réalité que nous observons est son contraire…
Je pense que notre responsabilité, aujourd’hui comme demain, est de faire en sorte que cette devise se traduise concrètement de façon positive, et non négative comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui.
Le dernier mot est donc à la défense !
Ce texte était parvenu, initialement, à un équilibre et je regrette moi aussi que le délit de non-retrait des contenus haineux ait été supprimé par la commission des lois.
Je n’ai pas voulu entrer dans la polémique que David Assouline a voulu instaurer par rapport à la loi de 1881. Ce n’est pas parce que la garde des sceaux n’a pas strictement répondu de la façon dont l’aurait souhaité notre collègue que ce texte a effectivement quelque chose à voir avec cette loi. Celle-ci, rappelons-le, prévoit un cadre légal très particulier à toute publication ou à tout affichage ou colportage avec des infractions limitativement énumérées, un régime de prescription particulier, avec de brefs délais, ainsi qu’un régime de responsabilité en cascade. Il est évident que ce texte ne pouvait pas concerner la loi sur la liberté de la presse de 1881.
Mais je suis parlementaire et je vous réponds, mon cher collègue !
Finalement, malgré la suppression de la disposition essentielle qui était contenue dans l’article 1er, le texte qui ressort des travaux du Sénat contient tout de même des avancées – cela a été dit. C’est la raison pour laquelle, comme je l’annonçais lors de mon intervention en discussion générale, notre groupe va s’abstenir.
Je ne vais pas prolonger par trop cette soirée déjà tardive… Je remercie les sénateurs, au-delà de nos divergences, pour l’esprit constructif dans lequel a eu lieu la discussion sur cette proposition de loi.
De toute évidence, nous avons une divergence de vues et d’appréciation sur l’article 1er. Je le dis très clairement, nous n’estimons pas que la rédaction qui vous était proposée et qui a été corrigée par la commission des lois présente les risques qui ont été évoqués. Nous pensons que la référence aux vingt-quatre heures reste utile et nécessaire – je le redis, nous avons une divergence d’appréciation sur ce point. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut pas être favorable à la rédaction du texte tel qu’il ressort des travaux de la Haute Assemblée.
Je crois pourtant que nous visons tous le même objectif. C’est pourquoi il me semble que députés, sénateurs et Gouvernement doivent continuer de travailler ensemble pour essayer de rapprocher leurs points de vue dans l’optique de la réunion de la commission mixte paritaire. Ce serait une bonne chose.
J’ai entendu beaucoup de reproches sur la rapidité d’élaboration et d’adoption de ce texte. Or je crois que nous avons l’obligation d’agir, et d’agir vite. Il est quand même difficile pour un responsable politique de dire pendant des mois qu’il réfléchit, qu’il discute, mais que c’est long… Évidemment, la Haute Assemblée et l’Assemblée nationale sont en droit de dire qu’elles doivent pouvoir faire leur travail correctement. C’est évidemment un point de tension ; je pense que vous le sentez également en tant qu’élus.
Nous sommes vraiment face à un problème de santé publique, une urgence. Quasiment tout le monde connaît ou a eu vent de la situation d’un enfant, d’un adolescent ou d’une adolescente victime de cyberharcèlement. C’est cette urgence qui explique notre volonté d’aller vite.
Je ne partage pas les commentaires sur la fragilité du dispositif. Effectivement, comme je l’ai dit, nous devons encore travailler pour essayer de trouver un consensus sur l’article 1er. Cependant, j’ai conscience de la nécessité d’être humble. Personne, aucun pays dans le monde, n’a réglé le problème. Nous proposons de poser une première brique et nous estimons qu’elle va permettre de régler un certain nombre de questions. Il est probable que nous y reviendrons à l’avenir pour compléter et améliorer les choses, mais il est important de montrer notre ambition – c’est une demande très forte de nos concitoyens.
Sur les sujets plus structurels abordés à la fois par le sénateur Ouzoulias et la présidente Morin-Desailly, je le répète, la France porte, dans le cadre de la discussion sur l’agenda de la prochaine Commission européenne, la volonté d’une régulation nettement plus forte des plateformes structurantes, parmi lesquelles les grands réseaux sociaux – j’aurai l’occasion d’en discuter très prochainement avec Thierry Breton et Margrethe Vestager.
Il est évident que, pour des raisons tant économiques que démocratiques, la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement n’est pas satisfaisante. C’est naturellement un sujet qui relève d’abord du niveau européen, mais il nous faudra impliquer les parlementaires des deux assemblées dans les discussions. Pour des raisons évidentes, qui ont été rappelées par l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée, il faut essayer d’avancer à ce niveau pour créer un cadre robuste de régulation qui soit à la hauteur des enjeux démocratiques et économiques.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 décembre 2019 :
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger (texte de la commission n° 192, 2019-2020) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part (texte de la commission n° 189, 2019-2020) ;
Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2020 ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille (texte n° 157, 2019-2020) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (texte n° 204, 2019-2020).
À vingt et une heures trente :
Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.