Intervention de Bernard Rougier

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 17 décembre 2019 à 14h30
Audition de M. Bernard Rougier professeur à l'université sorbonne nouvelle — Paris 3

Bernard Rougier, professeur à l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 :

S'agissant de l'arsenal juridique, il m'est difficile de vous répondre : c'est à vous de décider s'il est suffisant !

J'ai un exemple en tête : le prédicateur de la mosquée Al-Furqan, à Champigny, dit des choses terribles sur les femmes, mais de manière habile. Il professe ainsi que la femme doit toujours obéir à son mari, y compris à ses besoins pressants, et que, lorsqu'elle agit ainsi, il n'y a pas de violence dans le couple. Au contraire, dans la société mécréante, si les femmes sont victimes de violences, c'est parce que les hommes sont frustrés. Je garde toutes ces prédications, car je m'attends à subir un procès. On devrait donc considérer que cet homme légitime le viol conjugal, milite contre l'égalité des citoyens, etc., mais si l'on ferme la mosquée, ses fidèles se diront victimes de l'islamophobie et continueront à organiser des cours dans les appartements. Nous sommes piégés.

Il y a un autre ordre de réponse envisageable, pour ne pas être répressif, il faudrait rendre possibles d'autres sociabilités afin de ringardiser ces comportements. Le problème, c'est que, à chaque fois qu'on le fait, les prédicateurs vont dans la salle de sport ou dans les espaces où sont les jeunes. Les tablighis, par exemple, offraient des boissons sucrées aux jeunes qui jouaient au foot ; à Mantes-la-Jolie, l'arbitre lui-même donne des cours de théologie après la fin des matchs et les hommes et les femmes sont séparés dans la sandwicherie. Comment constituer un milieu de vie susceptible de casser cette vision de l'islam ? C'est impossible. On ne va pas réindustrialiser pour mettre en oeuvre des solidarités ouvrières, recréer le parti communiste, non plus que ressusciter les maisons de la culture. Il faudrait un écosystème avec le ciné-club, le prof dévoué, des étudiants ayant des perspectives, une mobilité plus grande, moins de chômeurs, afin d'empêcher ces prédicateurs de resocialiser les individus sur le long terme par un mélange de cognitif et d'affectif.

La pire des situations se produit quand l'écosystème islamique mord sur le système politique local : à Aubervilliers ou à Tremblay-en-France, voire à Mantes-la-Jolie, par exemple, il faut passer par la mosquée pour trouver un logement social ou un emploi dans l'équipe municipale. C'est terrible ! Le système politique devient alors un instrument de valorisation du réseau religieux. Une partie de la violence retournée contre les maires me semble ainsi venir de promesses faites que l'on ne peut pas tenir : une mouvance qui a apporté au maire les voix nécessaires à son élection fait valoir des demandes impossibles à satisfaire, ce qui provoque de la violence. Le système politique local peut donc parfois devenir une ressource pour ces acteurs religieux. Il faudrait mettre en oeuvre des sociabilités alternatives, dessiner des perspectives, trouver des solutions, pour sortir les jeunes de ces milieux, les faire voyager. Pour cela, les préfectures ou le renseignement territorial devraient au moins être en mesure de pratiquer une lecture fine de l'espace en question.

S'agissant du CCIF, j'étais à la manif du 10 novembre. J'ai vu, bien sûr, les étoiles jaunes, mais ce qui m'a le plus choqué, c'est que, durant toute la durée du cortège, l'homme qui tenait le micro répétait : « nous saluons le rôle des justes dans cette manifestation ! » On sait bien qui sont ces « justes ». Il en allait de même des provocations de Marwan Muhammad s'adressant à « ceux qui ne parlent pas encore l'arabe ».

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